Ha'aretz
De
quoi vous êtes-vous alarmés ?
Assad
Ghanem
Haaretz, 19 décembre 2006
www.haaretz.co.il/hasite/spages/802692.html
Les revendications présentées
par des Arabes d’Israël dans le document « Vision future »
sont tout à fait modestes.
La
semaine dernière, les Palestiniens citoyens d’Israël ont fait
la une des journaux par la grâce d’un document fondamental rédigé
par un groupe d’intellectuels et de militants arabes. Une
quarantaine de militants, dépassant leurs désaccords, ont
participé à la préparation du document et formulé la « Vision
future des Arabes palestiniens en Israël ». C’est le
premier document collectif rédigé par des personnalités de tout
l’éventail politique des Palestiniens en Israël : des
membres des partis Hadash, Balad, du mouvement islamique, des
villageois et des adhérents aux partis sionistes. Ce document
exprime, au plus près de la réalité, les revendications des
Palestiniens en Israël.
Côté
juif, une partie des réactions ont été de colère. Certaines
personnalités sont allées jusqu’à présenter le document
comme un élément du processus de détachement de la communauté
palestinienne d’Israël d’avec l’Etat et sa majorité juive.
Les faiseurs d’opinion, pour une partie d’entre eux, n’ont
pas considéré dans un esprit pragmatique les revendications
avancées dans le document. Il semble bien qu’au moins certains
n’ont pas pris la peine de lire le document et se sont nourris
de titres lourds de menaces, lus dans la presse.
Qu’y
avait-il dans le document ? Les Palestiniens en Israël et
leurs dirigeants communautaires font connaître leurs
revendications. Ils ne cachent rien et adressent une demande
claire et objective de citoyenneté pleine, entière, et égale.
Pour le dire simplement : ils prennent leur citoyenneté au sérieux.
Le document présente une revendication d’intégration, d’égalité
et de loyauté dans le cadre israélien et non en dehors de
celui-ci. Il n’y a pas ici de demande d’abrogation de
l’existence d’Israël ni de demande de règlement autre que
celui admis aujourd’hui par la majorité des Juifs et des Arabes :
deux Etats, Israël et Palestine. Nous avons des revendications à
adresser à l’Etat, parallèlement au fait que nous remplissons
toutes les obligations qu’il nous a été demandé de remplir.
Les
Palestiniens en Israël ont mis en avant, dans ce document, un
ensemble raisonnable et reconnu de revendications des groupes
minoritaires, selon les normes internationales. Ce sont des
« exigences minimales »
de minorités autochtones. Le groupe minoritaire, qui est le
groupe autochtone, revendique l’égalité sur sa terre, dans sa
patrie. Il ne demande pas qu’on déménage la majorité immigrée,
mais revendique un traitement équitable de la part de l’Etat.
Revendiquer
que l’Etat se « reconnaisse
comme patrie commune de ses citoyens arabes palestiniens et juifs »,
est-ce là une revendication extrémiste ? Ou n’est-ce pas
précisément le fait d’exiger des Arabes qu’ils renoncent à
cela qui est extrémiste ? Revendiquer qu’il soit mis fin
aux mesures adoptées par l’Etat et portant atteinte à la
communauté arabe, et que soit instauré un arrangement qui assure
à la communauté arabe un droit de veto sur des mesures qui lui
portent atteinte, est-ce, là encore, une revendication extrémiste ?
Ou bien est extrémiste le fait, justement, d’attendre des
Arabes qu’ils y renoncent ? Revendiquer l’instauration
d’un régime de « démocratie
régulée » qui assurera une intégration
proportionnelle et égalitaire de la communauté arabe dans toutes
les institutions de l’Etat, est-ce là une revendication séparatiste ?
Ou n’est-ce pas précisément ce qui caractérise la situation
existante avec l’exclusion délibérée des citoyens
palestiniens par les institutions de l’Etat ?
Qui
a décrété qu’un Etat juif s’accompagnerait de mesures
d’oppression, d’expropriation, de lois de citoyenneté
racistes et d’une politique de discrimination tous azimuts ?
Etait-ce des citoyens palestiniens de l’Etat ou des institutions
juives de l’Etat ? Et si c’est cela l’Etat juif, alors
nous nous opposons à l’Etat en tant qu’il est juif, mais le
jour où Israël sera juif à la manière dont la Grande-Bretagne
ou la Suède est chrétienne, nous pourrons revoir notre position.
Aujourd’hui, il ne nous reste aucune ouverture, sauf à nous
opposer au caractère juif d’Israël.
L’essentiel
du document est consacré à une action interne à la société
palestinienne en Israël. La source de la faiblesse des
Palestiniens citoyens d’Israël est interne. Il importe
d’examiner les maladies sociales internes et d’essayer d’y
porter remède pour qu’elle devienne une société plus saine,
qui puisse organiser un système régulier d’action politique,
sociale et culturelle. Et cela, afin d’amener l’instauration
d’un Etat israélien normal, qui nous appartiennent exactement
comme il vous appartient.
* L’auteur dirige le département ‘Gouvernement
et pensée politique’ de l’Université de Haïfa et il est
membre de l’équipe qui a préparé le document « Vision future des Arabes palestiniens en Israël ».
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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