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Ha'aretz
Témoignages :
des
soldats ont tiré sur un Palestinien qui blâmait leur
comportement
Amira
Hass
Haaretz, 19
novembre 2006
www.haaretz.co.il/hasite/spages/789734.html
Haytam Yassin a fait remarquer à un soldat qu’il
ne pouvait pas obliger des femmes à se palper elles-mêmes pour
un contrôle de sécurité. En réponse, on lui a tiré dessus ;
il est hospitalisé dans un état grave.
Un
Palestinien a été hospitalisé dans un état grave à l’hôpital
« Beilinson » de Petah Tikvah après que des soldats
d’un barrage près de Naplouse aient ouvert le feu sur lui, aux
dires de témoins visuels, parce qu’il protestait contre leur
comportement à l’égard de femmes qui passaient par là. Le
Palestinien, Haytam Yassin, âgé de 25 ans, du village d’Assira
A-Shmaliya situé au nord de Naplouse, est dans le coma et sous
respiration artificielle depuis l’incident qui s’est produit
le 4 novembre. Du côté de l’armée israélienne, on fait
savoir que « le cas
dont il s’agit fait l’objet d’une enquête au niveau du régiment ».
Yassin,
qui vit avec ses parents en Algérie, est venu en visite dans son
village natal, il y a quelques mois. L’après-midi du 4
novembre, il a pris le taxi au départ de Naplouse pour rentrer
chez lui à Assira A-Shmaliya. Entre Naplouse et le village, se
trouve un barrage militaire où l’on n’autorise le passage
qu’à des véhicules avec autorisations spéciales ainsi
qu’aux habitants de cinq villages du nord de Naplouse, dont
Assira A-Shmaliya. Le passage est interdit aux Palestiniens des
autres régions, y compris de Naplouse.
Les
voyageurs qui étaient avec Yassin dans le taxi collectif ont
raconté à l’enquêtrice de l’organisation « B’Tselem »
que lorsque le taxi est arrivé au barrage, trois ou quatre autres
taxis se trouvaient devant eux et que leur tour pour
l’inspection est arrivé après environ une heure d’attente.
Le chauffeur du taxi a rassemblé les cartes d’identité de ses
voyageurs – quatre hommes et cinq femmes – et les a remises
aux soldats, pour contrôle. Ensuite, conformément aux consignes
des barrages de l’armée israélienne, les cinq voyageuses sont
descendues du taxi. D’après les témoignages transmis à
« B’Tselem », un des soldats leur a ordonné de se
palper la poitrine et le ventre, en guise de fouille corporelle,
mais plusieurs d’entre elles ou toutes ont refusé. D’après
l’un des témoignages, le soldat a renoncé et s’est contenté
de contrôler leurs sacs, mais selon d’autres témoignages, il
aurait injurié les femmes et crié sur elles.
Après
les femmes, ce fut le tour des quatre hommes de descendre du taxi.
Ils étaient à quatre mètres des soldats et Yassin, qui était
le premier à se présenter au contrôle, s’est approché
jusqu’à deux mètres des soldats. Un des soldats lui a ordonné
de relever ses vêtements du dessus, ce qu’il a fait tout en
continuant à avancer un peu vers le soldat. Alors, aux dires
d’un des témoins oculaires, Yassin a demandé au soldat, en
anglais, pourquoi il ordonnait aux femmes de se tâter. Selon un
autre témoignage, il aurait dit au soldat qu’il ne pouvait pas
ordonner aux femmes de se tâter.
Selon
les témoignages, le soldat n’aurait pas répondu à Yassin mais
lui aurait crié dessus et l’aurait poussé, cependant que
Yassin continuait à parler. Un des témoins affirme avoir entendu
Yassin dire au soldat : « Ne
me frappe pas ». D’après les témoignages, le soldat
l’a de nouveau poussé et Yassin a poussé le soldat en retour.
Le soldat a réagi par des cris et des injures, il a frappé
Yassin avec la main et a pointé son arme vers lui.
A
ce stade-là, ont déclaré les témoins oculaires, deux autres
soldats étaient arrivés sur les lieux et s’étaient mis à
fouiller le taxi. Eux aussi, d’après les témoignages, ont armé
leurs fusils et les ont pointés sur Yassin. Selon un des témoignages,
Yassin aurait repoussé les soldats alors que ceux-ci tentaient de
se saisir de lui, et ils l’ont alors frappé. Selon ce témoignage,
un des soldats aurait tiré plusieurs coups de feu en l’air puis
vers le sol. Selon un autre témoignage, un soldat aurait tiré en
l’air tandis que le deuxième tirait ensuite vers le sol, et le
troisième pointait son fusil vers les trois autres voyageurs
masculins. Selon un témoignage, un des soldats aurait crié en hébreu
« Arrête, mains en
l’air ». Mais Yassin (qui ne parle pas l’hébreu) a
avancé et c’est alors que les soldats ont tiré sur lui et que
Yassin s’est effondré sur le sol.
Aux
dires des témoins oculaires, après les tirs, les soldats se sont
saisis de Yassin et l’ont jeté, visage vers le bas, sur un bloc
en béton placé au barrage, et lui ont attaché les mains avec
des menottes en plastique. Aux dires des trois hommes qui
voyageaient dans le taxi avec Yassin, les soldats l’auraient
frappé au dos et à la tête, avec la main et avec la crosse de
leurs fusils, et ils lui auraient donné des coups de pieds, y
compris à la tête. Les témoins estiment que les coups se sont
poursuivis durant cinq minutes environ.
Après
une dizaine de minutes, une ambulance palestinienne est arrivée
sur place, appelée par un des témoins de l’incident, mais les
soldats ont empêché l’équipe médicale de s’approcher de
Yassin et de lui dispenser des soins. Après un certain temps, est
arrivée au barrage une ambulance israélienne – les témoins
n’ont pas signalé s’il s’agissait d’une ambulance
militaire ou civile – qui a transporté Yassin jusqu’à
« Beilinson ». Plusieurs officiers de l’armée israélienne
sont arrivés sur les lieux pour interroger les témoins à propos
de l’incident.
Les
médecins de « Beilinson » ont fait savoir à Mouayd
Kebaha, l’avocat représentant la famille de Yassin (et qui a reçu
d’elle l’accord de renoncer au secret médical), qu’il a été
touché au ventre et qu’il a subi deux opérations visant à en
drainer le sang et à suturer les déchirures intestinales. Yassin
a aussi été atteint au bassin et il est soigné pour une
infection causée par une fuite urinaire à l’intérieure de la
cavité abdominale. Kebaha a rendu plusieurs fois visite à Yassin
et a dit à « Haaretz » qu’il attendait de recevoir
le détail des données médicales qui montreront le nombre et le
type de balles qui l’ont atteint.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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