Ha'aretz
Pourquoi c’est inquiétant
(Retour
à une occupation corrompue)
Amira
Hass
Haaretz, 1er
août 2007
www.haaretz.co.il/hasite/spages/888391.html
Version
anglaise : Back to a corrupt occupation
www.haaretz.com/hasen/spages/888432.html
Une
des nouvelles inquiétantes de la semaine passée annonçait qu’Israël
avait donné son accord pour le transfert de mille fusils en
provenance de Jordanie et à destination des forces de sécurité
fidèles à Mahmoud Abbas. Il était déjà arrivé qu’Israël
autorise le transfert d’armement et de matériel de sécurité
aux forces d’Abbas. Ce qui inquiète dans cette nouvelle,
c’est que dans l’entourage d’Abbas, on continue de
s’accrocher à l’illusion que l’échec de Gaza était
purement et simplement « militaire », et c’est aussi
que le Fatah persévère à faire ce qu’Israël et les
Etats-Unis attendent de lui et qu’il a fait sans succès à Gaza :
combattre le Hamas.
D’autres
nouvelles inquiétantes nous sont encore parvenues ces derniers
jours : il est à nouveau permis aux représentants israéliens
de discuter avec des représentants palestiniens officiels à l’étranger ;
Ehoud Olmert et Mahmoud Abbas se rencontreront prochainement et
cette fois à Jéricho ; il y a reprise de la coordination et
de la communication pour les questions civiles ; et un nouveau
projet d’affaires américano-palestinien a été lancé à
la Mouqata'a de Ramallah : le Président George Bush a approuvé
un prêt de 228 millions de dollars en faveur de petites et
moyennes entreprises palestiniennes, afin d’améliorer le niveau
de vie des Palestiniens. « Les Etats-Unis se sont engagés
à renforcer l’économie palestinienne comme une étape en
direction de la paix », titrait le communiqué officiel.
En
quoi ces nouvelles sont-elles inquiétantes ? Parce
qu’elles nous apprennent que les affaires sont retournées à
leur point de départ, c’est-à-dire au style « gestion de
l’occupation » qui caractérisait les années 1994-2000 et
auquel le mouvement du Fatah s’était parfaitement intégré :
un gouvernement palestinien (à la légalité temporaire et
branlante) accepté par Israël et l’Occident, un semblant
d’existence de discussions, l’occupation qui se poursuit, les
Palestiniens qui se querellent. Tout ceci avait conduit à l’éclatement
du second soulèvement.
Ce
n’est pas un membre du Fatah qui se trouve à la tête du
gouvernement palestinien à Ramallah, mais l’esprit du Fatah,
comme mouvement dirigeant, continue d’y régner, en même temps
que ce qui l’a rendu insupportable à de si larges pans de la
société palestinienne. Par exemple : Yasser Arafat avait
gonflé sans besoin ses services de sécurité en y intégrant des
fils de familles pauvres et des fils de réfugiés, dans le but de
créer un large groupe de protégés fidèles en échange d’un
pauvre mais indispensable salaire. Il espérait par là gagner
leur soutien politique à son égard et à l’égard de son
mouvement – sans rapport avec son impuissance politique face au
processus israélien de colonisation et à la politique de
bouclage et de séparation.
L’échec
de cette tactique s’est illustré lors des élections de 2006.
La manière dont les Etats-Unis et Israël misent sur « le
renforcement des services de sécurité » d’Abbas nous révèle
que la logique d’Arafat continue de guider les trois dirigeants
qui font du peuple palestinien, chacun à sa manière, l’objet
de « gestes » – y compris sous la forme de salaires
versés à des membres de la sécurité superflus. Comme si ce
n’était pas la vie sous l’occupation israélienne qui était
la cause de l’essentiel de la détresse mais une « pauvreté »
tombée du ciel.
Sous
couvert de ce qu’on appelle le « processus de paix »,
dans les années 1994-2000, et sous couvert du mantra qui veut que
« le renforcement de l’économie palestinienne fera
avancer la paix », beaucoup parmi les hauts responsables du
Fatah et dans leurs sphères, ont vite fait de s’enrichir
personnellement. Cela aurait bien sûr pu être légitime si la
situation économique d’une part considérable des habitants des
Territoires occupés ne s’était pas aggravée – du fait des
limitations israéliennes imposées aux déplacements – et
s’il n’était pas question des fonds découverts pour eux dans
la caisse d’Arafat et de l’OLP ou par des voies plus
douteuses. Il y avait trop souvent corrélation directe entre les
liens du nouveau riche avec un des services de sécurité
palestiniens et les liens des hauts responsables de ces mêmes
services avec le Shabak [service
israélien de la sécurité générale] ou de hauts
responsables israéliens. Pareils liens avec de hauts responsables
du Fatah et du Shabak procuraient des permis de déplacement,
garantissaient la « réunification familiale » pour
les uns et pas pour les autres, et ainsi de suite. Ces formes de
protectionnisme et d’autres encore, toutes dépendantes de
l’occupation, ont conduit les Palestiniens à établir un lien
entre « processus de paix » et corruption.
Les
échecs de 2006 et 2007 n’ont pas fait la démonstration que la
leçon avait été retenue ni que le Fatah avait renoncé au système
du protectionnisme et des occasions d’enrichissement et de vie
facile – au milieu d’une mer de pauvreté croissante –
occasions qui s’offrent à celui qui est un proche de la bonne
personne.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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