Reportage
Le printemps arabe
: une révolution contestée
Gadgets d'espions pour traîtres et fiers
de l'être (5e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Jeudi 9 mai 2013
Lancée en 2009 à
Marrakech, l’«Initiative société civile
2.0» s’intègrera dans un projet plus
vaste, mis en place à partir de 2010 par
Hillary Clinton et appelé 21st Century
Statecraft qui, est-il dit dans le site
officiel du Département d’Etat, se base
sur les réseaux sociaux afin de «toucher
de nouvelles audiences» en vue de «créer
un dialogue international», entendre
par-là de nouveaux valets, traîtres et
espions.
De nombreux
représentants des mouvements des «droits
de l’homme» des pays du Maghreb,
entendez de collaborateurs venant de
Libye (Ali Zeidan, le futur membre du
Conseil national de transition puis
Premier ministre) et d’Egypte, dont de
nombreux leaders de la future
contestation égyptienne de la place
Tahrir étaient présents lors de
l’inauguration de l’«Initiative société
civile 2.0», le 3 septembre 2009, où
Hillary Clinton a dit son «ambition
d'appuyer les efforts de la société
civile à l'échelle mondiale »,
soi-disant pour «contribuer à rendre les
collectivités plus prospères et plus
stables» et tutti quanti. «C'est
pourquoi, les Etats-Unis vont lancer une
initiative désignée ‘‘Société civile
2.0’’ et qui visera de manière
systématique à doter les organisations
de la société civile des derniers outils
technologiques. Nous leur enverrons
notamment des spécialistes des
techniques et des communications
numériques pour les aider à renforcer
leurs capacités dans ces domaines» !(1)
Sans ambages, elle dit envoyer ses
agents à domicile pour recruter des
traîtres. Se basant sur le fait que le
monde comprendra bientôt deux milliards
d’utilisateurs d’internet dans les pays
du tiers-monde, elle veut rallier plein
de collabos. D’ailleurs, Robert Gelbard,
envoyé spécial du président Clinton pour
les Balkans, a reconnu devant le Sénat :
«Nous finançons un large éventail
d’organisations démocratiques : ONG,
partis politiques, médias indépendants,
organisations de jeunes et syndicats
indépendants. Ces deux dernières années,
des agences us comme USAID ou des ONG –
National Democratic Institute,
International Republican Institute et
Endowment for Democracy – ont dépensé
16,5 millions de dollars pour développer
la démocratie et la société civile en
Yougoslavie. Nous avons encore de
l’argent disponible dans le pipeline et
nous l’utilisons à nouveau actuellement.
Je travaille en contact étroit avec la
famille du National Endowment. Le
syndicat AFL-CIO a bien travaillé avec
les syndicats indépendants de Serbie.
Avec notre soutien, ils préparent un
nouveau programme interactif. Le centre
pour l’entreprise privée internationale
prépare un programme destiné aux
businessmen et aux économistes
indépendants de Serbie. Et nous voulons
aussi renforcer les médias indépendants
serbes.» Pour son programme de mise en
œuvre du plan Grand Moyen-Orient,
Hillary Clinton a opté pour un plan
ambitieux d’opérateurs organisés en
réseau et comprenant les institutions
étatiques, les ONG, des think tanks et
une foultitude de collaborateurs
implantés dans de nombreux pays, des
jeunes et des vieux vendus et des
écervelés notoires improvisés en
politique.
Gadgets américains
pour collabos planétaires
Pour cela, la
responsable du Département d’Etat s’est
entourée des deux jeunes génies cités
plus haut, Jared Cohen et Alec Ross,
pour la mise en œuvre de la
cyber-dissidence et la cyber-révolution
dans les pays ciblés. Elle va mettre un
logiciel (TOR) à la disposition des
cyberdissidents à sa solde afin de leur
permettre la navigation anonyme sur
internet, de contourner les blocages,
crypter leurs messages et effacer leurs
traces. Ce logiciel sera employé par les
cyberdissidents en Iran, puis en
Tunisie, en Egypte et en Libye et en
Syrie pour contourner la censure
informatique. Depuis, ce logiciel,
traduit dans différentes langues, et
d’autres applications pour la téléphonie
mobile ont été offerts à des centaines
de personnes dont beaucoup ont déjà
bénéficié de stages de formation en
rapport. Une armée d’internautes
écumeront la Toile pour permettre à Alec
Ross (3e partie) de les transformer en
traîtres et collaborateurs et les aider
à utiliser la technologie numérique
contre leurs Etats respectifs. Puis 5
millions de dollars de subventions
seront alloués à des programmes-pilotes
au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
Parallèlement, en septembre 2010, à
l’occasion de la conférence «Internet
Liberty 2010» organisée par Google et la
Central European University à Budapest,
une initiative intitulée «Réseau des
blogueurs du Moyen-Orient et d’Afrique
du Nord» a été lancée par le National
Democratic Institute for International
Affairs (NDIA). Le NDIA est une
«filiale» du National Democratic
Institute (NDI), un think tank créé par
le gouvernement américain avec le
support du National Endowment for
Democracy (NED) «pour relier les dons
destinés à la mise en place de la
démocratie dans les pays en
développement». D’autres organismes
américains sont impliqués dans ces
programmes de captation ou de
recrutement de traîtres, dont la United
States Agency for International
Development (USAID), l’International
Republican Institute (IRI). Ainsi donc,
le jeune Alec Ross pourra se targuer
d’être un semeur de «démocratie» et se
permettra même de dire : «La plupart du
temps, j’évite de traiter avec les
officiels. La diplomatie traditionnelle
n’est plus suffisante. La diplomatie
numérique consiste surtout à travailler
avec les acteurs directs, voire
clandestins, de la société.»
Naturellement, son «aide» à la
«démocratisation» du monde conduit au
remplacement des «régimes» en place par
des régimes serviles du genre saoudien
ou qatari. Avec le programme Initiative
société civile 2.0, dont l’intitulé
s’inspire du jargon des programmes
informatiques US, Hillary Clinton mènera
par le bout du nez des pions du monde
entier. Après la mise sur pied d’une
flotte d’ONG chargés de la prise en
charge et de l’encadrement des traîtres
à leurs nations respectives, ces
organismes vont lancer de concert avec
la Maison-Blanche et plus précisément du
Département d’Etat d’Hillary Clinton une
stratégie cadrée dans une planification
sans faille afin d’assurer le succès des
mouvements et des cyberdissidents
chargés de déclencher le «Printemps
arabe» de 2011, en concomitance avec
l’action des agents internes au sein des
gouvernements visés (ministres ou
officiers), ainsi que l’action d’agents
de guerres secrètes (forces spéciales,
snipers, saboteurs venus de l’étranger…)
et l’action de certains médias au
premier rang desquels Al Jazeera, le QG
militaro- médiatique chargé de créer et
dispatcher l’information
déstabilisatrice. Même le «facteur
déclenchant», chargé de mettre le feu
aux poudres, aura été créé. Evidemment,
au préalable, le Qatar a acheté le tour
de présidence de l’Autorité
palestinienne à la Ligue arabe, pour 400
millions d’euros, ce qui lui permettra
de diriger son secrétaire général et
même des ministres à la baguette. La
mort de Bouazizi, d’ailleurs couverte de
mystère, sera le détonateur d’un complot
ourdi de longue date et préparé dans le
moindre détail. Même ce détail
déclencheur aurait pu être manipulé
comme des centaines de kamikazes
«islamistes» ont été manipulés par des
ignares : un jeune ne pourra-t-il pas
être manipulé par des spécialistes de la
manipulation de l’esprit chargés de
créer l’incident ? Dans le livre
collectif qu’il a dirigé, La Société
civile, un cheval de Troie ?, Bernard
Owen écrit : «Depuis les années
soixante-dix, tout a été prévu jusqu'aux
détails. La formation internationale de
nos activistes comprend ce qu'il faut
dire, et les attitudes qu'il faut avoir
devant les étrangers qui viennent leur
rendre visite. La naïveté de certains de
leurs visiteurs, qu'ils soient
intellectuels ou politiques, laisse
rêveur». Le vœu de George Bush de
«promouvoir la démocratie» se concrétise
donc à travers un réseau de plus en plus
grand de collaborateurs et de traîtres
qui transformeront un petit
mécontentement en une crise panarabe, un
banal fait divers en tsunami
insurrectionnel.
Fiers d’être à la
solde de la CIA !
Le mouvement serbe
Otpor (3e partie), dirigé par Srdja
Popovic, ne se composait pas seulement
de jeunes imbus de démocratie
bénéficiant du soutien d’organisations
et d’ONG américaines dont seuls des nuls
en politique peuvent ignorer les liens
avec le département d’Etat et la CIA. En
août 2000, cette dernière a dispensé au
Hilton de Sofia un cours aux jeunes
«rebelles» d’Otpor et mis des moyens
(ordinateurs) à leur disposition, sans
oublier le financement de concerts de
rock pour la mobilisation. Sans jamais
demander d’où venait l’argent, les
médias internationaux ont qualifié Otpor
de mouvement indépendant. Mais certains
de ces jeunes avouaient : «Etre en
partie contrôlé par la CIA ? Ça ne me
dérange pas trop», sans évaluer la
gravité de l’aveu. Parmi les sponsors d’Otpor,
puis actuellement de Canvas, citons la
fondation Albert Einstein, Freedom House
et Open Society Institute, une filiale
de la fameuse fondation Soros du
milliardaire juif George Soros. La
plupart des dirigeants et employés de
Freedom House et de la fondation Soros
sont d’anciens militaires et/ou agents
de la CIA, parmi lesquels James Woolsey,
ancien directeur de la CIA, Steve
Forbes, Samuel Huntington, Donald
Rumsfeld, Paul Wolfowitz, Jeane
Kirkpatrick, Zbigniew Brzezinski et Otto
Reich, celui qui est derrière le plan
d’assassinat du candidat Henrique
Capriles afin d’en faire un «martyr»
pour déstabiliser le gouvernement du
Venezuela. Dès lors qu’on a vu comment a
été élaboré le plan de eDiplomacy (4e
partie) et ses desseins
déstabilisateurs, allons voir comment
cela s’est passé sur le terrain dans le
monde arabe, en Tunisie, en Egypte, en
Libye, au Yémen et ailleurs lors de ce
fameux «Printemps arabe». Dès que les
journalistes du Washington Post et du
New York Timesont montré que les
services américains ont joué un rôle
fondamental dans le «¨Printemps arabe»,
les principaux jeunes cyberdissidents
égyptiens ont été acculés à l’aveu.
Quelques jours après la «révolution», en
février 2011, le leader des
cyberdissidents égyptiens, Wael Gouneym,
avouait en larmes sur DreamTV : «Je veux
dire à toute mère et tout père qui ont
perdu un fils ou un être cher, que je
m’excuse, que ce n’est pas de notre
faute à nous, je le jure, ce n’est pas
de notre faute.» Wael Gouneym est
directeur marketing chez Google ! Plus
tard, l’autre icône du Web, Nadine Wahab,
dira la même chose : «L’objectif était
de faire tomber le régime. J’ai ressenti
une immense responsabilité, parfois de
la culpabilité, parce que je poussais
mes compatriotes à prendre des risques.»
(aveu dans Jeune Afrique du 3 juillet
2011). Des jours durant, elle a écrit à
des sénateurs du Congrès et aux
journalistes d’Al Jazeera qui
répercutent immédiatement ses infos.
Cette Américaine qui vit aux Etats-Unis
dit avoir attiré 500 000 membres dans sa
page Facebook. La majorité des
cyberdissidents égyptiens ont une double
nationalité et ont opéré hors d’Egypte.
Mohamed Adel, «célèbre» blogueur
égyptien un temps incarcéré pour délit
d'opinion, reconnaît avoir effectué un
stage auprès de cette organisation
durant l'été 2009. Avant eux les
«militants» serbes d’Otpor ont reconnu :
«Nous sommes contre les Etats-Unis, mais
nous ne pouvons leur résister, et ils
doivent faire leur boulot, alors, nous,
ça ne nous gêne pas trop d’être
partiellement contrôlés par la CIA.»
A. E. T.
(A suivre)
1.
http://iipdigital.usembassy.gov
Partie
4/18
Article publié sur
Le Soir d'Algérie
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