Opinion
Mali : ingérence humanitaire ou nouveau
Sahelistan ?
Terrorisme «djihadiste», bras armé de
l'Occident (13e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Mardi 19 février
2013
Certains parlent du
«caractère transnational du terrorisme».
Le terrorisme n’a pas de caractère
globalement transnational. Il a un
caractère transnational limité aux pays
musulmans. Il n’y a pas eu d’attentat en
Occident ou contre des intérêts
occidentaux depuis plus d’une décennie.
Le terrorisme dit «islamiste» ne touche
jamais les intérêts américains ou
occidentaux, et tous les attentats qui
ont eu lieu en terre d’Occident sont,
selon les analystes les plus crédibles,
des «inside jobs», des opérations
internes, ou intimement liées à des
filières d’agents «islamistes» liés aux
services secrets occidentaux.
Nul ne croit que le troglodyte Ben
Laden soit capable d’exécuter
l’opération-attentat extrêmement
sophistiquée du 9 septembre 2001. En
tout cas, sans les attentats du 9
septembre 2001 et ceux «perpétrés»
contre les ambassades des Etats-Unis à
Nairobi (Kenya) et à Dar es-Salam
(Tanzanie), contre le navire USS Cole
(octobre 2000, Amen, Yémen), contre le
bâtiment des soldats US à Djedda, contre
le RER de Madrid (2004) ou celui de
Londres (2005), le terrorisme ne serait
jamais devenu une affaire aussi juteuse
pour l’économie de guerre américaine et
occidentale. Les entreprises américaines
ont touché près de 5 000 milliards de
dollars en 8 ans grâce aux guerres en
Irak et en Afghanistan. Les ventes
d’armes occidentales n’auraient pas
doublé par rapport à celles des Russes
et des Chinois, les bases américaines
dans le monde n’auraient pas été
multipliées par deux ou presque… Même
Coca, Pepsi et Marlboro gagnent avec les
GI’s et les marines en campagne en
Afghanistan, Irak, Yémen ou ailleurs… La
Russie est désormais entourée de bases
américaines comme elle ne l’a jamais été
lors de la guerre froide. L’Arabie
Saoudite, Bahreïn, les EAU et le Qatar
dépensent des milliards en armement : du
bonheur pour le complexe
militaro-industriel des six grands
fabricants d’armes. Le Qatar achète des
gadgets de mort qu’il n’emploie pas : il
les offre aux terroristes, avec la
garantie qu’ils ne viseront jamais un
appareil ou un citoyen israélien,
américain ou français, et si cela
advient, comme pour trois Etats-Uniens
dont un ambassadeur en Libye, cela
s’appelle pertes collatérales avec en
récompense aux familles une médaille de
mérite… au nom de Lockheed, Boeing ou
Carlyle où la famille Ben Laden est
toujours actionnaire… Au Mali, on ne
trouvera jamais un Qatari parmi les
terroristes, mais le «généreux» donateur
y a envoyé des associations caritatives
; 90% des ONG humanitaires qataries ou
saoudiennes cachent un service de
renseignement, qui fait semblant de
donner du lait mais qui recrute des
mercenaires. Le Croissant-Rouge qatari,
les structures telles que Qatar Charity
ou la Mou’assassat Eid ont fait des pays
du Sahel (et donc du Nord-Mali) l’un de
leurs terrains d’intervention
privilégiés. Avant l’intervention
française, ces ONG humanitaires qataries
n’étaient présentes que dans les villes
où Ansar Dine était présent, soit le
Nord-Mali, alors que la misère est
partout aussi au Sud : elles soignent et
nourrissent les terroristes, et donnent
des miettes aux pauvres. Le Qatar
détient 4% de la dette malienne (3,5
milliards de dollars) : ces ONG
maliennes ne peuvent-elles pas l’effacer
? Ces ONG permettent de ceinturer le
Sahel d’agents de renseignements comme
l’était le Pakistan dans les années
1980. C’est grâce à ces «associations
caritatives» que les terroristes
saoudiens et du Golfe étaient présents
en Afghanistan, durant la première
guerre, de 1979 à 1986 : le livre House
of Bush, House of Saud de Craig Unger
montre le fonctionnement de ce réseau
«humaniste» créé par Abdoullah Youcef
Azzam et Ben Laden et qui a permis
d’acheminer des fonds et des armes aux
Afghans et aux Afghans arabes, puis aux
terroristes islamistes en Bosnie, en
Tchétchénie... Dans le cadre de cette
«mission», Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri,
alors amis, sont même allés acheter des
Stinger aux Etats-Unis, ce que Reagan
autorisera à donner aux «moudjahidine»
afghans (opération Cyclone). Ces
structures «caritatives» sont toujours
existantes et se renforcent au fur et à
mesure que se développe «l’autoroute du
terrorisme». Sur l’intervention
atlantique en Libye en 2011, il y a une
vidéo disponible sur YouTube qui montre
des missiles qui tombent d’une caisse
frappée du Croissant-Rouge qatari
pendant sa manipulation par les
«rebelles» anti-Kadhafi. S’agissant de
la Syrie, des terroristes libyens
avouent (dans un documentaire du
journaliste libanais Khoudr Aouarka)
avoir acheminé sous la couverture
humanitaire plusieurs bateaux
d’armements aux terroristes qui ont
massacré des dizaines de milliers de
militaires et de civils syriens. Dans un
entretien téléphonique de 9 minutes, le
député libanais Okab Sakr (courant
proche de Rafik Hariri et des
phalangistes) parle avec un chef
terroriste en Syrie lui demandant un
approvisionnement en armes. Tout le
monde s’est mis dans le commerce de la
mort, officiels, banquiers, directeurs
d’agences de renseignement, députés,
organismes humanitaires… qui, eux, sont
les véritables patrons d’Al- Qaïda, pas
cet Ayman Al-Zawahiri qui ne sert que de
leurre, tout comme Ben Laden dont
l’holographie a été effacé pour donner
un nouveau souffle à la nébuleuse.
Le rôle trouble du Qatar : pourquoi
en avoir peur ?
Dans la crise du Sahel, ce n’est pas
uniquement le Mali qui est visé mais
tous les pays de la région : l’attentat
d’In Amenas est lourd de menaces
nouvelles… L’assassinat de deux gardiens
d’oléoduc à Bouira vient montrer que les
cibles sont ce pétrole et ce gaz qui
nous donnent à manger. Les
infrastructures pétrolières irakiennes
font l’objet de sabotages permanents par
Al-Qaïda et d’autres mercenaires
agissant pour le compte des
commanditaires de l’ombre. Le gazoduc
iranien a explosé en territoire turc… Il
n’y a pas que la production de pétrole
et de gaz qui compte, parfois sa
non-production est plus avantageuse pour
l’Amérique (l’Irak ne pouvait produire
qu’un quota donné des années durant ;
aujourd’hui, le pétrole iranien est
boycotté). Les puissances impérialistes
ne cherchent pas que le pétrole.
D’ailleurs il y a trop de pétrole et de
gaz aujourd’hui. Le gaz russe et le gaz
iranien gênent le Qatar et l’Arabie
Saoudite, qui veulent réduire la
production des autres pays pour imposer
leur marchandise, d’autant qu’ils ont
investi des sommes énormes dans des
raffineries. Le pétrole découvert en
zone syrienne, libanaise et chypriote
fait à la fois rager et rêver : la crise
syrienne est aussi liée à cette volonté
de lui prendre sa richesse ou de
retarder sa production, tout comme elle
vise à saboter le gazoduc russe pour
permettre le passage d’un gazoduc qatari
vers l’Europe à condition qu’un nouveau
gouvernement prenne Damas, selon le
journal libanais Al-Akhbar. In Amenas
produit du gaz et le Qatar peine à
trouver des clients pour sa ressource…
Le Qatar est aussi actionnaire dans
Total qui veut avoir des concessions
dans le pétrole récemment découvert au
Mali, aux frontières de la wilaya
d’Adrar. Total a retardé la production
de gaz iranien (dans ses concessions
iraniennes) pour permettre l’extraction
du gaz qatari, et l’affaire est entre
les mains de la justice… Les coups
fourrés du Qatar à l’encontre de l’Iran,
et récemment de l’Égypte méritent d’être
médités : Hamad a raflé à son ami Morsi
le marché de gaz israélien ! Le gazoduc
égyptien vers Israël est souvent saboté
depuis les «Printemps arabes», alors le
Qatar signe un contrat avec Israël
(2012) pour lui assurer un
approvisionnement sans sabotages… Un
Sahelistan causera des morts, des
déplacements et un ralentissement
économique insupportables qui ne feront
qu’aggraver la crise, outre le
développement de la drogue, et aucune
fermeture des frontières ne permettra de
l’éviter comme l’a montré l’attentat
d’In Amenas. Le but du terrorisme n’est
pas de tuer des gens mais de détruire
des économies, des nations, des Etats et
en faire des Etats faillis, des pays qui
ne concurrencent pas les grandes
puissances qui peuvent alors en piller
les richesses sans contrôle. Le
terrorisme produit du terrorisme en
créant les conditions de son
développement, et c’est ce mécanisme qui
semble aussi être enclenché en Irak qui,
malgré son immense production
pétrolière, patine en place à cause du
terrorisme et des divisions internes. Si
la crise malienne transformait la région
en Sahelistan, un scénario apocalyptique
se profile à l’horizon. Au Mali comme en
Afghanistan, en Syrie et en Irak, ce
sont essentiellement des groupes
terroristes qui sont responsables du
drame. Si les groupes appartiennent à la
même nébuleuse (Al-Qaïda), ce sont aussi
les mêmes cercles qui désignent leur
agenda, dans un centre de commande qui
n’a rien à voir avec la grotte
troglodytique d’Ayman Al-Zawahiri mais
plutôt avec un bureau hypersophistiqué
avec des décideurs et des stratèges
entourés de think-tanks liés à des
multinationales qui brassent des
centaines de milliards de dollars. La
multinationale terroriste est un outil
du libéralisme prédateur de ce siècle où
le budget de défense de l’Amérique est
de deux fois supérieur à celui de ce
pays durant ses deux années de sa
participation à la guerre mondiale !
Oui, pour combattre le gueux Ben Laden,
le Department of Defence (DoD) se donne
un budget deux fois supérieur à celui
qu’il avait dans sa guerre contre
Hitler, Mussolini et Hiro-Hito ! Vous
avez compris que ce budget (750
milliards de dollars en 2010 et 676,7 en
2012) ne peut s’expliquer que par une
corruption d’une dimension inouïe qui
rend l’Etat américain otage du complexe
militaro-industriel et des autres
entreprises contractuelles du Pentagone.
La pire dictature se trouve camouflée
sous le système politique qui apparaît
comme le plus démocratique du monde.
Manipulateurs de l’ombre, commanditaires
actifs Des intérêts variés, parfois
contradictoires, sont cachés derrière
ces conflits impérialistes qui se
concrétisent par l’entremise de
supplétifs, tandis que les maîtres
d’ouvrage se contentent de nourrir les
facteurs crisogènes, notamment par les
médias, surtout lorsque des chaînes
autochtones et «crédibles» comme Al
Jazeera ou Al Arabia sont de la partie.
D’ailleurs, il est écrit dans le rapport
Horizons stratégiques 2012 du ministère
français de la Défense : «Dans un
contexte multipolaire, l’affrontement
entre puissances pourra également se
mener par procuration, au travers de
pays tiers appartenant à leurs sphères
d’influences respectives.» Ce rapport
reconnaît que «la criminalité
transnationale pourrait aussi, a
contrario, être suscitée ou soutenue par
certains États ou organisations trans-étatiques,
dans le cadre d’une stratégie indirecte
». Or, la France est un de ces pays
manipulateurs de groupes terroristes
depuis plusieurs décennies, à l’instar
des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne
notamment. Les maîtres d’ouvrage sont en
action au Mali, parmi eux la France et
le Qatar, en attendant que d’autres se
révèlent ou que se révèle pour qui
courent ces deux premiers ou l’un des
deux. Le terrorisme dit «islamiste» ne
vise pas les Occidentaux ni l’Occident
mais les musulmans et les pays
musulmans. Il continue à jouer
pleinement ce rôle tel que l’a voulu
Zbigniew Brzezinski, l’inventeur de
cette arme qu’on appelle terrorisme
«islamiste» et qui consiste à utiliser
des musulmans contre des musulmans, une
arme expérimentée d’abord en Afghanistan
(sous Jimmy Carter et Ronald Reagan).
Dans le pays de Djamal Eddine El
Afghani, des dizaines de milliers de
mercenaires de pratiquement tous les
pays musulmans ont combattu aux côtés
des Américains. Puis en Algérie, ils
voulurent instaurer une «république
islamique», pareil en Tchétchénie et
même en Bosnie où ils ont été
transportés dans des avions de l’OTAN et
bénéficié de l’aide occidentale pour
déstabiliser la Russie comme ils l’ont
fait auparavant pour embourber l’URSS
dans une guerre coûteuse. «Les
islamistes dits radicaux ne sont
radicaux qu’en paroles contre
l’impérialisme», écrit Bill Van Auken,
un candidat à l’élection présidentielle
américaine en 2004 et membre du Parti
égalité socialiste, qui sait que
l’islamisme est un outil utilisé par les
républicains et les démocrates pour
renflouer les caisses des marchands
d’armes et celles d’autres firmes. Il
ajoute : «Partout dans le monde, le
terrorisme est apparu suite aux
interventions américaines ou même avec
leur aide ! L’Irak n’a connu le
terrorisme qu’après les guerres des
Etats-Unis. Le terrorisme de Ben Laden
est directement une création de
l’impérialisme américain. Le terrorisme
s’est grandement développé après
l’intervention américaine en Somalie,
etc., etc.» Mais ni lui ni Ron Paul, qui
demandait à réduire drastiquement le
budget inutile, criminel et corrupteur
de la défense, ne pourront un jour être
élus à cause d’un système électoral qui
exige un immense budget de campagne (2,6
milliards de dollars pour Obama et
Romney, selon le Washington Post) pour
arriver en bout de course, et ce budget
ce sont les super donateurs, soit les
entreprises bénéficiaires des contrats
de la Maison-Blanche, qui l’offrent aux…
candidats.
A. E. T.
(A suivre)
Lire la
12e partie
Publié sur
Le Soir d'Algérie
Le dossier Afrique noire
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