Opinion
L'avenir des
mouvements de solidarité :
La Flottille de la Liberté, sans prendre
la mer, a porté au blocus de Gaza un
coup qui conduira à sa désagrégation
Ameer
Makhoul
Ameer
Makhoul
Mardi 5 juillet
2011
Menée à
une époque de
mondialisation de la terreur d’Etat,
l’entreprise officielle et
internationale de sabotage de la
Flottille de la Liberté constitue un
moment- clef dans l’histoire du
mouvement populaire mondial et de la
solidarité entre les peuples. Cette
action met à jour l’inquiétante
étendue de la coopération et de la
coordination que pratique un système
répressif international engageant
gouvernements, services de
renseignements et unités
opérationnelles de l’armée. Nous
avons là affaire à un véritable
cartel de la terreur officielle mis
en place par les détenteurs du
monopole de la répression- Etats et
organisations internationales- dans
le but d’étouffer les mouvements
pacifiques de solidarité avec le
peuple palestinien qui émergent un
peu partout dans le monde afin de
mettre fin au blocus de Gaza.
Nul doute que ces
Etats partagent avec
Israël ce crime commis contre le
peuple palestinien et ses droits
ainsi que contre les personnes qui
lui sont solidaires.
Mais en dépit de ces
développements, une donnée
essentielle émerge : alors même que
se déployait sur les plans
militaire, judiciaire et ouvertement
terroriste l’opération de sabotage
visant à empêcher les navires de
prendre la mer, au début de juillet
2011, Gaza l’assiégée
incontestablement gagnait
en liberté. C’est le sentiment qui
prévaut parmi nous, nous les
combattants de
la liberté détenus dans les prisons
israéliennes, le sentiment que,
grâce à Flottille et à la dynamique
qu’elle a suscitée, la liberté est
plus proche que jamais.
Ce qu’il faut retenir ici est
l’influence et la force du mouvement
populaire mondial de solidarité avec
le peuple palestinien, en
particulier le mouvement« Free
Gaza » pour
briser le blocus. C’est grâce à
cette influence et à cette force
toujours grandissantes qu’apparaît
maintenant le visage véritable de
ces Etats et régimes complices du
terrorisme israélien. Que ces Etats
et régimes soient désormais
contraints de déployer au grand jour
leur arsenal guerrier et répressif
contre les mouvements solidaires du
peuple palestinien est signe clair
que le blocus de Gaza est plus
fortement secoué que jamais depuis
sa mise en place.
Nous devons noter que les parties-
Etats et régimes, sans oublier le
Secrétaire Général de l’ONU
lui-même ! - qui ont exprimé leur
hostilité à l’égard de la Flottille de
la Liberté sont ceux-là mêmes qui
ont condamné les mouvements de
masse des réfugiés lors de la
commémoration de la Nakba, le 15 mai
2011, et de la Naksa, le 5 juin. Ces
réfugiés qui manifestaient la
volonté de retourner dans leur
patrie – leur droit inaliénable et
internationalement reconnu- ont été
accusés par ces parties de
provocation à l’égard d’Israël, ce
régime fondé sur la conquête
militaire, l’exode forcé et la
purification ethnique ! Mais dans
tout cela, ce qui apparaît nettement
est l’aggravation, à un niveau
jamais égalé auparavant, de la crise
d’Israël, crise dont la lame de fond
n’est autre que la question- qui ne
cesse de prendre de l’ampleur au
sein du mouvement populaire mondial-
de la légitimité même d’Israël en
tant que régime colonialiste et
raciste.
Une évolution importante marque le
présent élan de solidarité populaire
mondiale avec le peuple palestinien et
pour la consolidation du droit
palestinien, c’est que désormais, de
nombreux militants sont prêts à
payer un prix très élevé pour leur
engagement et à affronter les
dangers que comporte l’affrontement
avec Israël et ses complices parmi
les Etats et régimes. Malgré ces
dangers, cet élan populaire
international ne cesse de s’étendre
et de gagner en détermination,
acculant Israël et lui arrachant
chaque jour un lambeau de la
légitimité dont il se
pare.
Cette solidarité, digne de la plus
haute estime, est mouvement
des peuples, mouvements
populaires de toutes les parties du
monde qui considèrent que dans le
combat inégal entre l’oppresseur et
l’opprimé, leur place est d'être,
de façon active et concrète aux
côtés de ce
dernier, aux côtés des victimes de
la conquête militaire, de la
répression, des détentions de masse
et du racisme. Ce que l’attaque
israélienne contre la Flottille
nous donne à voir de façon plus
flagrante que jamais est que les
gouvernements complices n’hésitent
pas à employer leur influence
politique et diplomatique, leurs
services de renseignements, leurs
appareils judiciaires ainsi que
leurs unités militaires spéciales
afin d’accroître l’inégalité du
rapport de force au profit d’Israël
et au détriment des droits du peuple
palestinien et des mouvements qui le
soutiennent.
Que ce système mondial de terreur
officielle s’affiche ouvertement en
assignant un rôle précis à chacune
des forces, Etats et gouvernements,
qui le composent signifie que dans
cette vision, les peuples ne
comptent plus et que seuls comptent
les structures internationales
dominantes d’intérêts et les
pouvoirs en place.
L’Union Européenne s’est employée à
discréditer la Flottille de la
Liberté et à
s’attaquer à
sa légitimité mais il faut dire, et
il n’y a rien d’étonnant à cela, que
l’administration américaine l’avait
précédée dans cette basse manoeuvre.
Le pire, cependant devait venir de
la Grande-Bretagne qui a pris la
décision politique d’arrêter Cheikh
Raed Salah, l’un des plus grands
dirigeants du peuple palestinien et dirigeant du
mouvement mondial contre le blocus
de Gaza. La campagne de calomnies
qui a accompagné son arrestation,
qui n’est rien d’autre que reprise
grossière de la propagande
israélienne dirigée contre cet homme
et ce qu’il représente, montre
l’étendue de la compromission –
voire de la soumission - de ces
milieux au gouvernement israélien et
au lobby sioniste
En arrêtant le Cheikh
Raed Salah, la Grande Bretagne a
offert à Israël la possibilité de
pervertir et de détourner à son
profit un des moyens d’action de la
société civile mondiale et, pour ce
pays ci, le recours aux tribunaux
britanniques pour poursuivre et
arrêter les criminels de guerre
israéliens, généraux et
personnalités politiques. Pour
rappel, quand, il y a quelques
années, le Centre Palestinien des
Droits de l’Homme, dans une action
menée avec des parties solidaires
britanniques, obtint de ces
tribunaux un arrêt ordonnant
l’arrestation du général Doron Almog
pour sa responsabilité dans
l’assassinat du martyr Salah Shehade et de
treize membres de sa famille à
Gaza, les autorités britanniques
distillèrent l’information à
l’ambassade israélienne et à Doron
Among lui-même, ce qui permit à
celui-ci de fuir le territoire
britannique et d’échapper à la
justice de ce pays. Ainsi, le
recours à la justice qui était pour
les victimes de l’occupation, du
racisme et du colonialisme un lieu
où leurs droits pouvaient être
entendus est devenu pour les
occupants et les criminels de guerre
moyen de pousser encore plus loin
l’oppression de ces mêmes victimes
et cela, en utilisant non seulement
leurs lois mais aussi celles qui ont
cours dans les pays dont les
gouvernements sont complices des
crimes israéliens.
La Grèce, qui est liée à Israël par
un système de coopération militaire
et sécuritaire en plein
développement incluant des manœuvres
conjointes, a engagé une opération
militaire utilisant ses forces
spéciales dont les commandos navals
pour immobiliser la Flotte, y
compris en recourant aux explosifs
pour détruire les moteurs des
navires. Dans le même temps, elle ne
s’est pas privée d’actionner ses
appareils judiciaires afin
de donner un semblant de légalité à
son recours à la force militaire
brute pour empêcher la Flottille de
prendre la mer pour Gaza. A la
gloire de cette force militaire
hautement louée par Israël, le
blocage des navires au port, le
sabotage de leurs moteurs et
l’opération d’arraisonnement en
pleine mer suivie d’un retour forcé
au port. Par ailleurs, Chypre a
annoncé sa décision d’interdire aux
navires de la Flottille de mouiller
dans ses eaux territoriales alors
que la Turquie a fait preuve d’une
attitude moins qu’honorable. On
sait que les explosions
qui ont touché un des navires de la
Flottille ont
eu lieu dans
ses eaux territoriales mais il
y a pire que cela :elle a interdit au
Mavi Marmara, ce symbole de la
solidarité avec Gaza qui porte
encore les traces de la sanglante
attaque israélienne, de rejoindre la
Flottille de la Liberté.
Encore une fois, nous constatons
la pitoyable veulerie de la position
officielle palestinienne, celle de
l’ Autorité Palestinienne et de l’
OLP lesquelles, face à ce crime
commis par Israël et de nombreux
autres Etats, n’ont pas trouvé mieux
que de se dérober à
leur rôle de partie
essentielle dans le conflit avec
Israël pour
assumer celui de « partie tierce ».
Il faut aussi noter que
durant ces évènements, la
coopération sécuritaire de
l’Autorité Palestinienne avec Israël
ne s’est pas relâchée ni même été
mise en question un seul instant.
Nous avouons que nous attendions
plus de l’Egypte révolutionnaire.
Cet Etat à vocation de puissance
régionale avait la possibilité
d’offrir, à la Flottille de la
Liberté, accueil dans ses ports et
protection lors de son départ vers
Gaza, car son littoral et ses eaux
territoriales sont plus proches de
Gaza que ne l’est cette dernière
d’Israël. L’Egypte
s’est abstenue d’offrir à la Flotte
un tel soutien, car avec son régime
actuel, elle accepte encore de subir
ce siège mis en place autour d’elle
et autour de la Palestine par les
accords de Camp David). Nous devons
reconnaître que l’Egypte
révolutionnaire a ré-ouvert le
passage de Rafah, un pas extrêmement
important mais nous pensons que
quand on est capable d’ouvrir Rafah,
on est également capable de protéger
la Flottille de la Liberté. L’ouverture
du passage de
Rafah est
chose extrêmement positive mais
elle ne
met pas fin au blocus ni ne suffit à
le briser. Nous devons aussi noter
que l’Egypte, l’Autorité
Palestinienne et la Jordanie
poursuivent toujours leur
coordination sécuritaire avec Israël
et cela est extrêmement dangereux,
car en
fin de compte, ceux qui sont
encerclés, ce sont le peuple
palestinien, les peuples arabes et
la souveraineté arabe, spécialement
celle de l’Egypte.
Tous ces évènements nous
apprennent malheureusement que les
révolutions arabes ont encore du mal
à traduire leur
élan sur le plan des responsabilités
régionales. Que l’Union Européenne,
la Grèce , la Grande Bretagne ou
encore Chypre manifestent de façon
aussi insolente et brutale leur
hostilité à l’égard de la Flottille
de la Liberté, à l’égard du
mouvement contre le blocus imposé à
notre peuple n’est que la
conséquence de ce déficit au plan
régional. Il est vital que les
forces populaires et politiques,
précisément celles de l’Egypte,
prennent conscience de ce déficit.
Israël que nous connaissons bien,
s’était préparé à perpétrer une
boucherie contre les membres du
mouvement de solidarité en lançant
une campagnehaineuse appelant
à verser leur sang, en répandant des
mensonges éhontés
sur eux et ce qu’ils sont, sur leurs
intention et
sur la nature des biens qu’ils
transportaient. En dépit de la
grossièreté de ces mensonges,
mensonges dont sont conscients même
leurs journalistes les plus connus,
les médias aux ordres d’Israël ont
continué à les diffuser comme s’ils
étaient détenteurs d’un dossier de
« preuves »- un dossier qui n’existe
pas. Il est clair que les peuples
et les mouvements solidaires du
peuple palestinien, très nombreux
dans le monde, ne se soucient que
très peu de l’impact des médias
israéliens mais nous devons
reconnaître qu’Israël a bien retenu
le sens des signaux qu’elle a reçus
après son attaque sanglante contre
la Flottille de la Liberté en juin
2010 : désormais, elle redoublera
d’actions criminelles. Et cette
fois-ci, comme l’action
de sabotage de la flottille a été
essentiellement commise par des
Européens, des Grecs, des
Chypriotes, des Américains etc., elle n’est
que tentative
de blanchiment du crime qui, dans
le cas où elle
est couronnée de succès selon les
critères de ceux qui l’ont
perpétrée, ne manquera pas de se
répéter à l’avenir.
Pour résumer, nous énumèrerons
quelques points qui méritent
spécialement d’être soulignés.
Premièrement : le dévoilement au
grand jour de la nature de l’ordre
mondial officiel lequel opère son
passage du terrorisme pratiqué par
un seul Etat à un terrorisme qui
est le fait d’un système engageant
plusieurs Etats dans une
organisation et une coordination
inédites. Nous pouvons dire que cet
ordre mondial a désormais adopté le
terrorisme –incluant, sans se
limiter à cela, l’usage
de l’institution militaire - comme
moyen de lutte contre les mouvements
populaires de solidarité qui
agissent dans
le cadre de la légalité
internationale et des Droits de
l’Homme.
Deuxièmement : l’importance cruciale
de l’extension des mouvements de
solidarité ,
importance dont la prise en compte
doit se traduire, dans l’action
militante palestinienne, par plus
d’échanges et de coordination avec
ces mouvements. Ceux-ci, en effet,
constituent pour notre peuple et sa
cause une véritable ligne de défense
mondiale. Dans
ce contexte, une campagne mondiale
s’appuyant sur les lois et
conventions internationales
pertinentes doit se faire
afin d’assurer la protection de ces
mouvements car
leur combat vise la
promotion des Droits de l’Homme et
les Droits des Peuples.
Troisièmement : la nécessité
d’œuvrer en vue de
redonner à
la cause palestinienne la place qui
lui revient dans
les révolutions arabes et, en
particulier, en Egypte. Dans
ce contexte, il faut agir en vue de
promouvoir des
mécanismes permettant à l’opinion
arabe d’être plus réactive et
dans le même temps plus présente en
tant que force face aux évènements
mondiaux.
Quatrièmement : l’exigence que cesse
de façon définitive la coordination
sécuritaire de l’Egypte, de la
Jordanie et de l’Autorité
Palestinienne avec Israël, exigence
qui va doit
s’accompagner d’une pression sur le
régime égyptien afin qu’il se libère
des accords de Camp David, ces
accords qui ont gommé la dimension
arabe de l’Egypte et exclu celle-ci
de la confrontation avec Israël.
Cinquièmement : la préparation de la
prochaine Flotte de la Liberté,
préparation qui doit bénéficier des
enseignements tirés l’expérience de
la dernière Flotte, parmi
lesquels la nécessité de démanteler
le cordon sécuritaire que s’est
donné Israël grâce aux Etats
hostiles mentionnés plus haut.
Nous avons dans ces évènement des
leçons précieuses mais la grande
vérité qui émerge est que la
Flottille de la Liberté est arrivée
à Gaza sans même quitter les quais
et que Gaza, comme toute la
Palestine, a trouvé son chemin
vers le cœur des peuples du monde, Là
est le meilleur fruit de la lutte de
notre peuple et de ses amis dans le
monde.
Traduit par: Najib Aloui
Publié le 31 août 2011
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