Opinion
Suicide du DRAG de
Mascara
De la violence sociale au suicide
d'un responsable
Amar
Djerrad
Jeudi 25 avril
2013
La presse a fait état du suicide,
dans son bureau, du directeur de la
réglementation et des affaires
générales de la Wilaya de Mascara
(DRAG). Suite à ce drame, le site
«Algérie patriotique» a rapporté que
le Wali a été relevé de ses
fonctions.
Ce genre de drame est-il
particulier et exceptionnel pour en
faire état aussi largement ou parce
que cela s’est déroulé dans le siège
de la wilaya en sa qualité de cadre
responsable ? Sinon, combien de
cadres se sont suicidés sans voir
leur acte susciter une curiosité
d’ordre social ? Seulement une ligne
dans les «faits divers».
Le suicide, en Algérie, n’est pas
un phénomène exceptionnel. Il n’est
pas particulier à une catégorie. Il
est, comme pour le
diabète et les cardiopathies, lié à
l’hygiène de vie, au stress et à nos
comportements quotidiens en privé et
en public !
Dans le cas de ce DRAG, on a vite
trouvé «l’explication» et le «bouc
émissaire» en la personne du Wali
qui l’aurait «sévèrement blâmé» lors
d’une cession de l’Assemblée. Si tel
est le cas, et alors ? En quoi le
Wali est-t-il responsable ? Et si
c’est lié à la personnalité du DRAG,
en quoi le Wali est aussi
responsable ? Et si c’était le Wali
la victime du même acte on
suspendrait qui ? Il serait vraiment
stupide d’en imputer la
responsabilité à qui que ce soit
sauf si l’on évolue dans
l’opportunisme.
Le Wali nie toute relation de
cause à effet avec ce suicide en
affirmant même avoir de bons
rapports avec lui. Ce que confirme
le P/APW selon la presse.
En
supposant qu’il y ait relation de
«cause à effet» tentons cette
spéculation :
- Comment ce DRAG
s’est-il laissé dépendre du «bon
vouloir» du Wali jusqu’à être
«humilié» et se laisser croire qu’il
peut décider de sa carrière ? Ne
pouvait-il pas répliquer et faire
confiance en soi et à ses
compétences ? Le compétent trouve
toujours une issue à sa situation
professionnelle ! Au demeurant,
avait-il toutes les capacités et la
volonté de le faire ? Se sentait-il
dans un dépit et frustration qui lui
ont fait croire à une impasse, dont
la seule issue, serait de
disparaitre ? Une foule de
questions. Par son âge, 59 ans,
c’est-à-dire à un an de la retraite,
ces explications restent
improbables, superflus.
- Ce Wali, a-t-il toutes les
compétences requises pour gouverner
une wilaya ?
Si ‘oui’, alors il est
inconséquent de prendre à son
encontre une telle décision (le
relever de ses fonctions). Est-ce
parce que le drame s’est déroulé au
siège de la wilaya ? Et alors ? Ce
serait une fuite en avant, un manque
de perspicacité que d’exiger ou de
le relever de ses fonctions! Qu’elle
sera la réaction des autres Walis
quand on sait que des cas de
suicides sont enregistrés souvent
sur tout le territoire pour des
motifs liés à la gouvernance ? C’est
quoi cet opportunisme des députés
qui tombent à bras
raccourcis sur le wali pour
l’évincer ! Et si le même drame
s’est déroulé à l’APN, à la
Présidence de la République, dans un
ministère, on suspendrait qui ?
Soyons raisonnables!
Si ‘non’, alors la responsabilité
revient directement à l’État au
travers de ses décideurs qui foulent
du pied toutes les règles permettant
la sélection et le choix des
responsables à tous les niveaux ! On
les suspendrait aussi ?
Reconnaissons que l’État -
c’est-à-dire nous tous - manquons
encore de volonté politique à mettre
fin à cette gabegie dans la gestion
des compétences. Nous savons tous
comment et pourquoi sont désignés et
évincés les responsables. Nous avons
été autant acteurs que victimes.
L'Algérie est, à notre sens, le seul
pays qui ‘recycle’ les incompétents
en les «mutant» en cas de
défaillances. Là est essentiellement
le problème de l’Algérie. Les postes
de responsabilité sont cédés aux
incompétents non pas par «erreur
dans le choix», mais consciemment
par «copinage» et intérêts. Il
s'agit bien de maintenir les
privilèges. L'essentiel pour nos
responsables et de mettre à la tête
un des leurs, quel que soit ses
capacités, quitte à le seconder par
des compétents pour éviter le
blocage. Ces derniers ne bénéficient
de postes de responsabilité que dans
certains secteurs où il est
pratiquement impossible de faire
autrement. Nous l’avons constaté
et…admis durant toute notre
carrière. Il n’y a pas un qui ne
souhaiterait pas prendre la place
d’un responsable pour avoir les
mêmes pouvoirs et bénéficier des
mêmes privilèges en l’absence de
règles fermes. Même si un clan
remplace un autre la même attitude
est maintenue. Rien n’est encore
fait pour mettre un terme à cette
cupidité !
C'est là une des principales
faiblesses de l'Algérie qui peut
être à l'origine (la porte ?) à
toutes les tentatives de
déstabilisations. Si les ennemis de
l’Algérie y tentent encore c'est
grâce à cette faille. Ils ne s'y
aventureraient jamais s'ils savaient
qu’elle était encadrée par des gens
compétents.
Il a été diagnostiqué que
l’origine des maux relatifs à la
gérance des entreprises et des
institutions, des ressources
humaines et matérielles se situent
dans cette «rente» -
objet de toutes les convoitises -
issue des revenus pétroliers, dont
la gestion reste problématique. Elle
est la cause de toutes les rivalités
et le frein à toutes les actions
visant les changements structurels.
Une rente qui est à la fois
«bienfaitrice» et
«corruptrice».Parce que la «rente»
est contraire aux règles du marché
en s’opposant à l’acte production,
en annihilant l’effort, il se
déroule une course folle et
effrontée pour profiter à qui mieux
mieux de cette ’manne’. Les systèmes
rentiers ont toujours été
réfractaires à l’esprit
d’initiative. Ces systèmes
pervertissent les consciences en
encourageant les convoitises, la
collusion, la paresse et
l’incompétence. La pratique du
pouvoir dans ces systèmes s’établit
suivant une approche avide et
cupide. Leurs dirigeants le sont par
favoritisme d’où cette duplicité et
cet esprit négligent et prédateur,
générant des idées et comportements
absurdes et abusifs.
Combien de cadres de valeurs ont
dû subir les pires abus dans le but
de saper leur bonne volonté par des
incompétents amateurs des situations
troubles. Combien de cadres se sont
désistés ou ont refusé des
responsabilités, car, constatant
qu’ils servaient de faire-valoir ou
de boucs émissaires.
La majorité des cadres algériens
ont été, plus ou moins, confrontés à
ces genres de situations injustes,
souvent insolubles, à cause des
connivences qui poussent à la
révolte voire, aux actions
déraisonnables. Qui n’a pas subi
l’injustice, la persécution, la mise
à l’écart? Qui ne s’est pas plaint à
la tutelle dénonçant les abus, mais
restée sans suite? Qui n’a pas ester
en justice son employeur ou
poursuivi lui-même par ce dernier?
Qui n’a pas été abusivement licencié
et défié par l’employeur d’aller
«porter plainte»? Qui n’est pas
passé par de profondes déceptions ou
effleuré les troubles psychotiques
du fait de la violence du milieu
professionnel ?
Au-delà
des causes liées à la constitution
des individus l’État, en Algérie,
porte la responsabilité des drames
attachés aux conditions de travail,
à la gestion des carrières, à la
protection de l’intégrité physique
et morale des travailleurs qui
restent bien en deçà malgré
l’existence des lois.
En Algérie, les compétences
existent et l’État n’arrive toujours
pas à leur offrir les conditions de
leur épanouissement et les mettre au
service du pays qui ne peut qu’en
tirer avantages et bienfaits.
La
solution reste celle adoptée par les
pays qui ont réussi dans leur
développement économique et social,
celle qui réhabilite le travail -
qui fait la promotion de l’homme -
et non dans cet esprit rentier
pervers qui supplante le travail et
l’intelligence, accentue les
contradictions, maintient dans
l’archaïsme.
Le drame du siège de la wilaya de
Mascara entre dans le cadre de cette
violence sociale dont il faudra s’y
intéresser plus honnêtement et
sérieusement.
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