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Ha'aretz
Ils
dérangent la politique de séparation
Amira Hass
Haaretz, 25
septembre 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/907132.html
Version
anglaise : Disrupting the separation policy
www.haaretz.com/hasen/spages/906923.html
Avant-hier
à Ramallah, une femme déclarait avec dédain : « La décision
de la Cour suprême [israélienne]
de faire déplacer la clôture de séparation à Bil’in ne
prouve rien du tout quant à l’efficacité de la lutte populaire
palestino-israélienne. Elle est nécessaire à Israël pour se présenter
comme une démocratie. » La frustration est compréhensible.
Des dizaines de milliers de Palestiniens sont touchés par le tracé
d’une clôture qui n’est pas moins « disproportionnée »
qu’à Bil’in. Deux ans et demi de manifestations hebdomadaires
de Palestiniens, de militants de gauche israéliens et de
militants venus de l’étranger – manifestations dispersées
brutalement, avec blessures et arrestations – ont fait bouger
une clôture sur un tracé de 1,7 km seulement ! La même
Cour suprême qui a demandé ce déplacement a également ordonné
le maintien du quartier juif déjà construit sur une terre privée
de Bil’in.
Le
fossé existant entre l’effort énorme et les résultats caractérise
l’activité de tous les groupes israéliens qui militent contre
l’occupation. Vendredi matin, veille de Kippour, il aura fallu
aux militantes de « Machsom Watch » plusieurs heures
passées à donner des coups de téléphones fébriles et à
mobiliser des relations avec des gens haut placés pour que trois
malades puissent franchir le barrage de Kalandiya et accéder à
des soins urgents à Jérusalem. Dans les médias, on nous avait
assuré qu’en dépit du bouclage, le passage des cas
humanitaires serait autorisé, mais à midi, la majorité de ces
cas avaient déjà renoncé et étaient rentrés chez eux.
Dans
d’autres cas, les femmes de l’organisation s’efforcent
d’amener à la connaissance des commandants le fait que des
soldats maltraitent ceux qui passent aux checkpoints. De longs
mois de correspondances, de requêtes, de rapports dans « Haaretz »
et de surveillance par « B’Tselem » ont conduit deux
officiers du barrage de Taysir à être relevés de leur fonction.
Cela n’a pas empêché un autre soldat, quelques mois plus tard,
de maltraiter des gens qui passaient par le même barrage, ni empêché
semblables comportements à d’autres barrages. Il est clair également
qu’en dépit du drapeau noir de l’apartheid qui flotte
au-dessus d’elle, la politique de l’obstruction et des
barrages n’a pas pris fin.
Mais
ceux qui éprouvent de la frustration oublient deux caractéristiques
de l’activité israélienne dans les Territoires contre
l’occupation : la restitution d’un seul dounam de terre
à un homme, l’assurance de pouvoir achever la récolte des
olives sans le harcèlement des colons, ou la réduction du temps
d’attente à un checkpoint et la fin d’une détention sans
jugement pour un malade ou un mineur, allègent un peu les choses
pour des individus, à un moment donné. Il ne faut pas minimiser
l’importance personnelle que cela peut avoir – fruit de la
confrontation de militants israéliens avec la bureaucratie de
l’occupation et ses prolongements – des militants qui tirent
profit de l’immunité que leur vaut d’être juifs israéliens.
Le
soulagement personnel immédiat, isolé, s’entremêle au caractère
essentiel et à longue portée d’une activité commune, israélo-palestinienne,
contre l’occupation. Depuis les années 90, Israël œuvre
diligemment à une politique de séparation entre les deux peuples
et à la restriction des occasions de se connaître et de se lier
d’amitié, tout ce qui sort du cadre des relations
seigneur-vassal, des rencontres de hautes personnalités ou des
shows de paix qui réunissent à l’étranger des conférences
richement financées et d’où est totalement absent le mot
« occupation ». Du fait de cette séparation, les
Palestiniens ne connaissent que des colons et des soldats.
Autrement dit, ceux-là même qui par leur fonction dans le système
et par leur comportement, justifient la conclusion qu’il n’est
pas possible d’arriver, avec Israël, à un accord équitable ni
à des relations pacifiques. La séparation renforce aussi chez
les Israéliens, à l’intérieur du pays, des attitudes racistes
ou, dans le meilleur des cas, condescendantes.
Les
anarchistes, les femmes de « Machsom Watch »,
l’association « Yesh Din », les Rabbins pour les
Droits de l’Homme, le Comité israélien contre la démolition
de maisons, l’association des Médecins pour les Droits de l’Homme,
« Bimkom – Architectes pour l’égalité dans la
planification », tous, quelque limité que soit le nombre de
leurs membres, dérangent la politique de séparation et ses malédictions.
Ils rappellent aux Palestiniens qu’il y a d’autres Israéliens
et que peut-être tout espoir n’est pas perdu. Et ils ramènent
en Israël des faits et des expériences qui rendent plus
difficile, pour leur proche entourage, de continuer à patauger
volontairement dans l’ignorance et à se cacher les dangers que
le régime d’oppression fait peser sur les Palestiniens.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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