Syrie
Syrie : Les
conséquences de la résolution 2042
Dr.
Amin Hoteit
Jeudi 19 avril 2012
Dès
l’instant où Mr Kofi Annan a été désigné
émissaire international pour la Syrie,
il est devenu certain que l'agression ourbano*-occidentale
contre ce pays avait échoué et que cette
nomination n’était là que pour permettre
aux uns et aux autres de reprendre leur
souffle, d’éviter encore plus de pertes
pour sauver la face, ou tout au moins
donner aux perdants un délai de
réflexion.
C’est ce
que la Syrie et ses alliés régionaux et
internationaux n’ont pas tardé à
comprendre. Mais certains pays de ce
camp international ont considéré qu’il y
avait certainement intérêt à prendre en
compte cette mission [prétendument basée
sur l'idée d'une « solution pacifique »
de la crise qui respecterait l'État
syrien et sa
souveraineté], pour essayer de
faire en sorte qu’elle réponde aux
exigences des Syriens et aussi à leurs
propres considérations stratégiques.
C’est pourquoi, tous ont travaillé à la
réussite de cette mission telle qu’elle
a été formulée avec prudence et
anticipation interdisant toute déviance.
De
l’autre côté, le camp
des
agresseurs a persisté
implicitement à refuser
une solution
pacifique à la crise
[elle
lui interdirait
l’accès au pouvoir qu’il convoite],
mais s’est trouvé contraint de « faire
avec » pour des
raisons
objectives et subjectives. Parmi les
moindres de ces raisons, l’incapacité de
ce camp à
modifier la donne
politique, militaire
et civile ; surtout depuis que ses gangs
armés se sont effondrés sans réussir ni
à isoler le
gouvernement en place, ni à installer un
pouvoir civil malgré la consécration du
soi-disant
« Conseil
National Syrien
» qui a déclaré reconnaitre la mission
de Mr Annan. Mais cette reconnaissance
est arrivée vide de
toute signification politique
selon les règles
du
droit international
[elle est sans aucune valeur juridique,
puisque déclarée par un représentant du
peuple non habilité à
parler au nom
de l’État syrien dont
l’autorité et
la souveraineté sont officiellement
reconnues dans sa région et à
l’intérieur de ses frontières].
1.
Par conséquent, chacun de ces deux camps
a envisagé la mission de Mr. Annan sous
l’angle de ses propres objectifs. En
effet, nous voyons d’une part, la Syrie
avec l'Iran, la Chine, et la Russie
s’évertuer à faire de cette mission un
chemin pacifique qui aiderait à sortir
de la crise et qui consacrerait l’échec
de la conspiration en maintenant la
géographie, la souveraineté et la
sécurité de la Syrie et des Syriens ; et
nous voyons d’autre part, les États-Unis
et ses comparses occidentaux, turcs et
ourbans s’escrimer à faire de cette même
mission une occasion qui gommerait leur
échec et qui leur permettrait une
nouvelle offensive à travers une
stratégie basée sur la supercherie,
l'intimidation et le gain de temps. Ce à
quoi ils espèrent aboutir comme suit :
1.1.
Profiter du point numéro quatre du plan
de Koffi Annan, relatif à la liberté de
manifester, pour déclencher des
manifestations populaires qui
réuniraient des millions d’opposants ;
étant donné que les faussaires se sont
persuadés que des millions de syriens
répondront à leurs appels et qu’à défaut
d’une telle réponse spontanée, ils
avaient suffisamment d’argent, d’armes
et de médias puissants capables
d’obliger les gens à sortir de chez eux
; quitte ensuite, à dramatiser le
spectacle en l’amplifiant et en
l’exagérant au maximum, comme ils en ont
pris l’habitude depuis le début de la
crise.
1.2.
Terroriser la Syrie par le spectre d’une
intervention militaire de l'OTAN avec la
Turquie pour fer de lance. Ici, il nous
faut pleinement considérer
le sous entendu du gouvernement
de Mr Erdogan lorsqu’il a déclaré que
conformément à l’article V de sa Charte,
l’OTAN devait s'acquitter de ses
responsabilités et défendre la Turquie
menacée par la Syrie ! Bien que cette
requête soit visiblement ridicule, il
n’en demeure pas moins qu’elle dissimule
l’essence même des visées hypocrites de
la Turquie et de l’Occident qui, par là,
signifient à la Syrie que ses frontières
ne concernent pas uniquement la Turquie
actuellement mains et poings liés pour
de multiples raisons la rendant
incapable d’intervenir militairement ;
mais que ses frontières concernent
autant l'OTAN et ses 27 États, et
qu’elle ferait bien d’en tenir compte.
1.3.
Ouvrir la porte du Conseil de sécurité à
travers une résolution qui prétendrait
renforcer la mission d’Annan par l’envoi
d’observateurs internationaux en Syrie
mais qui, en réalité, consisterait
essentiellement à tenter de garder le
dossier syrien à l’ordre du jour des
travaux du Conseil, à nommer un
observateur permanent comme ce fut le
cas du Liban avec les résolutions 425 et
1701, à revenir à une
politique de menaces et de
durcissement des sanctions, à fixer des
délais ou ultimatums ; pour enfin
court-circuiter la souveraineté de la
Syrie par l’intermédiaire des
observateurs, transformés pour la
circonstance en une sorte d’organisme
chargé de diriger et de contrôler la
Syrie en relation directe avec le
Conseil de sécurité, lequel deviendrait
un organisme de tutelle permettant le
contournement du veto russo-chinois.
2.
Mais l’exécution de cette conspiration
se heurte à des obstacles qui risquent
de la faire avorter de ses 3 fondements
cités plus hauts. En effet :
2.1. Concernant les manifestations,
les conspirateurs ont été choqués de
constater que le peuple syrien a
découvert leur complot, qu’il en est
profondément conscient et convaincu,
qu’il ne suivra pas leurs attroupements
; et que comme il les a laissé tomber
durant les 14 derniers mois, il
continuera à le faire au-delà même de la
cessation des opérations militaires.
Ensuite, sont arrivées les décisions et
dispositions de l'État syrien visant à
protéger la population de la
désinformation et du terrorisme, la mise
en alerte des forces armées prêtes à
intervenir, et l’imposition d’une
autorisation préalable de manifester
pacifiquement. Autant d’éléments
suffisants pour faire échouer cette
manipulation.
2.2.
Concernant la menace d’une éventuelle
intervention militaire de l’OTAN, elle
était vide de sens avant même que son
encre ne sèche ; particulièrement parce
que tous ceux qui sont concernés savent
que l’OTAN est dans l’impossibilité d’un
affrontement militaire direct avec la
Syrie, étant donné les erreurs
accumulées et son concept actuel d’une
stratégie contraire au « hard power ».
D’autant plus, que
la Syrie n'est pas seule pour
l’affronter et qu’il est de notoriété
publique que l’appel à la rescousse
de la Turquie, sous prétexte
qu’elle aurait été agressée par la
Syrie, relève d’une flagrante
hypocrisie. Tout le monde sait que la
Turquie est l'agresseur
et qu’elle s’est engagée contre
la Syrie dans un grand nombre de crimes
répertoriés par le droit international,
à commencer par son ingérence dans les
Affaires syriennes, puis par son accueil
des terroristes et de leurs dirigeants
sur son territoire, et enfin par sa
complicité permanente avec ceux qui
travaillent à y semer les troubles et
l’insécurité. Par conséquent, que la
Turquie invoque quelques coups de feu
tirés par les forces de l’ordre lors
d’une
poursuite de terroristes entrés
par sa frontière avec la Turquie est une
piètre excuse qui lui renvoie sa propre
accusation.
3.
Nous en arrivons à la manœuvre la plus
importante… à la supercherie : le retour
au conseil de sécurité ! A ce stade nous
nous devons de souligner ce que signifie
l'adoption de la résolution 2042 :
3.1. La résolution 2042 a été
adoptée en vertu du Chapitre VI et non
du Chapitre VII, comme cela avait été
demandé par le dit « Secrétaire général
des ourbans »
[qui est évidemment l’ennemi de
toute idée de sécurité nationale]. Elle
est exempte de toute expression qui
pourrait être exploitée pour aboutir à
des menaces ou des sanctions et
consiste, tout au plus, en un vœu pieux
invitant le gouvernement syrien à
faciliter la mission. Elle constitue une
reconnaissance internationale, sans
aucune ambiguïté ou confusion possibles,
de la souveraineté syrienne exercée par
son gouvernement actuel qui est le seul
à posséder le droit de négocier avec les
pays étrangers pour le compte de la
Syrie, sans que nul ne puisse ignorer
cette souveraineté ; y compris les
observateurs eux-mêmes qui ne pourront
entrer en Syrie que sans armes, et avec
l'approbation obligatoire de l'Etat
syrien.
3.2.
Le camp des agresseurs, qui depuis des
mois n’a cessé de dénigrer la légitimité
du gouvernement syrien et d’insister sur
l’existence d’une révolution pacifique,
a été contraint à reculer et a reconnu
explicitement par une résolution adoptée
à l'unanimité des membres du Conseil de
sécurité, qu’en Syrie existe un État et
un gouvernement qui fait face à la
violence d’actes terroristes commis par
des éléments qui lui sont étrangers. Il
n’est donc nullement question d’une
révolution pacifique comme ils le
prétendaient, mais de « groupes armés »
et de « violations des droits de l'homme
» justifiant un appel à la « cessation
de la violence armée ». Toutes ces
expressions sont contenues dans la
déclaration ; nous y voyons la négation,
voire l’annulation
de toutes les allégations
précédentes qui sont allés jusqu’à
parler d’un « régime qui tue son peuple
».
3.3.
Les
participants à la Conférence des «
Ennemis de la Syrie » à Istanbul, qui
ont décrété que "le Conseil de Ghalioun
l’istanbouli » était le représentant du
peuple syrien, peuvent désormais
constater l’effet nul et non avenu de
leur décision ; puisque le texte de la
résolution ne tient compte que des
différents partis de l’opposition
syrienne et de l'État syrien. Ce
prétendu Conseil National Syrien
n’existe donc plus sur la carte de la
région et ne représente qu’une infime
minorité au sein d’une opposition,
elle-même minoritaire.
3.4.
Néanmoins, et malgré tout ce qui
précède, nous ne nions pas que la simple
adoption de cette résolution constitue
une brèche dans le mur dressé face à
l’Occident et autour de la Syrie par le
véto russo-chinois, deux fois répété.
Mais nous y voyons aussi un intérêt pour
la Syrie, car cette résolution 2042
pourrait aboutir à une solution
pacifique qui serait un gain stratégique
et qui confirmerait la victoire de la
Syrie contre la conspiration dont elle
est l’objet. Ici, il n’est pas inutile
d’attirer l’attention sur la vigilance
de la Russie qui a fait coïncider
l’adoption de cette résolution avec la
livraison d’armes, le renforcement du
réseau de missiles syrien, et l’envoi de
navires de guerre au large des côtes
syriennes. En de telles circonstances,
ce sont là des décisions qui ont valeur
de messages.
4.
Au point où nous en sommes, cette
résolution a consacré les résultats
d’une
étape essentielle de cette
violente attaque où les ennemis de la
Syrie ont subi un échec civil et
militaire venu de l’intérieur du pays,
et un revers politique du fait qu’ils
n’ont pas réussi à atteindre leurs
objectifs par des moyens soi-disant
pacifiques. Nous remarquons que c’est
justement pour cela que le camp des
agresseurs ne peut plus cacher son
embarras, tente de faire capoter la
mission d’Annan, déclare qu’elle est
morte tout en essayant de la mettre à
profit uniquement pour gagner du temps,
tout comme le souverain du Qatar qui a
estimé que ses chances de réussite
étaient aux alentours de 3%. Pourcentage
évidement ridicule, qui illustre le vœu
de celui qui l’a calculé et qui semble
user désormais d’une balance en or
massif lui permettant d’estimer le
pourcentage des espérances. C’est pour
cela qu’il faut nous attendre à ce que
le camp des agresseurs puisse :
4.1.
Pousser vers une escalade de la violence
et du terrorisme en Syrie, perpétrer
des crimes et des attentats,
faire saigner l'Etat pour tromper sa
vigilance et amener les forces de
sécurité à répondre ; pour ensuite
l’accuser comme unique responsable de la
violation du cessez-le-feu, ce qui
justifierait le renvoi du dossier syrien
devant le Conseil de sécurité afin "de
prendre des mesures supplémentaires si
nécessaire", tel que stipulé dans le
texte de la résolution 2042.
4.2. Intensifier les capacités
militaires des gangs armés par la
contrebande d'armes et de munitions vers
la Syrie.
4.3. Augmenter la pression pour
amener la population à manifester, avec
l’espoir que les manifestants puissent
se heurter aux forces de sécurité qui
seront tenues pour responsables du non
respect du plan de Kofi Annan.
En
résumé, nous disons qu’après la
résolution 2042 du Conseil de sécurité,
cette étape de la scène syrienne a
consacré une nouvelle équation
internationale établissant un nouvel
équilibre international. Elle a aussi
confirmé la capacité de la Syrie et de
ses alliés à faire face à l'agression
dont ils sont sortis victorieux tous
ensemble, mais la voie est désormais
ouverte pour une nouvelle étape.
Dr. Amin Hoteit
18/04/2012
Article original : Arabi Press
http://www.arabi-press.com/?page=article&id=32436
*Ourbans
: désigne ici les arabes alliés de
l’OTAN
Article proposé et traduit de l’arabe
par Mouna Alno-Nakhal (Biologiste)
le 19/04/2012
Le Docteur Amin Hoteit
est libanais, analyste politique, expert
en stratégie militaire, et Général de
brigade à la retraite.
Le
dossier Syrie
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