Syrie
Syrie / ONU :
La résolution 2118 passée au crible de
la réalité...
Amin
Hoteit
Mercredi 2 octobre 2013
Dans un précédent article paru le 16
Septembre 2013 [1],
le Général Amin Hoteit constatait, ainsi
que la plupart des observateurs de bonne
foi ou condamnés à reconnaître une
certaine part de vérité, que « suite
à la résistance devenue légendaire de la
Syrie face à une guerre planétaire et
qui dure depuis plus de trente mois par
l’intermédiaire d’une horde assassine de
terroristes armés jusqu’aux dents ,
voilà que les équations attendues sur le
terrain s’inversent et que les tendances
générales observées sur la scène
internationale se modifient. Ainsi, nous
avons vu la crise passer du stade où
l’agression incendiaire allait atteindre
ses objectifs selon la logique de la
solution militaire imaginée par le camp
des États agresseurs dirigé par les USA,
au stade où il n’est plus possible que
d’envisager une solution pacifique par
le dialogue et la négociation ».
Il ajoutait : «
L’agression incendiaire devra désormais
se limiter à deux objectifs : servir de
pression diplomatique dans la
négociation, et purifier le territoire
syrien de tous les déviants partis
combattre un État laïc où coexistent des
citoyens de toutes les religions et
croyances... Nouveaux objectifs qui ont
abouti à l'accord de Genève du 14
Septembre 2013 entre les ministres des
Affaires étrangères de la Russie et des
États-Unis...
Nous étions arrivés au bord de
l'explosion qui aurait détruit la
région ; mais étant donné les intérêts
et l’’équilibre des forces sur le
terrain, il nous paraissait logique de
prédire que les USA n’oseraient pas
mettre leur menace à exécution, quoique
nous n’avions pas exclu la probabilité
d’une erreur de calcul de leur part ! ».
L’erreur de calcul
étant momentanément écartée par ce que
les médias se plaisent à qualifier
de « manœuvre
diplomatique astucieuse de Vladimir
Poutine » [2]
sans jamais admettre que la Syrie et les
Syriens se battent, depuis deux longues
années et demi, d’abord et avant tout
pour leur « identité » contre des
zombies de destructions massives
toujours nourris par les USA et leur
dernier allié occidental plus royaliste
que le roi... Un allié, dit-on, sonné
par « le revirement d’Obama » mais qui
ose encore prétendre, par la voix de son
ministre des Affaires étrangères, que
l’armée syrienne tue son peuple et qu’à
la limite la résistance héroïque de ce
peuple, face à la plus dégueulasse des
guerres qu’ait connu l’Histoire,
constitue « une atteinte à la paix et à
la sécurité internationales » ! [3].
Comble du comble, l’Ambassadeur
permanent de la Syrie auprès de l’ONU,
M. Bachar al-Jaafari, aurait commis un
crime de lèse-majesté en s’en prenant à
la France ! [4].
Il aurait été plus honnête de dire qu’il
s’en est pris à ses dirigeants et plus
particulièrement à M. Fabius qui
« semblait ne pas comprendre la
signification de la résolution 2118 » [5]
votée à l’unanimité par le Conseil de
sécurité des Nations Unies le vendredi
27 Septembre 2013 [6].
Puisque, selon les dires de M. Fabius
lui-même [3]
« Tout ça bien évidemment doit être
passé au filtre de la réalité », que
devons-nous comprendre et redouter de
cette résolution 2118, comme nous
l’explique le Général Hoteit ? [NdT].
La résolution 2118,
adoptée par le Conseil de sécurité pour
le
démantèlement et la destruction des
armes chimiques en Syrie, restera une
étape importante et décisive témoignant
de la transition vers un nouvel ordre
mondial ; les résolutions des
trois décennies précédant ce 27
Septembre 2013 ayant été d’une toute
autre nature.
Pour rappel, suite à
l’effondrement de l’URSS, les USA
avaient fait main basse sur les
organisations et institutions
internationales, notamment sur le
Conseil de sécurité pratiquement
rattaché au ministère US des Affaires
étrangères et aux ordres de la Maison
Blanche, sans que certains n’osent
utiliser leur droit de veto et que
d’autres ne songent ne serait-ce qu’à
hésiter devant leur volonté. Le Liban en
a fait l’amère expérience suite à
l’adoption de la résolution 1559 le
concernant [7];
laquelle, bien que soumise au chapitre
VI de la Charte des Nations Unies, était
en contradiction avec la Charte
elle-même puisqu’elle revenait à violer
sa souveraineté et son indépendance,
interférait dans ses affaires
intérieures, et se mêlait de ses
relations avec un pays frère. Sa mise en
œuvre a étrangement nécessité la
nomination d’un « Envoyé spécial » du
Secrétaire général de l’ONU, lequel n’a
pas tardé à se transformer en une sorte
de « Haut Commissaire US-international
au Liban » !
En revanche et malgré
la prétendue satisfaction victorieuse
des USA, cette dernière résolution 2118
peut être considérée comme le signe
annonciateur du retour à l’équilibre au
sein du Conseil de sécurité et, par
conséquent, du retour à un certain
équilibre dans les relations
internationales. Nous avons suffisamment
dit et répété depuis deux ans que c’est
de la matrice syrienne que naîtra un
nouvel ordre du monde et c’est ce qui a
déjà commencé.
Ceci étant dit, il
est important que nous examinions les
étapes clés qui ont mené à l’approbation
de cette résolution par le Conseil de
sécurité :
La référence au
Chapitre VII
Cette référence est
une volonté du bloc occidental sous
direction US et avec incitation des pays
du Golfe, pour que le Conseil de
sécurité justifie le recours à la force
militaire ou autorise n’importe quel
État membre à en user contre la Syrie et
son gouvernement. C'était le but des
manœuvres US qui ont cherché à imposer
leurs diktats à la Syrie. Mais les
nouvelles équations ont gâché cette
chance aussi bien pour les occidentaux
que pour les USA. La résolution a été
prise en vertu du chapitre VI, ce qui
signifie que sa mise en œuvre ne
nécessite pas le recours à la force mais
reste conditionnée par le consentement
de l'État concerné et, par conséquent,
affirme sa souveraineté.
Ce fait n’est
nullement modifié par ce qui est indiqué
au paragraphe 21 quant à l’imposition de
mesures en vertu du chapitre VII en cas
de non respect de la résolution, car
elle ne se limite pas au gouvernement
syrien, comme le souhaitaient les USA,
mais vise implicitement toute personne
concernée par son application y compris
les groupes armés sévissant sur le
territoire syrien ainsi que les États
voisins qui faciliteraient la possession
ou le transfert d’armes chimiques en
Syrie.
D'autre part,
l’éventuel recours au chapitre VII n’est
pas automatique, mais passe par la prise
d’une nouvelle résolution du Conseil de
sécurité et par le droit de veto de
chacun de ses membres permanents, après
identification du contrevenant et des
conditions du recours à la force.
Finalement, le texte
de cette résolution 2118 comporte des
points positifs dans l’intérêt de la
Syrie même si le bloc occidental tente
de les négliger, l’impact du paragraphe
21 étant de nature politique, sans
plus !
Les destinataires
de la résolution
Depuis le début de
l'agression contre la Syrie, les USA et
tous leurs affidés ont cherché à
convaincre de la non légitimité du
régime et du gouvernement syriens,
affirmant que les seuls représentants du
peuple syrien étaient ce groupe de
« résidents de palaces à l’étranger »
pompeusement nommés Conseil national
syrien [CNS] puis Coalition... et sont
allés jusqu’à les asseoir sur le siège
de la Syrie à la « Ligue hôtelière des
États arabes » ; l’État syrien étant,
selon eux, responsable de tout le sang
versé !
La résolution 2118
est venue contredire ce cliché étant
donné qu’elle appelle par la lettre et
l’esprit à travailler avec la
gouvernance légitime actuelle de la
Syrie ; met en échec les tentatives US
innocentant les crimes des gangs armés
sévissant sur son territoire ; équilibre
le discours des organisations et des
États agresseurs, lesquels sont
désormais comptables de toutes
tentatives d’exploitation et de
livraison d’armes chimiques aux
prétendus rebelles. Le paragraphe 5 de
la résolution est plus que clair : « ...
aucune des
parties syriennes ne doit employer,
mettre au point, fabriquer, acquérir,
stocker, détenir ou transférer des armes
chimiques ».
Les clauses qui
méritent prudence
Il ne faudra pas
oublier que les USA contrôlent toujours
le Secrétariat général des Nations Unies
et son Secrétaire général en
particulier. Il n’est donc pas exclu
qu’ils tentent de biaiser certaines
clauses de la résolution pour faire
dérailler le processus de désarmement à
leur avantage. Cela n’a certainement pas
échappé à M. Bachar al-Jaafari qui a
déclaré que la résolution « couvre la
plupart des préoccupations de la Syrie
»... la plupart ! En effet, certains
points de détails nous paraissent
mériter prudence :
-
Le Secrétaire
général étant habilité pour désigner
les envoyés onusiens chargés de
répertorier, inspecter, vérifier la
destruction des armes chimiques,
avec lesquels la République arabe
syrienne devra coopérer ; il faudra
veiller à ce que le personnel
désigné ne soient pas d’emblée
susceptible de s’écarter de l’esprit
de la résolution [Paragraphe 7].
-
Les États membres
étant engagés à « contrôler » et
donc à rendre compte de leurs
observations concernant
l’application de la résolution,
certains plus enclins aux calomnies
que d’autres ; il serait plus
prudent de constituer un « Comité
international de surveillance des
calomniateurs » [Paragraphe 10].
-
La résolution
« insistant
sur le fait que la seule solution à
la crise syrienne est un processus
politique sans exclusive, dirigé par
les Syriens, fondé sur le Communiqué
de Genève du 30 juin 2012... »,
lequel a convenu
des
lignes directrices et de principes
pour une transition politique par,
entre autres, la mise en place d’un
organe de gouvernement
transitoire qui pourra comprendre
des membres de l’actuel gouvernement
et de l’opposition « ainsi que
d’autres groupes »... [8] ;
il faudra être particulièrement
prudent sur deux autres points. Le
premier est de faire en sorte que le
bloc occidental ne puisse pas
choisir les membres de cet organe à
sa convenance, mais qu’il soit
effectivement composé de véritables
représentants du peuple syrien. Le
deuxième, est de veiller à ce qu’il
ne présente pas cet organe comme le
remplaçant de l’autorité légitime
actuellement au pouvoir en Syrie.
Ceci, parce que certains États
pourraient persister dans leurs
tentatives visant à faire admettre,
dans ses rangs, des représentants de
l’un quelconque des groupes
prétendument révolutionnaires
syriens... sous prétexte qu’ils sont
« militairement victorieux » dans
certaines zones, dites libérées, du
territoire syrien.
Ici, il faut
souligner l’importance des déclarations
du ministre syrien des Affaires
étrangères et des expatriés, M. Walid
al-Mouallem à propos de la Conférence de
Genève 2 : « La Syrie appuie la tenue de
la conférence de Genève 2 pour parvenir
à un règlement politique de la crise...
Nous n'y participerons pas pour livrer
le pouvoir à quiconque...
C'est au
peuple syrien, seul, de décider de son
avenir via un processus politique loin
de toute ingérence étrangère... Elle
peut parvenir à un programme et à un
plan d'action politique qui sera soumis
à référendum populaire pour que le
peuple syrien soit le décideur de son
avenir...
Tout règlement inadmissible par le
peuple syrien, est inapplicable » [9].
En conclusion, en
dépit de ces quelques observations qui
justifient la prudence, il nous faut
dire que la résolution 2118 est le
premier fruit de la victoire de la Syrie
dans sa défense contre l'agression
planétaire sans précédent, une victoire
qui tend donc à rétablir l'équilibre au
sein Conseil de sécurité et d’un nouvel
ordre mondial multipolaire. Grâce à sa
résistance, la Syrie demeure souveraine,
une et indivisible ; ce que la
résolution 2011 confirme absolument !
Dr Amin Hoteit
30/09/2013
Article traduit de
l’arabe par Mouna Alno-Nakhal
Article original :
Al-Thawra
القرار 2118 أول قرار في ظل نظام عالمي
جديد؟ ولكن..؟
http://thawra.alwehda.gov.sy/_Kuttab.asp?FileName=104835348620130930011023
Notes :
[1]
المعالم الأساسية لمشروع الاتفاق الدولي
حول سورية
و
http://thawra.alwehda.gov.sy/_kuttab_a.asp?FileName=72038658720130916005444
[2] EXCLUSIF. Comment Hollande avait
prévu de frapper la Syrie
http://tempsreel.nouvelobs.com/guerre-en-syrie/20130927.OBS8824/exclusif-comment-hollande-avait-prevu-de-frapper-la-syrie.html
[3] Fabius à l’ONU
http://www.franceonu.org/la-france-a-l-onu/espace-presse/declarationspresse/points-de-presse/article/23-septembre-2013-ouverture-de-la
[4] L'ambassadeur
syrien s'en prend à la France
http://www.leparisien.fr/international/syrie-le-desarmement-vote-a-l-onu-mais-pas-de-sanctions-automatiques-28-09-2013-3177319.php
[5] Conférence de presse de M. Bachar
al-Jaafari à l’ONU le 28 septembre 2013
https://www.youtube.com/watch?v=TF0oErnWkPY&feature=player_embedded
Extrait vers la 6ème
minute :
À la question [pas très audible]
concernant le gouvernement français qui
reconnait « Al-Jarba » comme le seul
représentant légitime du peuple syrien
et alors que M. Fabius avait participé
le jeudi 26 Septembre à une réunion de
la prétendue opposition syrienne, à New
York, et en sa présence ; M. Al-Jaafari
répond :
« Absolument pas ! Ceci n’est pas
conforme à l’accord... J’ai adressé hier
une lettre au Secrétaire général pour
lui demander de renoncer à cet événement
secondaire... C’est en toute franchise
que je vous dis qu’il a eu lieu grâce à
la délégation française dont la lecture
des événements est plutôt surréaliste.
La diplomatie française se comporte
en« amateur » et non de façon
professionnelle.
Je conseille au
ministre français des Affaires
étrangères de lire la résolution avec
attention. Ainsi il pourra en conclure
qu'à partir de maintenant, ni lui ni son
pays ne seront autorisés à en violer les
décisions. Elle interdit au gouvernement
français d'inciter au terrorisme et à la
violence en territoire syrien. Elle
interdit à Paris et au ministre français
des Affaires étrangères de contribuer à
l’escalade de la situation en Syrie à
travers le soutien et la fourniture
d’armes à ceux qui s’opposent à la tenue
de la Conférence de Genève 2... Par
conséquent, la diplomatie française a
commis beaucoup d’erreurs. Il y a
quelques minutes à peine, le ministre
des Affaires étrangères lisait sa
déclaration et paraissait ne pas avoir
compris la signification de cette
résolution... Mais il y a deux ou trois
jours ils [la délégation française] ont
organisé cet événement secondaire dans
les locaux mêmes de l’ONU, ce qui
constitue une violation flagrante de la
Charte et de la volonté des États
membres ».
[6] Security Council requires Scheduled
Destruction of Syria’s Chemical Weapons,
Unanimously Adopting Resolution 2118
(2013)
http://www.un.org/News/Press/docs/2013/sc11135.doc.htm
[7]
Résolution 1559 du Conseil de sécurité
des Nations unies
http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9solution_1559_du_Conseil_de_s%C3%A9curit%C3%A9_des_Nations_unies
La résolution 1559 a été adoptée le 2
septembre 2004 par le Conseil de
sécurité de l’ONU, à l’initiative
conjointe de la France et des
États-Unis, par 9 voix sur 15 et 6
abstentions... « Ont
déclaré que la résolution constituait
une ingérence dans les affaires
intérieures du Liban et se sont
abstenus : Russie, Chine, Brésil,
Algérie, Pakistan, Philippines ».
[8] Communiqué
final (Genève, 30 juin 2012)
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/syrie/la-france-et-la-syrie/evenements-4439/article/reunion-du-groupe-d-action-pour-la
[9] Mouallem : La
Syrie appuie la tenue de la conférence
de Genève 2
http://213.178.225.235/fra/51/2013/09/28/504808.htm
Le Docteur Amin Hoteit est
libanais, analyste politique, expert en
stratégie militaire, et Général de
brigade à la retraite.
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