Opinion
Mali : ingérence humanitaire ou nouveau
Sahelistan ?
Arsenaux américains et mercenaires de
l'apocalypse (4e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Samedi 9 février
2013
Les arsenaux
illégalement détenus en Libye et au Mali
dépassent donc ceux de certains Etats de
la région, c’est ce qu’ont montré les
attaques du camp militaire et de l’unité
méhariste de Ménaka, ainsi que les
garnisons de Tessalit et d’Aguelhok les
17 et 18 janvier 2012.
Les arsenaux des «révolutionnaires»
libyens semblent avoir été créés
intentionnellement pour l’usage local
permanent et une distribution régionale
et internationale, également permanente.
Pourquoi les Occidentaux n’ont-ils pas
fait pression sur le Qatar pour
récupérer les armes à la fin du
«printemps libyen» ? L’ambassadeur
américain, Christopher Stevens, sera tué
à Benghazi, avec trois autres
fonctionnaires Etasuniens : dommage
collatéral côté américain de temps en
temps pour faire vrai… Apparemment,
cette mort va même servir à Hillary
Clinton, questionnée par le Congrès, de
se plaindre de la maigreur du budget de
sécurité des ambassades et des
représentations diplomatiques ! Après la
mort de Christopher Stevens, les armes
ont continué à voyager entre la Libye et
les autres pays d’Afrique, la Libye et
la Turquie, la Turquie et le Yémen… En
toute légalité, car ils passent dans les
ports de pays de l’OTAN (Turquie) et
disposent des documents douaniers
d’embarquement et de débarquement pour
arriver chez les terroristes, dont ceux
du groupe syrien An-Nousra, qui sera
enfin mis sur la liste des terroristes,
comme si le pays de la CIA pouvait être
le dernier informé ! Avec la bénédiction
de l’Amérique et des autres puissances
occidentales, la Libye et la Turquie
sont devenus des centres
d’approvisionnement du terrorisme en
Syrie, au Yémen, en Somalie, au Mali et
ailleurs, car le but aujourd’hui est de
transformer les routes du terrorisme en
véritables autoroutes. D’autant
qu’aujourd’hui, les payeurs sont le
Qatar et d’autres pays du Golfe. Bon
pour le complexe militaro-industriel !
Quel rôle a joué le pouvoir libyen dans
la crise malienne ? Il n’y a pas de
doute que le «partenariat» dont parle
Obama(1) est toujours de rigueur, plus
puissant que lors de la première guerre
d’Afghanistan. Erdogan, Hamad, le roi
Abdallah et maintenant des gouvernements
serviles des «printemps arabes»
participent à détruire la nation arabe
pour servir l’impérialisme américain. Au
Mali, des camps d’entraînement de
rebelles étaient signalés en hiver 2011
avec des formateurs français, selon
certains journaux maliens. Lorsque la
formation est terminée, la logistique à
point et que sur les portables le signal
est donné, ils passent à l’attaque, tous
ensemble, le même jour, comme cette
génération spontanée des «Printemps
arabes» est-il possible que des groupes
qui viennent d’être créés et qui sont
donc supposés ne pas se connaître
peuvent-ils agir de concert ? Comment
peuvent-ils avoir un pareil sens de
l’organisation, de la stratégie et de la
planification s’il n’y a pas un
coordinateur général, un chef
hiérarchique qui les chapeaute tous ?
Cet autre indice essentiel permet de
dire que leur création et leur action
obéissent à un plan qui les dépasse et
dont ils ne sont que les instruments.
Ainsi donc, le 17 janvier 2012, le MNLA,
Ansar Dine et Aqmi mènent conjointement
des attaques contre des casernes
maliennes et conquièrent les principales
villes du septentrion, dont Kidal, Gao
et Tombouctou. L’alliance contre-nature
des «séparatistes» et des
pseudo-islamistes n’a étonné personne
mais elle atteste que tous ces
mercenaires n’ont aucune conviction
religieuse ou politique réelle et qu’ils
opèrent dans une même logique pour un
même commanditaire, en fait qu’ils ne
sont que des pions dans un plan
étranger, tout comme la nébuleuse mère
Al-Qaïda, dont les patrons ne sont pas
dans des grottes mais dans des bureaux
de banques, d’agences de renseignements,
de bureaux de présidences ou de
chefferies de gouvernements.
La Françafrique au
service de l’Oncle Sam
Le président malien, ATT, dira alors au
sujet d’un attentat contre une caserne
perpétré par les rebelles du MNLA et
consorts : «Soixante-dix de nos jeunes
étaient alignés sur le sol. Les Noirs
avaient les poignets ligotés dans le
dos. Ils ont été abattus par des balles
tirées à bout portant dans la tête. Ceux
qui avaient la peau blanche, les Arabes
et les Touareg, ont été égorgés et
souvent éventrés. Je suis étonné par le
silence des organisations
internationales sur ces atrocités. Que
dit la Cour pénale internationale ?»
L’alliance MNLA, Ansar Dine, Aqmi et
Mujao fait 100 morts dans les rangs de
l’armée malienne en deux jours mais qui
se soucie de la mort de soldats maliens
? Silence radio de la France, des
Etats-Unis, de l’Angleterre mais lorsque
le territoire est bien occupé, que les
pions sont en place, la France se dit
préoccupée et veut s’ingérer… Après
l’occupation du Nord-Mali, à la demande
du président ATT, l’Algérie tente de
régler le problème de manière
diplomatique et, le 2 février 2012, des
discussions sont organisées à Alger
entre le gouvernement malien et les
représentants de l’ancien mouvement
rebelle touareg, l’ADC, un ancien
mouvement des Touareg dont faisaient
partie les chefs des nouveaux mouvements
fantoches usurpant l’un la cause touareg
et l’autre, l’Islam : Iyad Ag Ghali et
Mohamed Ag Najem. La situation empire au
Mali, alors certains militaires et
politiques veulent faire porter le
chapeau au président ATT, accusé de
laxisme. Evidemment, comme dans le
scénario arabe, un «printemps malien» a
lieu les 1er et 2 février 2012, dans la
ville de garnison de Kati, puis à Gao et
à Bamako pour protester contre la
«mauvaise conduite de la guerre» et le
manque de ressources des militaires.
Toujours légaliste, le président ATT
déclare le 24 février 2012 que les
élections présidentielles allaient avoir
lieu comme prévu le 10 juin 2012 : un
projet qui semble compromettre certains
plans… ATT avait commandé du matériel
militaire mais il restera bloqué dans
les ports d’Abidjan, de Conakry et de
Dakar. Comme un complot en marche dans
diverses capitales… La cargaison
comprenait 140 blindés et semi-blindés,
50 lanceurs d’obus, des véhicules de
transport de troupes, des Kalachnikov,
des munitions, et aurait permis
l’éradication des mercenaires… Il y
avait aussi des avions Soukoï russes,
comme tout le reste du matériel, en
attente dans certains ports européens.
Alors un coup d’Etat a lieu, comme à la
veille de maintes interventions
coloniales françaises. Le coup d’Eat a
été fomenté par une junte militaire
conduite par le capitaine Haya Sanogo et
pompeusement appelée Comité national
pour le redressement de la démocratie et
la restauration de l’Etat : beaucoup de
Maliens y ont vu la main de la France.
Si on a la fibre un tant soit peu
nationaliste, fait-on un coup d’Etat en
pleine tempête ? Fait-on un putsch alors
que le président sortant est à seulement
deux mois et a dit sur RFI qu’il n’avait
pas l’intention de se représenter ? Ne
peut-on pas déduire que le putsch a eu
lieu afin que l’Etat ne puisse pas se
défendre ? D’ailleurs, selon l’écrivain
William Engdahl, le capitaine putschiste
Sanogo a comme par hasard suivi une
formation dans le cadre du programme
américain, le Trans Sahel Conter
Terrorism Partnership qui dépend de l’Africom
et qui forme des éléments des armées de
sept pays sahariens, un projet
impérialiste dont nous parlerons plus
loin. Pour William Engdahl, ce putsch
«porte la marque du commandement
américain en Afrique, Africom et une
tentative de militariser toute la région
et ses ressources naturelles. » La main
de la France y est aussi, en tant que
sous-traitant. La CIA considère le Mali
comme une tête de pont stratégique, et
le plus facile à occuper. Son jeu
sournois consiste à donner des rôles de
partenaire junior et de supplétifs à ses
subordonnés (France, Qatar), elle jouant
présentement un rôle plus discret en
arrière-plan. Devenue le monte-charge de
l’Africom, la Françafrique s’occupe
aussi des besognes militaires de
sauvetage pour redorer un blason
d’ancien colonisateur sur le dos d’un
«Islam intolérant». L'objectif américain
est la mainmise sur les ressources de
l’Afrique, de ce Sahel et cette région
MENA qui représentent des ressources
immenses quasiment inexploitées : or,
manganèse, cuivre et autres minerais
rares. Cela passe aussi par une
balkanisation de la région en utilisant
un vieux projet de De Gaulle datant de
1957 pour le Grand Sahara, comme une
adaptation hollywoodienne d’un mauvais
scénario français. Tout concorde, car
les Etats-Unis et les Français ont un
même objectif, en dépit des
particularismes d’intérêts. La trahison
des élites et la compromission de
certains leaders, c’est sur quoi
comptent les impérialistes. L’Algérie
fait malheureusement partie de ce Plan
Sahel. Les impérialistes n’auront pas à
se salir les mains, les mains sales des
régimes se chargeront de tout. Le putsch
fragilisera davantage le Mali,
occasionnant le chaos dans l’armée et
autorisant l’occupation de toute sa zone
septentrionale. Evidemment, «soucieux de
la légalité», la France et les
Etats-Unis condamnent fermement le coup
d’Etat : qu’aurait-on pensé s’ils ne
l’avaient fait ? À la suite du putsch,
les autorités financières mondiales
décident de suspendre leurs aides au
Mali : cela aura des conséquences
directes sur l’armée, et facilitera la
pénétration terroriste. Mireille Fanon-
Mendes-France, fille de Frantz Fanon et
experte aux Nations unies, écrit que
«cet "embargo" financier a été renforcé
par un "embargo" politique.
L’Organisation internationale de la
Francophonie a suspendu le Mali dès le
30 mars ; l’Union africaine dès le 23
mars et la Cédéao dès le 27 mars. Il
aura fallu la quasi-certitude d’une
intervention militaire pour que
certaines instances reviennent sur leur
décision de bannir le Mali de leur
communauté internationale.» Comme un air
de préméditation sur tous les plans…
La partition d’un
pays en un temps record
Des villes tombent
les unes après les autres : Kidal,
Tessalit, Tinzawaten, Hombori. Des
milliers de Maliens fuient vers le
Niger, le Burkina Faso, l’Algérie et la
Mauritanie. Le MNLA ne commencera à
accepter les appels du dialogue d’Alger
que lorsqu’il aura renforcé ses bases,
conjointement avec Ansar Dine et Aqmi.
Début avril, tout le nord du Mali est
entre les mains des différentes factions
mercenaires. Vers les 5 et 6 avril 2012,
le MNLA déclare unilatéralement
l’indépendance de l’Azawad : jamais
cession d’un pays n’aura été aussi
facile. D’un coup, le MNLA prend 850 km2
alors que «l’Azawad» ne fait que 350
km2, si tant est qu’il ait la légitimité
sur une seule parcelle d’un pays membre
de l’ONU. Evidemment, on a tout fait
pour que le MNLA soit le plus faible,
car les factions dites djihadistes ont
recruté à tour de bras avec l’argent
qatari. Le MNLA a un bureau à Paris, don
de l’Elysée à ses pions. Un autre
chapitre du terrorisme peut alors
commencer, tel que prescrit par un
scénariste quelque part dans une même
officine de généraux. On y voit des
scènes similaires à celles de
l’Afghanistan, des coups de fouets, des
mains coupées, etc. Le 13 mars 2012, le
chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghali, envoie
une vidéo proclamant qu’il se bat pour
l’imposition de la charia, credo qui
permet de rameuter des mercenaires dans
le cadre de l’alliance transnationale du
terrorisme. L’argent qatari et les
agents du terrorisme international
disséminé dans le monde se positionnent.
Sur le terrain, les «djihadistes» se
filment en train de détruire des
monuments classés par l’Unesco : les
chaînes mondiales, CNN, France 24 et
Euronews les passent en boucle. Un peu
comme ces bouddhas détruits par les
gentils talibans aidés par les
Etats-Unis à coups de millions de
dollars/an et qui, subitement devenus
fous, se mettent à détruire un
«patrimoine précieux». Dix années
durant, ils avaient tué et pillé tout en
étant soutenus mais lorsqu’il fallait en
faire des méchants loups pour les
médias, la caméra est braquée sur des
sites-phares, qui suscitent la
«consternation internationale». L’image
choc : plus parlante pour l’Occident que
celle des femmes enfermées et empêchées
d’étudier. La destruction des bouddhas a
eu lieu quelques jours seulement avant
le 11 septembre 2011… Le WTC… Cela
permettra aux Etats-Unis de se rappeler
que les talibans afghans – financés par
la CIA et les Saoudiens – hébergeaient
un certain Ben Laden, lui aussi
brusquement devenu méchant… Ceux qui ont
mis la Mali à genoux pleurent maintenant
pour les mausolées islamiques de
Tombouctou. Ayant joué le rôle de cheval
de Troie, le MNLA peut être recalé au
rôle de figurant.
A. E. T.
(A suivre)
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3e partie
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Publié sur
Le Soir d'Algérie
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