Chroniques de la Palestine occupée
Un enfant est
mort...
Aline de
Diéguez
"Ils
avaient la vie devant eux..."
Dimanche 16 décembre
2012
Un enfant est mort...
Le Président des Etats-Unis, M. Barack
Obama, est en larmes.
Le Président de la République française,
M. François Hollande, a éprouvé
un "choc profond" et s'est dit "horrifié".
Son ministre des affaires étrangères, M.
Laurent Fabius, a tout de suite
exprimé sa "solidarité" et "présenté
ses " ses condoléances aux familles des
victimes et à leurs proches".
Le premier ministre anglais, David
Cameron, a "le cœur brisé"
par le "destin volé" de jeunes
enfants qui "avaient encore toute la
vie devant eux".
Le premier ministre du Canada,
Stephen Harper, "prie" pour
les familles "touchées par cette
violence insensée".
La chancelière d'Allemagne, Mme
Angela Merkel a constaté, un peu
platement, il faut le reconnaître, que "juste
avant Noël" cet évènement a provoqué
"un chagrin indescriptible à de
nombreuses familles" . Et après
Noël, cela aurait été moins grave?
La responsable de la diplomatie
européenne, Mme Catherine Ashton
a fait part de son "choc" et a
informé les familles qu'elle "pensait"
aux victimes.
Quant au président de la Commission
européenne, José Manuel Barroso,
il a éprouvé, lui aussi, un "choc
profond et une horreur" de ce que "de
jeunes vies porteuses d'espérance ont
été détruites".
Même sa sainteté le pape Benoît XVI,
"informé rapidement" par le Saint
Esprit, a fait part de son "chagrin
sincère et de l'assurance de sa
proximité en prière avec les victimes et
leurs familles et toutes les personnes
affectées par cet évènement choquant".
Les amis et les soutiens de l'héroïque
population de Gaza, enfermée,
martyrisée, bombardée par les moyens les
plus perfides et les plus cruels par
l'allié et grand ami des personnalités
citées ci-dessus - MM. Obama,
Hollande Cameron, Harper et de Mmes
Merkel et Ashton - expriment leurs
remerciements émus et chaleureux pour
ces marques de soutien éplorées aux
familles palestiniennes cruellement
endeuillées.
Grâce à tous ces "chocs",
les écailles leur sont
enfin tombées des yeux. Alleluiah.
Le
spectacle des vassaux de l'empire
faisant assaut de manifestations
d'empathie avec des formules presque
identiques présente un spectacle
dérangeant. La petite troupe des
belliqueux otaniens aura-t-elle un jour
le minimum d'honnêteté intellectuelle et
morale pour se souvenir que tous les
enfants sont précieux, que tous les
enfants méritent leur sollicitude et
leur protection, que la chair délicate
et fragile d'un enfant palestinien est
identique que celle d'un enfant
américain, que le chagrin des parents
n'est pas différent à Gaza ou aux
Etats-Unis? Le Moloch impérial américain
n'a-t-il pas osé proclamer, par la
bouche fardée de Mme Albright, que la
mort de cinq cent mille enfants irakiens
n'était pas un prix exorbitant à payer
pour le départ de Saddam Hussein?
Comme
l'écrit le si pétulant vieillard qui, du
fond de son palais vaticanesque
représente un milliard et demi de
fidèles du grand prophète qui prônait
l'amour pour tous les humains, le très
saint Père Benoît XVI dans son message
de condoléances : "La force
spirituelle triomphe toujours de la
violence par le pouvoir du pardon, de
l'espoir et de l'amour". Face au
pouvoir de la force, encore faudrait-il
donner au moins une parole de vérité à
la fameuse "force spirituelle" et
dénoncer fortement et avec énergie, ce
qui mérite de l'être et non se contenter
de raser les murs - le mur - au sens
propre, comme ce fut le cas lors de la
récente promenade pontificale en
Palestine occupée.
Au moins
les coups de feu du tueur de Newton
auront réveillé le successeur de Saint
Pierre et l'auront sorti du profond
sommeil dans lequel l'avait laissé le
vacarme de centaines de bombes et de
missiles explosant nuit et jour, et
durant une semaine entière, dans le camp
de concentration de Gaza. "Il n'est
pire sourd que celui qui ne veut pas
entendre", n'est-il pas vrai?
Sous
n'importe quelle latitude, sous
n'importe quelle longitude, la mort d'un
enfant - surtout lorsqu'elle est
provoquée par la bêtise, l'âpreté au
gain, l'esprit de domination, un
colonialisme barbare - est une tragédie
sans nom et ses parents sont aussi
inconsolables à Gaza qu'à Newton.
Mercredi 14
novembre, une bombe israélienne
pulvérise la maison du journaliste Jihad
Misharawi située dans une banlieue
résidentielle de Gaza. Son fils de 11
mois, Omar est tué ainsi que la
belle-soeur du journaliste. Les parents,
à la sortie de l'hôpital, le corps de
leur plus jeune fils dans les bras.
Ignorer le
calvaire des centaines de milliers
d'enfants palestiniens, irakiens,
afghans, syriens, libyens, somaliens
pulvérisés, carbonisés et mutilés par
les milliers d'obus contenant de
l'uranium appauvri, du phosphore, du
napalm et autres monstruosités, et
ne se répandre en
lamentations que sur le fait divers,
certes dramatique et auquel tout le
monde compatit - mais qui vient après
tant d'autres faits divers de même
nature - d'enfants américains, est une
insulte aux victimes d'une politique
néo-coloniale conduite par ces mêmes
dirigeants avec le plus profond cynisme.
Elles infligent une blessure
supplémentaire aux parents des victimes
de la barbarie et à l'ensemble des
peuples de la région. Soyons en sûrs,
ils ressentent douloureusement ce
nouveau "deux poids deux mesures"
dans l'expression des condoléances et ne
l'oublieront pas.
Barack Obama (à gauche) et Benjamin
Netanyahou (à droite) font pénitence et
demandent à leur Tout-Puissant respectif
de leur pardonner leurs crimes (mais
est-ce possible?)
Les exploits
des Tartuffes occidentaux en Palestine
Massacre des
quatre enfants de la famille Dalou dans
leur maison bombardée
Contrairement à l'assassin des enfants
américains de la petite école de Newton,
le commanditaire des assassinats
d'enfants palestiniens ne s'est pas
suicidé. Il pourra donc comparaître un
jour devant le Tribunal pénal
international.
Le Premier
ministre israélien, Benyamin Netanyahu,
lors d'une conférence de presse jeudi 15
novembre 2012, au cours de laquelle il a
assuré que l'Etat hébreu allait
"continuer à mettre en œuvre toute
action nécessaire pour défendre sa
population". DANIEL BAR-ON / AFP
Chanson
dans le sang
Jacques
Prévert
Il y a de
grandes flaques de sang sur le monde
où s'en va-t-il tout ce sang répandu?
Est-ce la terre qui le boit et qui se
saoule? (...)
Petit garçon de
Gaza nettoyant une mare de sang et de
morceaux d'entrailles
Elle tourne la
terre
elle tourne avec ses arbres...
ses jardins...
ses maisons...
elle tourne avec ses grandes flaques de
sang
et toutes les choses vivantes tournent
avec elle
et saignent...
Elle elle s'en fout
la terre
elle tourne et toutes les choses
vivantes se mettent à hurler
elle s'en fout
elle tourne elle n'arrête pas de tourner
et le sang n'arrête pas de couler...
Où s'en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des meurtres...
le sang des guerres...
le sang de la misère...
et le sang des hommes torturés dans les
prisons...
(...)
Le sang
coule...
la terre tourne
la terre n'arrête pas de tourner
le sang n'arrête pas de couler
Où s'en va-t-il tout ce sang répandu
le sang des matraqués...
des humiliés...
des suicidés...
des fusillés...
des condamnés...
et le sang de ceux qui meurent comme
ça...
par accident.
Dans la rue passe un vivant avec tout
son sang dedans
soudain le voilà mort
et tout son sang est dehors
et les autres vivants font disparaître
le sang
ils emportent le corps
mais il est têtu le sang
et là où était le mort
beaucoup plus tard
tout noir
un peu de sang s'étale encore...
sang coagulé rouille de la vie rouille
des corps
(...)
la terre qui
tourne avec ses arbres...
ses vivants...
ses maisons...
la terre qui tourne avec les mariages...
les enterrements...
les coquillages...
les régiments...
la terre qui tourne et qui tourne
et qui tourne
avec ses grands ruisseaux de sang.
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