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« Le vote suisse
contre les minarets correspond-t-il à l'idéal démocratique ? »
Amine Alaoui
Samedi 26 décembre 2009
“Rappelons que les pires régimes totalitaires du siècle
dernier ont été, au début au moins, élus démocratiquement, dans
des pays pas très éloignés de la Suisse d’ailleurs. Ces régimes
utilisaient la propagande afin de stigmatiser certaines
communautés et légitimer la discrimination”
D’aucuns prétendent que le vote suisse contre
les minarets ne vise pas la Tradition musulmane dans son
ensemble, mais plutôt un certain «islam politique». Or,
il va sans dire que les minarets ne sont pas plus le symbole
d’un islam politique ou extrémiste que le seraient les clochers
d’églises d’une lecture fondamentaliste du christianisme.
On ne peut donc dissocier ce vote de la question, plus
générale, de la présence musulmane en Occident. En effet, force
est de constater qu’au-delà du symbole architectural, ce n’est
pas qu’en Suisse que la présence visible des musulman(e)s
suscite un débat.
Certains invoqueront, par ailleurs, la réciprocité pour
expliquer voire légitimer le vote contre les minarets en
territoire Suisse. Cet argument est problématique à plusieurs
niveaux : En premier lieu, il sous-entend qu’il y a un « clash »
entre deux civilisations (occidentale et musulmane) totalement
exclusives et hermétiques. Ce qui est bien entendu doublement
faux. Ensuite, il suppose l’existence de deux catégories de
citoyens : une qui regroupe les « véritables » citoyens avec des
droits et devoirs reconnus et une seconde catégorie de citoyens
qui ont les mêmes droits que les premiers sauf qu’ils sont
conditionnels aux politiques de pays étrangers. Aussi, il
serait paradoxal pour une démocratie de «marchander» avec ces
citoyens les droits et libertés de ces derniers et entrer dans
une compétition d’obscurantisme avec les États à majorité
musulmane les plus totalitaires.
Le résultat malheureux de ce référendum soulève également de
profondes interrogations quant aux relations que les musulmans
Occidentaux ont pu tisser, dans leurs entourages respectifs,
avec leurs concitoyens non musulmans: collègues, amis, voisins
et parfois même, membres de la famille. Est-ce à dire que ces
relations se sont majoritairement soldées par un échec? Ou
peut-être, qu’au contraire, le résultat du vote s’explique par
le fait qu’une majorité de ceux qui ont voté oui n’ont
jamais connu un(e) musulman(e) de près? Ces questions sont
légitimes et il faut tenter d’y répondre.
Cependant, il ne faudrait pas -au nom de la règle de la
majorité simple- sacraliser le résultat de ce vote.
C’est que la démocratie ne se résume pas aux urnes. Le système
démocratique doit d’abord garantir un traitement équitable
envers tous les citoyens. Le principe « Un(e) citoyen(e),
une voix » n’est donc pas une fin en soi mais un moyen
d’assurer justement, ce traitement équitable. Dès lors,
soumettre les droits d’une minorité au vote de la majorité ne
relève plus de la démocratie mais plutôt de la « dictature
de la majorité ». Dire ou insinuer le contraire c’est
trahir l’idéal démocratique par méconnaissance de celui-ci ou
pire, par calcul politique, démagogie et populisme.
Rappelons que les pires régimes totalitaires du siècle
dernier ont été, au début au moins, élus démocratiquement,
dans des pays pas très éloignés de la Suisse d’ailleurs.
Ces régimes utilisaient la propagande afin de stigmatiser
certaines communautés et légitimer la discrimination. Les
massacres commis par ces systèmes contre des millions de
personnes ciblées uniquement en raison de leur confession
religieuse (les juifs), leur origine ethnique (les Tsiganes) ou
leurs convictions politiques (les communistes) ont marqué de
façon tragique la seconde guerre. La liste des atrocités
commises par ces régimes ne se limite malheureusement pas à
cela.
Dans ce côté-ci de l’Atlantique, nous avons choisi de
soutenir les démocraties Européennes dans la guerre qui s’en ait
suivi. Et pourtant, nous avons également fait le choix
d’interner dans des camps des citoyens Canadiens uniquement
parce qu’ils étaient d’origine japonaise, allemande ou
italienne. Ainsi, l’Histoire récente nous enseigne que si les
acquis d’aujourd’hui sont importants, ils sont aussi fragiles.
Le jour où « les hommes vivront d’amour » semble
hélas bien lointain.
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