La Voix de la Russie
Une enquête
hasardeuse
Alexeï Makarov
Photo: EPA
Lundi 26 novembre
2012 Ce mardi 27 novembre à la
demande de l’Autorité Palestinienne
des délégations russes, françaises
et suisses procéderont en
collaboration avec des experts
palestiniens à l’exhumation du corps
de l’ancien président palestinien
Yasser Arafat.
Cette décision a été
prise suite à la diffusion d’un
documentaire d’Al-Jazira.
La chaine qatarie a mené sa propre
enquête, qui a révélé la présence
d’une substance radioactive sur les
effets personnels de l’ancien
président et par conséquent a donné
du crédit la thèse de l’assassinat
de Yasser Arafat. Cette expertise
tombe au moment où, les relations
avec Israël sont extrêmement tendues
avec une recrudescence du conflit
dans la bande de Gaza. Et c’est bien
sûr l’Etat Hébreux qui deviendrait
le suspect numéro un dans le cas ou
cette expertise révélerait un
probable empoisonnement du leader
palestinien. Pour savoir quel rôle
vont jouer les différents partis
impliqués et pour comprendre quelles
analyses vont être faites, nous
avons contacté Darcy Christen porte
parole du Centre Hospitalier
Universitaire Vaudois (CHUV) dont
les experts sont chargés d’analyser
la dépouille de l’ancien président
palestinien.
Pourquoi l’autorité Palestinienne a
choisi le CHUV pour faire ces
analyses ?
Parce que nous
avions procédé aux premières
analyses, celle qui avaient été
faites sur les effets personnels du
Président Arafat, qui nous avaient
été remises au début de cette année.
A cette occasion nous avons trouvé
une quantité anormalement élevée de
Polonium 210 et à l’époque on avait
dit que pour en savoir plus il
faudrait avoir accès à la dépouille
du président Arafat. Donc l’Autorité
Palestinienne a décidé de procéder à
l’exhumation et puis a souhaité que
nous travaillions comme experts pour
eux, tant au plan de ce qui est
médecine légale, que des analyses
radio-physiques.
En
ce qui concerne le Polonium, c’est
la même méthode qui a été utilisée
pour Alexandre Litvinenko qui a été
assassiné en Angleterre.
Oui Alexandre Litvinenko. Je ne suis
pas un spécialiste du cas Litvinenko.
Ce que je sais, c’est que la
substance que nous avons trouvée sur
les effets personnels, ce Polonium
210 là n’est pas d’origine
naturelle, comme on peut en trouver
dans la nature, mais d’origine
artificielle. Je précise tout de
suite une chose, nous on a jamais
dit qu’il y a eu empoisonnement on
ne fait pas cette relation de cause
à effet. On a simplement trouvé une
substance sur des vêtements et la
question qui se pose aujourd’hui
c’est: est ce que, éventuellement du
Polonium a pu être ingurgité ? Et ça
seul l’exhumation, l’analyse de la
dépouille peut nous l’indiquer.
Oui
mais l’expertise elle-même, on
attend quoi d’elle ? Est-ce qu’elle
va dire à 100 % si Yasser Arafat a
été empoisonné ou non ? Est-ce que
c’est possible ?
Elle ne pourra pas dire s'il a été
empoisonné, elle pourra simplement
dire qu’il est possible qu’à un
moment donné une substance
radioactive comme le Polonium ait pu
être ingurgitée par le président.
Mais là, franchement nous ne sommes
pas à ce stade là. Nous ce qu’on
souhaite simplement, c’est que ces
analyses nous permettent de voir si
la substance que l’on a trouvée
correspondrait éventuellement à
celle qui pourrait se retrouver sur
la dépouille. C’est un processus
scientifique, tout ce qui
concernerait l’empoisonnement est du
ressort d’un processus judiciaire
auquel nous ne participons pas. Mais
comme vous le savez Madame Arafat a
déposé plainte en France, la justice
en France est saisie et c’est
certainement un volet du dossier que
la justice française va regarder.
Mais pourquoi la justice française
je ne comprends pas. Parce que les
seuls participants à cette
exhumation, c’est une délégation
française avec des juges, vous-mêmes
pour les analyses et une délégation
russe, ça fait un mélange assez
étrange de participants dans cette
affaire ?
Pour simplifier un peu la vision des
choses, on est là quand même chez
les Palestiniens, ce sont les
Palestiniens qui sont dans le siège
du pilote, c’est leur leader
historique, c’est leur mausolée. A
cela s’ajoute une commission
rogatoire de la justice française,
qui a été transmise à l’Autorité
Palestinienne suite au dépôt de
plainte de Madame Arafat, donc les
Français aussi ont décidé d’envoyer
des experts. Les Palestiniens ont
dit d’accord, nous aussi nous avons
nos propres experts, ce sont les
experts suisses. Et plus récemment
l’Autorité Palestinienne a décidé
d’adjoindre des experts russes, ce
qui nous semble très logique. Car
plus il y a d’experts, plus on a de
garanties d’objectivité
scientifique, donc pour nous c’est
plutôt une bonne chose. Ca parait un
peu compliqué, mais au fond ça ne
l’est pas c’est un processus
multinational dans lequel sont
impliqués des experts palestiniens,
français, russes et suisses.
Dans le contexte actuel, ce n’est
pas un peu hasardeux de faire ce
genre d’étude, je parle bien sur des
bombardements qui ont eu lieu entre
Israël et la Palestine. Est ce que
vous ne pensez pas qu’il y aura des
chances de dissimulation
d’information dans ce contexte là ?
Indépendamment de ce qui se passe
actuellement, des risques existent
toujours au Moyen Orient et pas
seulement au Moyen Orient, mais
partout. On en a conscience, c’est
la raison pour laquelle nous CHUV et
l’institut de radio physique à
Lausanne, nous avons clairement
limité notre implication au domaine
scientifique. C’est cet aspect là,
qui nous intéresse c’est ça le cadre
de notre intervention, c’est
l’analyse scientifique.
Je ne crois pas
qu’il faille faire la liaison avec
ce qui se passe à Gaza, c’est une
toute autre problématique. Au fond
ce dont on parle ici, c’est de
chercher la vérité sur les causes
possibles du décès du président
Arafat? Nous sommes ouvert à toute
possibilité, on est ouvert à la
possibilité de trouver quelque
chose, tout comme on est ouvert à la
possibilité de ne rien trouver. Pour
des tas de raison, ça fait quand
même plus de 8 ans, même si on parle
de substances radioactives, après 8
ans on va trouver des quantités très
petites, il faut le reconnaitre. Et
puis toute la question est de
savoir, si on trouve quelque chose,
est ce que ça sera scientifiquement
exploitable. Et ça c’est une
question à laquelle je ne peux pas
répondre aujourd’hui.
Au
sujet des médecins français, qui ont
constaté la mort de Yasser Arafat il
y a 8 ans, pourquoi est ce qu’à
l’époque il n’y a pas eu d’analyses
plus approfondies ?
A l’époque on ne cherchait pas du
tout le Polonium, il n’y avait pas
de raison de le cherche, donc les
médecins français n’avaient pas à le
chercher et on ne l’aurait pas
cherché à leur place non plus. Ce
n’est que deux ans après que le
Polonium a été mis au devant de la
scène avec le décès d’Alexandre
Litvinenko. A partir de cette date,
2006, le Polonium rentre dans la
liste des substances pouvant
entrainer un empoisonnement, mais
avant on ne cherchait pas. Les
analyses qu’ont faites les médecins
français à l’époque sont tout à fait
professionnelles et le dossier est
très bien documenté, par rapport à
ce que l’on savait à l’époque les
médecins français ont fait tout ce
qu’il fallait faire.
Donc c’est à partir de 2006 qu’on a
commencé à s’intéresser à cette
substance en fait ?
Exactement, c’est à partir de 2006
qu’on a commencé à s’intéresser au
Polonium. Le Polonium tout de même
est une substance assez mal connue.
Je préciserais deux choses : la
première c’est qu’en effet lorsqu’on
lit le dossier français, qui est
fort bien fait, on constate que les
signes cliniques qui étaient décelés
à l’époque ne sont pas cohérents
avec un empoisonnement au Polonium.
Mais la deuxième chose c’est qu’on a
très peu de cas documentés
d’empoisonnement au Polonium dans
l’histoire. A ma connaissance il y
en a cinq ou six, donc on connait
assez mal les effets du Polonium sur
le corps humain.
© 2005-2012 La
Voix de la Russie
Reçu pour publication
Le sommaire de La Voix de la Russie
Les dernières mises à jour
|