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Ha'aretz
Le Hamas contraint de faire face à des plaintes
pour tortures et arrestations illégales à Gaza
Amira
Hass
Haaretz, 26
juillet 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/886520.html
Une
annonce publiée hier dans le quotidien al-Ayam, qui sort à
Ramallah, invite les avocats à poser leur candidature pour un
poste à l’office du Procureur de Gaza. L’auteur de cette
annonce est le Ministère palestinien de la Justice à Gaza.
Alors que l’office du Procureur à Gaza est à l’arrêt depuis
la mi-juin sur ordre du Président de l’Autorité Palestinienne,
Mahmoud Abbas, l’annonce nous met au courant d’autres mesures
prises par le Hamas en vue de l’établissement d’un système
juridique séparé à Gaza. Elle nous apprend un autre fait encore :
qu’au Hamas, on écoute les plaintes d’organisations
palestiniennes des droits de l’homme à propos de l’illégalité
des arrestations opérées par la « Force exécutive »
et les brigades Az a-Din al Qassam, à la fois parce que ce ne
sont pas des organisations autorisées à opérer des
arrestations, et qu’en l’absence du Procureur, ces
arrestations se font sans mandats d’arrêt.
Ce
problème est apparu peu après la prise de contrôle du Hamas sur
les services de la sécurité à Gaza, lors de la rencontre de
trois directeurs d’organisations palestiniennes des droits de
l’homme avec le Premier ministre effectif dans la Bande de Gaza,
Ismaïl Haniyeh. Cette rencontre s’est tenue à la fin du mois
de juin, et des représentants des organisations « Al-Mizan »,
du « Centre Palestinien pour les droits de l’homme »
et d’ « a-Damir » y étaient présents. Selon Issam
Younes, d’« Al-Mizan », Haniyeh a promis de
s’occuper des problèmes et des questions concernant les
violations de droits de l’homme.
Presqu’un
mois s’est écoulé depuis cette rencontre, et jusqu’à ces
derniers jours, on pouvait avoir l’impression que tant les
plaintes que les promesses données en réponse avaient été
vaines : les arrestations se poursuivaient en infraction avec
la loi (qui exige un mandat d’arrêt, le prolongement de
l’arrestation devant un juge, un lieu de détention connu et
enregistré). Les représentants des organisations ne se sont pas
vu accorder la possibilité de rendre visite aux détenus (en
dehors des criminels détenus à la prison centrale et six
suspects de collaboration avec Israël détenus dans la prison
« al-Mishtal »).
Deux
des détenus sont morts en cours d’interrogatoire. Le premier
est Fadel Dehamesh, qui, d’après le Jihad Islamique, aurait été
pris et (filmé) alors qu’il descendait d’une jeep israélienne
du côté israélien de la frontière, avant de franchir celle-ci
et d’entrer à Gaza. Des hommes armés du Jihad Islamique se
sont saisis de lui et l’ont transféré pour interrogatoire auprès
de la « Force exécutive ». Il a été mis en détention
et, le 10 juillet, son cadavre arrivait à l’hôpital. Le deuxième
est Walid Abou Dafla, un membre de la sécurité et du Fatah, qui,
au témoignage de son frère, est mort le 15 juillet après six
jours de tortures et de violence durant sa détention à « al-Mishtal ».
Des gens qui avaient été arrêtés puis libérés ont témoigné
auprès d’enquêteurs de terrain des organisations, à propos de
rudes violences et de tortures subies durant la détention.
Dès
la première vague d’arrestations de militants du Fatah à Gaza,
bien des rumeurs ont couru à propos du nombre de détenus et des
violences commises à leur égard. La majorité des détentions
prolongées portaient sur des membres des services de sécurité
et sur ceux qui étaient considérés comme proches de Mohamed
Dahlan, mais il y a des gens qui ont été arrêtés simplement
pour sympathie envers le Fatah. Moustafa Khalil, un militant des
droits de l’homme qui a cherché à rencontrer des prisonniers
libérés, raconte qu’au début, ils avaient peur de parler.
C’est aussi l’impression ressentie chez « Al-Mizan » :
des gens ont admis avoir peur de communiquer des détails sur leur
arrestation illégale, sur des tortures et des humiliations.
Pourtant,
d’après Moustafa Khalil, ces derniers jours ont vu une
diminution des rapports sur des tortures et il semble aussi que le
nombre de détentions à mobile politique ait diminué. Il a
l’impression que ces derniers jours, le niveau de la peur a
quelque peu baissé, et qu’il est plus facile, pour les enquêteurs
de terrain, d’approcher des prisonniers libérés et de
recueillir le témoignage de leurs familles.
La
presse palestinienne a publié récemment un démenti de la Force
exécutive à propos de tortures que les détenus auraient subies.
Un militant central du Hamas a déclaré à « Haaretz »
que les plaintes qui ont été publiées dans les communiqués des
organisations des droits de l’homme étaient prises au sérieux
par le mouvement. Il y a moins d’une semaine, dit-on de sources
gazaouies, plusieurs membres politiques parmi les plus importants
du Hamas se sont réunis pour discuter « ouvertement »
des plaintes qui se sont accumulées à propos d’arrestations et
de tortures. L’un de ces responsables aurait dit, toujours selon
la même source, que « si cela continue, quelle différence
y a-t-il entre nous et le Fatah ? »
C’est
peut-être la raison pour laquelle, cette semaine, le « Commissariat
autonome palestinien pour les droits du citoyen » s’est vu
remettre plusieurs adresses auxquelles renvoyer les questions et
les plaintes : le commandant de la Force exécutive, un
avocat du tribunal militaire (qui a été nommé à la tête du
comité constitutionnel de la Force exécutive) et un directeur de
prison. A côté de la remise au travail de l’office du
Procureur, il est clair que le gouvernement en exercice à Gaza
est intéressé à agir conformément à la loi et à préparer le
service de sécurité du Hamas comme substitut à la police régionale
(dont les membres se sont vus interdire par Abbas de se rendre au
travail, sous peine d’être congédiés).
Mais
la joie serait prématurée. Lundi, des hommes en armes ont agressé,
dans son bureau de Rafah, Ashraf Jum’ah, membre du Fatah au
Conseil législatif. Un homme a été blessé par balle, Jum’ah
était couvert de blessures sur tout le corps. Peu de temps avant,
des membres de la « Force exécutive » avaient
distribué à Rafah une proclamation accusant Jum’ah d’avoir
envoyé à Ramallah le nom des membres de la sécurité qui
continuaient de se rendre à leur travail contrairement à
l’ordre donné par Abbas, et qu’ils avaient dès lors été
licenciés. Les organisations des droits de l’homme demandent
maintenant qu’on recherche qui se trouve derrière cette
agression, tout en suggérant un lien entre la Force exécutive et
les agresseurs qui ont utilisé un véhicule de la police.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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