Opinion
Syrie : Les «
grands reporters » qui ont choisi le
camp de la terreur devront rendre des
comptes
Bahar Kimyongür
Manifestation de
l’opposition syrienne organisée à
Tripoli dans le Nord du Liban au
printemps dernier.
On y voit les portraits d’Arour et de
Ben Laden, deux figures emblématiques du
takfirisme.
Sous leur portrait est indiqué : « Nous
sommes tous le cheikh Adnane Arour »,
« Nous sommes tous le cheikh Ben Laden »
Vendredi 26 octobre
2012 Alerte !
Arour le boucher est en Syrie. D’abord,
nos médias ont fait mine d’ignorer son
existence. C’est qu’il faisait un peu
tache d’huile sur leur joli tableau
printanier.
Une fois que sa barbichette teinte au
henné a inondé les écrans télé des pays
du Golfe et les rues syriennes acquises
à la rébellion, ces mêmes médias ont eu
le culot de traiter ses détracteurs de
propagandistes du régime de Damas.
Le quidam dont on parle ? Adnane Arour,
la Bête de l’apocalypse syrienne.
Originaire de Hama, Adnane Arour est un
ancien soldat de l’armée syrienne. Il a
été limogé, dit-on, pour une sombre
histoire de viol. Il
s’engage ensuite dans l’insurrection
anti-baathiste. Mais la répression le
contraint à fuir le pays.
Durant son exil saoudien, il se recycle
dans le takfirisme, un courant sunnite
radical qui prône l’Inquisition contre
tous les courants religieux non sunnites
à commencer par les chiites et les
alaouites considérés comme
« pires que les Juifs ».
A partir de 2006, il anime une émission
sur Wissal TV où il exhorte les jeunes
sunnites à aller égorger les hérétiques
chiites et alaouites et à
« s’occuper de leurs
filles entre 14 et 16 ans ».
C’est à croire que sa pieuse retraite en
« terre sainte » n’a
eu aucun effet sur ses pulsions
perverses. En
Occident, certains s’étonnent
aujourd’hui que la rébellion syrienne
puisse faire preuve de tant de cruauté à
l’encontre des forces loyalistes ou de
simples citoyens qui ont le malheur
d’appartenir à la mauvaise confession.
Depuis son célèbre appel à
« hacher les alaouites »
et à « donner leur chair
aux chiens » en cas d’insoumission
au califat qu’il prône, son nom décore
les poubelles de nombreuses villes.
Mais sur les pentes du Djebel Zawiya, le
« Peshawar » syrien,
une zone montagneuse de la province
d’Idlib réputée puritaine et réfractaire
aux idées progressistes du panarabisme
laïc, Arour fait des émules.
Officiellement, les commandants de l’ASL
ne voulaient pas de cet énergumène.
Mais il y a quelques jours, Arour a été
accueilli en véritable Pierre L’Ermite
de cette armée prétendument libératrice.
Arour prononça même le discours
inaugural du «
Commandement central des conseils
révolutionnaires syriens »
fraîchement créé dans le Nord de la
Syrie en présence de son fils Mohammed
Arour lui aussi combattant de la
rébellion unifiée.
Arour avec les
commandants de l’insurrection à Idlib,
octobre 2012
Avec la verve qu’on lui connaît, Arour
s’attaque aux opposants prêts à un
cessez-le-feu avec l’armée syrienne,
reprochant à ces mêmes militants d’être
« plus dangereux que le
régime ». A la
veille de l’Aïd El Adha, il paraît donc
difficile d’envisager le moindre
apaisement avec un tel provocateur dans
les rangs de la rébellion.
Etaient présents à cette grand-messe
démocratique copieusement arrosée d’«
Allah ou Akbar » le major de l’ALS
Maher Al-Naimi et le lieutenant-colonel
Amar Abdullah Al Wawi du Mouvement des
officiers libres. Récemment blessé dans
une attaque de la base aérienne d’Abou
Al Duhur et soigné à Antakya, certaines
sources avaient donné Al Wawi pour mort.
A noter aussi que dans son discours,
Adnane Arour n’a pas manqué de remercier
les Etats turc et jordanien avec une
mention spéciale pour la dictature
saoudienne : « Moi je
sais tous les sacrifices consentis par
l’Arabie saoudite » a-t-il confié.
Et de conclure par un vibrant
remerciement adressé aux
« hommes d’honneur du Qatar et du Liban
». En janvier de
cette année, Arour s’était rendu en
Libye. En direct de Tripoli, il avait
félicité l’aviation de l’OTAN pour son
travail de précision dans ses
bombardements contre les villes et les
quartiers fidèles à Mouammar Kadhafi.
Arour demande la même chose pour son
pays. Message très vite reçu par le
safari club de BHL qui rempile sur le
front syrien aux côtés de ses frères
d’armes Kouchner, Glucksmann, Bérès et
Bettati (cf. Le Monde,
Assez de dérobades, il
faut intervenir en Syrie, 22 octobre
2012) Le Grand Soir
tant espéré par les démocrates syriens
sincères mais naïfs aura été de courte
durée. Avec le retour
d’Arour en Syrie, bonjour l’Apocalypse.
Bahar Kimyongür
24 octobre 2012
Bahar Kimyongur est
auteur de Syriana, la conquête
continue, Ed. Couleur Livres &
Investig’action, 2011 et porte-parole du
Comité contre l’ingérence en Syrie (CIS)
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