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Chroniques de la Palestine occupée
Le jardin des
supplices de Gaza
Aline de Diéguez

Photo PCHR
Mardi 10 novembre 2009
" Ce qu'il y a de
terrible quand on cherche la vérité, c'est qu'on la trouve."
Rémy de Gourmont
"Nul
ne colonise innocemment. (…) Une nation qui colonise, une
civilisation qui justifie la colonisation - donc la force - est
déjà une civilisation malade, une civilisation moralement
atteinte, qui, irrésistiblement, de conséquence en conséquence,
de reniement en reniement, appelle son Hitler, je veux dire son
châtiment."
Aimé
Césaire
Les grands
écrivains sont des prophètes. Ils voient l'avenir dans les
signes du présent, car l'art est réalité et symbole confondus,
mais il faut savoir lire les symboles.
J'ai donc mis mes pas dans les pas de
Franz Kafka (voir
La métamorphose d'un être humain en vermine),
puis d' Octave Mirbeau et j'ai lu à livre ouvert
l'histoire de la Palestine telle qu'ils l'avaient vue et
racontée depuis des dizaines d'années.
Tout avait été dit : la politique d'Israël a été décrite par le
menu depuis des lustres. Des voix nombreuses nous avaient
prévenus. Meurtres, génocide, crimes de guerre, tout peut
recommencer . "C'est arrivé et tout cela peut arriver
à nouveau "avait averti Primo Levi dans Les
naufragés et les rescapés .
Il avait raison,
c'est arrivé de nouveau.
*
Pendant que les Laval et les Pétain palestiniens se vautrent sur
de moelleux divans en compagnie des assassins de leur peuple et
incitent ces derniers à une manière de "solution finale"
censée dégoûter les Gazaouis de soutenir les dirigeants qu'ils
ont démocratiquement élus, les bourreaux israéliens ont de
nouveau gratifié l'univers du spectacle d'une de ces tueries
dont ils ont le secret. S'étant spécialisés dans les massacres
de populations civiles et les dévastations d'infrastructures,
d'hôpitaux et d'écoles et ayant démontré leur savoir-faire en
2002 à Jénine, puis en 2006 au Liban, le monde entier a pu
constater au cours de la dernière bacchanale sanglante à
laquelle ils se sont livrés durant l'hiver 2008-2009 à Gaza, à
quel point ils viennent d'améliorer leurs performances .
Mais la brutalité n'est pas leur seul registre. S'il existait un
festival de Cannes destiné à récompenser le tourmenteur le plus
vicieux et le plus imaginatif, il est assuré que l'Etat d'Israël
remporterait haut la main la palme d'or du scénario, ainsi que
celle de la mise en scène. Ces deux trophées salueraient les
inventions les plus cruelles et les plus agressives, certes,
mais aussi les plus imprévues, les plus dérisoires, les plus
hypocrites et les plus perverses de cet Etat, qui toutes
convergent vers un seul but: désécuriser, déstabiliser et créer
une atmosphère d'angoisse et de précarité destinées à affoler en
permanence les victimes et donc à les fragiliser psychiquement,
avant de tenter de les éliminer physiquement. Pour le bourreau,
ce préliminaire correspond à la phase dite d'"attendrissement
de la viande" .
La
capacité de résilience, l'énergie et l'intelligence du peuple
palestinien sont si étonnantes qu'en même temps qu'elles
soulèvent l'admiration de tous les hommes normaux et dotés de la
capacité innée d'empathie envers son semblable souffrant, elles
font enrager l'occupant qui, visiblement, ne sait plus à quelle
exaction se livrer et auprès de quel démon renouveler son
inspiration. La corruption à grande échelle des dirigeants, en
vertu de l'adage populaire bien connu , "Le poisson pourrit
toujours par la tête" , est l'une de ses dernières
trouvailles.
Sur les pas d'Octave Mirbeau dans le Jardin des supplices
de Gaza...
Le sol était
jonché de corps déchiquetés, de têtes arrachées, de bras et de
jambes orphelins de leur tronc. Des blessés gémissaient, des
fantômes de femmes, des ombres d'hommes, hurlaient leur douleur.
Je compris en un éclair que je venais de pénétrer dans le jardin
des supplices de Gaza.
Partout ruines,
destructions , sang et meurtres … meurtres… meurtres.
Je
me souvins de la dédicace de mon guide à son ouvrage sur les
tortures et les tortionnaires de l'histoire : " Aux
Prêtres, aux Soldats, aux Juges, aux Hommes, qui éduquent,
dirigent, gouvernent les Hommes, je dédie ces pages de Meurtre
et de Sang " . Octave Mirbeau avait prévu l'enfer de
Gaza .
Larguant sciemment bombes incendiaires ou à fragmentation, obus
au phosphore blanc et à l'uranium appauvri, missiles meurtriers
et bombes à fléchettes sur des milliers de maisons, le
parlement, le ministère de la Justice, le ministère de
l'Intérieur, les tribunaux, la prison, l'unique moulin à farine,
le principal élevage de volailles, l'équipement de traitement
des eaux usées, les citernes, les puits, les écoles, les
réserves de nourriture, la centrale électrique, les assassins
ont amplement prouvé que "le meurtre est bien la plus
grande préoccupation humaine".
C'est pourquoi, "l'universelle barbarie" dans
laquelle nous sommes plongés permet de massacrer le plus de
monde possible en le moins de temps possible. Tels sont les
fondements sur lesquels les cités et les nations concentrent
leur politique.
Ainsi, les deux Etats les plus belliqueux de la terre - les
Etats-Unis et Israël - possèdent à eux seuls un arsenal
suffisant pour faire exploser plusieurs fois la planète tout
entière: "Avec notre état d'universelle barbarie [...]
nous vivons sous la loi de la guerre ... Or en quoi consiste la
guerre ? ... Elle consiste à massacrer le plus d'hommes que l'on
peut, en le moins de temps possible ... Pour la rendre de plus
en plus meurtrière et expéditive il s'agit de trouver des engins
de destruction de plus en plus formidables ... et c'est aussi le
progrès moderne ...", écrivait Octave Mirbeau, l'un des
plus virulents écrivains anti-colonialistes de la fin du XIXe
siècle, dans un ouvrage d'un humour grinçant et dérangeant, "plus
noir que le noir", pour paraphraser Jonathan Littell, et
intitulé Le jardin des supplices . Il y décrivait
minutieusement les tortures inventées par un bourreau
particulièrement inspiré dans le bagne de Canton. Il s'agissait
de symboliser et de stigmatiser d'une manière "swiftienne"
les méfaits et les horreurs des Etats colonialistes. Méfaits et
horreurs que le dernier Etat ouvertement colonialiste de la
planète continue de pratiquer avec une impudence qu'il n'est pas
exagéré de qualifier de "chuzpah politique et morale".
Il est 11h30, les
enfants sortent de l'école. A cet instant, l'artillerie se
déchaîne. Cinquante avions de combat lâchent leurs bombes alors
que plus de cinq cents enfants terrorisés et en pleurs
grouillent encore dans les rues et que des parents désespérés
arrivent en courant. Une promotion entière de plus de deux cents
jeunes policiers en train de prêter leur serment d'entrée en
fonction est exterminée en un éclair. Les morgues débordent.
Trois jeunes enfants d'une même famille gisent entassés l'un sur
l'autre. Des bombes partout, de la fumée, de la poussière, du
sang, des cris, des pleurs. La peur, la rage, nul refuge, nul
secours. Gaza tout entière transformée en un gigantesque jardin
des supplices.
Les stocks de
l'aide humanitaire brûlés au phosphore blanc. Même les morts
sont bombardés et les cimetières ravagés par l'artillerie.
Puanteur des cadavres en décomposition exhumés de leurs tombes.
Exhalaisons de sang et de mort. Lambeaux de chairs, fragments de
membres éparpillés. Les victimes tuées une deuxième fois. Odeur
de mort du jardin des supplices de Gaza.
Les bâtiments
abritant les médias, pulvérisés. Terroriser les journalistes et
les prendre sciemment pour cibles afin de priver les victimes de
nouvelles et de conseils et surtout, priver le monde de témoins.
La censure perverse dans le jardin des supplices de Gaza.
Massacres de civils fuyant les zones de combat et agitant des
drapeaux blancs, civils carbonisés au hasard par le phosphore
blanc déversé sur des zones peuplées, fours crématoires
portatifs et intentions génocidaires, nul besoin de zyklon, on
n'arrête pas le progrès, bombes à l'uranium appauvri larguées
sur des écoles, la mort inhalée durant des jours et des jours,
utilisation de civils et même d'enfants comme boucliers humains.
D'autres enfants foudroyés d'une balle en plein front par
d'habiles snipers et visés comme des lapins mécaniques dans une
fête foraine. "C'est cool de tuer"! Bonheur de
devenir une bête. Soldats visant délibérément des civils
désarmés à partir des tanks; des enfants, des nourrissons le
front troué d'une balle, tous rebaptisés "terroristes".
Ravager les maisons désertées par leurs occupants, voler ce qui
peut l'être, détruire les meubles, souiller, déféquer et uriner
partout, tel fut l'incroyable cruauté ainsi que
l'invraisemblable manque de dignité de l'armée des assassins,
tueuse méticuleuse dans le jardin des supplices de Gaza.
Les habitants de Gaza traités comme des animaux et leurs maisons
transformées en bauges, pillées et vandalisées lorsqu'elles
n'étaient pas rasées, ainsi s'est comportée "l'armée la plus
morale du monde" dans le jardin des supplices de Gaza.
Les pauvres
animaux du zoo ne sont pas épargnés par les bombes et la folie
meurtrière qui s'est abattue sur le camp de concentration
hermétiquement clos et livré à une rage destructrice. Les écoles
, les hôpitaux, les ambulances sont attaqués et incendiés, les
blessés agonisent en se vidant de leur sang. Les oliveraies
déracinées dressent vers le ciel leurs racines désespérées, les
serres réduites en miettes afin de survienne la famine. Le
terrain labouré en profondeur au bulldozer pour que rien ne
repousse. Le désert et la désolation. L'horreur et la
dévastation dans le jardin des supplices de Gaza.
Et
les assassins l'avouent : "Tu ne vois pas les Palestiniens
comme des être humains, tu les vois comme des animaux. Tu entres
dans leur maison, la nuit, tu les réveilles, les femmes d'un
côté, les hommes de l'autre, et tu casses tout. C'est le genre
de choses que tu ne ferais pas ici, en Israël, mais tu le fais
chez eux. Et, pour ce faire, tu refuses la réalité. C'est la
seule manière. Tu crées entre toi et la réalité un mur de
silence". Tel est le témoignage révélateur de l'un des
participants de la si glorieuse équipée de Tsahal dans la
souricière de Gaza.
Des supplices d'un raffinement cruel décrits par Octave Mirbeau,
que le bourreau fait subir aux détenus du bagne de Canton, aux
supplices collectifs et au déchaînement de barbarie mécanisée
d'une brutalité inouïe infligés à toute une population piégée
comme des rats et harcelée par terre, par mer et par les airs,
on retrouve encore et toujours le même instinct de meurtre. S'y
ajoute le sentiment jouissif de puissance et la jubilation de
pouvoir infliger impunément une souffrance illimitée et gratuite
: "Tu les fais avancer, reculer. Tu les rends fous. Tu as
dix-huit ans et tu te sens puissant", ainsi s'exprime
l'un des jeunes bourreaux repentants.
*
Et depuis lors,
le camp de concentration de Gaza demeure toujours aussi
hermétiquement bouclé, l'occupant interdisant l'entrée des
outils et de tout matériau qui permettraient de reconstruire ou
de réparer les infrastructures détruites. Mais la liste des
interdictions ne se limite pas aux matériaux de construction. Et
c'est là où l'imagination sadique du bourreau donne toute sa
mesure et rappelle celle du bourreau chinois d'Octave Mirbeau.
Ne pouvant
décemment, comme dans le bagne de Canton, se livrer aux
supplices, horribles, certes, mais, somme toutes, artisanaux, de
la cloche, de la caresse, ou le fameux supplice du rat qui
obsédait un des patients de Freud, ou se spécialiser dans le
maniement de la scie, de la tenaille ou du scalpel, le bourreau
israélien s'est spécialisé dans des harcèlements physiques et
moraux permanents et massifs. Il compte sur les ravages
engendrés par la durée de la souffrance. Il espère assister au
spectacle jubilatoire de voir les victimes s'entre-dévorer, se
retourner contre leurs dirigeants et ramper devant lui, enfin
domptées.
En
effet, une véritable liste à la Prévert des privations cerne et
harcèle les suppliciés dans tous les aspects de leur vie
quotidienne.
Ainsi,
aujourd'hui encore, sont interdits d'entrée dans le bagne de
Gaza : les crayons pour les écoliers, les cahiers et les livres,
tous les instruments de musique et les partitions, les bougies
et les allumettes, tout matériel électrique - câbles, fils,
prises, boîtes de dérivation, ampoules, le verre plat, pour
fermer avant l'arrivée de l'hiver les milliers de fenêtres dont
les vitres ont volé en éclats.
Sont également interdits d'entrée dans la prison de Gaza les
vêtements, les tissus, le fil à coudre, les aiguilles, les
chaussures, les matelas, les draps, les couvertures, les
couettes, toute la vaisselle - assiettes, tasses, casseroles,
couteaux, fourchettes, cuillères- tout produit d'entretien et de
lavage - une dérogation partielle vient d'être accordée sur
certains produits d'hygiène corporelle, mais le papier
hygiénique sous tous ses conditionnements continue d' être
considéré comme un produit dangereux. Des Gazaouis ingénieux
sont sûrement susceptibles d'accrocher des missiles à des avions
en papier hygiénique et de pilonner Sderot!
Sont interdits
d'entrée tous les jouets, ainsi que les poupées.
Est évidemment
interdite toute importation de réfrigérateurs, de machines à
laver et de tout autre appareil électroménager, matériel de
toutes manières inutilisable, puisque l'occupant coupe, selon
son bon plaisir, le peu d'électricité qu'il laisse fonctionner
après avoir détruit la seule centrale électrique du ghetto et
empêché sa réparation. De plus, il vole la majeure partie de
l'eau des nappes phréatiques et ne laisse aux bagnards de Gaza
qu'un mince filet à peine suffisant pour remplir des jerricans .
Est interdite l'importation de véhicules de toute nature -
voitures particulières, camions, ambulances et même fauteuils
roulants pour les innombrables blessés et infirmes que "l'armée
la plus morale du monde" a laissés sur le carreau.
Sont interdits
d'entrée tous les animaux - vaches, ânes, chèvres, volailles,
etc. , et le remplacement des quelques pauvres animaux du zoo de
Gaza - impitoyablement abattus, eux-aussi, pendant le carnage ou
morts de faim - est impossible. On n'insistera jamais assez sur
les capacités militaires des vaches ou des poules.
Aux
dernières nouvelles, l'Organisation Mondiale de la Santé informe
le monde que les bourreaux moraux de la "seule démocratie du
Moyen-Orient" viennent d'interdire, pour la quatrième fois,
l'entrée des appareils et des accessoires médicaux
indispensables au fonctionnement des hôpitaux et, pour faire
bonne mesure, les gentils "démocrates" préposés au
contrôle des marchandises ont pris soin de ravager les appareils
et de les rendre inutilisables par ces sous-hommes de
Palestiniens - ces "animaux à visage humain", comme les
désigne le Talmud - avant de les retourner à l'envoyeur. Et
c'est ainsi que Jahvé est grand. Alleluia!
La
seule interdiction que la fameuse "communauté internationale"
a réussi à lever est celle des coquillettes et des nouilles...
dont le danger qu'elles représentaient pour la sécurité de
l'occupant n'est plus à démontrer; mais sont toujours interdits
d'entrée dans le ghetto de Gaza le thé, le café, toutes les
semoules, le lait en grands conditionnements, toutes les
patisseries et gâteaux secs, le chocolat, les graines de sésame
et les semences, toutes matières qui risquent d'être utilisées
par les inventifs démons gazaouis dans la fabrication des
roquettes meurtrières qui "terroriseraient" les pauvres
habitants de Sdérot. Les Gazaouis réussissent à construire des
maisons avec de la boue, alors, pourquoi ne mettraient-ils pas
au point des bombes à la semoule!
*
La
"loi du meurtre" et "l'école de l'assassinat"
illustrées à Gaza par l'Etat qui se proclame une "lumière
pour les nations", ne constituent pas une explosion
irrationnelle, comme pourraient le laisser croire les interdits
sadiques énumérés ci-dessus. De même que celui du bagne de
Canton, le bourreau bureaucratique israélien est un véritable
artiste qui traite la souffrance comme un des beaux-arts. Un an
après la fin du déchaînement génocidaire contre la population
civile, les privations continuent d'être mises en œuvre au nez
et à la barbe des démocraties "morales", avec la rigueur
et la méticulosité propres à toutes les administrations
dictatoriales. Elles témoignent de la mise en oeuvre d'un plan
particulièrement raffiné, mûrement conçu dans le but de faire
souffrir les victimes au maximum tout en essayant de préserver -
grâce à une machine de propagande bien huilée et fonctionnant
sur toute la planète - un statut de victime éternelle. En
réalité il s'agit de rien de moins que d'une application quasi
littérale des recommandations biblico-talmudistes acceptées et
approuvées par plus de 85% de la population de la nouvelle
colonie de peuplement, fondée sur des critères raciaux et
implantée sur la terre palestinienne.
Voici quelques citations, parmi des dizaines d'autres, issues,
non pas même du Talmud - dont certains passages
traduisent un autisme pathologique et un racisme si ingénu et si
arrogant que son excès même en devient comique et ne mériterait
qu'un haussement d'épaules méprisant ... s'il n'était mis en
pratique, ouvertement par les fameux IDF (Israël Defense
Forces) et insidieusement par tous les règlements
administratifs de l'Etat colonial. Les recommandations de haine,
de destruction, de vol et de meurtres figurent dans les textes
bibliques majeurs et sont prônés par de nombreux rabbins dans
l'armée. C'est pourquoi ce sont les recommandations bibliques
qui sont appliquées au pied de la lettre et le coeur léger par
la soldatesque - en dépit de l'existence d'un code officiel
flatteur, uniquement destiné à leurrer l'étranger candide sur la
nature d'un Etat qui se proclame une "démocratie occidentale".
Mais il se comporte en réalité avec la brutalité et l'arbitraire
propres à toutes les dictatures militaires envers ceux qui ne
peuvent exciper de leur "pureté religieuse et raciale",
les deux éléments étant indissolulement liés dans cette
religion. En effet les recommandations officielles de "l'armée
la plus morale du monde"... sur le papier ... sont
superbement ignorées non seulement par la base, mais par toute
la haute hiérarchie militaire.
"Lorsque
Jahvé, ton dieu, t'aura amené dans le pays où tu vas entrer pour
en prendre possession et qu'il aura délogé devant toi de
nombreuses nations (…) alors, Jahvé ton dieu les aura livrées à
ta merci et que tu les livreras à l'anathème (à
la destruction) . Tu ne concluras pas d'alliance avec elles, tu
n'en auras point pitié ! " (Deutéronome
7:1-2)
"Des
villes de ces peuples que Jahvé, ton Dieu, te donne en héritage,
tu ne laisseras rien vivre de ce qui a souffle de vie.
Détruisez-les jusqu'au dernier… comme Jahvé, ton Dieu,
vous l'a ordonné… " (Deutéronome 20.16)
"Vous poursuivrez vos ennemis, et ils
tomberont devant vous sous votre glaive. Cinq des vôtres en
poursuivront cent des leurs, cent d'entre vous en poursuivront
dix mille, et vos ennemis tomberont devant vous par le glaive. "
(Lévitique, 26, 7-9)
"Ce
jour est au Seigneur Jahvé des armées, jour de vengeance, où il
se venge de ses adversaires. Le glaive dévore et se rassasie. Il
s'abreuve de leur sang."
(Jérémie 46.10) (trad. Osty)
Deir Yassine Haïfa, Jaffa, Acre, Oum Al Fahem et AL-Ramla, Al-Daouayma,
Abou Shousha, Qazaza, Jaffa à plusieurs reprises, Tannoura,
Tireh, Kfar Husseinia, Haïfa encore et encore, Sarafand, Kolonia,
Saris, Biddu, Lod, Bayt Surik, Sasa, Balad al-Cheikh, hier
Jenine , Gaza hier et aujourd'hui ont expérimenté dans leur
chair la mise en pratique des directives vétéro-testamentaires
en usage dans l'armée.
Déjà, une première fois, il y deux millénaires environ, une
tribu de nomades en voie de sédentarisation rationalisait ses
meurtres et ses rapines en les attribuant à la volonté et aux
directives de son dieu personnel - un dieu qui aurait eu la
chuzpah de priver le peuple autochtone de sa terre et de
propulser ses chouchous, se qualifiant d'"élus", sur un
territoire qu'ils trouvaient à leur goût. Pour la deuxième fois
dans l'histoire, un groupe humain qui se réclame de la même
divinité s'installe sans complexes dans des " grandes et
belles villes qu'il n'avait pas bâties", habite avec
bonne conscience , dans des "maisons pleines de toutes
sortes de biens qu'il n'avait pas remplies" et utilise
tranquillement des "citernes creusées qu'il n'avait pas
creusées". Sans le moindre regard pour la population
expropriée et volée, il jouit des récoltes de "vignes et
d'oliviers qu'il n'avait pas plantés". (Deutéronome,
6,10, trad. Osty) "Cette terre est à nous, c'est notre Dieu
qui nous l'a donnée", hurlent à tue-tête des colons
déchaînés, la kalachnikov à portée de main.
Les scribes du VI e siècle ont eu non seulement la candeur
d'avouer les spoliations de la population autochtone auxquelles
a procédé cette tribu lors de la première invasion, mais de s'en
faire un titre de gloire. Or, pas plus à cette époque
qu'aujourd'hui, ce territoire n'était "vide" et en
attente d'envahisseurs. Un minimum de connaissances historiques
permet de balayer les prétentions des hagiographes de cette
religion qui rêvent de transformer leurs propres écrits
mythologico-théologiques en registres cadastraux ou en actes
notariaux.
Les légendes et les récits mythiques datant d'un millénaire pour
certains, transmis oralement puis collationnés et mis en forme
par des scribes à partir du VIe siècle avant notre ère dans une
perspective d'auto-justification politique, puis triturés,
ruminés et délayés par des rabbins autoritaires dans les plaines
de Russie ou d'Ukraine à partir du Xème siècle - date de la
conversion au judaïsme de groupes de populations d'Europe
orientale ou de territoires asiatiques - ces récits légendaires,
dis-je, ainsi que la glose talmudique qui en découle,
nourrissent le terreau sur lequel a prospéré l'arrière-monde
psycho-religieux des nombreux immigrants originaires d'Europe de
l'Est et de Russie. Ce sont eux qui composent la strate
dominante du mille feuilles de la colonie de peuplement en passe
de conquérir la Palestine tout entière. Ainsi, sur les quinze
premiers ministres de l'actuel Etat Israël, treize sont issus
d'Ukraine, de Pologne, de Russie, de Lithuanie, de Bielorussie,
de Moldavie et seuls deux sont nés en dans la Palestine sous
mandat anglais, sans précision sur la provenance des parents,
mais ceux-ci étaient probablement natifs des mêmes régions
d'Europe orientale.
Il
en résulte des cerveaux bunkerisés par un mélange d'arrogance -
liée à une auto-proclamée "élection" divine - et de
victimisation professionnelle brandie comme un bouclier à chaque
critique de leurs exactions. L'idéologie biblico-victimaire des
dirigeants de cet Etat et d'une grande majorité de la population
les rend incapables de communiquer avec leurs voisins autrement
que par la violence, le mépris et la domination. C'est pourquoi
seule une anthropologie critique permet d'ouvrir
l'interprétation de la politique des nations à la
psychophysiologie des peuples qui les composent. (Voir les
nombreuses analyses de théopolitique de
Manuel de Diéguez
sur ce thème )
Primo Lévi semble avoir perdu confiance dans un possible sursaut
moral de l'Etat d'Israël. Et pourtant "j'étais un homme",
écrivait pudiquement, mais avec un chagrin si insurmontable
qu'il l'a conduit au suicide, un rescapé de l'avant-dernier
jardin des supplices.
Que dirait
aujourd'hui Primo Levi aux suppliciés de Tsahal à Gaza traités
comme on n'ose plus traiter les animaux? Peut-être leur
lirait-il le
Discours sur le colonialisme
de notre grand poète martiniquais, Aimé Césaire :
"Nul
ne colonise innocemment. (…) Une nation qui colonise, une
civilisation qui justifie la colonisation - donc la force - est
déjà une civilisation malade, une civilisation moralement
atteinte, qui, irrésistiblement, de conséquence en conséquence,
de reniement en reniement, appelle son Hitler, je veux dire son
châtiment."
Publié le 12
novembre 2009 avec l'aimable autorisation de Aline de Diéguez
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