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Ha'aretz
Morts
d’ennui
Amira
Hass
Haaretz,
16 octobre 2006
www.haaretz.co.il/hasite/spages/775308.html
Version
anglaise : We don't get no education
www.haaretz.com/hasen/spages/775121.html
Les écoles officielles de l’Autorité
Palestiniennes sont en grève depuis le 1er septembre,
les enseignants n’ayant plus touché leur salaire depuis avril.
729.340 élèves restent chez eux, pendant que membres du Fatah et
du Hamas mènent la lutte pour le contrôle des syndicats
d’enseignants et des caisses vides.
Naplouse
On
aurait pu s’attendre à ce que Ayad et Majdi, 11 ans, de
Naplouse, jalousent leurs amis et voisins qui fréquentent les écoles
officielles en grève depuis le 1er septembre, mais il
n’en est rien. Ayad fréquente une école primaire de l’UNRWA,
l’agence de l’ONU responsable des services d’enseignement et
de santé pour les réfugiés, et Majdi fréquente lui une école
privée rattachée à une Eglise. Ils ne perçoivent peut-être
pas les répercussions générales à long terme qu’aura cette
perte de deux mois de l’année scolaire pour plus d’un demi
million d’élèves, mais ils savent bien que leurs amis et leurs
voisins meurent tout simplement d’ennui.
Hinad,
la sœur d’Ayad, âgée de 14 ans, fréquente une école
secondaire qui est en grève (l’UNRWA ne dispose que d’écoles
primaires). Que fait-elle toute la journée ? « Rien »,
répond-elle. « Je
regarde un peu la télévision, je lis un peu, je m’entraîne un
peu au karaté (elle a une ceinture brune, précise fièrement
le père). Mais surtout, je
m’ennuie et j’aide maman à la maison ».
La
mère, Nahed, est une enseignante gréviste. Elle est bien sûr
consciente des répercussions dangereuses que présente la grève
pour le niveau des élèves et pour les enseignants eux-mêmes,
mais elle soutient la grève des enseignants et rejette les
affirmations du Hamas selon lesquelles la grève est animée par
des mobiles partisans liés au Fatah. Elle-même n’a jamais été
une sympathisante du Fatah.
La
décision de mettre en grève les écoles officielles en
Cisjordanie et dans la Bande de Gaza a été prise le 21 août
2006 par le « Comité des enseignants », une
organisation qui a un passé impressionnant de confrontations avec
le gouvernement d’Arafat. Le Comité a été créé en 2000, au
plus fort d’une lutte, exceptionnelle, en faveur d’une hausse
du salaire des enseignants et de la création d’un syndicat
d’enseignants indépendant. La lutte a duré deux ans pendant
lesquels Arafat et les services de sécurité ont fait tout ce
qu’ils ont pu pour briser la protestation : arrestations
des meneurs, coups et menaces. Mais le soutien populaire et démocratique
aux enseignants et à leurs exigences a surmonté tout, y compris
l’allégation que les chefs du Comité étaient des « collaborateurs ».
Le Comité des enseignants a été reconnu comme représentant
temporairement les enseignants des écoles officielles, jusqu’à
la tenue d’élections pour un syndicat professionnel indépendant.
Le Comité a également décidé de commencer à prendre des
sanctions au cours de l’année scolaire 2000-2001, si les
revendications salariales des enseignants n’étaient pas
rencontrées, mais la seconde Intifada a alors éclaté et tous
les projets ont été suspendus.
Sur
les 17 membres du comité, quatre sont membres du Hamas et ils se
sont associés à la décision de mettre les écoles en grève,
pour protester contre le non paiement des salaires des enseignants
depuis avril 2006. Le Comité a fait porter la responsabilité de
la situation et de sa solution à la fois sur le Président de
l’Autorité, Mahmoud Abbas, et sur le gouvernement dirigé par
Ismail Haniyeh.
50 mètres à l’heure
« Ils
auraient au moins pu se soucier de nous payer le prix du trajet
jusqu’à l’école », dit Nahed. L’école dans
laquelle elle enseigne se trouve au sud du barrage de Hawara. Ce
qui veut dire que chaque jour, elle perd environ une heure pour
franchir les 50 mètres, à la fois si courts et si longs, du
barrage. Nahed, comme des dizaines de milliers de ses collègues,
ont fait la preuve, au cours des six dernières années, de leur dévotion
dans le travail. Pendant de longs mois, alors que l’armée israélienne
fermait quasi hermétiquement les sorties de Naplouse, elle se
rendait à l’école par des voies tortueuses, contournant les
barrages, parfaitement consciente de s’exposer au danger de tirs
venant des soldats.
Lorsque
l’armée israélienne a imposé un couvre-feu de plusieurs mois
à Naplouse, ce sont les enseignants et les élèves qui le
violaient en organisant des classes dans les quartiers. Dans un
deuxième temps, élèves et enseignants ont été envoyés dans
les écoles en dépit du couvre-feu. Tout cela, Nahed l’a
surmonté – les chars terrifiants dans les rues, les balles
au-dessus des têtes, la perte d’un temps précieux, l’effort
psychique et physique – mais sans salaire, elle ne peut tout
simplement pas se permettre de payer 13 shekels chaque jour :
deux shekels pour aller de chez elle au centre ville, deux shekels
et demi pour aller du centre ville jusqu’au barrage de Hawara et
deux shekels pour se rendre du barrage à l’école. Et retour.
La
fille aînée de Nahed est en classe de 12e et la
directrice de son école a décidé, de sa propre autorité, que
les enseignants donneraient cours aux élèves présentant cette
année le baccalauréat et qu’ils les suivraient tout particulièrement.
Dans d’autres écoles, on donne cours deux heures chaque matin
puis les enfants retournent chez eux. A Gaza où, de toute manière,
environ 50% des élèves fréquentent les écoles de l’UNRWA, il
a été décidé à la mi-septembre, de suspendre la grève pour
un mois. En Cisjordanie, certains parents font passer leurs
enfants dans des écoles de l’UNRWA ou des écoles privées.
L’épouse de Nasser A-Din A-Shaer a fait passer un de ses
enfants d’une école officielle à une école privée, tandis
que son mari – à la fois Ministre palestinien de l’Enseignement
et vice-premier ministre – était placé en détention.
Standards européens
A-Shaer
avait été arrêté il y a environ deux mois lors d’une vague
d’arrestations lancée par l’armée israélienne parmi les
membres du gouvernement et du parlement palestiniens. Il a été
libéré il y a moins d’un mois, après 42 jours
d’interrogatoire « qui
se sont centrés sur des questions politiques, essentiellement »,
comme il dit.
Pendant
tout ce temps, il était détenu dans une cellule dépourvue de
fenêtre, sans radio, télévision ni journaux. « Pour
une brosse à dent, il fallait se lancer dans des négociations »,
dit-il. Les enquêteurs et le ministère public ont décidé
qu’il n’y avait pas la moindre base pour étayer contre lui
une accusation d’implication dans le terrorisme. « Je
suis un islamiste, c’est vrai, mais je ne suis pas membre du
Hamas et ne l’ai jamais été ». Haniyeh, il ne l’a
jamais rencontré, il a seulement discuté avec lui au téléphone.
A-Shaer
est assis dans son appartement et il travaille avec de hauts
responsables du ministère. Du fait de l’interdiction de sortir
de Naplouse, son lieu de résidence permanent, il n’a pas encore
rencontré les membres du Comité des enseignants qui siège à
Ramallah. A-Shaer, qui a achevé en Grande-Bretagne un doctorat
dans l’étude des religions, dit qu’il essaie de développer
et de faire progresser le système d’enseignement palestinien
selon des standards européens.
Certains
pays ont, selon lui, continué de transféré de l’argent pour
le développement de l’enseignement palestinien, conformément
à des accords antérieurs à l’établissement d’un
gouvernement Hamas, mais tant qu’Israël continue – et c’est
déjà le huitième mois – à bloquer le transfert des revenus
de l’Autorité Palestinienne en taxes et frais de douane (1,5
milliard de shekels à ce jour [~ 280 millions d’euros - NdT]),
le gouvernement ne pourra pas verser le salaire de ses employés.
Il
comprend la détresse des enseignants en grève, mais dit, avec
beaucoup de circonspection, qu’ils n’ont pas le droit de
causer un tort si grand aux enfants. « Nous
n’avons pas le pouvoir de les contraindre à retourner à
l’enseignement », dit-il avec franchise, « Ni
le pouvoir, ni la volonté ». A-Shaer est prêt à dire
que dans cette grève, « il y a un élément d’exploitation politique, partisane »,
mais il est convaincu que sans salaires, la grève ne prendra pas
fin et que les salaires ne seront pas payés sans qu’une
pression soit exercée sur Israël pour qu’il mette fin au
blocus contre les Palestiniens, débloque les fonds d’assistance
et restitue à l’Autorité l’argent qu’il lui doit. Il
repousse aussi les allégations répandues selon lesquelles le
gouvernement Hamas trouverait des voies détournées pour payer
ses gens. « Chaque chèque
que je signe passe pour contrôle au Ministère des Finances et au
bureau d’Abbas », insiste-t-il.
Le système d’enseignement palestinien pour les années
2004-2005
38.805 :
nombre total des enseignants en Cisjordanie et dans la Bande de
Gaza, dans les écoles officielles, privées et de l’UNRWA.
27.527 enseignants
dans les écoles officielles : 19.672 en Cisjordanie, 7.855
dans la Bande de Gaza.
1.043.935 :
nombre d’élèves dans les écoles (primaires et secondaires)
officielles, privées et de l’UNRWA : 425.425 à Gaza et
618.510 en Cisjordanie.
729.340 :
nombre d’élèves dans les écoles officielles : 224.460 à
Gaza et 504.880 en Cisjordanie.
Sources :
Bureau central palestinien des statistiques
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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