Janvier 2007
Ali Samoudi est
journaliste. Il vit à Jénine, au nord de la Cisjordanie et se
déplace dans la région au fil des événements, des invasions,
assassinats et arrestations menées par l’occupation sioniste.
Correspondant de plusieurs organes de presse, palestiniens et
arabes, il accomplit sa tâche en transmettant la voix de ceux
qui comptent sur lui : les prisonniers et leurs familles,
les combattants et les résistants, les villageois, les citadins
et la population des camps qui souffrent de l’occupation et de
ses mesures coloniales mais qui continuent à lutter dans
l’espoir de chasser l’occupant.
CIREPAL
La
prisonnière Qahira Saadi lance un cri de la prison de Telmond :
« La
Palestine est notre maison commune »
Ali Samoudi
La prisonnière
Qahira Saadi, du camp de Jénine, a transmis une lettre et un
appel à l’unité et la concorde, à l’arrêt de la guerre
fratricide, au nom des prisonnières détenues dans les prisons
de l’occupation israélienne. Elle y a exprimé les sentiments
de colère et d’inquiétude vis-à-vis des événements
douloureux qui se déroulent sur le terrain, au moment où la répression
implacable s’abat sur les prisonniers et prisonnères.
Qahira Saadi
est condamnée à trois perpétuités. Dans sa lettre, elle
commence par poser les questions qui préoccupent toute prisonnière,
disant : « C’est mon cri, ma lettre, mon appel
à tout Palestinien digne, libre, sincère, résistant et
combattant. La lutte fratricide qui se déroule sur le sol de la
patrie et l’écoulement du sang palestinien par des mains
palestiniennes nous blessent. Nous assistons à tout cela et
nous demandons : est-ce que nous avons libéré le pays ou
avons libéré les prisonniers ? Al-Aqsa a-t-il été libéré ?
Avons-nous repoussé l’occupation et instauré notre Etat
palestinien ? Qu’avons-nous laissé à notre ennemi, avec
l’écoulement du sang par nos propres mains et nos hommes sont
des otages chez nos hommes ? Nous demandons : est-ce
qu’ils ne pensent pas, ceux-là, au sang de nos martyrs qui
ont arrosé la terre de la patrie, tout au long de l’histoire,
ancienne et récente ? N’ont-ils pas honte des veuves et
des larmes des orphelins ? Et les sacrifices des
prisonniers, dont les vies sont enterrées dans les tombes des
vivants, pour la dignité cette patrie dont ils ont éclaboussé
la face par leurs actes qui n’apportent que la honte pour la résistance
et les armes de la résistance ? »
Elle a ajouté :
« Nous regrettons que tout cela se déroule au moment où
nous vivons une souffrance quotidienne dans nos prisons, au
moment où la direction des prisons iniques intensifie ses
pratiques répressives, sans aucune miséricorde, mais pourquoi
réclamer leur miséricorde alors que nous n’en avons pour
nous-mêmes ?
La tragédie
La prisonnière
Saadi déroule les images de la tragédie que vivent les
prisonnières dans l’une des sections de la prison de Telmond,
espérant qu’elles sensibiliseront et feront réfléchir les
hommes en armes. Elle souhaite rendre compte des conséquences
de cette lutte fratricide au momenjt où la direction des
prisons prend plaisir à réprimer les prisonnières et les
prisonniers, sans aucune raison. « Je voudrai vous
transmettre cette image sombre de l’une des sections de cette
prison infernale, c’est la section des enfants, la section 14,
avec laquelle je parviens à communiquer, par une fenêtre étroite
qui, malgré son étroitesse, me permet de voir la souffrance
des enfants prisonniers. Dans cette section, 52 enfants sont
enfermés, ils sont constamment provoqués, frappés, pour les
raisons les plus dérisoires. Leurs geôliers inventent les
moyens les plus sophistiqués pour se venger d’eux : ils
les frappent, les isolent à volonté, et ces enfants n’ont
aucune expérience et sont incapables de réagir pour faire face
à ces pratiques. Quelqu’un peut-il avoir de la pitié pour
ceux-là ? Quelqu’un a-t-il pensé aux réactions que
nous avions eu lors de l’annonce d’un possible échange de
prisonniers ? Pouvez-vous imaginer que la majorité des
prisonnières ont fait leurs bagages et qu’elles vivent des
journées entières à attendre le moment de leur libération,
et qu’aucune force sur la terre ne peut les convaincre que ce
jour ne viendra pas ?
C’est avec
amertume, inquiétude et tristesse que la prisonnière Qahira
Saadi parle de la réalité vécue par les prisonnières, avec
les informations contradictoires sur l’échange des
prisonniers. « D’après nos informations, les prisonnières
sont les premières concernées par l’échange des
prisonniers, toutes, sans exception. Mais il est de mon droit de
demander : est-ce que cela est vrai ? Est-il vrai que
l’opération d’échanges concernera toutes les prisonnières ?
Est-il possible que l’échange échoue ? Si une telle
chose arrivait, je ne peux vous décrire l’ampleur de la
cassure psychologique que l’échec peut provoquer chez les
prisonnières. Moi-même, je suis en prison depuis 5 ans,
j’entends et je vois, avec mes yeux, mon cœur et ma raison.
Je n’ai jamais vu, auparavant, les prisonnières être si
sensibles aux nouvelles de cet échange. Elles ne vivent que par
l’espoir d’être libérées enfin, le rêve de leur libération
est devenu leur pain quotidien. Elles ne parlent et ne pensent
qu’aux jours prochains où elles seraient dans leurs familles,
libres ! Est-ce que les frères qui s’entretuent dans les
rues de Gaza pensent à leurs mères, à leurs filles, à leurs
sœurs prisonnières, ces femmes qui se consument de douleur et
de peine devant leurs combats ? Et l’espoir se met peu à
peu à mourir sous les feux de leurs armes, remplacé par les épines
et la détresse dans le cœur ? Entendrez-vous l’appel ? »
Qahira Saadi
appelle, en conclusion, à l’unité, à la concorde, au
rassemblement de tous. « Il est temps d’en finir avec la
dilapidation du temps, avec l’écoulement du sang, avec les
slogans. Nous réclamons, au nom du sang des martyrs, une relève
nationale sérieuse, de l’ensemble, pour faire cesser la
machine de la mort, qui nous tue tous. Nous adressons notre
appel, à tous, sans exception, nous demandons qu’ils se
dirigent vers le dialogue car ce qui rassemble est beaucoup plus
important que ce qui nous divise. Si notre but reste la
Palestine, elle est la maison de nous tous, et la voie pour y
aller passe par l’unité, la concorde, l’union, l’échec
de la guerre fratricide. Sinon, nous ne pardonnerons pas à tous
ceux qui dévient notre lutte de son chemin. La lutte fratricide
est criminelle, qui la suscite, qui la nourrir et qui se tait
est tout simplement criminel.
4
Palestiniens blessés par les forces de l’occupation près de
Jénine
30 janvier 2007
Ali Samoudi –
Jénine
La nuit dernière,
quatre Palestiniens ont été blessés, dont un membre des
Saraya al-Quds et un enfant, au cours d’une opération des
unités spéciales israéliennes à l’entrée ouest de Jénine.
Des sources
israéliennes ont affirmé que Nur Adnan Izzat Jaabari, 28 ans,
d’al-Yamoun, recherché par la sécurité israélienne et
accusé d’appartenir à la branche militaire du Jihad
islamique, son frère Silah, 25 ans, le chauffeur de la voiture
qui les transportait, Abdullah Nawahda, 42 ans, ont été blessés
au cours d’une opératin des forces de l’ccupation. Ils ont
été arrêtés avant d’être emmenés à l’hôpital à
Afoula.
Du côté
palestinien, les sources affirment qu’une unité israélienne
spéciale avait organisé un guet-apens dans la zone des Ahrash
as-Saada, dans la rue Haïfa, à l’entrée principale de Jénine.
Elle a tiré en direction d’une voiture que conduisait
Abdullah Nawahda. Une explosion s’est fait entendre, les
forces israéliennes sont accourues pour fermer toutes les
issues. Des témoins affirment qu’ils ont vu des gens étendus
près de la voiture visée. Les forces israéliennes ont empêché
les ambulances du Croissant Rouge d’arriver au lieu qui
s’est vite transformé en caserne militaire. Le chauffeur et
les blessés, y compris l’épouse de Nur, ont été arrêtés.
Au même
moment, un enfant de 12 ans, Sa’ed Mahmud Abed, a été blessé
par des tirs de l’armée sioniste dans le village de Kfardan.
Son père a déclaré
qu’il conduisait la voiture en direction de son village
Kfardan. Il a fait demi-tour lorsqu’il a trouvé la route
bloquée et est retourné à Jénine. Il fut surpris par les
coups de feu tirés par l’armée d’occupation. « Ma
famille et moi-même avons échappé par miracle à la mort,
seul mon fils a été blessé par des tirs à la jambe droite.
Son état est stable, d’après les médecins de l’hôpital. »
Ashraf
Saadi : toujours recherché, il échappe à plusieurs
tentatives d’assassinat
janvier 2007
Ali Samoudi, Jénine
« Quelles
que soient les pressions et les menaces, quels que soient les
actes terroristes qu’ils commettent, je ne me rendrai pas.
Notre voie est celle de la lutte, du martyre ou de la victoire. »
C’est par ces
paroles que Ashraf Saadi, dont le nom fait partie des premiers
recherchés par les appareils de la sécurité israélienne,
commence ses paroles. Ashraf a échappé à plusieurs tentatives
d’assassinats ou d’arrestations, mais Ashraf ajoute :
« le moral est élevé, la foi est grande. Tous ceux qui
appartiennent à l’école de Shiqaqi, Tawalbe Saadi et Jaradat
ne peuvent craindre les menaces et les tentatives
d’assassinat. Nous sommes tous des projets de martyrs et nous
sommes fiers d’appartenir aux Saraya al-Quds, pierre de lance
en face des occupants. »
Dans le camp de
Jénine, Ashraf Saadi dirige des groupes de combattants de
Saraya al-Quds, qui mènent une lutte implacable contre
l’occupation israélienne et ses agents. La situation est
difficile, dangereuse. L’occupant se mobilise, il mène des
incursions incessantes, jour et nuit. Mais Ashraf déclare que
ses combattants sont toujours prêts à l’affrontement.
« J’ai été blessé plusieurs fois, et je poursuivrai
le combat. L’occupant a serré l’étau autour de nous, il
menace ns familles et la population du camp et tous ceux qui
nous apportent leur aide.
Ashraf est
poursuivi depuis deux ans. « Lorsque les forces de
l’occupation ont envahi notre maison familiale, dans le camp
de Jénine, elles ont menacé ma famille, leur disant que si je
ne me rendrais pas, elles me tueraient. Elles ont alors détruit
les meubles et objets de la maison et menacé ma famille
d’arrestations. J’ai refusé de me rendre, et j’ai
poursuivi la voie. Lors de l’assassinat du dirigeant Hussam
Jaradat, je me trouvais avec lui, et j’ai échappé. Une nuit,
les forces de l’occupation sont entrées dans le camp, les
soldats se sont infiltrés dans toutes les ruelles pour nous
encercler. Nous avons failli nous faire prendre, car nous
n’avions pas réalisé que les soldats se trouvaient partout.
Alors que nous étions en train d’affronter une unité, en
face de nous, nous avons été surpris par l’avancée de
soldats derrière notre dos. Nous étions, Hussam et moi,
encerclés. Nous poursuivions nos tirs. J’ai été blessé.
Hussam a décidé de se retirer, je pensais qu’il était
difficile, mais il m’a pris par la main, m’a tiré, tout en
continuant à tirer de l’autre en direction des soldats. Il
m’a porté puis nous avons sauté par-dessus le toit d’une
maison. Nous avons échappé à la mort. Je n’arrive toujours
pas à réaliser comment cela s’est déroulé.
Une campagne
mise en échec
Les forces de
l’occupation ont échoué à réaliser leur but, malgré
toutes les incursions et les vastes ratissages opérées dans la
région, ce qui a mis en colère les services de renseignements.
Ashraf ajoute : « les forces israéliennes sont
revenues le lendemain, pour me rechercher, les campagnes de
fouilles se sont multipliées, non seulement la maison familiale
a été fouillée, mais celles de tous nos proches et de nos
voisins. Les soldats les ont arrêtés, les ont interrogés, les
ont menacés par de lourdes conséquences s’ils « osaient »
aider les combattants des Saraya al-Quds. Tout cela n’a mené
à rien, la population du camp de Jénine n’abandonne pas ceux
qu’elle aime et respecte, ceux qui font leur devoir envers
leur peuple et leur patrie.
Les actions des
combattants de Saraya al-Quds se sont intensifiées dans la région
de Jénine, surtout après que les forces de l’occupation
aient réussi à assassiner le dirigeant des Saraya, Hussam
Jaradat. Ce fut un coup très dur, mais des unités du martyr
Hussam Jaradat se sont levées et poursuivent le combat.
« Bien que les forces de l’occupation soient parvenues
à assassiner nos dirigeants et arrêter nos combattants, les
Saraya al-Quds sont capables de les défier et de poursuivre la
bataille et l’affrontement avec l’occupant, jusqu’à la réalisation
de nos objectifs, des objectifs tracés par nos martyrs, que
nous n’abandonnerons pas ».
Les campagnes
de ratissage et les invasions du camp se poursuivent. Une fois
encore, Ashraf échappe à la mort. Mais son compagnon, le jeune
Fadi al-Ammour est assassiné, il y a deux mois. « Il y a
deux mois, les forces de l’occupation ont préparé un nouveau
plan pour nous arrêter. A l’aube, une imposante force
militaire pénètre dans le camp et se met à ratisser
jusqu’au matin avant de s’en aller, mais en laissant une
unité dans l’une des maisons, dans le quartier Damj. Nous
n’avions pas prévu cela. L’unité est restée jusqu’au
soir. Lorsque je suis arrivé dans le quartier, les coups de feu
sont partis. Ce qui m’a sauvé, c’est que j’ai tiré en même
temps dans la direction des coups de feu. Mais Fadi n’a pu être
sauvé, car il se trouvait plus près de la maison investie.
Nous
poursuivons le combat
Ashraf, les
armes à la main, déclare : « parfois, ils nous
surprennent, ils nous atteignent mais d’autres fois, ils échouent.
Notre moral reste élevé et inébranlable. Nous avons des équipes
de surveillance, et surtout la nuit. Nous prenons souvent
l’initiative des combats. Il est vrai que le danger nous
guette à tout instant, mais notre détermination est forte.
Nous avons choisi notre voie, nous ne l’abandonnerons pas,
nous prions Dieu pour qu’il nous renforce notre volonté à
poursuivre le combat. Nous voulons libérer cette terre, libérer
les prisonniers et les prisonnières, nous voulons libérer l’être
humain et les lieux saints. L’arme est la voie du dialogue
avec l’occupant.
Traduit par
Centre
d'Information sur la Résistance en
Palestine