Stop à l'intervention occidentale en
Syrie
Les Etats-Unis,
pourvoyeurs de terroristes
et fauteur de guerre en Syrie
Bahar Kimyongür
Jeudi 13 septembre 2012
Jadis,
l’Occident menait la Guerre Sainte pour
répandre le christianisme et la
civilisation. Aujourd’hui, la religion
nouvelle s’appelle « droits de l’Homme
», « démocratie » ou « protection des
civils ».
Au nom de ses
valeurs et de ses intérêts, l’Occident,
Etats-Unis en tête, ne recule devant
aucun sale coup : financement de groupes
d’opposition et de filières terroristes,
désinformation, opérations
psychologiques (Psyops), livraison
d’armes, formation de mercenaires,
actions de sabotages et de
déstabilisation, embargos et sanctions,
attentats ciblés, attentats aveugles et
au besoin, bombardements massifs.
Si la Syrie est
aujourd’hui dans la ligne de mire de nos
Etats, ce n’est certainement pas parce
que le régime maltraite ses opposants.
Nous avons vu en effet comment nos
élites pouvaient faire preuve de
compassion et d’indulgence envers leurs
alliés régionaux qui ne sont pas moins
violents comme le régime de Tel-Aviv,
celui d’Ali Abdallah Saleh au Yémen, de
Ben Ali en Tunisie, celui des Saoud au
Royaume du même nom ou celui des Al
Khalifa au Bahreïn.
D’abord, la Syrie
paie le prix de son attachement à sa
souveraineté nationale. C’est le dernier
pays arabe capable de résister au
courant néoconservateur qui déferle avec
le soutien de l’Occident sur les pays de
la région à la faveur du « printemps
arabe ».
Ensuite, la Syrie
subit des représailles pour son
insoumission à Israël. L’alliance
stratégique que Damas a tissée avec
l’Iran et les organisations de la
résistance libanaise et palestinienne
est un crime grave et sans appel aux
yeux de nos élites. Officiellement en
état de guerre avec Israël, l’Etat
syrien est de surcroît doté de la
dernière armée arabe capable de résister
à la superpuissance de Tsahal.
Tous les
mémorandums altruistes de l’Occident sur
la Syrie ne servent qu’à dissimuler ces
deux réalités. Pour se rendre compte de
l’imposture humanitaire, est-il besoin
de rappeler l’aveu d’Henry Kissinger,
ancien secrétaire d’Etat sous le
président Ford, affirmant que « les
grandes puissances n’ont pas de
principes, seulement des intérêts » (cf.
Georges Soros, On Globalization, New
York Review of Book, 2002, p. 12) ?
Nous aurions bien
voulu croire que la mission de nos
élites soit de répandre le Bien. Mais
nous pensons avoir le droit d’être
sceptique quant aux intentions et aux
moyens mis en œuvre en Syrie par ceux-là
même qui nous avaient tant promis
l’avènement de la démocratie en
Afghanistan, en Irak ou en Libye.
La Libye pour ne
citer que cet exemple a curieusement
disparu de nos écrans-radars alors que
les milices y font régner la terreur et
procèdent à une épuration ethnique et
religieuse méthodique. Des dizaines de
milliers de prisonniers politiques
accusés de loyauté envers l’ancien
régime et d’émigrés subsahariens
croupissent dans plusieurs prisons
secrètes. Ces détenus sont
quotidiennement torturés et parfois
assassinés dans l’indifférence générale.
Tous les jours, des attentats sont
commis par des inconnus et des
règlements de compte opposent des bandes
rivales. Les tombeaux des saints
considérés comme « hérétiques » sont
détruits un à un sous le regard
bienveillant des nouvelles forces de «
sécurité » (cf. De Morgen, 30 août
2012). Bref, la Libye est en pleine voie
de « somalisation ».
Depuis dix-neuf
mois, un feu destructeur ravage la
Syrie. Affirmer que ce feu est alimenté
par la seule intransigeance et la seule
brutalité du pouvoir syrien est
parfaitement malhonnête. Car ce feu
n’est ni une nouveauté ni exclusivement
dû à des facteurs intérieurs. Ce feu est
en effet entretenu sous forme de guerre
larvée par les puissances occidentales
depuis la libération de ce pays en 1946
du joug français. Soucieuse de restaurer
leur tutelle sur la Syrie, ces
puissances coloniales ont indirectement
contribué à la militarisation de ce pays
en soutenant la création et l’expansion
d’Israël (1948) ainsi que toutes les
pétromonarchies du Golfe dont le
discours religieux sectaire s’avérait
utile face au panarabisme prôné entre
autres par l’Egypte de Nasser et la
Syrie baassiste. En avril 1949, pour
établir leur hégémonie sur la Syrie et
soulager Israël, les USA ont soutenu le
coup d’Etat du colonel Za’im. En 1957,
soit bien avant l’avènement de la Syrie
d’Hafez el-Assad, l’axe
américano-britannique a planifié
d’assassiner trois dirigeants syriens
jugés trop pro-soviétiques (cf. Ben
Fenton, The Guardian, Macmillan backed
Syria Assassination Plot, 27 septembre
2003). A l’époque, tous les plans de
renversement du régime baassiste ont été
envisagés par la CIA et le SIS (MI-6) :
organisation de troubles, appels à
l’insurrection, création d’un « Comité
Syrie Libre », armement de l’opposition,
« activation des Frères Musulmans à
Damas ». Bien naïf serait celui qui
nierait la similitude entre cet épisode
de l’histoire syrienne et la situation
actuelle.
Revenons un moment
sur le traitement de l’information à
propos des événements récents. A partir
de mars 2011, profitant de l’agitation
naissante dans le pays, nos experts en
communication ont exagéré le poids de
l’opposition et l’ampleur de la violence
d’Etat tout en minimisant le réel
soutien populaire dont dispose le
gouvernement de Damas ce que d’ailleurs
l’ambassadeur de France en Syrie Eric
Chevalier n’a pas manqué de reprocher à
son ministre Alain Juppé. On nous a
sciemment caché la militarisation d’une
partie de l’opposition syrienne et la
présence de groupes terroristes
s’infiltrant depuis le Liban, une
réalité pourtant constatée dès le mois
d’avril 2011 par des journalistes d’Al
Jazeera, la chaîne qatarie. La censure
imposée par le patron d’Al Jazeera alias
émir du Qatar sur les événements qui
révéleraient la conspiration
anti-syrienne a contraint ces
journalistes à faire « défection » pour
utiliser un terme que l’on nous sert
toujours à sens unique. Qui plus est, à
vouloir dénoncer systématiquement la
propagande de l’Etat syrien, la presse
mainstream occidentale a soit gobé soit
alimenté la propagande de l’opposition
radicale allant jusqu’à déguiser des
massacres de soldats ou de civils par
des terroristes en « crimes de la
dictature » comme à Jisr-Al-Choughour
(juin 2011), Houla (mai 2012), Deir Ez
Zor (mai 2012) ou Daraya (août 2012). On
peut en conclure que l’Occident mène au
moins une guerre psychologique contre la
Syrie.
Est-il cependant
raisonnable de croire que l’Occident
n’est pas militairement engagé dans ce
pays ?
En automne de
l’année dernière, lorsque le
gouvernement syrien a appelé les
conjurés à déposer les armes, Victoria
Nuland, porte-parole du département
d’Etat US, a sommé ses protégés syriens
de désobéir. Parallèlement, les agents
de la CIA et leurs acolytes européens
ont incité les soldats syriens à passer
dans les rangs d’une armée de
mercenaires placée sous commandement de
l’OTAN par le truchement de l’armée
turque. Sans surprise, les QG de l’Armée
syrienne libre (ASL) installés au Hatay
accueille désormais des terroristes du
monde entier désireux d’en découdre avec
les Syriens patriotes accusés d’être des
« infidèles » à la solde de « l’ennemi
chiite ». Ces terroristes y reçoivent
une formation militaire, des armes, des
pick-up surmontés de
fusils-mitrailleurs, des MANPAD
(systèmes portatifs de défense
anti-aérienne) et des appareils de
communication performants. « Nous avons
surtout récupéré des roquettes RPG9
puisées sur les stocks de l’armée
saoudienne » jubile un rebelle dans les
colonnes du Figaro (28 juin 2012) qui
ajoute « Elles ont été acheminées par
avion, jusqu’à l’aéroport d’Adana, où la
sécurité turque a surveillé les
déchargements avant de savoir à qui ces
roquettes allaient être destinées ».
Petits détails : l’armement saoudien est
essentiellement américain et la base
turque d’Adana dont parle le terroriste,
est la base américaine d’Incirlik.
L’Occident s’est longtemps défendu de
fournir des « moyens létaux » aux
terroristes alors que des agents du
Service fédéral de renseignement (BND)
croisant au large de la Syrie
transmettaient des informations
concernant les mouvements des troupes
syriennes aux services britanniques et
US pour qu’elles parviennent aux
rebelles (cf. Bild am Sonntag, 19 août
2012). Selon le Sunday Times, les
services britanniques basés à Chypre ont
eux aussi aidé les insurgés à mener
plusieurs attaques. Le fait d’indiquer à
ces derniers à quel moment et quel
endroit ils doivent tirer sur les
troupes syriennes ne revient-il pas de
facto à participer militairement au
conflit ? L’Occident semble donc loin
d’être neutre et habité par de louables
intentions. En cette époque de crise et
de récession, il peut même se targuer de
mener une guerre low cost dans laquelle
les seules victimes sont des Arabes.
En rappelant ces
faits, notre but n’est absolument pas de
minimiser les responsabilités du
gouvernement de Damas dans la terrible
répression du mouvement de contestation
syrien, les crimes d’Etat commis au nom
de « la paix et la sécurité », le degré
de corruption de certains hauts
fonctionnaires de l’Etat, la cruauté de
ses services de renseignement, ni
l’impunité dont ils ont trop longtemps
bénéficié. Tous ces facteurs internes de
la tragédie syrienne font partie des
éléments déclencheurs de la légitime
révolte populaire lancée en mars 2011.
Nous réitérons au
passage notre profonde indignation face
au degré de violence du conflit syrien
et souhaitons que le peuple syrien
puisse accéder à l’improbable démocratie
à laquelle il aspire légitimement.
En soulignant le
rôle de l’Occident dans la
militarisation de l’Etat syrien, nous
tenons avant tout à renouveler cet
avertissement à ceux qui croient en « la
libération » du peuple syrien par la
voie des armes : au-delà du caractère
illégitime de l’action de nos pompiers
pyromanes, celle-ci a pour seul résultat
l’augmentation de la souffrance de ce
peuple et entraîne inexorablement
l’humanité dans une aventure aux
conséquences que nul ne peut aujourd’hui
mesurer.
Les show médiatique
d’un Laurent Fabius qui appelle au
meurtre du président syrien (en
déclarant qu’il ne mérite pas de vivre),
celui d’un Didier Reynders qui vient de
plaider au sommet de Paphos pour « le
devoir d’ingérence » en Syrie ou les
déclarations scandaleusement violentes
de l’administration Obama ne font que
précipiter l’humanité vers ce chaos.
Hier -au nom du
respect de la souveraineté des peuples,
de l’humanisme et de la paix-, nous,
avons dénoncé l’invasion de
l’Afghanistan sans pour autant éprouver
de sympathie pour les Talibans. Nous
avons manifesté contre l’invasion de
l’Irak sans pour autant défendre le
président Saddam Hussein. Nous avons
protesté contre l’ingérence occidentale
en Côte d’Ivoire sans être des
laudateurs du président Laurent Gbagbo.
Nous nous sommes indignés de
l’implication occidentale dans la guerre
civile libyenne sans adorer le dirigeant
Kadhafi. Et aujourd’hui, nous nous
insurgeons contre l’intervention
militaire en cours en Syrie sans pour
autant être des partisans du président
Bachar El-Assad.
Constatant que la
destruction de la Syrie ne profite qu’à
ses ennemis de toujours, conscients que
seules les initiatives prônant la paix,
le dialogue et la réconciliation
pourront offrir une alternative digne et
viable au peuple syrien, nous appelons
tous les véritables amis de la Syrie à
condamner l’ingérence de nos dirigeants
dans les affaires intérieures de ce
pays.
Dans le cadre du
lancement de notre campagne pour la
paix, le dialogue et la réconciliation
en Syrie, nous appelons à protester
contre l’ingérence militaire occidentale
par un rassemblement devant l’ambassade
des Etats-Unis à Bruxelles le mardi 25
septembre à partir de 18 heures.
Bahar Kimyongür
Pour le Comité contre l’ingérence en
Syrie
Le
dossier Syrie
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