Aux sources du chaos mondial actuel
1ère partie
Du Système de la
Réserve fédérale au camp de concentration de Gaza
Le rôle d'une éminence grise: le Colonel House
Aline de Diéguez
Edward-Mandell House
Mercredi 3 février 2010
Dans mon
texte :
Aux sources de l'escroquerie de
la Réserve Fédérale - Le machiavélisme des hécatonchires de la
finance internationale
, j'avais décrit avec autant de précision que le permettait le
traitement linéaire de l'information le fonctionnement de la FED
et les conditions légales de sa naissance. J'en avais profité
pour rendre justice à un auteur particulièrement mal traité par
les éditeurs et par un certain public - Eustace Mullins -
dont le travail d'historien d'une honnêteté scrupuleuse est
irremplaçable pour tous ceux qui cherchent des informations
précises et loyales sur ce sujet.
Mon texte était déjà long et il était difficile d'y ajouter des
informations sur le contexte politico-social qui seul pourtant,
permet d'accéder à une compréhension en profondeur des
motivations psychologiques et politiques qui ont rendu possibles
les décisions prises à ce moment-là de l'histoire. Cependant
rôle des personnages en apparence secondaires - et même tombés
dans l'oubli - est souvent méconnu. Ainsi, on attribue
d'ordinaire au Président des Etats-Unis alors en exercice,
Woodrow Wilson, la paternité de la banque centrale privée
américaine, alors qu'il est probablement le personnage politique
de l'époque le plus étranger tant à sa conception qu'à sa venue
au jour.
J'ai conscience que le sacrifice
volontaire que je m'étais imposé pouvait avoir rendu l'exposé
précédent exagérément simplificateur. C'est pourquoi je reviens
sur divers aspects humains du contexte politique, et notamment
sur le rôle décisif joué par un homme de l'ombre dans une
opération financière majeure pour l'avenir du monde . Il disait
lui-même à la fin de sa vie: "Ma
main a pesé sur les faits ",
voulant signifier par là qu'il avait joué un rôle important dans
la politique d'une période-charnière dont nous subissons
aujourd'hui encore les conséquences.
Il m'a semblé
capital de donner au squelette de la description linéaire des
faits leur densité psychologique et leur incarnation dans les
hommes qui ont fait l'histoire de cette époque-là.
-
1 - Une éminence grise, le Colonel House
-
2 -
Pourquoi s'intéresser au Colonel House ?
-
3 - La
source des informations sur le Colonel House
-
4 - Biographie du Colonel House
- 5 - Les
amis et les soutiens
-
6 - Les banquiers
de la City repartent à l'assaut de l'Amérique
-
7 - La réunion secrète des banquiers dans la
propriété du Sénateur Aldrich dans l'île Jekyll et
ses conséquences
- 8 - Le
Colonel House : de la FED au sionisme et vice versa
-
9 - Le
second mandat du Président Wilson
-
10 - La
Première guerre mondiale
-
11 - Le
Colonel House à Versailles
-
12 - La
disgrâce
-
13 - Le
Colonel House et Edith Wilson: une inimitié
réciproque
-
14 - Les
dernières années du Colonel House
-
15-
Comprendre les raisons de l'influence du Colonel
House sur le Président Wilson : la parole est à
Freud
-
16 -
Conclusion
1 - Une éminence
grise, le Colonel House
Qui connaît aujourd'hui le Colonel House (Edward Mandell
House (1858 - 1938)? Aucun Européen, assurément, et
probablement très peu d'Américains en ont entendu parler. Et
pourtant ce "faiseur de Présidents" comme il se plaisait
lui-même à se nommer, fut l'un des hommes politiques américains
les plus puissants et les plus importants du début du XXè
siècle. Il contribua, en effet, à faire d'un Etat récemment
débarqué sur la scène politique, encore peu peuplé et à peine
sorti d'une sanglante guerre civile, l'empire militaro-financier
qui allait dominer le siècle.
L'histoire
politique officielle a tendance à ne se référer qu'aux
dirigeants officiels des nations : les rois, les Présidents, les
Premiers Ministres et autres responsables des grandes
administrations civiles ou militaires. Et pourtant, à l'abri des
lumières de l'avant-scène, des éminences grises, mal connues ou
totalement inconnues du grand public, exercent le véritable
pouvoir. Certains le doivent au gigantisme de leur fortune,
comme ce fut le cas, hier et aujourd'hui, des grands banquiers
regroupés autour des Rothschild et des Warburg dans la plupart
des Etats européens; aux Etats-Unis les hommes d'influence
représentent de puissants groupes de pression ethniques ou
financiers, tels l'AIPAC (American Israel Public
Affairs Committee), la loge maçonnique B'nai B'rith (les
Enfants de l'Alliance en hébreu) fondée
en 1843
sur une
stricte appartenance ethnique, l'industrie de l'armement ou de
la pharmacie; en France, le MEDEF (Mouvement des
entreprises de France) et le CRIF (Conseil
représentatif des institutions juives de France) jouent ce
rôle.
Le Colonel House
constitue cependant une exception à la règle: il fut un de ces
hommes-charnière qui ont exercé sur le cours de l'histoire une
influence disproportionnée à leurs qualités intrinsèques ainsi
qu'à leur fortune . Homme de l'ombre, sorte de Père Joseph
américain, confident du Président Woodrow Wilson dont il dirigea
en réalité toute la politique, son rôle s'explique par
l'extraordinaire ascendant qu'il prit sur lui - à l'instar du
Karl Rove de G. W. Bush ou du Claude Guéant de Nicolas Sarkozy.
Bien qu'il n'exerçât aucune fonction officielle, il fut le
diplomate officieux qui, à un moment-clé de l'histoire du monde,
a tenu entre ses mains tous les fils du destin de la planète. Il
n'a ni inventé, ni créé la Fed ou le sionisme, mais il fut le
passeur qui, sans en mesurer toutes les conséquences, permit à
des mouvements et à des évènements qui mûrissaient dans l'ombre
depuis de longues années de prendre un élan qui en fit les
acteurs principaux de l'histoire du monde durant tout le XXe
siècle.
En
1938, peu de temps avant sa mort, Edouard House dira à son
biographe, Charles Seymour, "Durant les quinze dernières
années, bien que peu de personnes ne l'eussent suspecté, je me
suis trouvé au centre de toutes choses. Aucun étranger important
ne s'est rendu aux Etats-Unis sans [venir] me
parler. J'étais proche du mouvement qui assura à Roosevelt son
investiture. Il m'a donné carte blanche pour le conseiller. Tous
les Ambassadeurs me faisaient fréquemment des comptes-rendus."
( Charles Seymour, Col. E.M. House, The Intimate Papers of
Col. House, 4 v. 1926-1928, Houghton Mifflin Co.)
2 - Pourquoi s'intéresser au Colonel House
?
Le destin du
Colonel House nous intéresse donc dans la mesure où nous
subissons, aujourd'hui encore, les conséquences de son action.
Celles-ci n'ont pas fini de sécréter leur venin pour le plus
grand malheur des victimes d'hier et d'aujourd'hui de ses
initiatives. En effet, la planète lui doit notamment les
premiers pas de la légitimation internationale de l'idéologie
sioniste qui a pris, à partir des Etats-Unis, l'essor planétaire
que l'on connaît et qui a conduit à l'édification d'une nouvelle
variété d'Archipel du Goulag en Palestine et à la création à
Gaza du plus gigantesque camp de concentration que l'histoire
ait jamais connu avec la complicité active ou passive des
dirigeants occidentaux et la démission bouffie des dirigeants
arabes.
En
tant qu'envoyé et représentant du Président des Etats-Unis au
traité de Versailles qui mit fin à la première guerre mondiale,
il est le concepteur du think tank "The Inquiry"
composé de quinze membres triés sur le volet qui remodelèrent
les frontières de l'Europe de l'après-guerre selon le principe
du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes". Ce
principe apparemment généreux masquait le but réel de
l'opération, à savoir la volonté d'affaiblir définitivement le
Hearthland - le cœur de l'Europe - en application de la
théorie du géopoliticien Mackinder qui préconisait
l'émiettement de l'ancien empire austro-hongrois en une
multitude de petits Etat inexistants sur le plan international.
Ce principe fut également utilisé au Moyen Orient pour démembrer
"à la hache" l'empire ottoman, sans tenir le moindre
compte du fameux "droit des peuples".
Depuis lors, ce principe n'est "actif" que lorsqu'il
coïncide avec les intérêts des Etats-Unis. C'est pourquoi la
destruction des grands ensembles est devenue le pivot et le but
constant de la politique étrangère américaine, comme l'ont
encore prouvé récemment les guerres de Yougoslavie, d'Irak,
ainsi que la floraison des révolutions colorées qui ont
accompagné et amplifié l'effondrement et la dislocation de
l'empire soviétique. Les gigantesques tentes militaires
abondamment pourvues en nourriture et en boissons chaudes, les
kilomètres de tissu orange et les banderoles en anglais ont
surgi comme par magie en vingt-quatre heures, au moment de la
fameuse révolution orange en Ukraine. L'Irak n'est plus qu'un
champ de ruines dans lequel une société autrefois multiethnique
a volé en éclats et qu'un féroce nettoyage ethnique a
métamorphosé en communautés ethnico-religieuses rivales et
enfermées derrière des murs, le tout au nom de l'affichage d'une
moraline pour midinettes qui prétendait "gagner les cœurs et
les esprits" à la "Démocratie" à coups de bombes et
de missiles tout en pillant les ressources du pays.
Le
même scénario est mis en œuvre en Afghanistan où la fameuse "coalition
internationale" prétend "sécuriser" des zones
tribales mais sème en réalité les germes des guerres futures
entre Tadjiks , Ouzbeks et Pashtouns qu'on espère neutraliser en
préparant le terrain à des conflits ethniques à venir.
L'objectif d'Inquiry a merveilleusement fonctionné en
ex-Yougoslavie dans laquelle les accords de Dayton imposés par
Washington ont abouti à l'émiettement d'un Etat déjà plus petit
que la France en sept micro républiques - la Serbie, la Croatie,
la Macédoine, le Monténégro, la Slovénie , la
Bosnie-Herzégovine, et surtout le Kosovo - ce dernier pseudo
Etat non viable n'est, en réalité, constitué que par la
gigantesque base américaine de Camp Bondsteel
opportunément édifiée à l'arrivée du gigantesque pipeline en
provenance des champs pétrolifères de la mer Caspienne.
Le
Colonel House conduisit l'énorme délégation des Etats-Unis au
Traité de Versailles en 1919 qui sema les germes de la deuxième
guerre mondiale. Il fut également le concepteur et le fondateur
du Conseil des relations étrangères (Council on
Foreign Relations ou CFR) , un des think tank
américains les plus influents en politique étrangère aujourd'hui
encore.
Mais ce n'est pas tout : Edward Mandell House a surtout à son
actif un soutien déterminant aux actions en coulisses des
puissants groupes bancaires qui, après des dizaines d'années de
manœuvres infructueuses, sont parvenus à donner naissance au
Système monétaire du Nouveau Monde et à créer un moyen de
paiement appartenant à des banquiers privés, le dollar,
pivot de la puissance américaine jusqu'à la fin du XXè siècle.
C'est durant les
années de tractations des financiers avec le pouvoir politique -
entre 1910 et 1913 - que l'influence de l'homme qui s'était
quasiment approprié le cerveau du Président des Etats-Unis,
Woodrow Wilson, fut si importante dans l'ordre de la politique
monétaire qu'on peut considérer qu'il fut le gros grain de sable
qui a fait dévier la trajectoire de la politique mondiale afin
de la mettre sur les rails de l'expansion impériale des
Etats-Unis et de l'enchaîner, dans le même temps, aux puissants
groupes financiers qui dominent le monde d'aujourd'hui et le
conduisent à des cataclysmes imprévisibles.
Comme les informations concernant la genèse de l'emprise des
financiers sur la planète tout entière soulèvent une révérence
apeurée et comme le Moyen-Orient demeure par excellence la
région du globe dans laquelle l'activité des groupes de pression
et les falsifications de la vérité atteignent des sommets, il
m'a semblé capital de remonter, autant que possible à la source,
afin de tenter de comprendre par quels chemins tortueux quelques
banquiers ont fait main basse sur le monde et comment le
sionisme talmudique a pris le pouvoir sur la terre palestinienne
jusqu'à incarner un judaïsme rigoriste et raciste, qui rêve d'un
Etat ethniquement pur, débarrassé des "animaux à deux pattes"
palestiniens - pour reprendre la terminologie du Talmud - qui en
contaminent le sol et en polluent l'atmosphère.
Car il est candide de croire que le sionisme aurait jailli à
partir de rien et d'en fixer l'origine en 1896, avec l'ouvrage
du juif allemand Theodor Herzl intitulé Der
Judenstaat. De même que l'Amazone n'est pas un miracle
solaire jailli ex nihilo des entrailles de la terre, d'obscurs
et mystérieux cheminements souterrains ont précédé le
jaillissement de la source devenue le fleuve imposant que nous
connaissons. De même l'idéologie sioniste a cheminé secrètement
dans les souterrains du rabbinat de Russie, de Pologne et
d'Ukraine durant des siècles avant d'acquérir la force
d'apparaître en pleine lumière, puis de s'exporter en l'Europe
de l'Ouest et enfin de débarquer sur le continent américain où
elle est devenue quasiment omnipuissante.
Il
est tout aussi naïf d'imaginer que la loi de la Federal
Reserve (FED) votée la veille du jour de Noel qui énumère
les conditions de son fonctionnement serait née tranquillement
d'un vote loyal du Congrès et que le Président Wilson en serait
l'initiateur.
3 - La source des
informations sur le Colonel House
Les principales
informations sur le Colonel House nous sont données directement
par lui-même, aussi bien dans son journal que par une sorte de
roman étrange et baroque que l'on peut qualifier
d'autobiographique, dans lequel l'auteur se rêve en dictateur de
la planète et imagine les mesures à imposer pour assurer le
bonheur de l'humanité :
-
The intimate papers of Colonel House arranged as a
narrative by Charles Seymour, Boston, New York: Houghton
Mifflin Co, 1926-1928 -
-
PHILIP DRU: ADMINISTRATOR: A STORY OF TOMORROW ,
1912 (Ces deux textes sont disponibles en libre accès dans le
Projet Gutenberg.)
Des informations indirectes intéressantes sont également
disponibles dans la biographie de Arthur Howden Smith,
The Real Colonel House, Doran Company, New-York ,
1918 , ainsi que par l'ouvrage de George Sylvester Viereck,
The Strangest Friendship In History, Woodrow Wilson and
Col. House, Liveright, New York, 1932 .
Une biographie plus récente vient de
paraitre: Godfrey Hodgson,
Woodrow Wilson's Right Hand: The Life of Colonel Edward M.
House (Hardcover, 2006)
Bien qu'il ne lui soit pas consacré dans sa totalité, l'ouvrage
d'Eustace Mullins, Secrets of the Federal Reserve ,
The London Connection contient également des éléments de
première importance sur notre personnage, notamment sur tout ce
qui concerne la conception de la Réserve fédérale et les
circonstances de son vote par le Congrès.
Ces textes
permettent de dresser un portrait précis et documenté tant de la
personnalité que de l'action de cet homme politique étrange et
hors du commun.
Nous savons qu'il était d'ascendance hollandaise et que son
patronyme Huis devint House lorsque son père
émigra d'abord en Angleterre, puis aux Etats-Unis au début du
XIXe siècle. L'immigré se fixa au Texas et fit fortune comme
briseur de blocus pendant la guerre de Sécession.
Il
est classique que les périodes troublées soient particulièrement
propices à la formation de colossales fortunes en un temps
record. Il y quelques années, le monde entier a été le témoin
stupéfait des "réussites" financières foudroyantes des
Roman Abramovitch, Mikhaïl Khodorkovski, Boris Berezovski
ou Vladimir Goussinski, plus connus sous le nom générique
d'"oligarques russes ". Au moment de l'effondrement de
l'URSS, une brochette de petits et de gros malins,
particulièrement rapaces et avisés, en cheville avec un pouvoir
politique chancelant et corrompu avait, en un éclair et avec la
complicité tacite du FMI et des grandes banques américaines,
fait main basse sur l'essentiel des ressources énergétiques et
des grandes entreprises de l'ex-URSS devenue la Russie.
M.
House père n'est pas seul à avoir su exploiter les troubles de
la guerre civile américaine de 1861à 1867 - également appelée
guerre de Sécession - qui ont permis à quelques chevaliers
d'industrie de donner la mesure de leur talent et de leur mépris
pour les principes du droit et de la morale. Cette période a
connu l'ascension fulgurante des John D. Rockefeller, des
Andrew Carnegie, des John Pierpont Morgan ou des
Cornelius Vanderbilt, lequel n'a pas hésité à affirmer
froidement, en 1867, dans une gazette de New-York: "Je n'en
ai rien à faire des lois".
Ces banquiers et ces entrepreneurs affairistes se sont
spécialisés dans les abus de pouvoir et les pratiques immorales,
mais grassement payantes. Ils ont été qualifiés de "barons
voleurs" (robber barons) . Leurs descendants, devenus
vertueux, se sont d'ailleurs empressés de consacrer une partie
de leur argent à des œuvres de bienfaisance, afin de conquérir
l'honorabilité qui leur permettait de blanchir et de protéger
par la loi une fortune frauduleusement acquise. L'exemple des
Rockefeller est le plus célèbre. C'est sur ces méthodes-là que
s'est construit le capitalisme américain.
Le père du
Colonel House fut donc un homme de cette trempe. Comme briseur
de blocus durant la guerre civile, il exportait les productions
locales - notamment le coton - et le vendait à ses
correspondants anglais, dont le principal était le chargé
d'affaires des Rothschild. Le fils saura se souvenir de ce
contrat d'affaires. Le briseur de blocus ramenait, en échange,
les produits qui manquaient au Texas et les écoulait au plus
haut prix. Après avoir amassé un confortable magot - il est
devenu un des hommes les plus riches du Texas - il plaça
prudemment ses coquets bénéfices à Londres, dans la banque
Baring, alliée à la Maison Morgan . Un nouveau marchepied était
prêt pour le fils.
Il
n'est pas sans intérêt de noter que les grandes banques
anglaises faisaient partie de la célèbre "Corporation de la
drogue" et s'étaient enrichies dans le lucratif et très
officiel trafic d'opium de la couronne britannique avec les
Indes et la Chine à la suite de la fameuse guerre de l'opium qui
avait dévasté et ruiné l'empire du Milieu à la fin du XIXe
siècle. En effet, après avoir subi l'incendie du Palais d'été,
la Chine avait été contrainte de légaliser le commerce de
l'opium et d'ouvrir ses frontières aux marchandises anglaises et
françaises, mesures qui ont conduit à la ruine du pays.
La
géopolitique de l'opium se poursuit de plus belle en
Afghanistan avec la bénédiction - et la protection - des troupes
d'occupation de l'OTAN, bien que cet organisme s'en défende.
Mais un rapport officiel de l'ONU nous apprend qu'en 2007, 93%
du marché mondial de l'opium provenait de ce pays et on voit mal
comment les nombreuses troupes d'occupation pourraient ignorer
ce trafic. Les Chinois n'ont pas oublié la volonté de
l'Angleterre de pourrir leur pays de l'intérieur par la drogue
et la récente exécution d'un trafiquant anglais prend place dans
ce contexte.
4 - Biographie du
Colonel House
A la mort
de M. House père, la fortune ayant été partagée entre ses trois
fils, le jeune Edouard, qui avait également hérité d'un second
prénom juif - Mandell, en souvenir d'un précieux associé de son
père - se trouva, nous apprend son biographe Arthur Howden
Smith, "à la tête de plantations de coton qui lui
rapportaient un revenu de 20 000 dollars par an", ce qui
était confortable, mais ne le plaçait cependant nullement dans
la catégorie des très grosses fortunes de l'époque. Très vite,
le jeune héritier, handicapé par une méningite et une insolation
durant son adolescence et de santé fragile, abandonna les plants
de coton pour une activité autrement plus excitante : la
politique. Mais, soit conscience de son infirmité physique, soit
résultat d'une fine observation de la manière réelle dont
s'exerce le pouvoir, il refusa toujours de s'engager
officiellement. Il préférait influencer les hommes politiques en
demeurant dans les coulisses. "Il adorait l'exercice secret
du pouvoir par le biais des autres" et "fuyait
la publicité" écrit son éditeur
Charles Seymour.
Bénéficiant de puissants appuis et d'amis dans le Ku Klux Klan -
dont son père était membre - amis qui occupaient tous les
postes-clés du Texas dans les années 1890 - le jeune Edouard
Mandell mit à contribution son argent, sa passion pour la chose
politique et son génie d'agent électoral afin d'assurer
successivement l'élection de quatre gouverneurs de cet Etat :
James S. Hogg (1892), Charles A. Culberson (1894), Joseph D.
Sayers (1898), S. W.T. Lanham (1902). Conformément à la théorie
qu'il mit plus tard dans la bouche de Philippe Dru dans son
roman autobiographique, Edouard House occupait auprès de chacun
d'eux le poste de conseiller occulte et tout puissant.
En
récompense de son soutien financier et de ses judicieux conseils
le Gouverneur James S. Hogg lui décerna le titre
honorifique de "Colonel" bien qu'il n'eût jamais eu le
moindre contact avec la chose militaire. Il devint donc, du jour
au lendemain, le Colonel House et ne fut plus désigné que
par ce nom.
Mais l'ambition du Colonel House ne se limitait pas au contrôle
du Texas. C'est le pays tout entier qu'il souhaitait dominer. Le
rêve de "dictateur de l'ombre" exposé par Philippe Dru-
House en 1912, consistait à transposer au pays tout entier, la
méthode qui avait réussi au jeune Edouard Mandell au Texas. Par
le truchement de son double romanesque, il a en effet exposé
longuement sa théorie du pouvoir et le moyen presque infaillible
de gagner les élections - méthode appliquée encore de nos jours
et qui consiste à ne cibler que les électeurs répertoriés comme
non officiellement inscrits dans un parti, à les contacter un
par un par des lettres personnelles, fruits d'une minutieuse
enquête apparentée à de l'espionnage et à ne faire campagne que
dans les Etats hésitants, les fameux "swing states". "J'enroulai
un fil presque invisible autour du peuple, qui le maintenait
fermement ", écrit-il.
5 - Les amis et les
soutiens
Dès 1902, Edouard Mandell quitte son Texas natal pour New-York.
Ses exploits électoraux et son rôle d'efficace "conseiller de
l'ombre" lui ouvrent toutes grandes les portes des milieux
politiques et financiers new-yorkais. Il remarque qu'à
Washington également, le pouvoir politique est exercé par une
petite poignée d'hommes au Sénat et à la Maison Blanche. "Il
est assez facile pour quelqu'un sans responsabilité de
s'asseoir autour d'un cigare et d'un verre de vin, et de décider
de ce qu'il y a de mieux à faire ", écrit-il dans ses
Papiers intimes. Et plus loin : "À Washington… j'ai
constaté que deux ou trois hommes au Sénat et deux ou trois
hommes à la Chambre, ainsi que le Président dirigeaient le
gouvernement. Les autres n'étaient que des hommes de paille.
(…)C'était mon ambition d'y faire irruption si cela était
possible, et mon ambition a maintenant fait un bond, au point de
vouloir, non seulement en faire partie, mais plus tard, en être
le centre…"
C'est donc cette petite société qu'il s'efforça de pénétrer.
Bien qu'il n'eût apparemment rien de flamboyant et que ses
exploits universitaires fussent modestes, il y réussit à
merveille, car il jouissait du flair infaillible de détecter les
amis de qualité qui appréciaient sa discrétion et ses conseils.
Son plus récent biographe, Gogfrey Hodgson, fournit une liste
flatteuse des invités habituels de son salon et de sa table,
parmi lesquels on trouve des figures importantes de la
littérature anglo-saxonne de l'époque tels Henry James,
Edith Warton ou Rudyard Kipling, futur prix Nobel,
le grand pianiste polonais Jan Ignacy Paderewski, qui
deviendra le premier Président de la Pologne libre, des hommes
politiques , dont le très puissant Sénateur Aldrich,
l'homme fort du Congrès et le principal soutien des banquiers et
de leur projet de création d'une banque centrale privée. Tout ce
qui comptait à Washington - des généraux, des professeurs, des
journalistes des femmes du monde et tous les grands banquiers de
la place - fréquentait sa maison. Le très influent et sulfureux
financier et chevalier d'industrie John Pierpont Morgan
était l'un de ses intimes.
Parmi les fréquentations étroites du Colonel House, il faut
également compter son beau-frère juif, Sydney Mezes, le
Rabbin Stephen Wise, président du Congrès juif américain,
l'avocat Louis Brandeis qui sera "le premier juif
nommé à la cour suprême"en 1916. Mais auparavant il aura
joué un rôle crucial dans l'élaboration et le processus de
validation par le congrès du Federal Reserve Act voté en
décembre 1913. Il convient également de ne pas oublier le
richissime financier Bernard Baruch, qui sera le plus
gros contributeur de la campagne électorale de Woodrow Wilson,
le Colonel House étant son second "bienfaiteur". J'y
reviendrai.
6 - Les banquiers de la City
repartent à l'assaut de l'Amérique
Jusqu'en 1910, le Colonel House s'attache habilement à
consolider son réseau new-yorkais et washingtonien, ainsi qu'à
resserrer les liens tissés par son père avec les puissants
groupes qui dominent Wall Street - les Maisons Morgan,
Rockefeller, Dukes, Mellons, Brown-Harriman, Dillon-Reed,
sans compter les Carnegie, les Whitney ou les Vanderbilt.
Au cours de son séjour en Europe durant l'été 1913, il tissera
également des liens étroits avec les financiers de la City,
notamment les Rothschild et les Warburg, dont la
puissance financière dominait déjà secrètement l'Europe tout
entière.
On
ne peut qu'être frappé par l'étonnante homogénéité ethnique des
grands financiers qui gravitent autour du Colonel House et plus
généralement par celle de tous les banquiers de la City ou de
Wall Street. Un co-religionnaire, Jacques Attali, fournit
quelques clés psycho-religieuses de ce phénomène dans un gros
ouvrage à prétention historique, Les Juifs, le monde et
l'argent, Fayard 2002 dans lequel il théorise la
spécialisation des juifs dans le commerce de l'argent et
justifie leur omniprésence dans cette activité : "Pour les
Juifs, tirer un intérêt de l'argent n'est pas immoral. (…)
L'argent est, comme le bétail, une richesse fertile, et le temps
est un espace à valoriser. Pour les chrétiens, au contraire,
comme pour Aristote et les Grecs, l'argent - comme le temps - ne
produit pas en soi-même de richesse, il est stérile ; aussi
faire commerce de l'argent est-il un péché mortel. " (p.
120, coll. poche) Car, précise-t-il dans une interview donnée
après la parution de son livre : "Pour un juif, la
pauvreté est intolérable. Pour un chrétien, c'est la richesse
qui l'est."
Ces considérations psycho-théologico-monétaires éclairent
quelque peu les motivations des grandes maisons bancaires
anglaises - notamment celle des Rothschild, de ses
succursales et de ses alliés - au cours de la guerre qu'ils
déclenchèrent pour la troisième fois depuis la naissance de cet
Etat contre la loi fondamentale des Etats-Unis.
Remonter à la source de la création de la FED, c'est donc
découvrir que dès la naissance du nouvel Etat, les puissants
banquiers de la City conduits par les clans Rothschild et
Warburg avaient mené une guerre violente, obstinée et
sournoise contre les principes que les pères fondateurs du
nouvel Etat avaient voulu graver dans la Constitution de 1787
inspirée par les philosophes libéraux . C'est dès son
premier article, section 8, § 5 que la loi fondamentale précise
avec force que "c'est au Congrès qu'appartiendra le droit
de frapper l'argent et d'en régler la valeur". Ses
rédacteurs avaient précisément voulu éviter de reproduire le
modèle anglais et sa banque centrale, propriété des actionnaires
privés ; car comme disait Napoléon Bonaparte, "la main qui
tient les cordons de la bourse détient le pouvoir".
Durant tout le
XIXe siècle, les coups de boutoir des financiers furent
constants. Les banquiers de la City de Londres conduisirent,
notamment en 1812 et 1866, deux puissants assauts contre la
Constitution des Etats-Unis.
Voir : Aux sources.... 3 - La
préhistoire du système monétaire : de la déclaration
d'indépendance en 1776 à la crise de 1907
Ils échouèrent provisoirement, mais ils provoquèrent, à titre
collatéral, si je puis dire, l'assassinat de deux Présidents qui
avaient eu l'audace de contrecarrer leurs prétentions:
Abraham Lincoln avec son dollar "Greenback", et
James Garfield, qui venait de faire un discours sur les
problèmes monétaires peu de temps avant son assassinat. Un
troisième Président, John Fitzgerald Kennedy paiera de sa
vie l'audace d'avoir voulu, en 1963, mettre fin à l'exorbitant
privilège des financiers né de la création de la FED.
Au
début du XXè siècle, après plusieurs paniques - en 1869 - 1873 -
1893 - 1901 et 1907 - provoquées et astucieusement contrôlées
notamment par un des principaux "barons voleurs",
le financier et homme d'affaires John Pierpont Morgan -
les banquiers de la City revinrent à l'assaut et remirent sur le
tapis leur projet de création d'une banque centrale privée en
prenant pour prétexte l'exaspération de la population après la
panique boursière de 1907.
Cependant, ils savaient que le Gouvernement et le public étaient
réticents et ne voulaient pas de ce genre d'institution. Il leur
avait donc fallu créer de toutes pièces un événement-choc de
nature à vaincre l'hostilité du gouvernement. Ce fut John
Pierpont Morgan qui s'en était chargé. Fort de sa réputation
d'expert financier compétent, il avait habilement distillé des
rumeurs de faillite de deux banques new-yorkaises -
Knickerbocker Trust Co et Trust Company of America -
qui mettaient en péril tout le réseau bancaire des Etats-Unis et
la panique attendue se produisit.
Voir: Aux sources....n°5 - Les crises monétaires
successives : 1869 - 1873 - 1893 - 1901 - 1907
Le
Congrès confia alors au Sénateur Aldrich, un Républicain,
chef de la Commission des finances du Sénat qui passait pour le
politicien le plus influent de l'époque, le soin de constituer
et de diriger deux commissions : l'une sur le fonctionnement du
système monétaire américain et l'autre destinée à mener une
expertise sur le fonctionnement des banques centrales
européennes. Ses relations avec le cartel des banques - sa fille
avait épousé l'héritier des Rockefeller et son fils devint le
Président de la Chase National Banque - en faisaient pourtant un
politicien pour le moins suspect de sympathie avec les
financiers internationaux.
Son voyage en Allemagne, en
Angleterre et en France entre 1908 et 1909 , ainsi que ses
rencontres avec les banquiers européens, notamment avec Paul
Warburg, l'avaient conforté dans la conviction, qui était
déjà la sienne au départ, de l'excellence des banques centrales
privées.
Mais l'opinion
américaine et une forte majorité du Congrès, toujours aussi
méfiantes à l'égard des financiers, demeuraient fermement
hostiles à toute modification de la Constitution. Pressé par ses
amis des lobbies, le riche Sénateur prit la tête de ce qu'il
faut bien appeler un complot puisque, entre 1910 et 1913, les
méthodes politiques utilisées les principaux acteurs tenaient
davantage de celles la maffia sicilienne que de l'Etat de droit.
En effet, les
deux échecs précédents de leur tentative de faire main basse sur
le système monétaire du nouvel Etat avaient servi de leçon aux
banquiers . Conscients de ce qu'il leur fallait changer de
stratégie et ne pas attaquer de front et à visage découvert, ils
mirent patiemment au point un véritable plan de campagne dont on
mesure, avec le recul, tout le machiavélisme. Ils agirent, en
effet, sur quatre fronts à la fois et, le plus souvent, en se
dissimulant derrière des hommes de paille.
Il s'agissait :
-
Premièrement, de définir l'objectif avec une grande
précision, autrement dit, de rédiger d'avance, et en un petit
comité composé de quelques membres acquis d'avance ou partie
prenante, le contenu de la loi qu'il conviendra de réussir à
faire voter et qui contiendra tous les éléments de ce que devra
être la future banque centrale. Ce fut la réunion de l'île
Jekyll.
-
Deuxièmement, il convenait d'assurer l'élection d'un
nouveau Président favorable à leurs intérêts afin qu'il n'y ait
pas d'obstacle inattendu à partir de la Maison Blanche .
-
Troisièmement, il ne fallait pas oublier de mener des
actions ciblées au Congrès, afin de conquérir une majorité
favorable au projet.
-
Quatrièmement, il était capital d'entreprendre une
vigoureuse et habile campagne publicitaire dans la presse et
dans les milieux intellectuels en choisissant des journalistes
connus et des professeurs directement payés par les groupes
financiers, propriétaires des journaux ou importants
actionnaires des Universités sollicitées, afin d'endormir
l'hostilité de l'opinion publique et la convaincre du bien-fondé
des " réformes " proposées.
Chaque secteur eut donc son chef de corps d'armée : au
Colonel House fut dévolue la campagne de l'élection
présidentielle, puis de l'action psychologique sur le Président;
au Sénateur Aldrich, l'action sur le Congrès ; aux
financiers la corruption de la presse et l'achat des agents
d'influence. Mais l'homme qui tirait les ficelles dans les
coulisses fut le puissant banquier allemand, Paul Warburg
en liaison avec le Colonel House , eux-mêmes téléguidés
par la puissante Maison Rothschild de Londres.
Paul Warburg
fut en effet le chef d'orchestre de toute cette opération.
Allemand et co-propriétaire avec son frère Félix de la
banque familiale de Hambourg, il avait épousé en 1893 la fille
de Salomon Loeb, de la banque new-yorkaise Kuhn, Loeb &
Co et s'était installé aux Etats-Unis. Or cette banque était le
poisson-pilote des Rothschild européens aux Etats-Unis, ce qui
signifie que Paul Warburg était, en l'espèce, l'homme de paille
des Rothschild.
Lui et son frère étaient devenus co-actionnaires de la banque du
beau-père - laquelle avait fusionné avec Lehman Brothers
en 1977, mais avait connu, comme on s'en souvient, une triste
fin en forme de faillite en 2008. Cependant, au début du XXe
siècle, Kuhn, Loeb & Co connaissait une si insolente prospérité
que le nouvel associé et gendre s'était vu gratifié d'une
rémunération mirobolante pour l'époque de cinq millions de
dollars par an, simplement destinée à lui assurer la liberté de
préparer la réforme du système monétaire américain en vue de
l'aligner sur le modèle de la banque centrale d'Angleterre - la
première au monde - qui appartenait à des banquiers privés
depuis sa création en 1694.
C'était le modèle
que les conspirateurs de l'île Jekyll rêvaient de reproduire aux
Etats-Unis.
Ce
sont donc les groupes bancaires internationaux Eugène Meyer,
Lazard Frères, J. & W. Seligman, Ladenburg Thalmann, Speyer
Brothers, M. M. Warburg et Rothschild Brothers qui, à
travers leurs succursales américaines, menèrent en sous-main
toute la campagne. On voit qu'ils s'étaient préparés de longue
date pour un marathon politique et que la réunion de l'île
Jekyll était loin d'être improvisée.
7 - La réunion secrète des banquiers dans
la propriété du Sénateur Aldrich dans l'île Jekyll et ses
conséquences
J'ai longuement parlé de cette expédition dans mon texte
précédent . J'ai également décrit les circonstances
rocambolesques de la parution de l'ouvrage de Mullins qui
continue d'être ostracisé, alors qu'Eustace Mullins est le
premier historien qui soit remonté le plus près possible de la
source de la naissance de la FED . Depuis lors, tout le monde
s'inspire de ses travaux et, sans jamais le citer, les pille
sans vergogne.
Voir: Aux sources ....1 - La conspiration de l'île
Jekyll
C'est grâce à lui qu'une connaissance détaillée des
circonstances du voyage et du séjour des dix participants à ce
conclave est désormais répandue dans le public. On sait
aujourd'hui que le Colonel House faisait lui aussi partie
du petit groupe de la dizaine de "conspirateurs" déguisés
en chasseurs de canard qui s'est réunie à huis clos durant une
semaine dans la propriété du Sénateur Aldrich bien que Mullins ,
bizarrement, ne le cite pas. Peut-être parce qu'à la fin de
l'année 1910, ce personnage n'avait encore aucun pouvoir
politique officiel et n'exerçait aucune fonction notable dans le
privé. Néanmoins sa présence parmi les banquiers à une telle
assemblée donne une idée de la force des liens de confiance qui
l'unissaient à eux.
Le
terme de "conspirateurs" donne, aujourd'hui encore, de
l'urticaire aux défenseurs des banquiers. Mais c'est le terme
même qu'emploie l'un des participants à cet élégant raout,
Frank A. Vanderlip, dans l'autobiographie qu'il a rédigée en
1935 : From Farmboy to Financier (Du garçon de
ferme au financier): "J'étais aussi discret et aussi
prudent que peut l'être un conspirateur. Nous savions que
nous ne devions pas être découverts, ou alors, tout le temps et
les efforts que nous avions consacrés à ce travail seraient
détruits. S'il avait été révélé que notre petit groupe s'est
réuni et qu'il a, en commun, rédigé un projet de banque central,
celui-ci n'avait aucune chance d'être accepté par le Congrès…
Je ne crois pas qu'il soit exagéré considérer que notre
expédition à Jekyll Island fut la source de ce qui est devenu le
Federal Reserve System. (…) Les résultats de cette conférence
furent entièrement confidentiels. Même le fait qu'il y ait eu
une réunion n'était pas autorisé à être rendu public (...)
" , car le Sénateur Aldrich "a fait promettre à tous les
participants de garder le secret" écrivit de son côté Paul
Warburg dans le compte-rendu qu'il fit dix-huit ans après les
évènements dans The Federal Reserve System, Its Origin and
Growth, Volume I, p. 58, Macmillan, New York, 1930 (cité
par Mullins).
Le
plan Warburg rédigé lors du conclave de l'île Jekyll, fut
consigné dans le rapport Aldrich. En bons chasseurs de canards,
les "conspirateurs" utilisèrent ensuite la technique bien
connue du leurre . Deux plans aux noms différents, mais
aux contenus quasi identiques furent lancés dans le public et
chacun eut ses détracteurs virulents et ses partisans
enthousiastes : le Rapport Aldrich qui faisait
l'unanimité contre lui, était défendu par les Républicains et
passait pour être le plan des trusts bancaires, et la Loi de
Réserve Fédérale, défendue par les Démocrates, était censée
préserver les intérêts des citoyens.
Bien que le terme de "Banque centrale" eût été
soigneusement évité, c'était bien de cela qu'il était question
dans les deux cas, pour le plus grand profit des banquiers, en
application de la phrase du vieux, richissime et cynique John
Pierpont Morgan : "La Monnaie est une matière première" -
à l'instar des pommes-de-terre ou des tomates - à cette petite
différence près que les banquiers n'ont aucun mal à produire
cette "matière première-là".
Cette conception agricole de la monnaie est un reflet fidèle de
celle exposée par Jacques Attali dans l'ouvrage cité ci-dessus:
" Pour le peuple juif, (…) écrit-il, il n'y a aucune
raison d'interdire le prêt à intérêt à un non-juif, car
l'intérêt n'est que la marque de la fertilité de l'argent."
Pour pimenter encore plus le stratagème, Nelson Aldrich,
qui venait de perdre son poste de Sénateur ainsi que Frank
Vanderlip - les deux principaux meneurs de la cabale en faveur
de Wall Street - attaquèrent violemment la Loi de Réserve
Fédérale, lui reprochant d'être beaucoup trop hostile aux
banquiers . Comme justement le Congrès était lui aussi
majoritairement hostile aux trusts, les congressistes furent
dupes de cette rouerie et se ruèrent sur le leurre.
Les chapitres I à IV de l'ouvrage de Mullins qui traitent de la
naissance de la FED sont dignes d'une enquête de Sherlock Holmes
et se lisent comme un roman policier. Peu de membres du Congrès
avaient eu le courage de s'opposer publiquement à l'un et à
l'autre plan des banquiers. Le député Charles Lindbergh
fut l'un de ces opposants les plus combattifs. Père du célèbre
aviateur, il avait déclaré le 15 décembre 1911 : "Le
gouvernement poursuit d'autres trusts en justice, mais il
soutient le trust monétaire. J'ai attendu patiemment pendant
plusieurs années l'occasion d'exposer le niveau erroné atteint
par la masse monétaire et de montrer que le plus grand des
favoritismes est celui que le gouvernement a étendu au trust
monétaire."
Le
23 décembre 1913, au moment où la loi fut votée, amer, il
prononça au Congrès un discours prémonitoire, et plus actuel que
jamais, compte tenu de ce que sont devenus Wall Street et la
Fed: "Cette Loi établit le trust le plus gigantesque de la
terre. Lorsque le Président signera ce projet de loi, un
gouvernement invisible, celui de la puissance monétaire, sera
légalisé. Le peuple peut ne pas s'en rendre compte
immédiatement, mais le jour du jugement n'est éloigné que de
quelques années. Les trusts réaliseront bientôt qu'ils sont
allés trop loin, même pour leur propre bien. Pour se délivrer de
la puissance monétaire, le peuple devra faire une déclaration
d'indépendance. Il pourra le faire en prenant le contrôle du
Congrès. [..] Ceux de Wall Street n'auraient pas pu nous tromper
si vous, les Députés et les Sénateurs, n'aviez fait du Congrès
une fumisterie. […] Si nous avions un vrai Congrès du peuple, la
stabilité règnerait. Le plus grand crime du Congrès est le vote
de son système monétaire. Le pire crime législatif de tous les
temps est perpétré par ce projet de loi bancaire. Les groupes
parlementaires et les chefs de partis ont à nouveau agi et
empêché le peuple d'obtenir le bénéfice de son propre
gouvernement."
Le
député Louis Mc Fadden avait, lui aussi, manifesté une
opposition violente et écrivit: " Un système bancaire mondial
est en train de mettre en place un super Etat contrôlé par les
banquiers internationaux. (…) Ils travaillent ensemble à
l'asservissement du monde au nom de leur propre intérêt. La Fed
a usurpé le pouvoir du gouvernement. "
Car les circonstances du vote au Congrès avaient fait, elles
aussi, l'objet de ruses , de manipulations, de tractations
secrètes dans les coulisses, de marchandages . Là encore les
deux mêmes larrons, Paul Warburg et le Colonel House,
avaient été à la manœuvre. George Sylvester Viereck écrivit : "Les
Schiff, Warburg, Kahn, Rockefeller et Morgan avaient placé leur
confiance en House. Lorsque la législation sur la Réserve
Fédérale prit enfin une forme définitive, House fut
l'intermédiaire entre la Maison-Blanche et les financiers."
( George Sylvester Viereck, The Strangest
Friendship In History, Woodrow Wilson and Col. House,
Liveright, New York, 1932.)
L'opération de vote au Congrès se déroula cependant d'une
manière extra-ordinaire dans ce genre d'enceinte. En effet, le
Federal Reserve Act fut présenté en catimini et dans une
discrétion absolue, le 23 décembre 1913, dans la nuit, entre
1h30 et 4h30, au moment où les membres du Congrès étaient soit
endormis, soit en vacances pour les fêtes de Noël.
Les députés démocrates présents étaient persuadés, à l'instar du
Président Wilson, qu'ils votaient contre le projet des banquiers
et "en faveur de la réduction des privilèges des banquiers".
Il s'agit d'un stratagème classique, mais inusable. L'actuel
Président de la République française l'a récemment utilisé avec
succès en faisant voter par une majorité obséquieuse un traité
de Lisbonne qui n'est que le frère jumeau d'un traité
constitutionnel refusé par un referendum, et passé dans un
shaker de manière à créer un désordre tel qu'il devenait
difficile de s'y retrouver. Nietzsche nous avait prévenus: "L’État
ment dans toutes ses langues de la terre ; et, dans tout ce
qu’il dit, il ment – et tout ce qu’il a, il l’a volé..."
(Zarathoustra)
Et pendant ce
temps, les journaux appartenant aux banquiers publiaient des
articles délirants d'enthousiasme, chantaient la grâce du cadeau
de Noël, prédisaient des lendemains qui chantent et une
prospérité sans limites pour toutes les classes de la société.
Le
lendemain du jour mémorable du vote, le 24 décembre 1913, le
banquier Jacob Schiff remerciait le diligent homme de
l'ombre: "Mon Cher Colonel House. Je veux vous dire un mot
pour le travail silencieux, mais sans aucun doute efficace, que
vous avez fait dans l'intérêt de la législation monétaire, et
vous féliciter de ce que cette mesure a été finalement
promulguée en loi. Tous mes meilleurs vœux. Sincèrement votre,
JACOB SCHIFF."
On ne peut
s'empêcher de voir dans ce document le ton et le contenu du
commanditaire à son subordonné et exécuteur.
Le
Président Wilson, pourtant "créé" par les banquiers et
exceptionnellement favorable à leurs plans avait, à la surprise
générale, renâclé au dernier moment et avait refusé de signer le
décret destiné à donner force de loi à ce vote. Le banquier
Bernard Baruch , qui jouera un rôle capital dans la
politique des Etats-Unis dans les années qui allaient venir,
s'était précipité à la Maison Blanche et avait arraché l'accord
du Président qui contestait, non point le principe ou l'ensemble
de la loi, mais des détails concernant les nominations à
l'intérieur du système.
Néanmoins, en 1916 prenant tardivement conscience des
conséquences de cette loi et des restrictions qu'elle apportait
au pouvoir exécutif - le sien - il manifesta, des regrets et
émit forces gémissements d'impuissance: "Notre grande
nation industrielle est contrôlée par leur système de crédit.
Notre système de crédit est privatisé, c'est pourquoi la
croissance du pays ainsi que toutes nos activités sont entre les
mains d'une poignée d'hommes qui si nécessaire, pour des raisons
qui leur son propres, peuvent geler, vérifier et détruire la
liberté économique. Nous somme devenus un des plus mal
gouvernés, des plus contrôlés et des plus soumis de tous les
gouvernements du monde civilisé. Il ne s'agit plus d'un
Gouvernement libre d'opinion ni d'un Gouvernement de conviction
élu à la majorité mais d'un Gouvernement soumis à la volonté et
à la fermeté d'un petit groupe d'hommes dominants." (L'Economie
Nationale et le Système Bancaire, document sénatorial N°3,
N° 223, 76ème Congrès, 1ère session, 1939.
C'est pourquoi les journalistes , et même les historiens qui
attribuent la paternité de la FED au Président Woodrow Wilson,
alors que sa contribution à ce projet fut pratiquement nulle, ne
connaissent pas les circonstances de sa venue au monde.
8 - Le Colonel House
: de la FED au sionisme et vice versa
Bien qu'il n'ait rencontré Woodrow Wilson qu'en 1911 alors que
celui-ci venait d'être élu Gouverneur démocrate de l'Etat du
New-Jersey après avoir exercé pendant dix ans la fonction de
Président de l'Université de Princeton, le Colonel avait, dès
1910 , amarré sa "Fortune" , c'est-à-dire son sort et son
avenir, à un candidat "qu'un groupe d'hommes secrets"
avait choisi en préparant activement son élection selon les
règles mises en pratique au Texas.
Le
choix de ce candidat par le parti démocrate était inattendu pour
le grand public. Mais les banquiers n'avaient pas oublié que
durant la grande panique boursière de 1907 le professeur Wilson
avait eu le bon goût et l'esprit d'à propos de déclarer: "Tous
ces problèmes pourraient être évités si nous nommions un comité
de six ou sept hommes à l'esprit civique tels que J.P. Morgan
pour s'occuper des affaires du pays. " (Cité par Eustace
Mullins, in Les secrets de la Réserve fédérale, La
Connexion Londonienne)
Autrement dit, l'idéaliste professeur Wilson commençait à
avancer ses pions, car voir dans le principal responsable et le
grand bénéficiaire de la crise , John Pierpont Morgan, le
meilleur thérapeute chargé de remédier à la débâcle bancaire
qu'il avait en grande partie provoquée ne pouvait être l'effet
d'un aveuglement involontaire. Si bien que, dès avant son
élection au poste de Gouverneur, l'honorable professeur avait
été récompensé par une nomination à la tête de la fameuse "Commission
Aldrich" chargée de préparer le pays, la presse et les
hommes politiques au projet des banquiers concocté durant la
célèbre réunion secrète camouflée en "chasse au canard"
dans l'île Jekyll.
Il
semble qu'il s'agisse là d'une constante de la politique
américaine: on fait appel à l'empoisonneur pour administrer au
moribond le contrepoison censé salvateur en oubliant que
l'empoisonneur pense d'abord à se servir lui-même. Ainsi, hier,
c'est le richissime Henry Paulson, Secrétaire au Trésor
de la précédente Administration, ancien PDG de la plus grosse
banque d'affaires de Wall Street - Goldman Sachs - et
l'un des principaux inventeurs du casino boursier créateur du
modèle injuste et pervers à l'origine de la crise bancaire des
années 2008-2009 et qui est en train de conduire le monde à des
désastres imprévisibles, qui s'était vu chargé par le Président
G. W. Bush de la mission de réformer le système bancaire.
Et aujourd'hui, c'est Timothy Geithner, l'un des grands
responsables de la mise en place des produits financiers
pourris, qualifiés sobrement de "toxiques" du temps qu'il
était à la tête de la FED de New-York - la plus importante parmi
les dix régions fédérées regroupées sous le nom de Federal
Reserve System - que le Président Obama charge de cette
mission. Il la remplit, comme prévu, c'est-à-dire en servant ses
amis et lui-même, donc en continuant avec une belle constance à
pratiquer, en accord avec le Président actuel de la FED, M.
Ben Bernanke, une politique monétaire inflationniste et à
renflouer, avec l'argent des contribuables, des organismes de
prêts hypothécaires aventureux, le tout au détriment des
citoyens américains et des Etats étrangers possesseurs de
réserves en dollars et détenteurs de bons du trésor, tout en
continuant à servir à ses amis de mirobolants "bonus". MM.
Geithner et Bernanke savent parfaitement qu'il sera
impossible de jamais rembourser cette dette. Aux banquiers les
bénéfices, aux citoyens les dettes.
Parmi les "hommes secrets" qui, en 1911 choisirent le
candidat à la présidence de la République, il en est un, plus
secret encore que les banquiers, dont l'influence fut
importante, le rabbin Wise. Ce petit-fils du grand rabbin
de Hongrie introduisit le sionisme talmudique dans un milieu que
dominaient les juifs allemands alors vigoureusement hostiles au
sionisme. Sa rencontre avec Theodor Herzl à Bale en 1898
redoubla son zèle.
En
compagnie de Louis Brandeis et de Felix Frankfurter,
il fonda la première organisation sioniste des Etats-Unis
chargée de représenter les juifs non pas en tant qu'individus,
mais comme une communauté homogène. Ainsi, dès 1918, il put
convoquer le premier Congrès juif américain. Mais dès le
début des années 1900, son influence auprès des hommes
politiques américains était telle qu'il pouvait se flatter de
les rencontrer secrètement à sa demande aussi souvent qu'il le
souhaitait.
La
rencontre du Gouverneur du New-Jersey et du Colonel House en
1911 est décrite comme un véritable coup de foudre réciproque
qui créa entre les deux hommes une intimité intellectuelle
telle, qu'une fois élu, celui-ci devint l'alter ego du
Président. Son biographe rapporte qu'il aurait déclaré : "M.
House est ma deuxième personnalité. Il est mon moi indépendant.
Ses pensées et les miennes ne font qu'un."
Au
cours de la campagne électorale, le Colonel House avait incité
le candidat à rendre beaucoup plus qu'un hommage appuyé au
sionisme. Il s'agissait d' un véritable engagement identifiant
les intérêts de l'Amérique à ceux du mouvement né du premier
congrès de Bâle de 1897: "Je ne suis pas ici pour exprimer
notre sympathie envers nos concitoyens juifs, annonça-t-il -
mais pour rendre évident notre sentiment d'identité avec eux.
Ceci n'est pas leur cause: c'est celle de l'Amérique."
On
ne peut décrire plus clairement que dans cette profession de foi
la politique étrangère qui prévaut encore de nos jours et qui
n'a fait que s'amplifier, comme on l'a vu récemment avec les "déclarations
d'amour obligatoires" à un pays étranger que doit proférer
publiquement tout candidat à un poste de responsabilité
gouvernementale et les enquêtes scrupuleuses menées par les
innombrables associations pro-israéliennes et notamment l'Anti-Defamation
Ligue (ADL) crée en 1913 par les membres de la loge
maçonnique ethnique B'nai B'rith (les Enfants de
l'Alliance en hébreu) afin de découvrir les plus infimes
hérésies qui disqualifient automatiquement les renégats.
Une fois le Président élu, le rabbin Wise a pu déclarer: "
Nous avons reçu une aide chaleureuse et encourageante de la
part du Colonel House, ami intime du Président. (…) House a non
seulement fait de notre cause l'objet de son attention
particulière, mais a servi d'officier de liaison entre
l'administration de Wilson et le mouvement sioniste."
On
ne peut s'empêcher d'évoquer la scène du candidat Barack Obama,
qui, in illo tempore, se déclarait "l'ami" du philosophe
et musicien palestinien Edward Saïd et soutenait la
résistance palestinienne, mais et qui n'avait pas hésité, durant
sa campagne à promettre, lors d'un discours devant les membres
exultants de l'AIPAC , une kippa perchée sur le sommet de son
crâne, que Jérusalem tout entière devait être la capitale de "l'Etat
juif". Depuis lors, il a fait machine arrière, mais la
promesse est restée dans les esprits de ceux qui l'ont entendue.
Les "anges gardiens" qui veillaient sur lui à Chicago
l'ont suivi à la Maison Blanche.
Quant au Colonel House, il avait lui-même révélé dans ses
Papiers intimes publiés en 1926 à quel point il avait
maîtrisé dans tous ses détails la campagne de "son"
candidat: il avait, dit-il, rédigé lui-même tous ses discours et
lui avait interdit de suivre d'autres conseils que les siens.
Ses confidences nous apprennent que son emprise fut telle que M.
Wilson "admit des imprudences" et "promit de ne plus
prendre d'initiatives indépendantes".
Cette scène du pénitent devant son juge est rapportée avec un
certain cynisme dans le roman autobiographique où Philippe Dru
(House) décrit à un comparse comment il avait enserré Rockland
(Wilson) dans les bandelettes de la soumission : "Quand il
raconta les efforts de Rockland pour se libérer et comment il
l'avait contraint à faire amende honorable, se tordant sous son
échec, ils éclatèrent d'un rire sarcastique."
Cette remarque est à rapprocher d'une phrase quelque peu
fanfaronne du Colonel lui-même qui éclaire sa lucidité et son
habilité psychologique . Elle explique l'emprise qu'il exerça
sur le Président …jusqu'à ce qu'un autre - le banquier
Bernard Baruch - le remplace dans ce rôle : "Avec le
Président, comme avec tous les hommes que j'ai cherché à
influencer, mon intention a toujours été de lui faire croire que
les idées qu'il tirait de moi étaient les siennes ".(Howden)
Il
existe une similitude confondante entre les moyens et les
méthodes utilisées pour réussir à faire élire un petit
gouverneur du New-Jersey plutôt effacé et totalement inconnu de
l'immense majorité du pays et de la classe politique, mais
mégalomaniaque, et ceux qui ont porté au pouvoir le sénateur de
l'Illinois, tout aussi inconnu du grand public, le fringant et
éloquent métis Barack Obama, destiné à servir de psychopompe
flatteuse à une image des Etats-Unis que la folie messianico-guerrière
de son prédécesseur avait réduite à l'état d'embryon desséché .
En plus du soutien évoqué ci-dessus, celui-ci avait bénéficié
d'une manne de plus de 605 000$, soit quatre fois plus que son
adversaire. Leur point commun réside dans la discrétion de leur
carrière avant leur candidature ainsi que dans les sommes
vertigineuses qui ont assuré leur élection. C'est à ce critère
qu'on mesure dans ce pays les chances de l'élection du candidat.
La victoire s'achète très cher.
Certes, les groupes bancaires financent en général TOUS les
candidats : en l'espèce, ils avaient abondamment financé non
seulement le gouverneur Wilson, qui avait promis de substituer
la morale à l'argent comme fondement de la politique étrangère,
mais aussi le favori des sondages, le républicain William H.
Taft, candidat à sa réélection, lequel avait déclaré que la
diplomatie n'est destinée qu'à renforcer l'influence
commerciale, ainsi qu'un troisième larron surgi au dernier
moment, l'avant-dernier Président, du parti Républicain lui
aussi, candidat à un nouveau mandat qui annonçait un mandat de "chasseur
de trusts".
Il
faut lire la savoureuse description que fait de cet épisode
l'ouvrage exceptionnel d'Eustace Mullins, LES
SECRETS DE LA RÉSERVE FÉDÉRALE, La Connexion Londonienne.
Dans son chapitre III, l'auteur écrit: "Soudain, Théodore
Roosevelt se porta candidat . Il annonça qu'il se présentait
comme candidat d'un troisième parti. S'il n'avait été
exceptionnellement bien financé, sa candidature aurait été
grotesque. De plus, il reçut une couverture illimitée des
journaux, supérieure à celle de Taft et de Wilson réunis. En
tant que républicain et ancien président, il était évident que
Roosevelt taillerait en profondeur dans les voix de Taft. Cela
s'avéra être le cas et Wilson remporta l'élection."
Mullins précise que "les auditions parlementaires
révèleront que dans la firme Kuhn, Loeb Company, Félix Warburg
soutenait Taft, que Paul Warburg et Jacob Schiff soutenaient
Wilson et qu'Otto Kahn soutenait Roosevelt", mais les
montants n'étaient pas à la même hauteur et il oublie de
signaler la généreuse contribution apportée à Wilson par le
banquier qui affichait ouvertement un sionisme militant,
Bernard Baruch. Il jouera d'ailleurs un rôle considérable
dans la politique américaine jusqu'au Président Eisenhower
compris.
9 - Le second mandat
du Président Wilson
Après l'élection, très rapidement, une relation
extraordinairement intime s'établit entre House et Wilson. Elle
couvrait non seulement les questions politiques, mais s'étendait
au domaine le plus intime au point qu'une ligne téléphonique
directe fut installée entre la Maison Blanche et le domicile
privé du conseiller particulier. Refusant tous les postes
officiels que le nouveau Président lui offrait, le Colonel House
préféra continuer à jouer le rôle d'éminence grise dans lequel
il excellait. A partir de cette date, les pouvoirs dont il
disposait "dépassent l'imagination" écrivent ses
biographes.
Ambitieux tous les deux, Wilson et House étaient étonnamment
complémentaires: le style rhétorique de Wilson faisait de lui un
orateur au mieux de sa forme devant un public, alors que House
aimait l'ombre et l'action dans les coulisses. "Je déteste
les discours. Je préfère jouir du frisson qui me vient à travers
les autres" avait-il coutume de dire. Wilson voyait dans ce
comportement le signe d'une absence totale d'égoïsme et d'un
dévouement majeur à la sa personne: "Ce que j'aime chez
House, disait-il, c'est qu'il est l'homme le plus discret que
j'aie jamais connu. Tout ce qu'il désire, c'est servir le bien
commun et m'aider."
Lors de la réélection de Wilson de 1916 le Colonel House joua un
rôle encore plus important qu'en 1912 - bien que l'élection ait
été gagnée de justesse. A son habitude, House n'avait aucun rôle
officiel dans l'organigramme de la campagne mais fut
omniprésent. "C'est lui qui planifiait l'ensemble, dirigeait
les finances, choisissait les orateurs, imposait la stratégie et
la tactique" écrit Hodgson.
Au
cours du second mandat de Woodrow Wilson, le Colonel House
devint une sorte de Président bis. D'ailleurs ce dernier disait
à qui voulait l'entendre que "ses pensées et les miennes sont
unes" (Arthur Howden). Le juge Brandeis, qui
consacrait sa vie au sionisme, devint le "conseiller
présidentiel sur la question juive" et deux autres figures
éminentes du sionisme jouaient également un rôle important dans
le Cabinet, le rabbin Wise et le banquier Bernard
Baruch.
Vioilà un calque presque parfait de la brochette "d'anges
gardiens" qui veillent sur le Président Barack Obama et
forment son Cabinet.
C'était le Colonel qui avait choisi le slogan de la campagne
électorale: "Il nous a préservés de la guerre". Ce slogan
était destiné à flatter le pacifisme du pays. Or, en même temps
qu'il avait l'air de partager le pacifisme de Wilson, House
militait ardemment en sous-main pour l'entrée en guerre des
Etats-Unis. De plus, au début des hostilités, l'opinion publique
était d' majoritairement pro-allemande en raison de l'immense
colonie d'origine allemande omniprésente dans les médias et
Berlin était encore le centre du sionisme international.
Le
Secrétaire d'Etat de l'époque, William Jennigs Bryan,
pacifiste et anti-impérialiste convaincu, dénonça dans un
rapport: "Les vastes intérêts des banques " qui étaient "profondément
intéressés par la guerre mondiale, en raison des amples
opportunités qu'elles offraient à réaliser de gros profits".
En effet, cette
guerre rapporta directement 200 millions de dollars à J.D.
Rockefeller, mais comme les Etats-Unis durent emprunter 30
milliards, augmentés, évidemment, des intérêts payés à la
Réserve fédérale qui venait opportunément d'être officiellement
constituée, les profits des banquiers internationaux se
trouvèrent exponentiellement augmentés.
Le
Colonel House devint donc de fait le vrai Ministre des affaires
étrangères. A ce titre, il commença à prêcher la nécessité de
bâtir une grande armée et une marine puissante. "Pendant que
le Président rêvait de sauver le monde, House commençait à
envisager la possibilité que les USA deviennent une puissance
mondiale", écrit son dernier biographe Hodgson. Il donc est
l'homme qui lança les Etats-Unis sur la voie de l' empire
militaire conquérant.
10 - La Première
guerre mondiale
Un
dramatique événement survenu en 1915 accéléra le changement de
la psychologie des Etats-Unis à l'égard des belligérants
européens, et notamment à l'égard de l'Allemage: il s'agit de
l'attaque par un sous-marin allemand du paquebot anglais, le
Lusitania, qui transportait à la fois des munitions et 1198
passagers, dont 125 Américains. Mais les archives diplomatiques
permettent de reconstituer les motivations de ce drame en forme
de complot. Un entretien entre le Colonel House et Sir
Edward Grey, le Ministre des Affaires Étrangères anglais
envoyé par son gouvernement avec la mission de convaincre les
États-Unis d'entrer dans la guerre aux côtés de la France, de
l'Angleterre et de la Russie , est révélateur: "Que feraient
les Américains si les Allemands faisaient couleur un paquebot
avec des passagers américains à son bord?" avait demandé le
Ministre anglais. A quoi le Colonel House avait répondu: "Je
pense qu'une vague d'indignation emporterait les États-Unis et
que cela en soi-même serait suffisant pour nous amener à la
guerre."
L'envoi du Lusitania le 7 mai 1915 dans une zone de guerre
sillonnée par ces redoutables navires, indétectables à l'époque,
ressortissait d'autant plus à une machination criminelle que
l'ambassade d'Allemagne avait fait paraître des avertissements
très clairs dans le New York Times, prévenant les
passagers que s'ils montaient à bord du Lusitania, ils le
feraient à leurs risques et périls.
Les Etats-Unis sont coutumiers de ce genre de montages. Ainsi le
Président Mac Kinley a pris le prétexte d'une explosion à
bord du cuirassé Le Maine pour déclarer la guerre à
l'Espagne et "libérer" Cuba - on sait depuis le
renflouage du navire, que l'explosion était accidentelle et
venait des munitions stockées trop près des chaudières du
navire, comme le prouve le type de déchirures de la coque. En
août 1964, le président Lyndon B. Johnson a pris le
prétexte d'une attaque des destroyers US dans le Golfe du
Tonkin afin de déclarer la guerre au Vietnam du Nord - on
sait aujourd'hui qu'il s'agissait d'un mensonge délibéré. Il a
été révélé par le commandant de marine James Stockdale
survolant cette nuit-là le Golfe de Tonkin que les navires US
tiraient sur des cibles fantômes et qu'il n'y avait pas eu
d'attaque du tout. L'attaque de Pearl Harbour le 7
décembre 1941, en revanche, a bien existé mais le commandement
ayant reçu un avertissement de guerre imminente, les navires
auraient pu être mis à l'abri si l'avertissement avait été
correctement interprété.
Je ne rappelle
que pour mémoire les mensonges sur les charniers serbes et les
introuvables armes de destruction massive de Saddam Hussein à
l'origine des guerres de Yougoslavie et l'Irak.
Les sous-marins étaient la nouvelle arme de destruction massive
inventée par les Allemands et qu'ils étaient seuls à posséder à
l'époque. Les ravages qu'elle avait opérés dans les
approvisionnements des alliés étaient si considérables que les
alliés étaient en difficultés sur le champ de bataille européen.
Cherchant à profiter de son avantage, l'Allemagne avait proposé
une paix fondée sur le retour aux conditions qui prévalaient
avant le déclenchement des hostilités. Mais le Ministre anglais
des affaires étrangères envoyé aux USA s'est montré d'autant
plus pressant à essayer de vaincre le pacifisme du Président
américain que le puissant mouvement sioniste anglais, qui ne
rêvait que de la Palestine, avait impérativement besoin d'une
victoire anglaise sur l'empire ottoman au Moyen Orient où
l'Angleterre était également engagée, et donc d'une poursuite de
la guerre. La France n'avait pas non plus intérêt à une paix
fondée sur le Status quo ante basis, car cela aurait
signifié le renoncement définitif à l'Alsace et à la Lorraine
conquises par l'Allemagne après la défaite de 1870.
Pendant ce temps, les sionistes menaient une intense campagne de
lobbying auprès du gouvernement anglais. J'y reviendrai dans la
2eme partie. Ce n'est donc pas un hasard si c'est au
représentant de la puissante Maison bancaire Rothschild de
Londres, Lord Lionel Walter Rothschild, par ailleurs
sioniste militant, que le Ministre des affaires étrangères
anglais qui avait remplacé Sir Edward Grey, Lord Arthur James
Balfour, écrivit une lettre personnelle "addressed to
his London home at 148 Piccadilly", dans laquelle on
peut, certes, voir une évidente "dc" à l'égard du sionisme …et
rien de plus .
Cher Lord Rothschild,
Par Lord Balfour
Le 2 novembre 1917
J'ai le plaisir de
vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté,
la déclaration ci-dessous de sympathie à l'adresse
des aspirations sionistes, déclaration soumise au
cabinet et approuvée par lui. Le gouvernement de Sa
Majesté envisage favorablement l'établissement en
Palestine d'un foyer national pour le peuple juif,
et emploiera tous ses efforts pour faciliter la
réalisation de cet objectif, étant clairement
entendu que rien ne sera fait qui puisse porter
atteinte ni aux droits civils et religieux des
collectivités non juives existant en Palestine, ni
aux droits et au statut politique dont les Juifs
jouissent dans tout autre pays. Je vous serais
reconnaissant de bien vouloir porter cette
déclaration à la connaissance de la Fédération
sioniste.
Arthur James Balfour
Ce document
ambigu abusivement appelé "Déclaration Balfour"' reflète
toute la duplicité de la politique étrangère de la "perfide
Albion". Elle contredisait la promesse faite en 1916 au
Chérif Hussein de la Mecque par Kitchener, ministre
de la guerre, de former un royaume arabe recouvrant toute la
péninsule arabique et le Croissant fertile. Pourquoi le Ministre
des affaires étrangères de la France n'adressait-il pas une
lettre personnelle au Président du CRIF, lui promettant un "foyer
national juif" en Bavière, au Danemark ou sur la
planète Mars? En
effet, en novembre 1917, la couronne britannique n'exerçait
aucun droit légal sur un territoire qui dépendait de l'empire
ottoman, dont le démembrement n'est devenu officiel qu'à la
suite du Traité de Sèvres du 10 août 1920. Et quid,
en l'espèce, du fameux "droit de peuples à disposer
d'eux-mêmes" brandi, mais jamais mis en pratique, ni au
Moyen-Orient, ni lors du saucissonnage de l'Europe?
Parmi les motivations politiques qui expliquent le reniement de
la parole donnée aux Arabes, il faut ajouter les convictions
personnelles des membres du gouvernement anglais et leur
adhésion psychologique au puissant mouvement religieux inspiré
par l'Ancien Testament qu'on appelle le "sionisme chrétien"
dans les pays anglo-saxons.
Toujours est-il que le torpillage du
Lusitania avait changé la psychologie des Etats-Unis à l'égard
de l'Allemagne et le Colonel House travaillait ardemment dans le
sens de l'entrée en guerre. Il avait averti le Président que les
Américains "ne pourraient pas
continuer à demeurer des spectateurs neutres"
(Hodgson).
Ce
revirement de l'opinion provoqua à titre collatéral la démission
du Secrétaire d'Etat le plus pacifiste du gouvernement,
William Jennigs Bryan. Il fut remplacé par Robert Lansing
dont la discrétion légendairedonna naissance à une plaisanterie
qui fit le tour de Washington:
"Question : Comment épelez-vous
Lansing ? Réponse H-O-U-S-E. "
Mais le drame du Lusitania n'avait pas suffi à vaincre la
conviction pacifiste du Président. Le Colonel House révèle dans
son Journal intime à la date du 4 janvier 1917 que le Président
avait fermement confirmé sa position: "Il n'y aura pas de
guerre, le pays n'a nullement l'intention de se laisser
entraîner dans le conflit. Nous sommes le seul pays neutre parmi
les grands peuples de race blanche et cesser de l'être serait un
crime contre la civilisation ". (Intimate Papers,
tome II, page 288.)
Ce comportement
mettait en évidence l'incohérence psychologique et politique de
l'homme Wilson dans la mesure où il ne semblait pas avoir pris
conscience du fait que son pacifisme tenace le plaçait en
porte-à-faux avec l'action menée par son propre gouvernement
depuis le début de son premier mandat. En effet, les forces qui
poussaient à la guerre, à savoir son entourage direct ainsi que
les mouvements sionistes et les grands groupes financiers,
constituaient précisément les forces politiques qui, dès
l'origine, avaient favorisé puis payé son élection et avaient
jusqu'alors soutenu ou plutot imposé leur politique.
En retour, W.
Wilson candidat, puis Président n'avait pas lésiné sur les gages
donnés au mouvement sioniste et aux banquiers.
Ce
fut donc un jeu d'enfants pour eux d'enfoncer la frêle barrière
idéologique qui leur était opposée. Une manipulation élémentaire
et plutôt rocambolesque, sorte de variante de la Dépêche
d'Ems qui avait déclenché la guerre de 1870 entre la France
et la Prusse, mit le feu aux poudres. Il s'agit d'un document
connu sous le nom de télégramme Zimmermann du nom du
Ministre allemand des affaires étrangères. Arthur Zimmermann
aurait envoyé à son homologue mexicain un télégramme lui offrant
l'alliance de l'Allemagne en cas de guerre avec les Etats-Unis,
afin d'aider le Mexique à reconquérir les territoires annexés
par le nouvel Etat au Texas, en Californie, au Nevada, en
Arizona, au Wyoming et au Colorado.
La manière dont
ce télégramme aurait été intercepté divergent: il en existe six
versions et l'original du télégramme n'a jamais été retrouvé. Le
pseudo document est daté du 16 janvier 1917, mais il ne fut
divulgué par voie de presse que le 26 février 1917 . Il
provoqua, comme prévu, la fureur de la presse et l'indignation
de la population. Le Colonel House est supposé en être l'auteur.
Le
"télégramme Zimmermann" n'est pas le seul élément qui
poussa les Etats-Unis dans la guerre: l'Allemagne ayant renforcé
la guerre sous-marine était en passe d'asphyxier l'Angleterre.
Mais devant l'émoi provoqué par la publication de la menace
contenue dans ce document, le Président Wilson s'est vu
contraint de déclarer l'intention des Etats-Unis de rejoindre
les alliés européens: "Nous ne voulons pas affirmer par une
victoire la force matérielle des Etats-Unis, mais simplement
défendre les droits de l'humanité dont nous sommes seuls le
champion."
Cette déclaration de "guerre morale" menée au nom des "droits
de l'humanité" dont les Etats-Unis seraient les "champions"
sonne d'une manière étrangement familière à nos oreilles. Toutes
les guerres menées par les Etats-Unis l'ont été au nom des "droits
de l'humanité" et un champion contemporain de la "guerre
morale" répond en écho au Président Wilson: "Les
outils de guerre ont un rôle à jouer pour préserver la paix
" . (Président Barack Obama lors du discours qu'il
prononça à Oslo le 10 décembre 2009)
Mais le
même belliciste "moral" continue de mener des guerres
avouées ou sournoises en Afghanistan, en Irak, au Pakistan, au
Yemen , en Somalie, au Honduras, sans compter les menaces contre
l'Iran ou le Venezuela encerclé par pas moins de treize bases
américaines situées en Colombie, à Panama, à Aruba et Curaçao,
ainsi que par les porte-avions et les vaisseaux de la IVe
Flotte. S'y ajoute la récente provocation à l'égard de la Chine
que constitue la gigantesque vente d'armes à Taiwan et le
déploiement de boucliers anti-missiles dans plusieurs pays du
Golfe. L'empire militaire est en marche sous la bannière de la "morale".
Décidément, l' oxymoron "guerre morale" sert toujours
aussi efficacement à masquer les intérêts réels de la "seule
puissance militaire de la planète".
(Obama, Ibid.)
Le
6 avril 1917, le Congrès américain ayant voté l'entrée en guerre
des Etats-Unis , le Colonel House entreprit de planifier le
monde de l'après-guerre selon les vues et les intérêts tant des
Etats-Unis que des groupes de pression sionistes qui rêvaient de
la Palestine. Il fut l'initiateur de la création du groupe
The Inquiry, composé de 126 membres, dont 119 d'origine
juive, comme l'écrit Benjamin Freedman dans un discours
prononcé à l'hôtel Willard de Washington DC en 1961. "Il est
bien placé pour le savoir, écrit-il, puisqu'il était l'un
d'eux".
Les membres de cette "citerne pensante "- "Think Tank" -
réfléchissaient au bonheur de l'humanité et plus
particulièrement à celui de l'Europe dont ils étaient chargés
d'aménager l'avenir politique en vue d'une paix éternelle. Tous
firent partie de la pléthorique délégation qui accompagna le
Président et le Colonel House à Versailles.
Alors que de nombreux historiens européens s'extasient sur la "doctrine
Wilson" dont Inquiry représentait la quintessence
avec son slogan du "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes
" - slogan qui n'était pas du tout destiné à s'appliquer aux
peuples colonisés d'Asie et d'Afrique - Hogdson révèle la
totale ignorance des réalités politiques européennes dont
faisaient preuve ses membres: "Parmi ces universitaires de la
Commission, peu d'entre eux étaient des spécialistes des
affaires européennes (…) et celui qui avait été chargé de
travailler sur l'Italie a reconnu plus tard qu'il ne savait pas
l'italien (…) Lorsqu'il fut question du Moyen Orient, les
membres d'Inquiry ne surent quoi dire et lâchèrent prise."
Ils produisirent
néanmoins un document en 14 points et ils avaient rien de moins
que l'intention de les imposer tels quels.
11 - Le Colonel
House à Versailles
La
dernière action notable du Colonel fut donc sa participation aux
négociations des clauses du traité de Versailles de 1919 . Le
Président Wilson fut reçu en messie, mais lorsqu'il prononça son
discours d'introduction, "il devint évident qu'il ignorait
tout de la complexité de la situation" et son "amateurisme",
écrit Hogdson, apparut en pleine lumière si bien qu'il
semble en avoir pris conscience et rentra aux Etats-Unis à la
mi-février 1919, laissant le House à la tête d'une délégation
réduite avec la mission "d'agir à sa place avec sa pleine
confiance" et la certitude, semble-t-il, que l'ensemble des
délégations adoptera les 14 points préparés par le groupe
Inquiry et notamment la création d'un projet qui lui tenait
particulièrement à cœur, celui de la Société des nations,
prônant la fin de toute diplomatie secrète.
La
SDN verra effectivement le jour en 1920, mais ironie de
l'histoire, les Etats-Unis n'en firent jamais partie, le Sénat
américain s'y est opposé, considérant qu'il s'agissait d'un
projet utopique. "La Société de nations est très efficace
quand les moineaux crient, mais plus du tout quand les aigles
attaquent", avait commenté Benito Mussolini. Il
fallait, comme le Président Wilson, flotter dans la moyenne
région de l'air pour imaginer que les Etats-Unis - ainsi que
tous les autres Etats - renonceraient un jour à la diplomatie
secrète.
Les Américains complétèrent ce projet à la suite de la deuxième
guerre mondiale mais cette fois de telle sorte que le successeur
de cette institution utopique - l'ONU - devint l'
instrument de leur puissance, comme on le voit depuis 1945.
Les intérêts des alliés, notamment ceux de la France, la plus
durement éprouvée par la guerre qui s'était déroulée sur son
sol, n'avaient aucune raison de coïncider avec les plans
concoctés par le groupe Inquiry, si bien House fut
contraint à des compromis. Les négociations du Traité de
Versailles furent si laborieuses, si complexes et si tortueuses
qu'il est impossible de les résumer en quelques lignes sans
sortir du sujet.
En
conclusion des négociations, Hogdson rapporte ces paroles
prophétiques prononcées par un des "experts" officiels de
la délégation américaine : "Les clauses [du traité]
ont produit une paix qui rend une autre guerre inévitable".
12 - La disgrâce
A
la mi mars 1919 , le Président Wilson, de retour à la table des
négociations du traité de Versailles, était cette fois
accompagné de sa femme Edith Bolling Wilson. Durant
l'absence de House à la Maison Blanche, l'entourage de Wilson,
c'est-à-dire sa femme Edith, son médecin personnel l'Amiral
Cary T. Grayson, son secrétaire particulier, Ray Stannard
Baker, ainsi que le banquier sioniste Bernard Baruch - le
faiseur de rois, comme il fut appelé plus tard en raison de son
exceptionnelle longévité auprès des Présidents successifs, et
jusqu'à Eisenhower - réussirent à convaincre Wilson que les
concessions que le Colonel House avait été contraint d'accepter
ressortissaient à la plus noire trahison.
Wilson rêvait de
l'organisation future d'un monde idéal et de paix éternelle
pendant que House, dans une négociation entre égaux, avait en
face de lui des nations blessées et ruinées qui exigeaient des
compensations matérielles au détriment des vaincus. Les grands
principes pour un monde utopique, sans diplomatie secrète et
sans guerre, étaient loin de leurs préoccupations immédiates.
L'idéalisme de ce Président qui a exercé une immense fascination
non seulement dans son pays mais également dans toute l'Europe,
lui valut le prix Nobel de la paix alors qu'il n'avait pas
hésité à ordonner des interventions armées en Amérique centrale
et dans les Caraïbes - à Cuba, à Saint Domingue et à Haïti
notamment. Il rappelle le même enthousiasme délirant qui
accueillit l'élection du jeune Président métis Barack Obama,
dont le destin semble de plus en plus wilsonien.
De
plus, les nations européennes n'étaient pas encore disposées, à
l'époque, à considérer que les Etats-Unis - qui, bien que
s'étant officiellement déclarés belligérants en avril 1917,
n'avaient réellement combattu sur le terrain que durant les
quatre derniers mois qui précédèrent l'armistice du 11 novembre
1918 - imposent aux alliés un quelconque "leadership moral
et politique" , pour utiliser le terme qu'affectionne M.
Barack Obama.
Dès son arrivée à
Versailles à la mi-mars 1919, le Président Wilson manifesta son
mécontentement, puis son irritation à l'égard de son mandataire.
Il lui retira immédiatement la responsabilité de la délégation
américaine, si bien que la relation de confiance entre Wilson et
House se désagrégea très rapidement et finit par disparaître
totalement. Leur amitié ne se remit jamais de ces dissensions.
Elle s'acheva dans une incompréhension et une amertume
réciproques.
Après la
signature du traité par les Allemands en juin 1919, le Colonel
House vit une dernière fois le Président Wilson, au moment de
son embarquement pour les Etats-Unis . Ce fut leur ultime
rencontre et leur ultime conversation.
13 - Le Colonel
House et Edith Wilson: une inimitié réciproque
L'
hostilité d'Edith Bolling au Colonel House remonte aux premiers
temps de la rencontre en mars 1915 de la jeune veuve de 43 ans
avec un Président Wilson de 58 ans qui venait, six mois
auparavant, de perdre son épouse . Or, à un an de la réélection
du Président, le Colonel House, responsable de la campagne
électorale qui battait son plein, était persuadé que l'idylle du
Président et un deuil aussi court seraient du plus mauvais effet
auprès du corps électoral. En bon responsable du succès de
l'élection, il fit tout son possible pour empêcher le mariage.
Des calomnies coururent même dans la presse sur une élimination
volontaire de la défunte.
Mais les tourtereaux, très épris, ne tinrent aucun compte ni des
articles diffamatoires, ni des craintes des proches ou des
responsables politiques sur un impact négatif de leur union. Le
mariage eut lieu le 18 décembre 1915 "dans l'intimité" au
domicile de la mariée - "intimité" relative… en présence
de quarante invités . "She seemed to come into my life . . .
like a special gift from Heaven " , écrivit le Président .(
"Il me semblait qu'elle entrait dans ma vie ... comme un
cadeau du paradis.")
Signe de
réconciliation ou geste diplomatique destiné à signer un
armistice avec une rivale qu'il n'avait pas réussi à éliminer,
toujours est-il que le Colonel chargea le peintre Adolfo
Müller-Ury de faire le portrait de la nouvelle première dame
de la Maison Blanche et l'offrit aux époux. Le Président
conserva dans sa chambre à coucher jusqu'à la fin de sa vie le
portrait de cette dame grassouillette et guindée, beaucoup moins
jolie que sur les photos, décrite comme "charmante,
intelligente et d'un gracieux enbompoint".
Intelligente, Edith Wilson l'était assurément. C'était
une femme de tête qui prétendait, à l'instar de nombreuses
familles de Virginie, descendre de l'indienne convertie au
christianisme Pocahontas. La gestion d'une importante
bijouterie du temps de son premier mariage en faisait une
organisatrice qui voyait d'un mauvais œil l'intimité politique
de son Président de mari avec le Colonel House et l'ascendant
que celui-ci exerçait sur lui. Elle en était d'autant plus
indisposée que le mari amoureux lui confiait également tous les
secrets politiques et qu'elle se sentait de taille à remplacer
un conseiller envahissant.
Lorsque la santé fragile du Président qui souffrait entre
autres, et depuis des années, de violents maux de tête,
d'hypertension, de faiblesse cardiaque soigneusement cachés au
public, se détériora au point qu'il fut, le 25 septembre 1919,
victime d'une grave congestion cérébrale qui le laissa paralysé
du côté droit, ce fut elle qui dirigea en réalité le
gouvernement et fut appelée "le président secret".
En tant que
Président bis jusqu'à la fin du mandat de son mari, Mme Wilson
s'assura qu'il n'y ait aucun contact entre un Président, lucide,
mais partiellement paralysé et cloué à la Maison Blanche et son
ancien conseiller.
"
Il est dangereux de décevoir un homme vaniteux et
vindicatif, mais il n'est pas moins dangereux de vexer son
intrigante et rancunière épouse". (Hodgson)
Mais si Edith Wilson se comporta à l'égard du Colonel comme une
femme jalouse et assez mesquine, elle fut en même temps d'un
immense dévouement à son mari. Si elle assuma un rôle politique
majeur, c'était essentiellement afin de protéger l'homme qu'elle
aimait. Son comportement n'était d'ailleurs pas
anti-constitutionnel à l'époque. Rien n'était prévu pour ce
genre de situation. Le vide constitutionnel ne fut comblé qu'en
1967 par un amendement qui prévoit l'incapacité du Président.
Le Président
Wilson mourut le 3 février 1924 à 68 ans et Edith lui survécut
jusqu'au 28 décembre 1961. Elle avait 89 ans.
14 - Les dernières
années du Colonel House
M.
House vécut encore une vingtaine d'années après la guerre. Il
continua à fréquenter les milieux politiques américains,
notamment les membres du parti démocrate, mais il n'exerça plus
jamais le type de pouvoir qui fut le sien entre 1912 et 1919
dans le tamden qu'il formait avec Woodrow Wilson. Il se consacra
à rédiger ses mémoires et à justifier sa gouvernance. Pendant ce
temps, la veuve du Président et plusieurs autres membres de son
entourage s'acharnaient à diaboliser son rôle d'éminence grise
et lui reprochaient les échecs du Président après la guerre. En
revanche, House fut toujours loyal envers son ancien ami et ne
critiqua jamais Wilson ni en public, ni en petit comité.
Quand
l'ex-Président mourut en 1924, le Colonel demanda s'il pouvait
être présent aux obsèques, mais le banquier Bernard Baruch,
devenu le mentor d'Edith Wilson, refusa et lui répondit que "sa
présence n'était pas souhaitée".
House ne quitta pas complètement l'action politique. Il
contribua encore à l'élection de Franklin D. Roosevelt en
1932. Puis, gravement malade et n'ayant plus le goût le vivre,
il se retira définitivement de la vie politique disant à ses
visiteurs qu'il était heureux de la vie qui avait été la sienne
car il avait joué un rôle important au cours d'évènements
mondiaux importants.
Il mourut le 26
mars 1938 à l'âge de 80 ans. Toutes ces informations figurent
dans la biographie de Godfrey Hodgson.
Le
grand pianiste polonais Ignacy Paderewski demeura fidèle à son
ami. Devenu président de la Pologne qui venait de renaître, il
confia au sculpteur polonais François Black (1881-1959)
la réalisation d'un monument en granit qui fut érigé dans le
parc Paderewski à Warsovie.
15- Comprendre les
raisons de l'influence du Colonel House sur le Président Wilson
: la parole est à Freud
Il est difficile
de comprendre l'influence que le Colonel House a exercée sur le
Président Wilson sans s'attarder quelque peu sur la psychologie
complexe de l'homme Wilson.
Lorsque le "groupe d'hommes secrets" décida que Woodrow
Wilson serait le candidat du parti démocrate aux élections à
venir et "qu'il ferait deux mandats" selon les
affirmations du rabbin Wise, ni lui, ni le Colonel House
ne l'avaient encore rencontré. A une question du rabbin Wise lui
demandant à quelle date il avait pour la première fois rêvé à la
Présidence, la réponse de W. Wilson stupéfia le rabbin, compte
tenu de l'intime connaissance qu'il avait des circonstances de
sa nomination : "Il n'y eut jamais un moment après mon
diplôme à l'université Davidson en Caroline du Sud, où je ne
m'attendais pas à devenir président." La stupeur
ironique du rabbin ne le décourage pas. Il insiste: "Il
n'y eut jamais un moment où je ne m'attendais pas et ne me
préparais pas à devenir président." Comme G.W. Bush, le
grand dévot que fut le Président Wilson s'est senti durant toute
sa vie en communication directe avec Dieu... Et l'alter ego de
G. W. Bush et complice de la destruction de l'Irak, Anthony
Blair, souffre de la même pathologie.
Un tel
comportement rappelle également celui d'un de nos hommes d'Etat
actuels, même si les symptômes de cette pathologie se traduisent
par des réactions différentes.
La
fragilité psychologique du personnage explique pourquoi le
psychanalyste Sigmund Freud s'est si profondément
intéressé à cet homme politique, même si, écrit-il, "plus
il le connaissait, plus il le détestait". " Je
dois commencer ma contribution à cette étude psychologique de
Woodrow Wilson par l'aveu que la personne du président
américain, telle qu'elle s'est élevée à l'horizon de l'Europe,
m'a été, dès le début, antipathique, et que cette aversion a
augmenté avec les années à mesure que j'en savais davantage sur
lui". (Le Président Wilson. Freud et
Bullitt )
L'ouvrage signé Freud et Bullitt fut écrit entre 1930 et 1932
par un Freud déjà malade et dépressif, en collaboration avec un
jeune diplomate américain, William Bullitt, qui avait
assisté comme très jeune secrétaire de la délégation américaine,
aux négociations du Traité de Versailles. Mais Le
Président Wilson ne parut qu'en 1966. En effet, avec un
tact bien compréhensible, les deux auteurs avaient convenu
d'attendre la mort d'Edith Wilson, survenue en 1961, pour le
faire connaître. Freud était mort depuis 30 ans, mais William
Bullitt eut le plaisir de voir la parution du livre, puisqu'il
vécut jusqu'en 1967.
La
première partie de l'ouvrage traite des thèmes classiques du
freudisme : l'identification au père puis au chef … mais aussi à
Dieu. La thèse centrale du livre est de savoir quel rapport
le président Wilson a entretenu avec la folie et dans quelle
mesure sa folie a influencé ou déterminé son action politique.
On
comprend qu'un tel "sujet" ait été un terrain de jeu
idéal pour les hommes de l'ombre et les éminences grises de tout
poil - le Colonel House, Bernard Baruch, le
rabbin Wise et finalement sa femme Edith. Freud
termine son introduction par ces mots :
"
Les fous, les visionnaires, les hallucinés, les névrosés
et les aliénés ont, de tout temps, joué un grand rôle dans
l'histoire de l'humanité (...), ce sont précisément les traits
pathologiques de leur caractère, l'asymétrie de leur
développement, le renforcement anormal de certains désirs,
l'abandon sans réserves ni discernement à un but unique qui leur
donne la force d'entraîner les autres à leur suite et de vaincre
la résistance du monde", et il ajoute "les grandes
oeuvres coïncident si souvent avec des anomalies psychiques que
l'on est tenté de croire qu'elles en sont inséparables".
16 - Conclusion
A
partir du moment où "l'argent, machine à transformer le
sacré en profane, (…) constitue un excellent moyen de servir
Dieu" (p. 146) explique Jacques Attali dans
l'ouvrage cité ci-dessus ; à partir du moment où le Colonel
House fut l'homme de paille des groupes bancaires qui
inventèrent en 1913 une sorte de machine à fabriquer de l'argent
à partir de rien - la FED - et que parallèlement le même homme
encouragea la montée en puissance d'un sionisme qui sut utiliser
ce "moyen de servir Dieu" pour le mettre au
service d'une entreprise coloniale dissimulée sous le mythe d'un
"peuple élu" retrouvant une "terre promise",
cet homme fut aussi, indirectement, le bourreau des
Palestiniens.
La
montée en puissance de l'empire militaro-financier des
Etats-Unis et le camp de concentration de Gaza sont les ultimes
conséquences de la prise de pouvoir des grands financiers sur
les Etats-Unis et le Colonel House en fut, dans l'ombre, le
Deus ex-machina.
Bibliographie
-The intimate papers of Colonel House
arranged as a narrative by
Charles Seymour, Boston, New York: Houghton Mifflin Co,
1926-1928 -
-
PHILIP DRU ADMINISTRATOR: A STORY OF TOMORROW ,
1912 (Ces deux textes sont disponibles en libre accès dans le
Projet Gutenberg.)
-
Arthur Howden Smith, The Real Colonel House,
Doran Company, New-York , 1918
-
George Sylvester Viereck, The Strangest Friendship In
History, Woodrow Wilson and Col. House, Liveright, New
York, 1932 .
- Une biographie plus récente vient de
paraître: Godfrey Hodgson,
Woodrow Wilson's Right Hand: The Life of Colonel Edward M.
House (Hardcover, 2006)
-
Bien qu'il ne lui soit pas consacré dans sa totalité, l'ouvrage
d'Eustace Mullins, Secrets of the Federal Reserve ,
The London Connection
- Jacques
ATTALI, Les Juifs, le Monde et
l'Argent, Histoire économique du peuple juif,
Fayard 2002, (Livre de poche pour les
références)
-
S. Freud, W.C. Bullit, Payot 2005 , President T.W.Wilson,
portrait psychologique , (livre de poche).
(...à suivre)
2ème Partie : Aux sources du
sionisme : De Massada à Netanyahou
3ème Partie :
Ultime remontée du courant : De l'East India Company à l'empire
des Rothschild …et retour au camp de concentration de Gaza.
Publié le 4
février 2010 avec l'aimable autorisation de Aline de Diéguez
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