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RIA Novosti
Parcours d'un
révolutionnaire, Muammar Kadhafi
Andreï Mourtazine
Photo RIA Novosti
Lundi 31 août 2009 Muammar Kadhafi qui dirige la Libye depuis
40 ans est aussi bien connu dans les pays arabes que dans
le reste du monde. Kadhafi est le dernier représentant de la
vieille génération des nationalistes révolutionnaires venus au
pouvoir à la suite des coups d'Etat militaires dans les années
1950 et 1960 du siècle dernier. Le 1er septembre 1969, il mène
avec un groupe d'officiers un coup d'Etat contre le roi
Idris 1er qu'il renverse et proclame la République
libyenne.
Plus tard, dans la deuxième moitié des années 1970, le
leader libyen rebaptise son pays en "Jamahiriya arabe
libyenne populaire et socialiste (JALPS)", ce qui deviendra
l'appellation officielle de la Lybie. Le terme Jamahiriya est un
néologisme introduit par Kadhafi qui signifie en arabe l'Etat
des masses.
Le fondement idéologique de la politique appliquée par
Kadhafi est sa propre "Troisième théorie universelle"
d'édification d'une nouvelle société exposée dans son "Livre
vert". La théorie de Kadhafi proclame un "véritable pouvoir du
peuple" sans parlement où siègent les élus du peuple. En
Libye, il n'y a pas non plus de partis politiques, car, selon
la théorie de Kadhafi, "le système des partis est "un avortement
de la démocratie", le salariat y est aboli puisqu'il est une
espèce d'esclavage, par contre, sont mis en place des rapports
de partenariat rémunérés, le gouvernement y est dissout
pour être remplacé par les comités du peuple, analogues des
Commissariats du Peuple de l'URSS. En Libye, tout semble
être criblé de citations du "Livre vert", effectivement, on peut
les rencontrer non seulement dans les manuels scolaires et dans
les établissements d'Etat, mais aussi pratiquement sur chaque
enceinte à Tripoli.
Il y a dix ans encore, le colonel Kadhafi était considéré en
'Occident comme un mal inévitable qu'il fallait tolérer.
Aujourd'hui, il est, sinon un ami, du moins un partenaire de
Paris, de Rome, de Londres, de Moscou, et même de Washington.
D'ailleurs, les métamorphoses du régime de Muammar Kadhafi sont
compréhensibles.
Un colonel libyen
Dans les années 1970 et dans la première moitié des années
1980, Muammar Kadhafi a avantageusement vendu son pétrole, ce
qui permettait de vivre dans l'aisance non seulement à lui,
mais aussi à 3,5 millions de ses concitoyens. Cependant, le
révolutionnaire ardent Kadhafi a décidé de lutter, comme Trotsky
et Che Guevara, contre l'impérialisme dans le monde entier et
s'est mis à financer cette lutte. Les services secrets libyens
ont orchestré plusieurs actes terroristes qui ont
littéralement bouleversé le monde occidental. On peut citer,
parmi eux, l'explosion du 5 avril 1986 à la discothèque "La
Belle" de Berlin-Ouest, frequentée par des miltaires
amricains, et laquelle a fait 3 morts et plus de 250 blessés.
La piste libyenne est tout de suite retenue par la police
allemande. La réaction des Américains est rapide, dix jours plus
tard, dans la nuit du 14 au 15 avril, Ronald Reagan ordonne un
raid de bombardement contre les villes libyennes de Tripoli et
de Benghazi. La résidence de Kadhafi figurait parmi les cibles.
Lors de ce raid, le leader libyen s'en sort sain et sauf,
mais ce n'est point le cas pour 40 lybiens dont sa fille
adoptive qui y trouvent la mort.
La vengeance de Kadhafi a été encore plus terrifiante. Le 21
décembre 1988, un Boeing-747 de la compagnie aerienne Pan Am
explose en plein vol au-dessus du village écossais de
Lockerbie. Cet attentat aérien a fait 270 morts, dont 189
Américains. Dans un rapport d'enquête sur cet incident, les
services secrets américains désignent deux exécutants
immédiats de cet acte terroriste, les Libyens Abdel Baset al-Migrahi
et Amin Fahim. Al-Migrahi, condamné par la Cour internationale
de la Justice de La Haye à la reclusion n'a été livré à
l'Ecosse qu'en 1998. Après avoir purgé sa peine pendant 11 ans,
il a regagné ces jours-ci Tripoli où il a été accueilli en
héros national.
En 1992, le Conseil de sécurité de l'ONU a voté des sanctions
économiques à l'encontre de la Libye. Kadhafi s'est avéré dans
un isolement international et pour briser celui-ci la seule
issue qu'il avait, était d'accepter un compromis avec
l'Occident, mais le colonel libyen a alors fait fi de
cette opportunité ...
La leçon irakienne
La guerre en Irak et le renversement du régime de Saddam
Hussein ont "dégrisé" de nombreux dirigeants arabes qui
comprenaient que chacun d'entre eux aurait pu se trouver à la
place de Saddam. Muammar tire d'emblée des enseignements de la
leçon irakienne et modifie radicalement sa politique étrangère.
Il annonce qu'il renonce aux programmes de développement
d'armes de destruction massive et invite les inspecteurs
de l'AIEA à effectuer des visites à son site nucléaire de
Tajira. Qui plus est, sans pour autant reconnaître la faute de
la Libye, Muammar Kadhafi verse des indemnisations aux victimes
de Lockerbie: 10 millions de dollars pour chacune d'entre elles.
Washington fait preuve de réciprocité en levant en 2004
l'embargo imposé à la Libye et va même jusqu'à exclure en
2006 celle-ci de la liste des pays qui financent le
"terrorisme international".
En 2007, le leader de la révolution libyenne fait un autre
pas de bonne volonté et libère les infirmières bulgares et
un médecin palestinien qui avaient été emprisonnés en Libye sous
une inculpation monstrueuse et absurde d'avoir sciemment inoculé
le SIDA à des enfants libyens. Par ailleurs, l'Occident n'est
pas demeuré en reste. Muammar Kadhafi a été invité à se rendre
en Espagne et en France, Tony Blair, alors premier ministre, se
rend en visite en Libye. Kadhafi a ainsi fait son entrée par la
grande porte en Europe, laquelle en retour a reçu l'accès au
pétrole libyen et, par conséquent, des contrats avantageux. La
Russie n'est pas non plus restée à l'écart de ces événements. En
avril 2008, Vladimir Poutine s'est rendu à Tripoli et, en
novembre de la même année, la tente de bédouin de Kadhafi a été
plantée sur le territoire du Kremlin de Moscou. Moscou est
redevenu un partenaire commercial important de la Libye.
Des partenaires, mais pas des amis
proches
Bref, le leader libyen est revenu dans l'orbite de la
politique mondiale en qualité de partenaire à part entière.
Cependant, pour l'instant, il est prématuré d'évoquer une amitié
étroite entre Kadhafi, l'Europe, la Russie et les Etats-Unis. Et
sauf necessité, on ne voit ni les Européens, ni les Américains,
ni les Russes se précipiter en Jamahiriya libyenne. En témoigne
bien le refus du président français Nicolas Sarkozy et du
premier ministre italien Silvio Berlusconi de se rendre en Libye
pour les festivités du 40e anniversaire de la Révolution
libyenne. Les dirigeants russes, le président Dmitri Medvedev et
le premier ministre Vladimir Poutine, y ont également été
invités. Presque simultanément, une source au Kremlin et une
autre au gouvernement russe ont fait savoir que les calendriers
des voyages du président et du premier ministre étaient déjà
établis et que ni l'un, ni l'autre n'iraient à Tripoli. Bien
entendu, la Russie, de même que d'autres pays, enverra une
délégation officielle, mais elle ne sera pas conduite par les
dirigeants de ces Etats. En revanche, Moscou réservera une
surprise au colonel Kadhafi. Une compagnie de la garde d'honneur
de la garnison de Moscou arrivera dans la capitale libyenne. Les
militaires russes ne manqueront pas de participer, de même que
leurs homologues occidentaux, au défilé militaire qui aura lieu
le 1er septembre prochain à Tripoli.
Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.
© 2008 RIA Novosti
Publié le 2 septembre 2009
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