Opinion
Mali : ingérence humanitaire ou nouveau
Sahelistan ?
Quatre mouvements fantoches et un
manipulateur (3e partie)
Ali El
Hadj Tahar
Jeudi 7 février
2013
Le Mouvement national
de libération de l'Azawad (MNLA) est
créé le 16 octobre 2011, avec comme
objectif la création d’un Etat
indépendant dans la région nord du Mali
! Comme par hasard, le 26 août 2011,
l’ancien et véritable leader du
mouvement dit de l’Azawad, Ibrahim Ag
Bahanga, est tué dans un mystérieux
accident de voiture dans le désert…
Cette mort permettra l’usurpation de la
«cause Azawad» par les valets de la
France et du Qatar. Ibrahim Ag Bahanga
était l’un des trois leaders du
mouvement de l'Alliance démocratique du
23 mai pour le changement (ADC) créé en
mai 2006, aux côtés de Hassan Fagaga (un
ex-officier de l’armée libyenne) et Iyad
Ag Ghali. Le premier ex-secrétaire
général du MNLA, Mohamed Ag Najem, n’est
autre que le neveu d’Iyad Ag Ghali.
En 1990, il rejoint la rébellion du
Mouvement populaire de libération de
l'Azawad (MPLA) créé par son oncle en
1988. Après les accords avec l’Etat
malien en 1992, il dépose les armes et
retourne en Libye où il obtient le grade
de colonel. Il déserte en 2011, avant la
chute de Kadhafi et revient au Mali où
il fonde le MNLA à l’instigation de
l’Otan et de la France, selon des
officiers maliens. Nous donnerons plus
loin des indices de cette manipulation.
Grâce à la France, le MNLA avait de gros
moyens, et les agents qui ont entraîné
ses éléments sont Français, dont deux
sont actuellement des otages d’Aqmi. Le
chef d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghali, est
l’oncle du fondateur du MNLA, lui aussi
dissident de l’ADC. Lyad Ag Ghali créé
Ansar Dine en 2010… Cet ancien «bon
vivant» a un long parcours de baroudeur
et de trafiquant derrière lui. Après
maints attentats commis par le MPLA,
qu’il avait créé auparavant, il signera
les accords de 1992 avant de créer un
autre mouvement, le MPA, qu’il dissout
en 1996. En mai 2006, il fonde le
mouvement de l'Alliance démocratique du
23 mai pour le changement (ADC) aux
côtés de Hassan Fagaga (un ex-officier
de l’armée libyenne) et d’Ibrahim Ag
Bahanga (cité plus haut). En 2006, l’ADC
signe les accords d'Alger : Iyad Ag
Ghali est alors nommé en qualité de
conseiller consulaire du Mali à Djeddah.
Le bon vivant, habitués aux bars du
désert, se retrouve à fréquenter des
barbus : suspecté d’activités avec des
extrémistes, il est déclaré persona non
grata par les Saoudiens, alors il se
retrouve à Paris à fréquenter les
mosquées. Bizarrement, à la veille de la
«révolution» libyenne, il revient au
Mali en 2010 où il crée Ansar Dine aux
côtés d’une poignée d’anciennes recrues
pseudo-indépendantistes qui, comme lui,
passeront sans transition des
revendications pseudo-ethniques à des
revendications «djihadistes». En fait,
il s’agissait d’une dizaine de Touareg
de la fraction des Irayakane qui passent
de la «cause azawad» à un autre fonds de
commerce, celui de l’Islam. Les membres
de l’ADC, quant à eux, ne suivront ni
Ansar Dine ni le MNLA : ils savent qu’un
même manipulateur occidental est
derrière ces nouveaux sigles sortis de
nulle part. Ansar Dine comptait
«seulement 14 Touareg, pas un de plus»,
avait dit, ironique, un responsable du
MNLA, qui lui disposait de plusieurs
véhicules apparemment achetés avec
l’argent français alors qu’Ansar Dine
n’avait rien. Mais les dollars de l’émir
Hamad finiront par arriver dans les 4x4
du Croissant-Rouge qatari, et Iyad Ag
Ghaly pourra prendre sa revanche sur son
petit neveu Bilal Ag Acherif qui a osé
le narguer. Il pourra enfin avoir ses
jolis véhicules, des tenues kaki, des
gants, les plus jolis de tous,
probablement sortis de chez le même
grand-couturier qui fabrique les coûteux
treillis des soldats qataris. Mais tout
«islamiste» qu’il est, il suivra son
«laïc» de neveu ; il suivra la meute
quand elle partira à l’assaut du
Nord-Mali, il fera partie de cette
multinationale terroriste patronnée par
la France et Qatar, avec des Etats-Unis
qui ne donnent pas l’impression
d’exister. Une fois au Nord-Mali, Ansar
Dine pourra recruter des centaines de
djihadistes maliens et africains et même
des enfants pour pallier le manque de
combattants autochtones, car les Touareg
ont de la dignité et ne servent pas
d’appât aux anciens colonialistes. Le
groupe de mercenaires nigérian, Boko
Haram, sera aussi appelé au festin pour
attaquer des casernes et occuper le Mali
dont l’armée est sans ressources, avec
des fusils sans balles, car la misère a
touché même le déjà malingre budget de
la défense.
Mouvements
fantoches et manipulateurs de l’ombre
Le Mouvement pour l'unicité et le jihad
en Afrique de l'Ouest (Mujao) est
également né avec les «printemps arabes»
(fin 2011) : il s’attaque d’abord aux
intérêts et aux citoyens algériens et
sahraouis, apparemment afin de perturber
les relations algéro-marocaines.
Narcotrafiquant comme tous les groupes
de brigands mercenaires, il brandit la
charia comme fonds de commerce. Tous ces
groupes s’inscrivent dans un scénario
identique à celui écrit par Zbigniew
Brzezinski pour Jimmy Carter afin de
précipiter l’ex-URSS dans le piège
afghan : une guerre d’usure, un
bourbier, qui a eu raison de l’économie
russe, causé la chute du communisme et
détruit l’Afghanistan et son voisin
pakistanais. L’analyste français
indépendant, David S. J. Borrelli, écrit
: «Pendant ce temps, le Qatar & la
France (à l’œuvre en coulisses) passent
la vitesse supérieure, et le nom du MNLA
a commencé à se faire plus gênant, la
France lui apporte tout le soutien
nécessaire à l'élaboration d'un
miniprojet politique préfigurant la
scission du Mali, en mettant notamment à
sa disposition de nombreux conseillers
ainsi qu'un bureau à Paris. Pendant ce
temps, le Qatar s'occupe de la formation
d'Ansar Dine, dont le nom est cité pour
la première fois en décembre 2011,
regroupant des djihadistes du Mujao, d'Aqmi
et des islamistes du FIIA au sein même
et sous couvert de l’entité
nationaliste-indépendantiste MNLA,
complétant leur rangs par l'envoi de ‘‘takfiristes’’
des quatre coins du monde et de leur
armement.»(1) David S. J. Borrelli
laisse supposer que les groupes
séparatistes et islamistes bénéficiaient
de complicité au sein de l’armée :
«Certains ordres se sont perdus,
laissant croître et œuvrer
tranquillement les bandes de fanatiques
de ce qui deviendra Ansar Dine et le
MNLA ; ce dernier n’étant qu’un cheval
de Troie dans lequel a pris place le
premier.» Car depuis que les Américains
ont commencé à former des soldats
maliens dans le cadre d’un plan d’Africom,
des traîtres sont apparus... Pour cet
auteur, Ansar Dine ne serait donc qu’un
faux nom, un libellé factice pour des
groupes déjà existant, et ce, afin de
leurrer l’assistance pour faire croire
qu’il s’agit d’autres factions, alors
qu’elles sont sponsorisées par les mêmes
commanditaires. Il semble qu’il ait
raison, car les noms n’ont de sens que
pour des entités ayant un sens de
l’honneur comme la mafia, pas pour des
mercenaires qui n’agissent pas pour leur
propre compte ni pour des principes,
aussi bas soient-ils. En Syrie, il y a
plus d’une vingtaine de sigles
«islamistes» qui opèrent, dont le fameux
An-Nousra. L’enregistrement téléphonique
du député libanais Okab Sakr avec un
mercenaire en Syrie, le suppliant
d’envoyer des armes en urgence pour
faire face à l’armée syrienne, atteste
que ces «islamistes» ne sont que des
mercenaires qui opèrent dans le cadre
d’un réseau transnational qui inclue des
personnalités de haut rang, traîtres à
la nation musulmane, et même quelques
chefs d’Etat (dont ceux d’Arabie
Saoudite, de Turquie et du Qatar sont
ouvertement impliqués) et dont les
Etats-Unis sont les principaux
manipulateurs. Pour créer cette
situation, le MNLA et le mythe d’une
rébellion de «l’Azawad» – lui-même basé
sur un mythe territorial – ont été
utilisés comme cheval de Troie pour
grossir la nébuleuse terroriste,
justifiant ainsi une lutte pour
sécuriser au profit de l’Occident un
immense corridor qui va de l’Atlantique
à la Méditerranée et la mer Rouge et qui
fait l’objet de toutes les convoitises.
Certains éléments dits de l’Azawad
utilisent les faux prétextes
d’injustices, de marginalisation et
d’exclusion pour mener une énième
fronde, en dépit des postes ministériels
qu’ils ont occupés et des accords qu’ils
ont signés. L’accord d’Alger de 2006 a
donné de l’espoir d’une stabilité
d’autant qu’après chaque rébellion, le
gouvernement malien s’engageait à la
décentralisation et à un programme de
développement du Nord, en y consacrant
parfois jusqu’à 48% de son budget. En
2006, certains rebelles et opposants ont
été intégrés au sein des structures de
l’Etat malien, qui fait l’objet avec le
Niger de rebellions dites «touareg».
Parmi les nombreux bénéficiaires des
largesses de l’Etat malien figurent
l’actuel chef d’Ansar Dine et deux
membres du MNLA qui étaient ministres
dans le précédent gouvernement qui
comptait trois ministres touareg, alors
que cette ethnie ne représente pas plus
de 200 000 personnes sur une population
de 15 millions d’âmes. Depuis, le Mali a
aussi enrôlé plus de 3 000 rebelles dans
l’armée, en plus de la nomination de
milliers d’hommes bleus dans les
administrations.
Les Touareg, peuple
fier et nationaliste
Les Touareg sont
essentiellement des nomades du
Nord-Mali, une région qui compte aussi
des Maures, des Peulhs, des Sonrhaïs et
des Kountas. Le MNLA ose revendiquer les
2/3 du territoire alors qu’il ne
représente même pas les Touareg et même
pas la fratrie à laquelle il appartient.
Aucun chef traditionnel, aucun amenokal
n’a rejoint ce mouvement ou ses
prédécesseurs, le peuple touareg étant
de tradition pacifique. André Bourgeot,
chercheur au CNRS français, dit dans une
vidéo : «La notion d’Azawad est une
construction politique. Sur le plan
historique, il n’y a eu ni royaume de
l’Azawad, ni empire de l’Azawad, ni
chefferie de l’Azawad, donc, il s’agit
bien d’une construction politique qui
est animée par un groupe, je dis bien un
groupe, touareg ultra-minoritaire.»
Quant à Y. Togora, membre fondateur du
Collectif pour la paix et le
développement du Mali, il écrit qu’il
existe «à Tombouctou un endroit appelé
Azawad, mais qui n'est connu que de
quelques autochtones. C'est une bande de
terre désertique, située au nord-est de
Tombouctou et au sud d'Arawane. Sa
superficie ne dépasse guère les 350 km2.
C'est la seule Azawad reconnue par la
mémoire collective et peut-être les
Archives nationales». Aucune
encyclopédie ancienne ne mentionne ce
nom qui fait florès dans les années
1980, avec les politiques Françafrique
de Mitterrand et de Chirac. On a souvent
accusé, à raison, Kadhafi d’avoir
fomenté ces mouvements «séparatistes».
Le «guide» libyen manipulait quelques
groupes pour faire pression sur le
gouvernement malien et nigérien pour les
faire sortir de la tutelle française et
celle de la zone Franc et les amener à
son camp. Il faut rappeler qu’il faisait
l’objet de complots beaucoup plus graves
de la part de la France, notamment à
travers son voisin tchadien, lorsque
Hissène Habré était au pouvoir. Il y a
des Touareg en Libye, et si l’on peut
manipuler quelques brebis galeuses, nul
ne peut manipuler les Touareg dans leur
totalité, car ils sont attachés à leurs
pays respectifs, l’Algérie, la Libye, le
Niger, le Mali et le Burkina Faso. Il
faut être fou pour croire que Kadhafi
voulait créer un Etat touareg et perdre
le désert qui lui donne du pétrole. Il a
utilisé la carte touareg pour faire
pression sur ses voisins et finira par
réussir à les fédérer, en offrant des
centaines de milliers d’emplois à leurs
ressortissants. Mais le «printemps
arabe» aura raison de son projet
panafricain. Comme toutes les
communautés africaines, les Touareg
comprennent des gens modérés et de
modernistes mais aussi de quelques
trublions séparatistes et d’islamistes,
bien que leur majorité se conforme à
l’Islam ancestral et se montre très
réservée vis-à-vis de l'extrémisme,
préférant les solidarités interethniques
et claniques qui garantissent la vie
dans le désert. Depuis que Kadhafi a
obtenu un soutien des chefs d’Etats de
la région de se rallier à sa politique
africaine et de se débarrasser des bases
françaises, les rebellions touareg
instrumentalisées se sont tues. Puis le
«printemps arabe» est subitement venu
créer une génération spontanée de
formations maliennes. Depuis que la
Libyafrique a sérieusement menacé la
Françafrique, les problèmes malien et
libyen ont commencé. Le MNLA fait sa
déclaration d’indépendance sur la chaîne
d’Al Jazeera, la télé du manipulateur
d’une simple marionnette. En
ressuscitant les vieux démons
séparatistes, l’Occident a créé une
situation de chaos. Les velléités d’une
«République de l’Azawad» ne sont pas
sérieuses car elles ne sont articulées
sur aucune donnée sociologique, mais une
partition n’a pas besoin de cela, comme
vient de le montrer la division du
Soudan. Il suffit que l’impérialisme le
veuille et que la victime ne prenne
garde.
A. E. T.
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Publié sur
Le Soir d'Algérie
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