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IRIS
Les
méthodes de Bush fils ont montré leurs limites
Barah Mikaïl
Le
chercheur Barah Mikaïl évoque les répercussions pour le
Moyen-Orient des changements stratégiques qui se dessinent à
Washington.
Faut-il s’attendre à un
infléchissement de la politique américaine au Moyen-Orient ?
Il faut d’abord avoir toujours en tête que les États-Unis
sont un régime présidentiel. C’est donc entre les mains de
Bush qu’est concentré l’essentiel des décisions en matière
de politique internationale. Concernant les pas à pressentir de
la part des États-Unis sur l’échiquier moyen-oriental, il va
y avoir de toute façon un changement d’orientation de la part
de Washington. Mais il faut que ce soit un changement
d’orientation subtil, à leur sens, étant donné que toute
reconnaissance ou toute adhésion aux fondements du rapport de
la commission bipartisane, tout comme tout retrait précipité
d’Irak, serait significatif d’une défaite pour les États-Unis.
Défaite qui pourrait avoir des répercussions sur leurs intérêts
locaux. Parce que si les États-Unis montrent qu’ils avaient
tort de A à Z concernant l’aventure irakienne, ils seraient
bien peu à même, dans l’avenir, de pouvoir peser de manière
concrète et déterminante dans la région.
Si on regarde les débuts d’orientation que George W. Bush a
mis en place sur le plan interne, à savoir le remplacement de
son secrétaire à la Défense ainsi que le remplacement à
venir de son ambassadeur à l’ONU, John Bolton, on voit
qu’ils sont en train de reconnaître, de manière indirecte,
les limites de leur stratégie et sont donc d’ores et déjà
en train de procéder à une variation de leur approche régionale.
Nomination de Robert Gates,
recommandations de la commission bipartisane codirigée par James
Baker... Il semble que les anciens membres de l’équipe de Bush
père sont de retour ?
Exactement. On a l’impression que les fondements diplomatiques
tels qu’ils avaient été conçus et pensés par George Bush père
sont, au minimum, en train de prouver leur validité. Si l’on
regarde l’histoire récente des relations américano-moyen-orientales,
on constate que l’une des administrations qui a eu le plus de
succès c’est celle de Bush père, même si le contexte
international s’y prêtait. D’une part elle a réussi à
former une coalition composée de plusieurs États dont des États
arabes, en 1991. Dpart, cette administration a été à même de
rebondir sur cette donne pour lancer le processus de Madrid
c’est-à-dire toute une série de tractations et de négociations
entre Israël et les pays arabes environnants. Certes, il y a eu
des limites quant à l’aboutissement de cette stratégie sur
le plan diplomatique mais il n’en reste pas moins que
l’administration Bush père n’était pas perçue comme
hostile aux intérêts des acteurs du Moyen-Orient.
Aujourd’hui, la donne a changé. Les méthodes de Bush fils
ont montré leurs limites. En ce sens on a le sentiment que les
États-Unis sont à la recherche de leur re-légitimation au
sein du Moyen-Orient.
Barah Mikaïl est Chercheur à l’Institut de relations
internationales et stratégiques (IRIS). Il est l’auteur de la
Politique américaine au Moyen-Orient. Éditions Dalloz/IRIS,
2006. 260 pages, 18 euros.
Barah Mikaïl par P.B. / L’Humanité
/ 7 décembre 2006
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