Opinion
Redéploiement
français en Afrique du Nord ?
Badis Guettaf
Dimanche 16 décembre
2012
La
prochaine visite de François Hollande en
Algérie aurait la particularité de
rompre avec une tradition bien établie
de l’ordre des visites des présidents
français en Afrique du Nord. La chose
aurait même une importance vitale. A
telle enseigne qu’ils sont très rares
les articles de presse qui ne traitent
pas de la crispation du Makhzen du fait
que le Maroc n’ait pas été le premier
pays d’accueil ou du jeu d’équilibre que
jouerait l’Elysée entre les «deux frères
ennemis». Comme si les relations entre
Etats pouvaient se résumer à ce type de
considérations et que le sort de
l’Algérie devait impérativement être lié
aux humeurs du Makhzen. Ceci dit, la
signification du protocole contient,
sans nul doute, des messages assez
importants, pour une monarchie très
attentive aux comportements de ses
parrains. Mis à part le caractère
sordide de cette attitude, qui renvoie à
cette allégeance dégoulinante
d’obséquiosité dont dépend la
sollicitude des puissants, il y a lieu
peut-être d’en comprendre les tenants.
Le roi a eu, en compensation, une forte
délégation conduite par le Premier
ministre chargée d’atténuer l’affront
fait à sa majesté. Pour lui expliquer,
c’est probable, que désormais les
priorités ont changé eu égard aux
déplacements des centres d’intérêts. Le
Makhzen aurait donc à craindre pour son
statut de «colonisateur», qu’il doit
entièrement à sa vassalité et à sa place
dans l’échiquier d’une Françafrique qui
prend l’eau. Sachant qu’il ne compte
qu’en tant que couloir stratégique vers
le Sahel et que ce rôle est de moins en
moins utile, devant les bouleversements
que connaît la région et devant les
nécessaires redéploiements de forces qui
sont en train de se produire. La crise
du Mali a démontré ce phénomène. C’est
l’Algérie qui est le verrou
incontournable et dont la diplomatie a
prévalu, jusqu’ici, contre les velléités
d’intervention militaire. Ajouté à cette
situation, comparativement au royaume,
l’Algérie a des atouts bien plus
intéressants pour une économie française
en mal d’oxygène. Et puis la France
n’est plus seule sur le coup et a, de
surcroît, affaire avec des concurrents
aux arguments très convaincants, dont
les Etats-Unis, qui n’ont pas d’états
d’âme quand il s’agit de dessiner la
cartographie qui colle à leurs
objectifs. De quoi jeter une bonne dose
d’incertitude dans les plans royaux. En
ce sens on peut saisir la lecture qui
est faite de la préséance décidée par
l’Etat français. Non seulement l’Algérie
n’est plus une cible de l’offensive
«printanière», comme elle le fut, du
temps de Nicolas Sarkozy, mais le Maroc
risque de perdre son utilité de
«contrepoids régional», en plus du fait
que le soutien à l’occupation du Sahara
occidental peut devenir inutile, voire
jugé contre-productif. A la base ce
seront les insoutenables pressions des
entreprises et des opérateurs en mal de
débouchés ou d’investissements juteux
qui pourront déterminer le sens à donner
aux relations. Reste à l’Algérie
d’exploiter ses atouts et de ne rien
céder qui n’ait des retombées positives
sur ses besoins en développement et en
consolidation de ses capacités
économiques.
B. G.
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