Reportage
Le printemps arabe
: une révolution contestée
L'internet pour recruter des collabos et
des traîtres (4e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Mercredi 8 mai 2013
Depuis une dizaine
d’années, le Département d’Etat
américain s’appuie ouvertement sur le
web et les réseaux sociaux pour
contribuer à ses stratégies
géopolitiques mondiales. A cet effet, il
a bâti des partenariats étroits avec les
groupes de l’internet, tout
particulièrement Google, Twitter et
Facebook.
Pour l’Iran, les
Etats-Unis ont adopté en juillet 2009 le
VOICE (Victims of Iranian Censorship Act)
qui a attribué 30 millions de dollars au
Broadcasting Board of Governors en 2009
pour aider à la diffusion d’émissions en
persan vers l’Iran par Radio Free
Europe, Radio Liberty’s, Radio Farda et
The Voice of America’s Persian News
Network, et 20 millions de dollars pour
«l’éducation électronique et les médias
afin d’aider les cyberdissidents
iraniens à contourner la censure de
l’internet», selon Claude Revel. La
manipulation de l’opinion par la
Maison-Blanche, le Département d’Etat et
le ministère de la Défense ne date pas
d’hier. Déjà en 2002, le New York
Times(20 février 2002) révélait que le
Pentagone avait créé un projet de
manipulation des esprits faramineux.
Obéissant à des consignes de M. Rumsfeld,
le Pentagone avait créé secrètement un
Office de l’influence stratégique (OIS)
ayant pour mission de diffuser de
fausses informations «servant la cause
des Etats- Unis». Placé sous la
direction d’un général de l’armée de
l’air, Simon Worden, l’OIS était
autorisé à pratiquer la désinformation,
en particulier à l’égard des médias
étrangers. Le New York Times révélait
que l’OIS avait passé un contrat de 100
000 dollars par mois avec un cabinet de
communication, Rendon Group,
précédemment employé dans la préparation
de la guerre du Golfe (1990) et qui
avait mis au point la fausse déclaration
de la fille de l’ambassadeur koweïtien
se faisant passer pour une infirmière et
affirmant avoir vu les soldats irakiens
tuer des bébés en les jetant par terre.
Devant le programme d’Hillary Clinton,
celui de Rumsfeld passe pour de
l’amateurisme. Cependant, Hillary
Clinton n’inventera rien, car, dès 1980,
Ronald Reagan a élaboré une doctrine du
même nom qui a remis au jour la
diplomatie belliciste, et c’est dans
cette doctrine qu’ont puisé tous les
présidents depuis, démocrates ou
républicains soient-ils. Reagan, ce
n’est pas uniquement le conflit en
Afghanistan pour embourber l’URSS, c’est
aussi l’ingérence et une foule de
guerres dites de basse intensité en
Angola, au Cambodge, en Ethiopie, en
Iran, au Laos, en Libye, au Nicaragua et
au Vietnam. A la politique étrangère du
containment ou endiguement, employée
après la guerre mondiale par Washington
en direction de l’URSS afin de contenir
son expansion sans la défier pour ne pas
mener à une escalade vers le conflit
nucléaire, Reagan met en œuvre une
stratégie du rollback ou refoulement qui
engagera les Etats-Unis dans une
opposition ouverte à l'égard des
gouvernements soutenus par les
Soviétiques, notamment par le soutien de
factions rebelles et en créant des
mercenaires pour déstabiliser les pays
ciblés. Canvas (1re partie) est donc un
centre fondamental pour faire du lavage
de cerveaux et de recrutement des
collaborateurs pour la CIA et le
Département d’Etat, qui ont engrangé une
foultitude d’ONG et d’institutions de
débauche de jeunes et de traîtres à
travers le monde. Robert Helvey, le
formateur de Canvas, qui travaille pour
la fondation américaine Albert Einstein,
proche de la CIA, dit, dans une récente
interview, que sa mission est d’être le
catalyseur pour déclencher des
mouvements «non violents» et leur donner
les moyens de réussir à faire chuter
leurs régimes. En somme, il est le
cerveau des émeutes à travers le monde,
mais sans avouer recevoir les
instructions de la Maison-Blanche, ce
que nul n’ignore. Canvas rend même
public le modus operandi utilisé pour
aider leurs collabos à «dégager» des
gouvernements «tyranniques» ou «non
démocratiques». Le mode d’emploi des
«révolutions» est simple : d’abord il
s’agit de créer une «situation de
crise», puis de passer à la «mission de
l’évaluation », ensuite à celle du
«concept opérationnel». Cette méthode ne
se fait pas sans «l’unification de
l’opposition», avoue un responsable de
Canvas qui ne dit pas que cette phase
est réservée à des officiers du
renseignement et des diplomates
américains de haut rang qui sortent leur
carnet de collaborateurs parmi les
ministres et les personnalités du pays
ciblé pour préparer le coup d’Etat
camouflé en «révolution».
Agents
programmés, «révolutions» commanditées
C’est en novembre
2008 que l’élaboration du programme de
la cyber-dissidence et de la
déstabilisation par les moyens des TIC a
commencé : le Département d’Etat a
d’abord annoncé la tenue d’un sommet
appelé l’Alliance for Youth Movement
(AYM, Alliance des mouvements des
jeunes), qui s’est tenu le mois suivant
à New York. Ce sommet avait clairement
pour objectif de faire se rencontrer 17
organisations ou plutôt groupes
d’individus qui voulaient en découdre
avec les «régimes» de leurs pays
respectifs, en présence de représentants
d’entreprises qui étaient aussi des
sponsors de l’événement : Facebook, MTV,
Howcast, Youtube, Google, NBC, ABC, CBS,
CNN, MSNBC, AT&T... Le sommet était
plutôt un stage de formation car son
ordre du jour comprenait les points
suivants : comment surfer anonymement
sur le web ? Comment agir sur Facebook
en toute sécurité ? Comment bloguer pour
le changement pour les débutants ? Outre
le Département d’Etat, ce sommet
réunissait des membres du Council on
Foreign Relations, ceux de l’ancien
National Security, des conseillers du
Department of Homeland Security et une
myriade de représentants de corporations
américaines et d’organisations de mass
médias. Parmi les étrangers ayant
participé à ce sommet de New York, il y
avait le Mouvement du 6 avril composé
des célèbres bloggeurs qui feront la
révolution de la Place Tahrir et qui
soutiendront Mohamed El Baradei qu’ils
ont accueilli à l’aéroport du Caire en
février 2010 et qui ont réussi à
«dégager» Moubarak. Ils ne savaient pas
que la Maison-Blanche avait d’autres
traîtres qui soutenaient d’autres
traîtres, islamistes ceux-là, et qui
allaient remporter la mise au pays des
Pharaons. En 2008, les Américains ont
ouvert, au sein même de leur ambassade
de Tunis, un bureau pour recevoir les
représentants tunisiens de la «société
civile», et ce, en contradiction avec la
règle diplomatique qui n’autorise pas
l’entretien de liens directs et publics
avec la population du pays d’accueil. La
confiance de Ben Ali en ses «amis»
américains l’a trahi. La Maison-Blanche
sait que sur cette planète il y a
suffisamment de traîtres et d’écervelés
qui croient au mythe de l’Amérique qui
prône la démocratie, la liberté et la
dignité des peuples et autres slogans
ressassés par le criminel George Bush
avant de lancer ses guerres contre
l’Afghanistan et l’Irak qui ont fait
plus d’un million de morts dans la
première et deux millions dans la
seconde. Le second congrès, auquel a
assisté Hillary Clinton, s’est tenu à
Mexico en octobre 2009 et a réuni
beaucoup de cyberdissidents arabes y
compris des Tunisiens. Expérimentée à
Cuba, au Vietnam et dans plusieurs pays
d’Amérique latine, la technique des
guerres secrètes et des guerres
indirectes sera donc affinée par Hillary
Clinton qui y a apporté le contenu
numérique et des TIC en faisant
notamment appel à deux génies de
l’informatique et de la manipulation des
foules, Jared Cohen et Alec Ross
(respectivement 27 et 39 ans) pour mener
des hordes de jeunes et de vieux arabes
écervelés à la destruction de leurs
pays, les uns croyant que l’Amérique est
le bon Samaritain de la démocratie et
les autres se croyant maîtres d’une
«révolution» où ils n’étaient que des
pantins. Membre fondateurs de l’Alliance
des mouvements des jeunes, qui deviendra
Movements.org, Jared Cohen est un ancien
conseiller de Condoleezza Rice et
d’Hillary Clinton et actuel directeur de
Google Ideas. Movements.org affiche
clairement sa mission : a) Identifier
des cyber-activistes à travers le monde
; b) les mettre en contact entre eux,
avec des «experts et des membres de la
société civile» ; c) les soutenir en les
formant, en les conseillant et en leur
procurant une plateforme pour initier
les contacts et les développer dans le
temps !
«Diplomatie
électronique», ingérence Facebook
Quant à Alec Ross,
Jared Cohen a d’abord fait la campagne
du candidat Barack Obama sur les réseaux
sociaux pendant ses premières
présidentielles avant d’être récupéré
par Hillary Clinton pour qui il
concoctera le programme appelé
«Initiative société civile 2.0» qu’elle
fera exécuter par des félons, des
traîtres et des collaborateurs du monde
entier. Pour désigner cette guerre
indirecte par le biais des traîtres
outillés avec des TIC, Alec Ross
utilisera l’euphémisme de «diplomatie
électronique» (eDiplomacy) au lieu de
dire déstabilisation pure et simple.
L’initiative Société civile 2.0 organise
des stages pratiques de deux jours
(appelés TechCamps) où des agents de la
CIA et des experts dans les technologies
des réseaux sociaux et de la téléphonie
mobile donnent des cours à des
cyberdissidents du monde entier : ils
apprendront les dernières technologies
de connexion et de navigation sur
Internet, à construire des sites web,
développer des applications mobiles, ou
à réunir des fonds et chercher de
nouveaux «volontaires» en ligne. Le
programme Société civile 2.0 se veut
«une initiative visant à aider les
organisations de la société non
gouvernementales (ONG) et civile en
utilisant de nouveaux outils et les
technologies numériques pour augmenter
la portée et l'impact de leur travail».
Sur son site web (IIP Digital), le
Département d’Etat a écrit ceci en 2011
: «Nous avons organisé quatre TechCamps
au Chili, en Indonésie, en Moldavie et
en Uruguay où nous avons formé quelque
250 organisations de la société civile
de plus de 35 pays sur des questions
allant de la réponse aux catastrophes à
la transparence gouvernementale. Avec
plus de TechCamps prévus, notre
communauté TechCamp se développe en un
réseau mondial positionné pour
encourager et soutenir les individus et
les organisations qui travaillent pour
améliorer leurs sociétés» ! A la date de
février 2011, 5 000 cyberdissidents
avaient été formés dans les TechCamps.
Dissémination à grande échelle de harkis
dernière génération à travers le monde…
Dans son département de eDiplomacy, Alec
Ross dispose de 155 employés sous ses
ordres au Département d’Etat ! C’est lui
qui a mis au point des technologies de
pointe au service de milliers de
traîtres et d’espions, notamment un
«bouton panique» qui permet d’effacer
complètement toutes les données et
informations de contact de l’ordinateur
ou portable, tout en les stockant dans
le cloud chez l’hébergeur où la police
ne peut pas accéder. Le «projet
commotion», une autre innovation de
Ross, est une valise d’Internet donnant
à l'utilisateur la possibilité de mettre
en place un réseau ad hoc sans avoir
besoin d'une infrastructure existante.
A. E. T.
(A suivre)
Partie
3/18
Article publié sur
Le Soir d'Algérie
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