|
Aux sources du chaos mondial actuel
2ème partie
Aux sources du sionisme
II - L'invention des notions de «peuple
élu» et de «terre promise»
Aline de Diéguez
Lundi 29 mars 2010
La "Terre promise":
"De nombreux versets du Deutéronome, de la Genèse,
de l'Exode, des Nombres, du livre de Josué
décrivent un territoire qu'un notaire divin aurait "promis" à un
groupe de fuyards-fantômes, conduits par un guide spirituel
imaginaire, qui a confié l'achèvement de sa mission à un chef de
guerre fictif, lequel a réussi l'exploit de faire s'écrouler les
murailles d'une ville qui n' en avait pas à l'époque supposée
des évènements..."
-
1 -
Un
regard
sur l'actualité
-
2 - Histoire
réelle et Histoire mythique
-
3 - Quelques jalons
historiques
-
4 - Le roi Josias impose le
monothéisme dans le Royaume de Juda
-
5 - La rédaction
du Deutéronome
-
6 - Le virus morbide de
"peuple élu"
-
7 - Qu'est-ce que
la "Terre promise"?
-
8 - La mort de Josias
et la destruction du Temple
- 9 -
Conclusion
1 - Un
regard sur l'actualité
Tout le monde se
souvient de la mise en scène réalisée par un obscur
sous-ministre du petit Etat d'Israël lors d'une convocation de
l'ambassadeur turc et du scénario complaisamment détaillé en
hébreu à l'intention de la presse convoquée pour la
circonstance: un vaste et confortable fauteuil haut sur pattes
au centre de la pièce dans lequel s'étalait complaisamment le
petit fonctionnaire au veston débraillé et un étroit siège bas
dans un coin, près de la porte, réservé au représentant du grand
pays qu'est la Turquie.
Cette saynète n'est pas uniquement la manifestation de la
grossièreté accidentelle d'un individu particulier, elle est la
représentation, en tous points réaliste, du théâtre mental et
symbolique qui se joue dans les cervelles, non seulement des
dirigeants, mais des 94% des habitants qui approuvent la
politique de ce microscopique Etat. L'inconscient biblique
théâtralisé a brusquement débarqué sur le devant de la scène
politique. D'après ce scénario, le "peuple élu"
s'épanouit confortablement au centre de l'univers, tandis que le
"reste du monde" est relégué en vrac dans les banlieues
de la planète.
Le sous-Ministe israélien Danny
Ayalon et l'Ambassadeur de la Turquie, son Excellence Ahmet Oguz
Celikkol
Jamais un Etat n'avait à ce point révélé au grand jour les
phantasmes qui grouillent dans les neurones de ses dirigeants.
Mais si l'ambassadeur d'un Etat de quatre-vingts millions
d'habitants, riche d'une culture millénaire, d'une industrie
prospère et d'un prestige international de plus en plus mérité
est traité avec un tel mépris par un fonctionnaire subalterne
d'un étaticule né de la dernière pluie, il est facile d'imaginer
les sentiments qu'éprouve le "peuple élu" pour les "arabes"
qui les entourent et qui, à leurs yeux, polluent leur "terre
promise " par leur seule présence sur les lieux.
Caricature non signée parue dans un
journal turc (source Al-Manar)
D'ailleurs David Ben Gourion justifiait le nettoyage ethnique
des Palestiniens dès juin 1938 dans une déclaration à l'agence
juive, donc avant même la création officielle de l' Etat: "
Je suis pour le transfert forcé. Je ne vois rien là d'immoral."
(cité par Ilan Pappé, Le nettoyage ethnique de la
Palestine)
Une fois obtenu le principe de la création d'un Etat, le même
Ben Gourion, considéré par certains comme un "homme de paix"
digne d'être honoré par l'attribution d'un lieu public à
Paris, avait prévu à la fois l'objectif et les moyens de
parvenir à l'éradication de la gangrène que constitue, aux yeux
des colonisateurs, la présence de la population palestinienne: "A
la suite de l'établissement de l'Etat et après la mise sur pied
d'une grande armée, nous abolirons la partition et nous
nous étendrons sur l'ensemble de la Palestine. L'acceptation de
la partition ne nous engage nullement à renoncer à la
Cisjordanie. On ne demande pas à quelqu'un de renoncer à son
rêve. Nous accepterons un Etat dans les frontières fixées
aujourd'hui - mais les frontières des aspirations sionistes
ne dépendent que des Juifs et aucun facteur externe ne
pourra les limiter."
Le
"reste du monde", qui n'a jamais rien compris à la
psychologie des sionistes et à leur rêve, n'est pas mieux
traité, aujourd'hui, que l'ambassadeur de Turquie. Celui-ci
n'est pas le seul, en effet, à avoir enduré l'arrogance
pathologique des dirigeants sionistes. Le ministre des affaires
étrangères français a accepté sans broncher de passer sous les
fourches caudines de l'interdiction qui lui a été vertement
signifiée d'entrer dans le bagne de Gaza et il a obtempéré
piteusement. De même, le souverain pontife romain, représentant
pourtant d'un milliard de chrétiens et oublieux de la parabole
du bon Samaritain, a rasé le mur au sens propre et a avalé sa
mitre lors de son pèlerinage récent autour des emmurés. Il s'est
plié humblement à tous les oukazes de l'Etat hébreu. De même
encore, moult commissaires et députés de l'évanescente et lâche
Union européenne n'osent piper mot et obéissent, l'échine basse,
aux interdits qui leur sont opposés.
Le pape Benoît XVI rase le mur
israélien, Discours devant le mur à Bethléem, le 14 mai 2009
La
mansuétude du microscopique Moloch dressé sur ses ergots et le
jabot gonflé d'une morgue effrontée, est allée, après un premier
refus hautain, jusqu'à permettre à la pâle représentante de la
politique étrangère d'une Europe dont l'esprit de soumission n'a
plus de limites, de jeter un coup d'œil sur les bagnards dont
les citoyens européens financent les infrastructures sur un
territoire que le "peuple élu " s'empresse immédiatement
de transformer en tas de gravats dans un jeu de massacre à
répétition, et sans que personne ne se lève pour crier avec
colère " ça suffit! " et oblige le prédateur à payer pour
ses destructions.
Aux dernières nouvelles, le secrétaire général de l'ONU, après
avoir essuyé, lui aussi, un premier refus impérieux, a été
finalement "autorisé", on ne sait à la suite de quelles
pressions, à fouler le sol du bagne de Gaza. Mais une fois
arrivé à l'aéroport, aucun membre du gouvernement hébreu n'était
présent pour l'accueillir. "Je suis humilié", a gémi M.
Ban Ki Moon.
Une question se pose: quelles peuvent bien être les racines
psychobiologiques de l'incommensurable arrogance des membres
d'un petit Etat qui vient de débarquer sur la scène
internationale mais qui donne des ordres à tous les autres Etats
de la planète, formule des oukazes, présente des exigences,
menace qui lui plaît, détruit quand ça lui chante, tue, ravage,
insulte les ministres anglais qu'il compare à des chiens, le
tout dans une sorte de silence pétrifié des puissances
politiques de la planète transformées en statues de sel?
De plus, d'où
vient la totale et inhumaine insensibilité du bourreau qu'il est
devenu à l'égard des souffrances endurées par ses victimes ?
-
Le territoire, les rats et les
hommes
-
L'axe de l'apocalypse se rue à
l'assaut du camp de concentration de Gaza.
Or, des recherches récentes en éthologie viennent de démontrer
que la capacité d'empathie n'est pas le propre de l'homme (voir
le Monde du 27 février 2010). Il est prouvé que
les grands singes, les éléphants et d'autres mammifères sont
sensibles à la souffrance d'autres animaux, même s'ils ne font
pas partie de leur groupe. Les Israéliens qui approuvent à une
majorité écrasante les actions criminelles de leur armée
sont-ils moins aptes que des éléphants et des singes d'éprouver
de l'empathie pour les souffrances qu'ils infligent à des civils
désarmés, à des enfants et même à des nourrissons sous prétexte
qu'ils ne font pas partie de leur tribu? Pire que la jungle,
l'Etat d'Israël?
Empathie animale
Barbarie israélienne
"Si
Israël ne s'est jamais lancé dans un génocide de l'ampleur de
l'Holocauste, le nettoyage ethnique que cette nation inflige aux
Palestiniens équivaut, moralement, à une version lente et en
mode mineur des camps de la mort. J'ai du mal à comprendre
comment un peuple pour lequel il a été si difficile de se
relever des horreurs de l'Holocauste peut ensuite infliger à
d'autres ce qu'on lui a fait " écrit le grand romancier
sud-africain André Brink dans ses mémoires, intitulées
Mes bifurcations (Actes Sud, Arles, 2010)
Mais il ne suffit pas de s'indigner, de décrire et même, comme
le fait le grand romancier André Brink ci-dessus, d'établir des
rapports judicieux avec des évènements comparables déjà survenus
dans l'histoire du monde. Le comportement politique du
sous-ministre humiliant un ambassadeur est une caricature de
l'ensemble de la politique d'un Etat incapable de s'insérer dans
la politique mondiale, d'un Etat qui tue de sang-froid, se
spécialise dans une épuration ethnique aussi féroce
qu'hypocrite, détruit ses voisins et va même jusqu'à pointer ses
têtes nucléaires sur les Etats européens qui sont pourtant d'une
servilité exemplaire à son égard. "La septième chaine
israélienne a diffusé un entretien exceptionnel avec le
professeur Martin Van-Crevel, spécialiste mondial de
référence des guerres de basse intensité. Le professeur émérite
de l'Université hébraïque de Jérusalem y a développé
publiquement les propos qu'il tient depuis une dizaine d'années
dans les cénacles fermés des académies militaires israéliennes
et états-uniennes. "
Et
que dit ce M. Crevel : "Dans le cas où les Européens
s'opposeraient à une déportation [des Palestiniens],
Tel-Aviv n'aura d'autre choix pour survivre que de détruire
des capitales européennes sous le feu atomique, étant entendu
que les Européens ne pourront pas riposter sans tuer leurs amis
Palestiniens."
Il
tient ce discours depuis 1998 (voir La Transformation de
la guerre, Editions du Rocher, 1998) et non seulement
cet individu n'a toujours pas été interné dans un asile
d'aliénés, mais il se répand en conférences et en émissions de
télévision sans que personne trouve à redire à ses déclarations.
Il s'agit d'un homme qui se définit lui-même comme un "chien
enragé ", sauf que les chiens enragés ne courent pas en
liberté dans la nature. Ils sont euthanasiés.
Le Professeur
Martin Van-Crevel
Qu'un
fantasme militaire aussi absurde que criminel puisse bourdonner
dans la cervelle d'un homme qui n'est pas un quidam de
base et qui exerce une fonction de "conseil" dans la
hiérarchie militaire, démontre le dérèglement mental qui a
atteint aujourd'hui des échelons importants de cet Etat.
C'est
afin de comprendre les origines psycho-religieuses de
l'arrogance pathologique et de l'impunité dont jouit cet Etat
auquel il est permis de traiter de chiffon de papier soixante
sept résolutions de l'ONU condamnant sa politique de
colonisation et de persécution des Palestiniens, qu'il est
important de remonter à l'origine de sa séparation psychologique
d'avec "le reste du monde".
Voir:
Ils ont crucifié Marianne... Les
nouveaux exploits de Tartuffe en Palestine
Jai donc
essayé de remonter le plus loin possible dans le temps, afin de
tenter de découvrir dans quelles circonstances une tribu
modeste, devenue progressivement une petite nation enserrée
entre deux puissants empires - l'empire égyptien d'un côté et
l'empire assyrien, puis babylonien, de l'autre - s'est construit
un arrière-monde mythique qui en fait une sorte de météorite chu
d'une autre galaxie et impossible à intégrer dans le jeu
diplomatique de la civilisation actuelle. Cet Etat se permet de
ne respecter aucune règle de la morale internationale la plus
élémentaire et n'obéit même pas aux réflexes de l'éthique
animale récemment mise en lumière par les éthologues.
J'observerai
ultérieurement comment cet arrière-monde auquel il a accroché
son "rêve" s'est si bien durci dans les cervelles durant
les 1900 ans d'absence de ce groupe humain de la scène politique
mondiale, qu'il a façonné au fil des siècles un homo
israelus psychiquement pré-conditionné par un imaginaire
allogène au fonctionnement normal des Etats modernes. Il s'est
rué sur le Moyen Orient comme un "chien enragé" ,
reconnaît-il, lorsqu'il a été autorisé à reprendre pied en
Palestine. Aujourd'hui, il n'hésite plus à menacer le monde
entier - à commencer par ses frileux alliés - d'un arsenal
nucléaire entassé en toute illégalité mais, suprême dérision,
avec l'aide hypocrite des nations qu'il menace aujourd'hui de
vitrifier.
Avant d'en
arriver à la description des circonstances qui ont présidé à la
rédaction du Deutéronome, le texte fondateur de la
mythologie juive, je rappellerai quelques jalons de l'histoire "normale"
de la région durant les cinq siècles qui s'étendent entre le -Xe
et le -Ve siècles. En effet, c'est dans un contexte
politico-social précis, qu'il est essentiel de connaître, que
fut élaboré le grand roman théologico-politique que constituent
les écrits bibliques. Or, le Deutéronome, réputé
fondateur du monothéisme, fut le premier des textes rédigés,
même s'il figurera plus tard en cinquième position dans le
Pentateuque ou Torah . C'est dans ce "
Livre " que furent introduits dès l'origine les thèmes de
"peuple élu" et de "terre promise" qui
détermineront de manière définitive les relations
politico-psychiques de ce peuple avec ses voisins et avec "le
reste du monde". Les "Biblia - les
Livres - constituant un ensemble aujourd'hui appelé "Ancien
Testament", sont un patchwork de parties hétérogènes
rédigées à des époques différentes par des scripteurs différents
et réunies dans un ordre grossièrement chronologique afin de
leur donner à l'ensemble un semblant de cohérence. Mais ces
textes sont à l'histoire de cette population ce que la légende
arthurienne est à l'histoire de la France.
2 - Histoire réelle et histoire mythique
Qui sont les
rédacteurs de la fiction biblique appelée Ancien Testament,
dans quel but, quand et dans quel contexte cette fiction
a-t-elle vu le jour?
L'historien
italien Mario Liverani, dont j'ai déjà parlé dans mon
précédent texte, apporte à ces questions les réponses les plus
logiques, les mieux argumentées et les plus crédibles qui
peuvent être présentées dans l'état actuel de la science
historique. Son ouvrage capital bouleverse l'historiographie
biblique qui en était plus ou moins restée à Ernest Renan et à
sa volumineuse Histoire du peuple d'Israël en cinq
volumes parue en 1887.
Il ne s'agit
évidemment pas, tant dans l'ouvrage de Liverani que dans le
présent article, de jeter négligemment aux poubelles de
l'histoire les récits non historiques de l'Ancien
Testament et de n'y voir qu'un tissu de mensonges. Les
récits bibliques sont une loupe qui permet, non seulement de
lire, mais de comprendre le présent. Littéralement
parlant, il s'agit, en effet, d'affabulations pour certaines des
péripéties relatées, de grossissements volontaires à des fins
politiques ou religieuses d'un petit évènement réel pour
d'autres et enfin, de mythes pour les plus intéressants.
Voir:
Aux sources du sionisme : La
Bible et l'invention de l'histoire d'Israël
Le mythe
n'est pas dans l'histoire. Il est l'histoire, car il crée
l'histoire. Il est hors du temps ordinaire car il est le temps
universel et il dévoile une vérité universelle. Le récit n'est
que le support matériel de circonstance destiné à véhiculer
cette vérité. C'est pourquoi le mythe ne recherche pas la
vraisemblance. Peut-on voler le feu du soleil ? La réponse est
évidente. C'est pourquoi Prométhée n'est pas un vrai voleur d'un
vrai feu, Icare n'avait pas de vraies ailes de cire qui auraient
fondu parce qu'il s'est imprudemment approché du soleil, Sisyphe
n'a pas passé sa vie à soulever un vrai rocher et une femme
nommée Sara, vieille épouse d'un homme appelé "Père de la
multitude" - Abraham - n'a pas enfanté à l'âge canonique de
cent ans.
Les
évènements miraculeux ne sont pas des matériaux historiques.
C'est pourquoi le mythe des deux enfants d'Abraham parle de tout
autre chose que de la parturition miraculeuse d'une vieille
épouse légitime et d'une jeune servante . Abraham est une
métaphore du Créateur-géniteur. Il est donc le père de tous les
peuples - notamment des peuples de la région. Mais attention,
les "fils", donc les peuples, ne sont pas égaux, dit le
mythe: l'un est le fils de la femme légitime, tandis que l'autre
est né d'une union ancillaire.
Contrairement aux codes antiques les plus respectés, qui donnent
automatiquement la préséance à l'aîné, c'est le cadet, Isaac,
qui deviendra le fils préféré, puis le successeur du père, donc
le nouveau maître des lieux. Ismaël, issu d'une servante, sera,
dit le mythe, son domestique et devra lui obéir. Comme dans la
saynète de sous-ministre et de l'ambassadeur, Isaac officiera "en-haut"
et Ismaël sera relégué "en-bas".
On voit que la mise en scène décrite en introduction vient du
plus profond de l'inconscient religieux des israélites.
Sarah amenant Agar à Abraham,
Mathias Stomer, 1ère moitié 17e siècle, Musée Condé à Chantilly
Le mythe
d'Abraham contient donc en germe la politique actuelle au Moyen
Orient. Il donne son sens rétroactif à l'arrogance originelle
des Israéliens qui se posent en descendants du fils de la femme
légitime, donc en maîtres, face aux Palestiniens en particulier
et à tous les Arabes en général, considérés par eux comme étant
les descendants du fils d'une domestique et donc destinés à
servir le peuple légitime.
De
plus, le mythe se vante de ce que le "peuple élu" n'est
jamais un arbre si desséché qu'il ne parviendrait plus à
reverdir. Les deux vieux époux centenaires sont toujours assez
gaillards pour s'adonner aux plaisirs de la chair et rien ne
leur est impossible. Même un pied dans la tombe, le peuple
miraculeux continuera à enfanter.
En revanche, les
récits concernant David et Salomon ne sont pas des mythes, mais
de faux récits historiques relatant des récits d'exploits
outrageusement gonflés à partir de légendes transmises
oralement, embellies, romancées et destinées à offrir à une
nation en train de se créer un glorieux passé auquel se référer.
3 - Quelques jalons
historiques
J'ai montré, dans le précédent texte à quel point la
subjectivité des archéologues Israël Finkelstein et
Neil Asher Silbermann était omniprésente dans le
compte-rendu de leurs travaux. Mario Liverani est
beaucoup plus rationnel et rigoureux que les deux archéologues
américains et son extraordinaire érudition en fait un modèle de
rigueur, pour l'instant non dépassé, dans son approche laïque,
rationaliste et critique du récit biblique d'un point de vue
strictement historique.
Il
rejoint dans une première partie, par des voies différentes, les
conclusions opérées sur le terrain par les archéologues de
La Bible dévoilée, mais il le fait en historien qui
s'attache à décrire ce qu'il appelle "l'histoire normale"
des populations qui ont vécu sur le territoire cananéen en la
situant dans l'histoire globale de la région, dont elle est
évidemment tributaire et sans se contenter d'une paraphrase des
textes bibliques qu'il ne cite que pour montrer le passage de "l'histoire
normale" à "l'histoire rêvée". Ce seul fait constitue
une immense originalité par rapport aux innombrables histoires
d'Israël en circulation. De plus, dans une seconde partie de son
gros ouvrage, il analyse les conditions et les objectifs de "l'histoire
inventée". Il rend le récit signifiant et décode les
motivations des fausses constructions historiques.
Le tableau de la
région qui se dessine à partir des nouvelles études bibliques
présente, à l'origine, des cités-Etats prospères dans les
plaines de Samarie au nord et de villages pauvres et peu peuplés
dans le sud plus montagneux. Il s'agit d'entités sociales très
modestes unies par des liens de parenté et des accords de
voisinage au sujet de l'utilisation des zones de pacage des
troupeaux, comme il est confirmé par les vestiges
archéologiques.
Vers le - IX siècle, un véritable Royaume d'Israël se crée dans
la prospère province de Samarie autour de la dynastie de Omrides,
tandis que Royaume de Juda, continue à ne regrouper, au sud, que
des tribus récemment sédentarisées. Il demeure au stade
archaïque d'une grosse chefferie avec des roitelets locaux,
d'ailleurs vassaux du royaume de Samarie. La "capitale" de Juda,
Jérusalem, n'est qu'un village à peine plus important que les
villages voisins, avec des habitations disséminées.
Mais en - 722 la
riche province du nord est ravagée par l'incursion des armées
assyriennes conduites par le roi Sargon II. La Samarie vaincue
est complètement vidée de ses habitants originels et ne se
remettra jamais de ce désastre. Cette invasion signe l'acte de
décès d'un Royaume d'Israël indépendant.
Sargon II
Les Assyriens avaient trouvé une méthode radicale d'éviter la
renaissance de mouvements nationalistes : ils déportaient en
bloc tous les habitants des contrées conquises et les
remplaçaient manu militari par le transfert de
populations originaires d'une autre province soumise. C'est
ainsi que la capitale Samarie fut repeuplée par des Babyloniens
tandis que l'élite du royaume omride ainsi qu'une grande partie
de la population du royaume du Nord furent conduits à Babylone.
Ce fut la première captivité à Babylone d'une partie du peuple
hébreu. La haine des scribes de Juda pour tout ce qui touchait
au Royaume d'Israël a occulté ce premier désastre. Seule
comptera la deuxième captivité , parce qu'elle concernera les
habitants de Juda.
L'empire assyrien n'avait pas l'intention de créer un désert
économique dans les provinces conquises, si bien que les
déportations croisées se faisaient par groupes familiaux et même
par villages entiers. Mario Liverani cite des documents
assyriens qui révèlent à quel point l'empire assyrien était
méticuleusement et puissamment organisé: "Des gens des quatre
parties du monde, de langue étrangère et de dialectes
incompréhensibles, habitants des montagnes et des plaines, (…)
je les transportai, sur l'ordre d'Assour, mon Seigneur, et par
la puissance de mon sceptre. Je les fis devenir une seule langue
et je les installai là. Comme scribes et surveillants, je leur
assignai des Assyriens, capables de leur enseigner la crainte de
Dieu et du roi." (Liverani, p. 206)
C'est ainsi que les furent créés les Samaritains, vomis par les
textes bibliques, même lorsqu'ils adoptèrent la religion
jahviste, mais dont les Evangiles louent la
charité et la générosité .
" Un homme
descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba dans les
mains des brigands, qui le dépouillèrent, le
rouèrent de coups et s'en allèrent, le laissant à
demi-mort. Un Sacrificateur, qui fortuitement
descendait par le même chemin, ayant vu cet homme,
passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi dans ce
lieu, l'ayant vu, passa outre. Mais un Samaritain,
qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion
lorsqu'il le vit. Il s'approcha et banda ses
plaies... puis il le mit sur sa propre monture, le
conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui. Le
lendemain, il tira deux deniers, les donna à l'hôte
(c'est-à-dire au gérant de l'auberge) et dit: aie
soin de lui et ce que tu dépenseras de plus, je te
le rendrai à mon retour. " (Luc 30-36)
Les malheurs du
Royaume d'Israël profitèrent au Royaume de Juda. Celui-ci connut
alors un important boom démographique, grâce à l'immigration des
fuyards du nord qui refusaient la déportation à Babylone ou
l'assimilation. Mais en même temps, une collaboration économique
s'établit entre Juda et l'empire assyrien. Elle bouleversa une
structure sociale archaïque qui avait peu changé depuis les
temps rustiques de David et de Salomon. Un Etat centralisé
commença de naître. L'accroissement de la population permit le
développement de l'artisanat et la richesse de Jérusalem
s'accrut spectaculairement.
Un
temple de dimensions modestes, dont on pense qu'il fut
construit, non pas par Salomon, mais par le roi Joas (-IXe
siècle), petit-fils de la reine omride Jezabel - dont Racine a
si bien transcrit les tourments - fut rénové et agrandi. Mais
les fouilles archéologiques n'ont trouvé aucune trace de ce
premier temple, même si quelques vestiges de trois lieux de
sacrifices qui pourraient dater de cette époque, ont été
découverts. Comme Jérusalem était devenue un centre relativement
important sous les rois Ezéchias (-716 à -687) et surtout Josias
(-640 à -609), il est admis qu'un temple existait à cette époque
et que ces deux rois l'ont considérablement agrandi, enrichi et
embelli.
Alors que depuis le - IXe siècle Jahvé était déjà considéré
comme le dieu "national" des Hébreux du sud tout en
partageant, officiellement, cette fonction avec les autres dieux
locaux, notamment Baal ou Ashera, le roi de Juda,
Ezéchias tenta d'opérer une première centralisation
religieuse autour de son culte. En même temps se diffusaient
dans les campagnes, "par capillarité", écrit Mario
Liverani, divers cultes de la fertilité "que la religion
Jahviste officielle ne saurait avoir écartés sans courir le
risque d'être totalement marginalisée" (p.171).
Sur le plan
politique, ce roi prit la tête d'une révolte ouverte contre les
Assyriens. S'alliant aux roitelets voisins et à l'Egypte, il
constitua une ligue anti-assyrienne. Mais l'Assyrie réagit
violemment et écrasa tous les conjurés. Le roi de Juda,
Ezéchias, n'échappa à la catastrophe de la destruction de sa
capitale qu'en acceptant, dans un premier temps, le versement
d'un important tribut à l'empire assyrien.
"Quant à Ezéchias de Juda qui
ne s'était pas soumis à mon joug, j'assiégeais 46 de
ses villes fortifiées et entourées de murs, et les
petites villes des environs, sans nombre, au moyen
de l'assaut sur des ponts et de l'attaque par des
machines de guerre, au moyen des combats de
fantassins, au moyen de brèches, de sapes, de
bouleversements, et je les conquis... je l'enfermai
lui-même (Ezéchias) comme un oiseau en cage dans
Jérusalem sa résidence. J'élevai des bastions contre
lui, et à quiconque sortait de ses portes je fis
payer son méfait. Les villes que j'avais
dépouillées, je les détachai de son territoire et je
les donnai à Mitinti, roi d'Ashdod, à Padi, roi d'Acaron,
à Sil Bel, roi de Gaza et ainsi je diminuai son
territoire... Quant à lui, Ezéchias, la splendeur de
ma majesté le renversa et il fit livrer à ma suite
les Urbi et les soldats d'élite que pour défendre sa
résidence à Jérusalem il avait introduit et pris
comme troupes auxiliaires, en même temps que 30
talents d'or, 800 talents d'argent... et pour livrer
son tribut et me rendre hommage il envoya ses
messagers. " (Cylindre de Taylor,
document assyrien)
Sennacherib
Ce qui, dans les
écrits bibliques devient:
"En la quatorzième année du
roi Ezéchias, Sennachérib, roi d'Assyrie, monta
contre toutes les villes fortes de Juda et s'en
empara. Alors Ezéchias, roi de Juda, envoya ce
message au roi d'Assyrie, à Lakish : "J'ai mal agi !
Détourne de moi tes coups. Je me plierai à ce que tu
m'imposeras." Le roi d'Assyrie exigea d'Ezéchias,
roi de Juda, 300 talents d'argent et 30 talents
d'or, et Ezéchias livra tout l'argent qui se
trouvait dans le Temple de Yahvé et dans les trésors
du palais royal. C'est alors qu'Ezéchias fit sauter
le revêtement des battants et des montants des
portes du sanctuaire de Yahvé, que le roi de Juda,
avait plaqués de feuilles d'or, et le livra au roi
d'Assyrie." (2R 18,
13-16)
La description
qui sera faite d'un mythique temple de Salomon et des placages
de feuilles d'or sur les murs, doit beaucoup au souvenir des
embellissements rutilants effectués par Ezéchias et à la
nostalgie de leur perte.
En
fin de compte, la campagne assyrienne triomphalement commencée
se termina de manière inattendue par la déroute de l'armée de
Sennacherib. Des révoltes sporadiques éclataient ça et là dans
les provinces conquises d'un empire devenu immense et difficile
à protéger partout à la fois, si bien que les troupes se
trouvaient disséminées en des endroits éloignés les uns des
autres.
Carte de l'empire assyrien à
l'époque du roi Ezéchias
Mais l'historien grec Hérodote d'Halicarnasse (-Ve
siècle) donne une explication plus surprenante de la soudaine
défaite des Assyriens : une invasion de leur camp par des rats
qui rongeaient, dit-il, tous les équipements de cuir, sans
parler de la peste qu'ils propageaient. Ce fléau, tout en
ravageant les rangs de l'armée, terrifiait des troupes
superstitieuses qui l'attribuaient à la colère de leur dieu. La
superstition était identique chez les Judéens, mais comme la
situation tournait en leur faveur, il ne pouvait s'agir que
d'une intervention bienveillante de leur dieu. Les troupes
égyptiennes alliées des Judéens l'attribuaient, elles, à la
puissance de leur propre divinité.
Dans le récit
biblique, cet épisode devient:
"Cette même nuit, l'Ange de
Yahvé sortit et frappa dans le camp assyrien 185.000
hommes. Le matin, au réveil, ce n'étaient plus que
des cadavres. 36 Sennachérib roi d'Assyrie leva le
camp et partit. Il s'en retourna et resta à Ninive.
37 Un jour qu'il était prosterné dans le temple de
Nisrok, son dieu, ses fils Adrammélek et Saréçer le
frappèrent avec l'épée et se sauvèrent au pays
d'Ararat. Asarhaddon, son fils, devint roi à sa
place. " (2R 19, 35-37)
A Ezéchias
succéda le long règne de 45 ans de son fils, Manassé, durant
lequel le Royaume de Juda fut le siège d'une contre-réforme
réforme religieuse qui avait vu revenir les dieux multiples.
D'autre part, Manassé avait accepté une politique de soumission
totale à l'Assyrie et il avait tourné le dos, dans tous les
domaines, à la politique de son père. C'est durant cette période
que le prophète Isaïe sera mis à mort.
Après un court
intermède d'un roi Amon, rapidement assassiné, le trône de Juda
revint à un roi de 8 ans, né en -640 . Dès qu'il fut en âge de
régner par lui-même, Josias revint avec vigueur à la politique
religieuse d'Ezéchias .
4 - Le roi Josias impose le monothéisme
dans le royaume de Juda
Le règne de ce
roi, une fois passé le temps de régence, constitue le tournant
décisif dans l'instauration du monothéisme nationaliste hébreu
et le point de départ de la rédaction des textes bibliques. Ces
textes connurent des versions différentes, car leur écriture
s'échelonnera sur plusieurs dizaines d'années. On sait que les
rédactions en furent plusieurs fois modifiées au gré des
développements politiques, mais on ne possède aucune trace des
diverses versions.
En effet, les
conséquences de la chute du Royaume de Samarie et les importants
développements économiques et sociaux qui se produisirent dans
le Royaume de Juda s'accompagnèrent d'un radical changement
d'attitude de la hiérarchie religieuse du temple de Jérusalem.
Le déclin de l'empire assyrien laissera les mains libres à
Josias pour procéder à une puissante centralisation des pouvoirs
dans tous les domaines. C'est ainsi qu'il imposera avec une
poigne de fer de profondes religieuses, tant dans son royaume de
Juda qu'en Samarie, le déclin de l'Assyrie lui ayant permis de
prendre le contrôle de cette province.
Josias et les lévites de son entourage qualifièrent d'impies les
nombreux cultes particuliers qui continuaient d'être pratiqués
tant au nord qu'au sud. Les sanctuaires périphériques furent
détruits et le dieu Elohim des Samaritains disparaîtra au profit
de Jahvé. Josias "ordonna […] de retirer du sanctuaire de
Jahvé tous les objets de culte qui avaient été faits pour Baal,
pour Asheraet pour toute l'armée du ciel […]. Il supprima les
faux prêtres que les rois de Juda avaient installés et qui
sacrifiaient […] à Baal, au soleil, à la lune, aux
constellations et à toute l'armée du ciel. […] Il démolit la
demeure des prostituées sacrées, qui était dans le temple de
Jahvé"
Un
monothéisme rigoureux et intransigeant devint progressivement la
norme. Ce fut la grande réforme jahviste de Josias centrée sur
un seul lieu de culte légitime : le temple de Jérusalem. La
reprise en mains religieuse et politique fut favorisée par un
affaiblissement de l'empire assyrien en butte, de son côté, à
des attaques des Mèdes et des Scythes. D'ailleurs sa capitale,
Ninive, sera prise en -612.
La restauration
amorcée par le grand-père de Josias, Ezéchias, fut poursuivie et
amplifiée. Elle s'est accompagnée de l'élaboration d'une
orthodoxie tatillonne, fourmillante de rites cultuels imposés
non seulement aux habitants de Juda, mais également à tous les
israélites qui étaient demeurés dans le nord sous la férule
assyrienne.
Certains biblistes parlent à ce propos de "naissance du
monothéisme" et de la "civilisation judéo-chrétienne".
Ce sont des affirmations aussi audacieuses qu'erronées comme le
révèle la plus ancienne tradition égyptienne figurant dans
Le Livre des morts.
L'idée d'un monothéisme universel existait deux millénaires
avant que les prêtres-lévites du temps de Josias la théorisent
et la rapetissent au profit d'une seule tribu. "Tu es
l'unique, le Dieu des tout premiers commencements du temps,
l'héritier de l'immortalité, par toi seul engendré, tu t'es
toi-même donné naissance ; tu as créé la terre et a fait
l'homme" est-il écrit dans Le Livre des Morts
égyptien dont les manuscrits furent trouvés dans les tombes
de pharaons ayant vécu 2600 av. J.-C, soit 2000 ans avant la
réforme de Josias.
" Tourne vers moi ta face
Soleil levant
qui éclaire nos deux royaumes de ta beauté.
Toi, la lumière des hommes,
Tu chasses les ténèbres de l'Egypte
Tu as la même apparence que : " ton père Rê "
qui se lève chaque matin au ciel.
Tes rayons pénètrent jusqu'au fond des cavernes obscures
et aucun endroit n'est privé de ta splendeur
Tu entends les paroles et langages de tous pays,
car tu as ... des millions d'oreilles !
Ton oeil est plus brillant que les étoiles du ciel
Ta vue est meilleure que celle du soleil.
Même ce que prononce celui qui se cache dans la caverne
parvient jusqu'à tes oreilles,
et si l'on fait quelque chose de caché,
ton oeil le verra néanmoins,
fils aîné du Dieu Maître de l' Univers … ".
|
|
Dés que l'écriture fut décryptée, les premiers égyptologues -
Erik Hornung Eugène Grébaut, ou Auguste Mariette -
admirent que "les multiples dieux égyptiens ne sont qu'une
des manifestations possibles de l'Unique, du Suprême". En
1885 l'allemand Carl Lepsius écrira dans le premier volume de
son oeuvre intitulée La religion et la mythologie des
anciens Egyptiens : "J'exprime la conviction que dès
les premiers temps, les Egyptiens adoraient le Dieu unique,
anonyme, incompréhensible, Eternel dans sa plus haute pureté..."
Ainsi, Atoum, Rê, Ptah, Amon, Aton, Neith, Isis et Osiris ne
sont que les représentants locaux et temporaires du Grand Dieu
Eternel qui régit l'Univers avec ses trois principes : amour,
justice et vérité.
Une forme de
monothéisme existait également dans l'empire assyrien: selon un
mode de fonctionnement religieux très proche de celui de la
religion égyptienne, les dénominations particulières des
divinités n'étaient que des aspects ou des fonctions du même
dieu Mardouk:
"Urash
est Mardouk de la plantation
Lugalidda est Mardouk de l'abîme
Ninurta est Mardouk du sommet
Zabada est Mardouk de la guerre
Enlil est Mardouk de la seigneurerie et de la
consultation
Nabu est Mardouk de la comptabilité
Sin est Mardouk qui illumine la nuit
Shamash est Mardouk de la justice
Adad est Mardouk de la pluie
Tishpak est Mardouk des troupes
Shuqamuna est Mardouk qui contient."
(Cité
par Liverani, p.281)
|
|
Le christianisme
retrouvera ce mécanisme avec, par exemple, l'apparition
d'innombrables Vierges Marie locales, mais chaque fois sous les
formes et des vêtements spécifiques: on aura ainsi la Vierge de
Lourdes, celle de la Salette, de Fatima, de Czestochowa, de
Medjugorge, etc, pour n'évoquer que les plus célèbres en
Occident, soit plus d'une cinquantaine d'avatars dans le monde
entier. Mais toutes ces Vierges Marie sont réputées n'être
qu'une seule et même mère de Jésus-Christ.
5 - La rédaction du Deutéronome
Le
Deutéronome, cinquième Livre actuel de la
Thora , mais rédigé en premier, prenait pour modèle les
codes de vassalité assyriens : Jahvé sera le maître d'Israël
comme Mardouk représenté par l'empereur était le maître de
l'empire assyrien.
Du
point de vue de la politique intérieure et du prestige de la
Judée de l'époque, Josias fut son seul grand roi. C'était un
homme politique avisé. Il avait compris que théologie et
politique sont les deux faces d'un même pouvoir et qu'un
gouvernement fort exige une unité psychique sans faille, qui
peut se résumer par le triptyque : un seul Dieu, Jahvé, un seul
sanctuaire, celui du Temple de Jérusalem, un seul pouvoir
centralisé autour celui du roi. "Gouverner, c'est régner
sur les imaginations", dira Necker. Cette phrase
aurait pu être la devise de Josias.
Tous les pouvoirs
forts suivirent d'ailleurs cette même politique d'unité
nationale qui va de pair avec l'unité des imaginaires religieux.
Les rois espagnols expulsèrent de leur royaume les juifs, même
convertis au catholicisme, et les protestants et Louis XIV
imposa une stricte orthodoxie religieuse en révoquant l'édit de
Nantes qui accordait le droit de culte aux protestants et revint
sur sa politique de tolérance des débuts de son règne à l'égard
des juifs.
Les lévites du Temple s'attachèrent à cimenter les énergies et
les imaginaires; et pour cela, de conserve avec le pouvoir du
roi, ils conçurent et commencèrent à rédiger une grande saga
destinée à donner naissance à un nationalisme susceptible de
résister victorieusement à un empire assyrien déclinant. Il
fallait galvaniser le peuple en lui offrant des modèles
héroïques susceptibles de susciter une émulation dans la
population. Les "aventures" de Moïse, de David, de
Salomon, de Josué furent scénarisées comme des peplums
hollywoodiens avant la lettre et contiennent le même pourcentage
de vérité historique.
En
même temps l'union mentale du peuple fut subsumée par
l'introduction dans les récits de la notion de "peuple élu".
Un grand objectif nationaliste lui fut présenté: la conquête
d'une "terre promise". Il faut garder présent à l'esprit
que les premiers livres du Deutéronome constituent
une littérature de résistance rédigée dans un objectif
politique immédiat, celui de mobiliser et d'unifier les énergies
de la nation.
Il
faut reconnaître également que les lévites du Temple étaient
déjà pourvus d'un solide sens de la communication, dont on verra
que leurs successeurs feront merveille au XXe siècle. Un
stratagème digne de l'ampoule de saint Janvier à Naples dont le
sang coagulé se liquéfie à date fixe ou de la nourriture avalée
par la statue de Bel des Assyriens dont parlera le prophète
Daniel, fut mis au point. Au cours de travaux dans les
souterrains du Temple, "on" découvrit un livre "oublié
de tous" qui était censé contenir une version ancienne d'un
"Livre de la Loi" et qui serait une version originelle du
Deutéronome.
A
une époque où l'écriture était peu pratiquée en Palestine et les
"textes écrits" aussi rares qu'une pépite d'or dans le
désert de Gobi, cette "découverte" présente toutes les
caractéristiques d'une ruse destinée à donner une réalité quasi
miraculeuse et une confirmation divine à ladite "découverte".
"On voit d'emblée l'expédient, écrit
Mario Liverani: retrouver un manuscrit " antique "
pour conférer tout le poids de la tradition antique et
son autorité à ce qui devait être une réforme novatrice.
Mais il est surtout important de constater la
coïncidence temporelle de cette réforme avec le déclin
de l'autorité impériale assyrienne. Bref, Josias saisit
l'opportunité de remplacer une dépendance et une
fidélité promises au seigneur terrestre, l'empereur, par
une dépendance et une fidélité au seigneur divin, Jahvé
. " (Liverani, p. 238)
Dans le Deutéronome, l'épisode est ainsi rapporté:
"Le grand prêtre
Hilqiyyahu dit au secrétaire Shaphân : "J'ai trouvé le
livre de la Loi dans le Temple de Yahvé." Et Hilqiyyahu
donna le livre à Shaphân, qui le lut. Le secrétaire
Shaphân vint chez le roi et lui rapporta ceci : "Tes
serviteurs, dit-il, ont fondu l'argent qui se trouvait
dans le Temple et l'ont remis aux maîtres d'oeuvres
attachés au Temple de Yahvé. Puis le secrétaire Shaphân
annonça au roi : "Le prêtre Hilqiyyahu m'a donné un
livre" et Shaphân le lut devant le roi." (2R 22 ,
8-10)
La profonde
réforme religieuse de Josias donna naissance à une religion qui
se prêtait à une interprétation férocement nationaliste. Car, à
partir de récits, de légendes, de mythes - y compris de mythes
appartenant aux peuples voisins comme celui de la découverte du
nourrisson Moïse sur le Nil - à partir de débris d'anciennes
coutumes, de chants, de poèmes transmis oralement de génération
en génération depuis des siècles ou de quelques récits
fragmentaires, les lévites du Temple recréèrent une histoire
nationale héroïque et glorieuse entièrement inventée, comme le
révèlent les recherches archéologiques récentes.
Voir:
Aux sources du sionisme : La Bible et
l'invention de l'histoire d'Israël
Ils y intégrèrent
la prise en compte des préoccupations politiques et
territoriales provoquées par les conflits contemporaines avec
les empires ou les tribus voisins et notamment la nécessité de
conquérir les territoires limitrophes . C'est pourquoi figure
dans le texte, sous forme d'injonctions du Dieu, toute la masse
des ambitions et des frustrations du royaume de Juda de l'époque
face à ses voisins et rivaux immédiats dont il lorgnait les
terres et face aux deux puissants empires dont il se sentait
menacé : l'Egypte d'un côté et l'Assyrie, de l'autre.
Les petits royaumes de la région du
temps de Josias ( Source Wikipedia)
L'objectif politique n'était pas aisé à atteindre. Afin de
galvaniser les énergies, des incitations aux crimes et aux
génocides des populations voisines sont exprimées dans le
Deutéronome de la manière la plus crue et la plus
réaliste . Comme toujours en pareil cas, c'est aux sentiments
les plus racistes et les plus xénophobes que le pouvoir
politique et son bras séculier font appel.
C'est pourquoi le
Jahvé créé par les prêtres Judéens est évidemment le reflet du
psychisme des lévites du temps de Josias et du roi lui-même. Ce
Jahvé-là est leur image au miroir. En auteurs d'un roman
national, ils ont dessiné en creux leur propre silhouette et en
ont fait la bouche d'ombre de leur propre mentalité. Mais ils
n'auraient pas pu l'imposer si elle n'avait pas correspondu à la
mentalité du peuple.
Car le Deutéronome est non seulement un code
religieux implacable, il est également une manière de code
civil. Il prescrit l'observance des fêtes nationales (la Pâque,
les Tabernacles), il interdit les "mariages mixtes" et
impose la protection des faibles et des indigents, mais
uniquement à condition qu'ils fissent partie de la communauté.
Et
que font dire les lévites du Temple à ce Jahvé-là dans le
Deutéronome?
"Lorsque Jahvé ton Dieu, aura
supprimé les nations chez lesquelles tu vas pour les
déposséder devant toi, quand tu vas pour les déposséder
devant toi, quand tu les auras dépossédées et que tu
habiteras dans leur pays… "
[Dt 12, 29]
Et voilà décrite
la situation du peuple palestinien dépossédé par des colons
venus d'ailleurs. Mais il ne suffit pas de voler les autres
peuples, Jahvé prescrit de les humilier, avant de les
exterminer:
"Sache aujourd'hui que l'Éternel,
ton Dieu, marchera lui-même devant toi comme un feu
dévorant, c'est lui qui les détruira, qui les humiliera
devant toi; et tu les chasseras, tu les feras périr
promptement, comme l'Éternel te l'a dit."
(Dt IX , 3).
Les 80 millions
d'Egyptiens et les Jordaniens devenus des quasi vassaux du petit
Israël qui dirige leur politique extérieure, en savent quelque
chose. Jahvé est le Dieu de la guerre d'un petit Etat qui
cherche désespérément à étendre son territoire .
"Mais dans les villes de ces
peuples dont l'Éternel, ton Dieu, te donne le pays pour
héritage, tu ne laisseras rien vivre de ce qui a souffle
de vie. Car tu devras les vouer à l'anathème, les
Hittites, les Amoréens, les Cananéens, les Périzzites,
les Hivvites, et les Jébusiens, selon ce que t'a
commandé Jahvé ton Dieu, te l'a ordonné…. " [Dt
20,16-18]
"Jahvé me dit : Vois, j'ai
commencé de livrer Sihon et son pays à ta merci. [...]
Sihon sortit à notre rencontre lui et tout son peuple
pour le combat. Jahvé, notre Dieu, nous le livra, et
nous le battîmes, lui et ses fils, et tout son peuple.
Nous nous emparâmes alors de toutes ses villes, et nous
vouâmes chaque ville à l'anathème, hommes, femmes et
enfants, nous n'avons pas laissé de survivant. C'est
seulement le bétail que nous prîmes pour nous en butin."
[Dt, 2, 31- 36]
" Og Roi du Bachân sortit à notre
rencontre, avec tout son peuple, pour nous combattre à
Edréi. Jahvé me dit: ne le crains pas, car je l'ai livré
entre tes mains, ainsi que tout son peuple. ; nous le
battîmes au point de ne laisser aucun survivant . Nous
nous emparâmes de toutes ses villes .(…) Nous les
vouâmes à l'anathème. (…) Mais tout le bétail et les
dépouilles des villes, nous les prîmes pour nous en
butin." [Dt, 3, 1-8 ]
Comme on le voit,
Jahvé est un Dieu pousse-au-crime à l'égard des peuples voisins.
Il possède, en outre, un œil de pilleur de ruines et de
maquignon et n'oublie jamais de mettre la main sur le bétail .
" Lorsque l'Eternel, ton Dieu,
t'aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre
possession, et qu'il chassera devant toi beaucoup de
nations, les Héthiens, les Guirgasiens, les Amoréens,
les Cananéens,les Phéréziens, les Héviens et les
Jébusiens, sept nations plus nombreuses et plus
puissantes que toi; lorsque l'Eternel, ton dieu, te les
aura livrées et que tu les auras battues, tu les voueras
à l'anathème, tu ne traiteras point d'alliance avec
elles, et tu ne leur feras point grâce. Tu ne
contracteras point de mariage avec ces peuples, tu ne
donneras point tes filles à leurs fils, et tu ne
prendras pas leurs filles pour tes fils; car ils
détourneraient de moi tes fils, qui serviraient d'autres
dieux, et la colère de l'Eternel s'enflammerait contre
vous: il te détruirait promptement. "
[Dt, 7, 1-5]
Par l'intermédiaire de ses hécatonchires disséminés dans les
pays occidentaux, Israël a efficacement poussé l'Amérique à
détruire l'Irak. L'orgueilleuse Babylone delenda est deux
millénaires après la déportation des Judéens. Ninive n'est plus
qu'un tas de ruines. Seule la Perse résiste encore malgré les
efforts déployés par les innombrables petites mains qui oeuvrent
dans les chancelleries occidentales. La vengeance est un plat
qui se mange froid. Après une parenthèse de deux millénaires,
l'Israël d'aujourd'hui prend sa revanche sur les vainqueurs du
roi Josias.
Car Jahvé est un
tyran cruel. Il n'éprouve pas une ombre de pitié pour les
vaincus et préconise l'extermination des prisonniers.
"Tu voueras à l'anathème tous les
peuples que l'Eternel, ton Dieu, va te livrer, tu ne
jetteras pas sur eux un regard de pitié [...] L'Eternel,
ton Dieu, enverra même les frelons contre eux, jusqu'à
la destruction de ceux qui échapperont et qui se
cacheront devant toi. [...] L'Eternel, ton Dieu, te les
livrera; et il les mettra complètement en déroute,
jusqu'à ce qu'elles soient détruites." [Dt,
7, 16, 20-25]
Un
Jahvé génocidaire est censé donner les conseils les plus pervers
: surtout ne pas "achever" immédiatement les vaincus et
en bloc, mais les exterminer doucettement, hypocritement, par
petits paquets. On voit que la directive biblique est
aujourd'hui consciencieusement appliquée à Gaza. L'Israël actuel
s'est employé à "créer une grande panique" d'entrée de
jeu, en procédant à un bombardement massif producteur d'un grand
massacre. Puis il a bouclé hermétiquement le plus gigantesque
ghetto jamais créé sur la planète et a condamné les survivants à
une misère physique et psychique destinées à les anéantir à
petit feu. Les nombreux produits chimiques mortifères déposés
dans le sol lors des explosions d'armes prohibées par les lois
internationales, mais employées sans vergogne par cet Etat,
accélèreront le délabrement physique des habitants. Pour faire
bonne mesure, l'Etat disciple des conseils des lévites enverra
ses frelons bibliques sous la forme de drones vrombissants et
meurtriers.
" Et même le seigneur ton Dieu
leur enverra le frelon jusqu'à la disparition de ceux
qui resteraient et se cacheraient devant toi. Ne tremble
pas devant eux, car il est au milieu de toi, le seigneur
ton Dieu, un Dieu grand et terrible. Le seigneur ton
Dieu chassera ces nations devant toi peu à peu : tu ne
pourras pas les achever aussitôt, car autrement les
animaux sauvages deviendraient trop nombreux contre toi.
Pourtant le Seigneur ton Dieu te livrera ces nations
et jettera sur elles une grande panique jusqu'à ce
qu'elles soient exterminées. Il livrera leurs rois
entre tes mains, tu feras disparaître leur nom de sous
le ciel ; aucun ne tiendra devant toi, jusqu'à ce que
tu les aies exterminés. " [Dt
7,20-25]
Même le rêve de
domination mondiale est théorisé :
"Écoute, Israël! Tu vas
aujourd'hui passer le Jourdain, pour te rendre maître de
nations plus grandes et plus puissantes que toi [...]
d'un peuple grand et de haute taille, les enfants d'Anak
[...] Sache aujourd'hui que l'Eternel, ton Dieu,
marchera lui-même devant toi comme un feu dévorant;
c'est lui qui les détruira, qui les humiliera devant
toi; et tu les chasseras, tu les feras périr
promptement, comme l'Eternel te l'a dit."
[Dt 9, 1-4]
Le
Deutéronome n'est pas le seul "Livre" qui
contienne ce genre d'incitations aux meurtres et aux pillages.
Des encouragements au génocide ainsi que d'innombrables
anathèmes, préludes à des exterminations pullulent dans les
textes rédigés ultérieurement par d'autres lévites, mais
toujours dans le même esprit. Le Lévitique, les
Nombres, Josué ou Les Rois sont
remplis d'exhortations du même style.
Les ravages provoqués dans les psychismes durant des siècles par
des commandements haineux à l'égard des "non-élus" et
attribués à un Dieu colérique, vindicatif, injuste et cruel
aboutiront l'épisode humainement troublant d'un groupe de
rabbins sautillant joyeusement en se tenant la main au spectacle
de l'armée de leur Etat faisant frire les enfants de Gaza avec
des bombes au phosphore blanc. Des familles entières
pique-niquaient joyeusement sur les collines en contemplant le
spectacle de Gaza en flammes. Les fours crématoires portatifs -
et tout-en-un - constituent un indéniable progrès technologique.
Rabbins faisant la ronde en
regardant brûler Gaza
D'ailleurs, le Jérusalem Post rapporte que
l'ancien Grand Rabbin Sépharade Mordechai Eliyahu a
décrété "qu'il n'y avait absolument aucune interdiction
morale contre le massacre indiscriminé de civils lors d'une
offensive massive militaire potentielle à Gaza ayant pour but
d'arrêter les lancements de roquettes" Ce rabbin préconisait
déjà en 2007 d'envoyer " un tapis de bombes sur Gaza ". (The
Jerusalem Post 30/05/07 ) Son gouvernement l'a si bien
entendu qu'il s'est livré à Gaza, entre le 27 décembre 2008 et
le 16 janvier 2009, au massacre digne des descriptions figurant
dans le Deutéronome. Ce rabbin ou un autre sont
peut-être en train rédiger un nouveau chapitre relatant ce bel
exploit du "peuple élu".
Le
rapprochement entre les recommandations de la Bible et les
actuelles incitations au génocide des habitants de Gaza et de la
Palestine occupée tout entière est d'autant plus pertinent que
le Jerusalem Post a rapporté que ce rabbin avait
adressé, au premier ministre d'alors, Ehud Olmert, une missive
dans ce sens. Pour ce faire, il s'est précisément fondé sur
l'autorité des textes bibliques. La lettre avait été publiée
dans un journal hebdomadaire distribué dans toutes les
synagogues d'Israël. L'article déclarait qu' "Eliyahu avait
écrit que selon l'éthique juive de guerre, une ville
entière est tenue collectivement responsable pour la conduite
immorale d'individus. A Gaza, l'ensemble de la populace est
responsable parce qu'elle ne fait rien pour arrêter le tir de
roquettes Quassams."
Le
fils d'Eliyahu, Schmuel Shapira, lui-même Grand Rabbin de
Safad, avait surenchéri sur les déclarations de son père et
déclaré que "s'ils n'arrêtent pas après que nous en aurons
tué 100, alors nous devons en tuer un millier". Il a ajouté
"et s'ils n'arrêtent pas, nous devons en tuer 100 000, même
un million. Tout ce qu'il faut pour qu'ils arrêtent".
Victimes offertes au Moloch
israélien
Naturellement, il ne vient pas à l'esprit de ces rabbins dont le
psychisme est demeuré celui des lévites du temps de Josias, que
lui-même, son fils, et l'Etat d'Israël tout entier sont tout
simplement des voleurs et des intrus, que leurs rapines sont un
butin de guerre illicite aux yeux du droit international actuel
et que leur "éthique" n'est que la manifestation d'un
barbarie primitive. Mais ces individus-là ont bloqué leur
imaginaire au VIIe siècle avant notre ère et sont imperméables
aux règles juridiques et morales actuelles. C'est devant des
réactions comme celles-là qu'on s'aperçoit que l'humanité a tout
de même accompli quelques progrès moraux en deux mille ans - pas
toujours dans les faits, mais au moins dans les principes.
Le
journal Le Temps rapporte qu'une française
installée depuis 2001 dans les territoires volés aux
Palestiniens déclarait sans complexes au journaliste du
quotidien helvétique: "Ce qui compte dans notre milieu, ce
n'est pas ce que disent Benyamin Netanyahou et Barack Obama,
mais ce que Dieu ordonne de faire pour préserver notre caractère
juif. Le reste, ce n'est pas notre problème."
Mais pourquoi ces rabbins père et fils n'actualiseraient-ils pas
le Deutéronome? Je propose même mon aide bénévole
pour présenter de manière "biblique" les récents
massacres de Gaza. Rien de plus facile:
"Jahvé
me dit: 'Vois, j'ai livré Gaza et son pays à ta merci. Tu ne
traiteras pas d'alliance avec Gaza, tu ne lui feras pas grâce.
Tu regarderas la ville souffrir, saigner et mourir et tu te
réjouiras, car ses habitants ne sont pas fidèles à ma loi. Sache
qu'aujourd'hui, Jahvé, ton Dieu marche devant toi. Pour un juif
tué, tu en tueras cent mille. Le roi de Gaza avait fait envoyer
quelques projectiles sur nos villes. Jahvé notre Dieu arma notre
bras de colère et nous le livra, lui et tout son peuple. Nous
nous emparâmes de toutes ses villes, et nous vouâmes chaque
ville à l'anathème, hommes, femmes et enfants. Nous avons laissé
des survivants afin qu'ils témoignent de la grandeur de Jahvé
notre Dieu, qu'ils expient leur crime et qu'agonisent dans les
ruines . Nous n'avons pas pris de dépouilles dans les villes de
la province Gaza, car Jahvé nous avait déjà permis de tout
voler. La massue de Jahvé réduira le reste de Gaza en
poussière."
C'est, en effet,
un jeu d'enfant d'attribuer ses propres turpitudes au Dieu de sa
tribu.
On
comprend mieux, à partir de cet arrière-monde biblique, pourquoi
la soldatesque israélienne se livre sans états d'âme, aux pires
exactions et aux pillages des domiciles des populations
autochtones dans les territoires qu'elle occupe. Dans son
Histoire du peuple d'Israël, Ernest Renan écrit, à
propos du nationalisme barbare inventé par les écrits du
Deutéronome : "Israël n'est pas le seul peuple
pour qui l'adoption d'un dieu protecteur ait été une déchéance.
(…)Jahvé n'est pas juste ; il est d'une partialité révoltante
pour Israël, d'une dureté affreuse pour les autres peuples. Il
aime Israël et hait le reste du monde. Il tue, il ment, il
trompe, il vole pour le plus grand bien d'Israël. Et pourquoi,
vraiment, serait-ce ce dieu particulier qui aurait fait le ciel
et la terre?" (t. 1, p.175)
Cependant, du point de vue de la politique générale du Royaume
de Juda, la réforme de Josias fut une réussite éclatante. Ce
petit territoire ne sera plus jamais aussi prospère
économiquement et aussi unifié mentalement qu'il le fut à cette
époque. Le désastre ne se fera sentir qu'au fil des siècles,
lorsque le groupe humain qui vénère ce Dieu-là sera incapable de
s'assimiler à tous les Etats dans lesquels le conduira son
errance. Car les notions de "peuple élu" et de "terre
promise" introduites dans des textes et interprétées au sens
le plus littéral, le plus matériel et le plus grossier, créèrent
entre ce peuple et le reste de l'humanité une barrière psychique
aussi hermétique que la ceinture de Van Hallen autour de la
terre.
6 - Le virus morbide de " peuple élu "
Le
mythe les plus puissant du judaïsme est, en effet, celui de "peuple
élu" de son dieu, c'est cette élection qui fait le juif,
c'est par rapport à ce mythe qu'il se définit face aux autres
peuples .
"Si Jahvé s'est attaché à vous et
vous a choisis, ce n'est pas que vous soyez le plus
nombreux de tous les peuples: car vous êtes le moins
nombreux d'entre tous les peuples. Mais c'est par amour
pour vous et pour garder le serment juré à vos pères ".
(Dt 7,7-8)
Cependant, cette élection n'est pas gratuite, elle repose sur
des devoirs et des obligations rituelles, mais surtout sur des
promesses de prospérité pour les "élus" et de menaces
pour les nations qui s'opposeraient au chouchou du dieu. Il
s'agit donc d'un donnant-donnant matériel qui s'apparente à une
transaction commerciale.
" Je ferai de toi une grande
nation, et Je te bénirai et rendrai ton nom grand; et
tu seras une source de bénédictions pour les peuples. Je
bénirai ceux qui te bénissent et maudirai ceux qui te
maudissent ; et par toi, toutes les familles de la Terre
seront bénies". (Genèse
12,2)
Or, tous les peuples sont "élus" par leur dieu: les
Egyptiens se vivaient comme élus par le dieu Râ, les Romains par
Jupiter, les Grecs par Gaia, les Germains par Wotan, les
Assyriens par Mardouk, les musulmans se vivront élus par Allah
et les chrétiens par le Dieu de la Croix. Mais l'originalité de
l' "élection" que se sont inventée les Hébreux vient de
ce qu'elle est matérialisée par un territoire et par des
récompenses concrètes que leur dieu aurait réservés à eux seuls.
Un rejet violent, absolu et quasi animal de tout étranger au
groupe en est le corollaire. Elle pose les bases d'un
nationalisme sectaire et de son corollaire, la xénophobie et le
racisme.
Car le Jahvé du premier Deutéronome se présente
comme un Dieu cruel et raciste qui n'offre à ses adorateurs que
des perspectives de rapines et de guerre. C'est dans ce contexte
psychologique qu'il faut situer la phrase d'Attali dans son
interview : "Pour un juif, la pauvreté est insupportable
". Dans cet univers, la pauvreté est vécue comme le signe de la
malédiction divine.
Voir
: Du Système de la Réserve
fédérale au camp de concentration de Gaza
- Le rôle d'une éminence grise: le Colonel House
Il est impossible
de savoir comment est né un sentiment aussi puissant de rejet de
l'étranger au groupe. A partir des péripéties de l'histoire
antique, telle qu'évoquée ci-dessus dans ses grandes lignes, on
peut imaginer qu'un petit groupe humain coincé entre deux
empires conquérants et rivaux, mais ambitieux et énergique,
soumis à des vagues périodiques d'invasions tantôt de l'un,
tantôt de l'autre, en rivalité aiguë avec sa propre province du
Nord, a éprouvé un besoin d'autant plus puissant de se serrer
les coudes, qu'il s'agissait pour lui d'une question de survie
nationale. Car le simple énoncé d'une histoire qui répond aux
règles de l'historiographie moderne prouve qu'un véritable Etat
hébreu n'a existé de manière significative dans l'histoire
mondiale qu'entre les règnes d'Ezéchias et de Josias,
c'est-à-dire durant à peine un siècle.
C'est précisément après la mort de ce seul roi judéen qui laissa
une trace dans l'historiographie de la région, puis durant les
cinquante ans de captivité à Babylone et les années qui
suivirent, que furent rédigés les récits bibliques principaux.
Mais il faudra attendre le retour de captivité pour que soient
réintroduites dans les textes des notions de morale universelle.
"La fin de l'indépendance politique, la destruction du
Temple, la déportation dans des lieux étrangers ont mis un terme
… à une participation ensemble de la communauté au culte
officiel. (…) C'est ainsi que se créèrent les conditions pour
l'avènement d'une religion personnelle, intérieure, moins liée
aux cérémonies publiques, mais fondée au contraire sur des
valeurs éthiques." (Liverani, p.283)
Ainsi les rabbins orthodoxes Naturei Karta proclament haut et
fort que, de même que dans toutes les religions de la terre, "l'alliance"
avec Dieu n'est que spirituelle quitte à passer outre aux
passages qui n'ont rien de "spirituel".
"Écoute, Israël, l'Éternel, notre
Dieu, l'Éternel est UN. Béni soit à jamais le nom de Son
règne glorieux.Tu aimeras l'Éternel ton Dieu, de tout
ton cœur, de toute ton âme et de tous tes moyens. Que
les commandements que je te prescris aujourd'hui soient
gravés dans ton cœur " (Dt,
6,4)
Animés d'un esprit véritablement généreux et sensibles à
l'injustice dont sont victimes les Palestiniens, ces rabbins
sont toujours au premier rang lors des nombreuses manifestations
auxquelles ils participent inlassablement aux côtés des
défenseurs des droits des Palestiniens. Ils proclament haut et
fort que "tout au long de leur histoire, les sionistes ont eu
recours à l´intimidation, à la guerre, au nettoyage ethnique et
à un terrorisme soutenu par l´Etat pour réaliser leurs
objectifs. Voilà ce qu´est, a été et continue d´être l´agenda
criminel de ce mouvement sioniste. Mais au-delà de ces crimes
épouvantables, ils osent prétendre que ces actions infâmes sont
faites au nom de la sainteté, au nom du Tout-Puissant, au nom du
Judaïsme et des Juifs! "
Manifestation des rabbins de
Naturei Karta
Aux âmes spirituelles, tout est spirituel,
quitte à trouver des interprétations allégoriques aux récits ou
aux exhortations les plus cruels. Les courageux rabbins de
Naturei Karta en sont un exemple vivant. Cependant, c'est le
texte pris dans son acception la plus littérale et la plus
vulgaire qui fut retenu par la totalité des hébreux antiques.
Les rabbins père et fils cités ci-dessus, les 94% d'Israéliens
qui ont soutenu le massacre de Gaza et fêté leurs soldats
assassins, la grande majorité de la diaspora juive et des
dirigeants comme Liberman, Barak, Livni, Netanyahou ou le
général Ashkenazi n'ont pas d'états d'âme moraux. Il suffit de
les regarder. Ce sont des laïcs, mais pour ces têtes politiques,
les prescriptions bibliques sont une arme supplémentaire sur
laquelle ils s'appuient afin de justifier leur politique
d'expansion coloniale.
Une brochette représentative de
dirigeants sionistes actuels:
Ehud Barak, Avigdor Liberman, Tzippi Livni, Benjamin Netanyahou,
le Général Askhenazi
"Une
photo c'est une griffe … contre l'oubli, l'impunité, l'injustice
et l'ingratitude."
Chahid Slimani
7 - Qu'est-ce que la "
Terre promise " ?
De
nombreux versets du Deutéronome, de la
Genèse, de l'Exode, des Nombres,
du livre de Josué décrivent les limites d'un
territoire qu'un notaire divin aurait "promis" à un
groupe de fuyards-fantômes, conduits par un guide spirituel
imaginaire, qui a confié l'achèvement de sa mission à un chef de
guerre fictif, lequel a réussi l'exploit de faire s'écrouler les
murailles d'une ville qui n' en avait pas à l'époque supposée
des évènements.
Voir:
Aux sources du sionisme : La Bible et
l'invention de l'histoire d'Israël
Nous sommes donc
bien dans le même cas de figure que dans le récit des aventures
d'Enée auquel la légende prête une expérience galante avec une
reine qui vécut quatre cents ans après lui. Tous les peuples se
racontent des histoires sous la forme d'un roman fondateur. Des
légendes d'Enée existaient avant Virgile, des légendes sur Moïse
ou David existaient avant que les prêtres de Josias, utilisant
les méthodes romanesques classiques de dilatation de telle
partie de la légende ou d'omission de péripéties inopportunes,
produisissent un récit cohérent et adapté au but nationaliste
recherché.
L'existence d'une "promesse" d'un Dieu notarial est
présente dès les premiers versets dans la rédaction du premier
livre par les scribes de Josias. On en trouve la trace à trois
reprises dans le Deutéronome . Dès le premier
chapitre, il est dit:
"Tournez-vous, et partez, allez à
la montagne des Amorrhéens et chez tous leurs voisins,
dans la plaine, dans la montagne, et dans le pays plat,
et dans le midi, et sur le littoral de la mer, au pays
des Cananéens et au Liban, jusqu'au grand fleuve, le
fleuve Euphrate." (Dt 1,7)
Et un peu plus
loin :
" Vous avez atteint la montagne
des Amorrhéens que Jahvé notre Dieu nous donne. Vois,
Jahvé ton Dieu a livré ce pays à ta merci ; monte,
prends-en possession, selon ce que t'a dit Jahvé , le
Dieu de tes pères. " ( Dt
1, 20-21)
On voit qu'à
l'origine, la surface de ce fameux territoire couvrait quasiment
le monde connu de l'époque dans son ensemble, l'Egypte mise à
part: il s'agit, globalement du territoire déjà occupé par les
Judéens de Josias, augmenté d'un important prolongement jusqu'en
Mésopotamie avec l'Euphrate pour frontière, le territoire des
Pharaons leur paraissant visiblement d'autant plus inaccessible,
même en imagination, qu'il était protégé par la frontière
naturelle de la mer Rouge.
Victimes de vagues d'invasion successives venant principalement
des empereurs assyriens, puis Babyloniens, Sargon II puis
Sennacherib , les Judéens rêvaient de vengeance et s'imaginant à
leur tour des envahisseurs, ils firent proférer à leur Dieu le
message qu'ils souhaitaient entendre et qu'ils auraient voulu
mettre en action.
Dans le verset 11,24 du Deutéronome, le message
est géographiquement plus ambigu , mais psychologiquement plus
clair:
"Tout
lieu que foulera la plante de votre pied sera à vous :
votre limite sera depuis le désert et le Liban, depuis
le fleuve, le fleuve Euphrate, jusqu'à la mer d'occident
s'étendra votre territoire
". (11,24)
Si
la fameuse "terre promise" s'étend à "tout lieu que
foulera la plante de vos pieds", cela signifie bien que
Jahvé offre la surface totale de terre à son "peuple élu
", pour peu qu'il s'y établisse et les lieux énumérés ne sont là
que pour matérialiser le désir et concrétiser la connaissance de
la mappemonde.
Les scribes postérieurs qui rédigèrent, après l'exil à Babylone,
les chapitres suivants de la Torah ainsi que les
prophéties d'Ezéchiel, sont beaucoup plus diserts.
Mais l'accumulation des précisions géographiques, si elle révèle
une connaissance plus fine de la topologie des lieux, rétrécit
l'espace réservé au "peuple élu" alors que le
Deutéronome l'avait laissé ouvert à l'infini avec son "tout
lieu que foulera la plante de vos pieds". Visiblement, les
Hébreux avaient réévalué leurs ambitions à la baisse ou
peut-être avaient-ils pris conscience de manière plus réaliste
des limites de leurs forces. Néanmoins, la surface qu'ils
s'attribuent en rêve représente toujours entre vingt à cinquante
fois, selon les versions, celle du petit territoire sur lequel
ils ont toujours été confinés.
Comme les "Livres" sont depuis lors rangés selon
la chronologie supposée du déroulement des évènements et non
selon la chronologie réelle de leur rédaction, ce sont les
récits plus récents qui décrivent les frontières avec la plus
grande minutie . Cette minutie même imprime dans les cerveaux
l'impression qu'il s'agit d'un territoire réel bien délimité. En
même temps, la précision agit d'une manière hypnotique et finit
par imposer la sorte d'évidence que ce peuple possèderait un
destin exceptionnel qui ne pourrait se manifester que dans un
seul endroit bien précis de la planète et nulle part ailleurs.
" L'Éternel parla à Moïse, et
dit: Donne cet ordre aux enfants d'Israël, et dis-leur :
Quand vous serez entrés dans le pays de Canaan, ce pays
deviendra votre héritage, le pays de Canaan, dont voici
les limites. Le côté du midi commencera au désert de
Tsin près d'Édom. Ainsi, votre limite méridionale
partira de l'extrémité de la mer Salée, vers l'orient ;
elle tournera au sud de la montée d'Akrabbim, passera
par Tsin, et s'étendra jusqu'au midi de Kadès Barnéa ;
elle continuera par Hatsar Addar, et passera vers Atsmon
; depuis Atsmon, elle tournera jusqu'au torrent
d'Égypte, pour aboutir à la mer. Votre limite
occidentale sera la grande mer : ce sera votre limite à
l'occident. Voici quelle sera votre limite
septentrionale : à partir de la grande mer, vous la
tracerez jusqu'à la montagne de Hor ; depuis la montagne
de Hor, vous la ferez passer par Hamath, et arriver à
Tsedad ; elle continuera par Ziphron, pour aboutir à
Hatsar Énan : ce sera votre limite au septentrion. Vous
tracerez votre limite orientale de Hatsar Énan à
Schepham ; elle descendra de Schepham vers Ribla, à
l'orient d'Aïn ; elle descendra, et s'étendra le long de
la mer de Kinnéreth, à l'orient ; elle descendra encore
vers le Jourdain, pour aboutir à la mer Salée. Tel sera
votre pays avec ses limites tout autour. "
(Nombres, 34,1-12)
Comme on le voit,
Jahvé est un fin cartographe!
Grand Israël, représentation de
1695
C'est pourquoi un Etat qui se dit laïc comme l'actuel Etat
d'Israël et qui obéit au rituel superficiel des démocraties
reste en réalité une crypto-théocratie imprégnée de la certitude
indéracinable que la terre qu'il conquiert les armes à la main
lui a été prescrite en héritage et que la Bible est son acte de
propriété. Par conséquent, le 22 mars 2010, l'actuel chef du
gouvernement israélien, M. Benjamin Netanyahou, a pu affirmer à
Washington que "le peuple juif construisait déjà Jérusalem il
y a trois mille ans et il continue à le faire aujourd'hui".
C'est ce roman théologico-politique qui est censé donner à
l'Etat d'Israël moderne la justification morale de son droit à
s'installer sur la terre palestinienne. En fait de démocratie,
il faudrait plutôt parler d'ethnocratie religieuse
puisque cet Etat pratique une impitoyable discrimination à
l'encontre de la population autochtone.
8 - La mort de
Josias et la destruction Temple
Le
règne de Josias se termina tragiquement : il fut tué à Megiddo
en -609 par l'armée égyptienne commandée par le pharaon Nechao
auquel il voulait couper le passage à travers la Palestine. Son
ancien allié venait de changer de camp et courait au secours des
Assyriens menacés par les Babyloniens, l'empire montant.
Outre qu'elle signe momentanément la fin de la réforme
religieuse de Josias, sa mort est interprétée comme un châtiment
par les tenants des cultes locaux qu'il avait détruits. Mais le
secours du Pharaon Nechao sera insuffisant et Babylone vaincra à
la fois l'Assyrie et l'Egypte.
Le petit
successeur de Josias, devenu vassal du nouvel empire, se croira
assez puissant pour se révolter contre son suzerain. Mais après
un rapide siège de Jérusalem par Nabuchodonosor, la ville se
rendra. Le roi, sa famille, les hauts fonctionnaires et tous les
artisans, notamment ceux qui étaient spécialisés dans la
métallurgie et le travail des métaux, dont le nouvel empire
avait un urgent besoin afin de renforcer son armée, furent
transportés à Babylone. Ce fut la seconde déportation d'Hébreux
hors de leur territoire, mais la seule à laquelle les textes
bibliques accordent de l'importance, puisque la première
concernait le royaume honni du Nord.
Le
Temple fut mis à sac et son trésor prit également le chemin de
Babylone. Le royaume de Juda devint alors la province perse de
Yehoud selon la terminologie araméenne et les Judéens devinrent
les Yehoudim, les Juifs.
Babylone ne fut
pas une prison cruelle pour les exilés. Ils y devinrent
puissants et prospères. Une cinquantaine d'années plus tard, la
Babylonie fut conquise par la Perse (l'Iran actuel) et Cyrus,
l'empereur perse, magnanime, autorisa une partie des Hébreux à
retourner dans l'ancien royaume de Juda pour bâtir un deuxième
Temple. Mais la tutelle des Perses demeurait. Les Judéens ne
furent plus jamais indépendants. A la soumission aux Perses
succéda la tutelle des Grecs puis celle des Romains qui aboutit
à la destruction totale de Jérusalem, ainsi que du temple.
D'ailleurs, l'actuel Etat d'Israël aurait dû, en toute logique,
prendre le nom de Juda, puisqu'il se prétend le successeur des
roitelets du Sud, David et Salomon, alors que le Royaume
d'Israël, dans la province du Nord, avait définitivement disparu
de l'histoire au VIIIe siècle avant notre ère, au moment de la
première déportation à Babylone et hormis la période de la
dynastie omride au -IXe siècle, il n'a laissé aucune trace dans
la mémoire des peuples.
9 - Conclusion
Les résistances
que rencontre la démythologisation du récit biblique viennent
d'horizons multiples, et pas seulement des juifs, car les
chrétiens se sentent étroitement reliés, eux aussi, aux mythes
bibliques. Pour les Israéliens actuels cette révolution
culturelle est inimaginable, puisqu'elle ébranlerait tout
l'édifice idéologique sur lequel repose le succès ou l'échec de
l'entreprise coloniale qui se déroule actuellement en Palestine.
Mais elle est également vigoureusement refusée par la
quasi-totalité des juifs du monde entier pour des raisons
personnelles. En effet, cette reconnaissance constituerait pour
un grand nombre d'entre eux une véritable castration psychique.
Comment accepteraient-ils de gaité de cœur de cesser d'être "uniques"
, aussi bien dans la grandeur que dans les malheurs? C'est la
raison pour laquelle ils manifestent une hostilité tenace à la
reconnaissance de tout génocide non juif et rejettent comme un
blasphème l'idée que d'autres souffrances seraient comparables
aux leurs. Ils sont d'ailleurs quasiment parvenus à imposer au
monde entier leur vision mythologique du l'histoire, y compris
de l'histoire contemporaine, puisque des règles drastiques
édictées par de nombreux Etats, interdisent aux historiens
d'effectuer librement leur travail.
Comment admettraient-ils de ne plus se vivre comme les membres
d'un "peuple élu", exceptionnel, unique possesseur par
décret divin d'un lopin de terre dont le statut est quasi
miraculeux? Il leur faudrait pour cela quitter le piédestal sur
lequel ils ont dressé leur moi mental privé et collectif et
accepter de redescendre de la moyenne région de l'air dans
laquelle ils se sont psychiquement domiciliés pour retrouver,
sur la terre ferme, la communauté humaine universelle.
Or
c'est dès la prime enfance qu'un racisme agressif à l'égard des
non-juifs, stigmatisés sous le sobriquet de "goys", est
inculqué aux enfants. L'épisode du petit sous-ministre israélien
se plaçant "en haut" et reléguant l'ambassadeur de
Turquie, "en bas" prouve que cette révolution
copernicienne n'est pas près de s'accomplir.
Exemple d'éducation israélienne
Le
sionisme n'est pas né par génération spontanée. Il est le fruit
direct des recommandations raciales du Deutéronome.
C'est dans la Torah que les sionistes de
l'Israël actuel puisent leur inspiration et la justification de
leur comportement. C'est pourquoi il est si important de
connaître les textes originels , ainsi que l'histoire de leur
venue au monde.
A suivre : III - Du Talmud à Théodore
Herlz
Bibliographie
Mario
Liverani,
La Bible et l'invention de l'histoire, 2003,
trad. Ed. Bayard 2008
Israël
Finkelstein et Neil Asher Silberman,La Bible dévoilée. Les
nouvelles révélations de l'archéologie, 2001 ,trad. Ed.
Bayard 2002
Israël
Finkelstein et Neil Asher Silberman,
Les rois
sacrés de la Bible, trad.Ed.Bayard
2006
Ernest Renan,
Histoire du peuple d'Israël, 5 tomes, Calmann-Lévy 1887
Douglas
Reed , La Controverse de Sion
Jacques Attali:
Les Juifs, le monde et l'argent, Histoire
économique du peuple juif. Fayard, 2002
2ème partie: I - Aux sources du sionisme : De Moïse à Netanyahou
1ère Partie :Du Système de la Réserve fédérale au camp de
concentration de Gaza
Publié le 30 mars 2010 avec l'aimable autorisation de Aline de Diéguez/p>
Les dernières mises à
jour
|