Reportage
Le printemps arabe
: une révolution contestée
Les organismes d'exportation de la
«démocratie» (7e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Dimanche 12 mai 2013
Depuis son bureau
du Département d’Etat, tout près de
celui d’Hillary Clinton, Alec Ross, le
responsable de la eDiplomacy du
Département d’Etat (3e , 4e et 6e
parties), écrira cet autre message aux
bloggeurs tunisiens et égyptiens formés
dans les TechCamps ou les réseaux Soros
: «Nous voulons nous joindre à vos
conversations.» Signé #State-Dept !
C’est en arabe, svp,
une langue dont Ross ne connaît pas un
traître mot, que ce message a été posté
sur Twitter : la Maison- Blanche faisait
la «révolution» avec le culot d’un
ignare en bonnes manières improvisé
diplomate dans le pays de l’Oncle Sam.
Le Département d’Etat dialogue en direct
avec des cyberdissidents à sa solde,
sans craindre d’être taxé d’ingérence.
Quand, en pleine «révolution», le
gouvernement égyptien bloque Twitter,
Ross contacte son ami Eric Schmidt,
fondateur de Google, pour lancer une
messagerie vocale autorisant les
contacts entre cyberdissidents. Peut-il
le faire sans l’autorisation d’Hillary
Clinton ? Après la réussite des
«printemps» tunisien et égyptien, Alec
Ross dira : «La Tunisie et l'Egypte sont
les deux plus beaux succès de la
nouvelle diplomatie américaine.» Puis,
face à des étudiants, il assène avec une
certitude décoiffante, «il faut
maintenant quelques mois pour réussir
une révolution», laissant clairement
entendre que la Maison-Blanche a ce
moyen. Il ne doit pas ignorer qu’elle
use des armes moins pacifiques que des
ordis et des portables pour arriver à
ses fins… Alain Juillet, ancien
directeur du renseignement à la DGSE,
est convaincu que cela est possible :
«On n’a jamais vu ça. Deux révolutions
arabes montées et pilotées par internet
en Tunisie et en Egypte. Ce n’est qu’un
début.» Un agent secret ne doit pas
ignorer que la guerre cybernétique doit
être accompagnée d’une guerre de basse
intensité pour aboutir. Dans un
entretien, Ross avouera qu’il était
directement en contact avec les
opposants en Libye, et qu’en Syrie son
rôle était de permettre aux «activistes
de rester en vie et leur fournir un
accès à la technologie », cela inclue
les groupe d’An-Nousra et les autres
groupes criminels, cela va sans dire, et
qui sont d’ailleurs entraînés par des
soldats états-uniens en Turquie et en
Jordanie. Michael Posner, le
sous-secrétaire d'Etat américain pour
les droits de l'homme et le travail, a
déclaré que le gouvernement américain a
employé un budget de 50 millions de
dollars entre 2010 et 2011 pour
«développer de nouvelles technologies
pour aider les militants à se protéger
contre les arrestations et les
poursuites par des gouvernements
autoritaires» et que son pays a
«organisé des séances de formation pour
5 000 militants dans différentes parties
du monde». 5 000 traîtres pris en charge
par les ONG-écrans de la CIA, qui leur
offrent voyages gratuits et per diem
pour une formation express à la
«révolution 2.0» qu’ils sont chargés de
copier-coller à d’autres collabos dans
un réflexe pavlovien de
«révolutionnaires» spontanés. C’est par
les preuves et les faits qu’on peut
comprendre qu’aux Etats-Unis, les
cloisons ne sont pas étanches entre
l’Etat, la politique, l’argent et
l’espionnage. Certains organismes
américains sont dits «non
gouvernementaux» ou à «but non lucratif»
alors qu’ils ont été créés sur
instruction de la Maison-Blanche, et le
plus bel exemple de ces ONG est
l’International Crisis Group et les
autres fondations du néoconservateur
juif Soros. Les plus emblématiques
d’entre elles sont financées par
l’administration américaine, comme la
NED, l’IRI, le NDI, et la Freedom House
(FH). Ces organisations ont été
impliquées dans des coups d’Etat, des
opérations de déstabilisation, et l’ont
été dans le coup du siècle de la
Maison-Blanche, le «printemps arabe». Il
a été prouvé que tous ces organismes ont
été impliqués dans les «révolutions
colorées» qui ont eu lieu en Serbie
(2000), en Géorgie (2003), en Ukraine
(2004), au Kirghizistan (2005)…
Des dissidents pour couvrir les
mercenaires
Les collaborateurs américains du
«printemps arabe» qui n’obtiendront pas
des médailles ou des titres de la
prestigieuse Nobel comme l’islamiste
yéménite Tawakkul ou de Foreign Policiy
Karman [6e partie] se verront attribuer
des postes politiques alors qu’ils n’ont
rien à voir avec la chose, comme ce Slim
Amamou, qui sera nommé secrétaire d'Etat
à la Jeunesse et aux Sports en Tunisie
après la «Révolution du jasmin» ! Il
fera quatre mois avant de comprendre que
le poste est trop lourd pour lui et
reconnaîtra après sa démission (23 mai
2011) qu’il a lui-même été «aidé» par
des organismes américains dans une
déclaration filmée qui fera date ! En
plus de l’atelier de Beyrouth sus-cité,
il a assisté en mai 2009 à deux ateliers
organisés au Caire, l’un par le
gouvernement américain et l’autre par
l’Open Society Institute de George Soros
et, depuis, il restera en contact avec
de nombreux cyberdissidents du monde
arabe, les futurs faiseurs de
«révolutions» dont l’Oncle Sam a
constitué le puissant réseau
international où Serbes et Croates se
mélangent à des Sud-Américains, des
Arabes à des Asiatiques, sous la
direction d’officiers spécialisés en
manipulation des foules et des experts
donneurs de leçons sur les gadgets
d’espions qui leur sont offerts, comme
des ordis et des téléphones à navigation
incognito ou à effaceurs de données.
Durant la «révolution», Slim Amamou est
arrêté le 6 janvier 2011 avec son ami
Azyz Amami : en un clin d’œil, il a pu
activer la géolocalisation de son
téléphone mobile, permettant à la CIA et
aux internautes de le suivre jusqu'au
poste de police. Le Libyan Youth
Movement, principale organisation
d’opposition au «régime» de Maammar
Kadhafi, a lui aussi bénéficié de
formation dans les TechCamps. Mais son
rôle a été minime car les Libyens qui
les suivaient ont vite compris la
manipulation américaine. Déjà informé
par Ben Ali et Moubarak de l’ampleur du
complot, Kadhafi a, dès le début des
manifestations, appelé des manifestants
et des opposants de la base et a discuté
avec eux, leur promettant une nouvelle
constitution. Contents de la promesse,
ils sont tous rentrés chez eux, sauf les
djihadistes et les «islamistes» qui ont
continué les manifestations avant de
prendre Benghazi et d’être rejoints par
leurs meneurs, dont les ministres
Abdel-Jalil et Mahmoud Jibril, qui ont
tout manigancé en secret, le ministre de
la Justice ayant même réussi à
convaincre le guide libyen en 2010 de
libérer plus de 400 terroristes du
Groupe islamique combattant libyen. Avec
Benghazi comme zone d’exclusion, pour
utiliser le terme militaire, les
«manifestants», en vérité les
terroristes relâchés par Abdel-Jalil,
fournis en armes à partir de l’Egypte et
de la Tunisie de l’après-Ben Ali et
Moubarak, ont pu déboulonner Kadhafi non
sans l’aide militaire de leurs
commanditaires de l’OTAN… La
«révolution» libyenne est
essentiellement le fait du GICL et s’est
faite par des actions violentes contre
les civils et les militaires, de même
qu’elle était soutenue par des officiers
français infiltrés bien avant les
manifestations. L’un d’eux a d’ailleurs
révélé son implication dans cette
opération au magazine Spécial
Investigation(1). En Tunisie, les
snipers étaient aussi de la partie,
comme en Egypte, et de manière plus
flagrante en Syrie où ce sont les
mercenaires étrangers qui feront la
«révolution» anti-BAchar El-Assad, comme
nous le verrons dans le détail dans une
prochaine étude intitulée «Ces raïs
appelés dictateurs». Les Etats-Unis ont
secrètement financé l’opposition
syrienne depuis 2006. La Maison-Blanche
a versé quelque 6 millions de dollars
aux dissidents syriens exilés regroupés
sous la bannière du Mouvement pour la
justice et le développement pour
financer une chaîne de télévision ainsi
que pour diverses activités
antigouvernementales à l’intérieur de la
Syrie. En outre, un télégramme de
l’ambassade des Etats-Unis à Damas
révèle qu’une somme de 12 millions de
dollars a été versée de 2005 à 2010 au
volet syrien du programme du Département
d’Etat nommé Initiative de partenariat
pour le Moyen-Orient (Middle East
Partnership Initiative).
Des collabos jusqu’au sommet de
l’Etat
Le Serbe Srdja Popovic, formateur
ès-révolutions de Canvas, dit dans une
conférence à l’université de Columbia au
sujet de la «révolution» du jasmin et de
la place Tahrir : «Ce n'était pas une
révolution spontanée de 19 jours.
Oubliez cette histoire de révolution.
Ceci est une compréhension superficielle
de la chose.» Avec Canvas, Belgrade est
devenue le siège ou La Mecque de la
«révolution permanente» au profit de
l’Oncle Sam, en faisant croire à des
écervelés qu’ils sont des Che Guevara,
des Mao, des Gandhi ou des Mandela.
Celui qui organise des «révolutions»
comme des love parade et qui semble
avoir même emprunté de la désobéissance
civile telle que pratiquée par le FIS a
la place du 1er-Mai, de la place Tien
An-Men, dit que Canvas a formé des
«militants» de 37 pays et que 5
«révolutions» ont réussi dont celle
d’Egypte et de Tunisie, et que d’autres
sont en préparation dans une douzaine de
pays. Des «révolutions» comme dans une
batterie de poules pondeuses….
Insatiable Oncle Sam ! Oui, tout était
préparé, planifié, codé, avec les
différents intervenants, ces jeunes
écervelés manipulés mais aussi les
traîtres en haut lieu (en Libye comme en
Tunisie, en Egypte et en Syrie), ainsi
que les mercenaires et les snipers bien
entraînés qui ont été infiltrés,
notamment avec la complicité de certains
officiers supérieurs des pays ciblés.
Rien n’était spontané comme n’était
nullement hasardeux l’achat du tour de
présidence 2011 de la Ligue arabe à
l’autorité palestinienne par le Qatar,
le pays-clé sur lequel 99% du complot
américain était basé. Pour le chercheur
Tony Cartalucci, tout le «Printemps
arabe», depuis son point de départ
tunisien, est l’œuvre des organisations
américaines liées à des sociétés qui
récoltent maintenant les dividendes de
ce qu’elles ont semé. La e-Diplomacy
mise en œuvre par Hillary Clinton est un
système sophistiqué qui comprend des
institutions et des ONG, des
collaborateurs et des manipulés, y
compris à un très haut niveau de la
hiérarchie : cela a été le cas en
Tunisie, en Egypte et en Syrie mais
surtout en Libye. Le «Printemps arabe»
n’a pas réussi dans le pays où les
conditions de vie sont parmi les plus
mauvaises, et la corruption la plus
flagrante et la plus immonde :
l’Algérie, et ce, non pas parce que le
pays n’a pas été visé par la
Maison-Blanche et le Qatar, mais parce
que ces derniers n’avaient pas
suffisamment d’agents, parce que les
traîtres au sommet n’existaient pas et
que le pouvoir a su déjouer le complot
en offrant de l’argent aux jeunes (Ansej)
et en ne tirant même pas une seule balle
en caoutchouc sur les manifestants. Le
pouvoir, qui a tué 126 personnes lors
des événements de Kabylie (entre 2001 et
2002), n’a pas usé de la violence en
2011, car il savait que sa seule chance
consistait à faire l’autruche. Or, les
pouvoirs (en Tunisie, en Egypte et en
Libye) qui n’ont pas les mains aussi
tachées de sang sont tombés dans
l’excès, en légitime défense, sans
doute, comme nous le verrons dans une
autre étude.
A. E. T.
(A suivre)
1. www.tunisie-secret.com/explosif-sarkozy-et-bhl-ont-entraine-la-france-dans-une-guerre-voulue-par-le-qatar-et-la-tunisie-leur-a-prete-la-main_a262.html
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Le Soir d'Algérie
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