La Voix de la Russie
Réponse aux
intellectuels français du café de Flore
Alexandre Latsa
Photo: EPA
Mardi 30 octobre
2012
Dans une tribune
publiée le lundi 22 octobre dans
le journal Le Monde, des
politiques et intellectuels français
ont appelé ouvertement à une
intervention militaire occidentale
en Syrie, pour abattre le régime de
Bashar-El-Assad. Le texte, signé par
Jacques Bérès, Mario Bettati, André
Glucksmann, Bernard Kouchner et
Bernard-Henri Lévy est
l’aboutissement d’une pensée
politique Occidentale, Americano-centrée,
qui associe les notions de « droit
d’ingérence » et « d’occident
gendarme de la planète ». L’article
arrondit des chiffres invérifiables.
Bashar El Assad aurait fait
assassiner 40.000 personnes (!),
alors que ce chiffre est visiblement
le total des morts, comprenant quand
même les milliers de soldats Syriens
et de civils assassinés par ceux que
les auteurs de l’article osent
qualifier « d’opposition Syrienne ».
Il est sans doute inutile de revenir
sur le parallèle grossier et
irresponsable qui est fait entre la
Syrie et la Libye, puisque désormais
tout le monde sait que la Libye
d’aujourd’hui ne mérite même plus le
nom d’état, tellement elle est
gangrenée par l’Islamisme radical,
la violence et les volontés
séparatistes. Il faut aussi noter,
dans cet article, le ridicule
parallèle historique fait entre la
Russie de Vladimir Poutine qui
soutient la Syrie et l’époque ou
Mussolini et Hitler armaient les
putschistes de Franco pendant la
guerre d’Espagne. Mais les choses,
observées depuis le café de Flore,
paraissent simples : il faut que les
puissances occidentales
interviennent militairement.
Pour nos va-t-en
guerre, « Le Conseil de sécurité de
l'ONU étant paralysé par les vetos
russe et chinois, n'importe quelle
autre alliance est justifiée pour
arrêter les rivières de sang qui
coulent dans les villes syriennes
(…) L'OTAN, l'UE, la France, les
Etats-Unis devraient donc cesser de
se dérober et enfin organiser une
aide décisive à la Syrie
démocratique ». Ceux qui s’opposent
à une intervention militaire
occidentale s’inquiètent eux du sort
qui pourrait être réservé aux
minorités chrétiennes, alaouites,
druzes, ismaélites, turkmènes,
arméniennes, après un changement de
régime en Syrie, et des risques de
déstabilisation pour les pays
voisins, Turquie, Liban, Jordanie et
Israël. Mais par ailleurs, le véto
russo-chinois au conseil de sécurité
de l’ONU est peut être bien un
soulagement pour les puissances
occidentales qui hésitent, face à la
complexité de la situation dans la
région. Est-ce qu’il s’agit du début
d’un grand affrontement entre Islam
chiite et Islam sunnite ? Quelles
sont les rivalités entre l’Egypte,
l’Arabie saoudite et la Turquie ?
Quel est le rôle exact du Qatar qui
vient de briser l’isolement
diplomatique du Hamas dans la bande
de Gaza et surtout soutient
l’internationale Djihadiste qui
combat l’armée Syrienne ?
Ceux qui poussent à
une intervention occidentale en
Syrie se servent également de l’arme
médiatique pour ranger le régime
syrien dans « l’axe du mal ». Tout
comme
la Serbie en 1992, la Syrie est
elle aussi victime d’une guerre de
désinformation de très haute
intensité et se retrouve menacée
d’une agression militaire. Mais
alors qu’Alep est présentée comme
une ville en ruines et en sang par
toute la presse occidentale (« des
rivières de sang » disent nos
va-t-en-guerre), un
article récent explique qu’en
fait la capitale économique du pays
était largement aux mains du régime
et que de nombreux quartiers de la
ville n’étaient même pas touchés par
les combats. Mieux encore, le
reporter ébahi y constate que le
marché fonctionne et que la liaison
par bus avec Damas n’est pas coupée.
Malgré toute la propagande déployée
et l’offensive subventionnée de
milliers de mercenaires islamistes,
ni l’attaque de Damas ni la bataille
d’Alep n’ont pourtant abouti a
déstabiliser le régime Syrien.
La méthode il est
vrai n’est pas nouvelle, la
Yougoslavie en a fait les frais de
1992 à 1999, lorsqu’elle fut
attaquée elle aussi par les mêmes
puissances qui menacent la Syrie
aujourd’hui. Après une campagne de
désinformation médiatique
exemplaire, les forces croates et
bosniaques furent elles aussi
épaulées par des
Djihadistes Islamistes acheminés
dans la région via le soutien
logistique et politique du
département d’état américain pour
combattre l’armée serbe, il y a de
cela déjà 20 ans!
Depuis le
démantèlement de la Yougoslavie qui
n’est toujours pas terminé (Kosovo),
les interventions militaires de
l’occident en Irak, en Afghanistan
et en Lybie n’ont pas donné de
résultats probants, c’est le moins
qu’on puisse dire. Ces trois pays
sont déstabilisés pour longtemps, et
une intervention en Syrie pourrait
être lourde de conséquences.
Déstabiliser toute la région,
détériorer les rapports entre les
occidentaux d’une part, la Russie et
la Chine d’autre part, et de plus
enlever toute crédibilité au conseil
de sécurité de l’ONU. Alors à quoi
jouent nos apprentis sorciers dans
les colonnes du journal Le Monde
? Ceux-ci s’étaient faits en 1992
les apôtres de l’impardonnable
alliance entre les nationalistes
croates, les mercenaires arabes et
les intérêts américains dans la
région. Nul surprise des lors de les
retrouver aujourd’hui a appeler à la
croisade en Syrie et à soutenir la
diabolique et désormais cyclique
alliance entre les puissances
occidentales et les pétromonarchies
Islamiques du golfe.
Il convient de
tenter de comprendre l’objectif de
ces opérations militaires contre la
Serbie et la Syrie et celles-ci sont
très claires. Ces deux pays ont un
point commun essentiel: avoir refusé
l’alignement géostratégique imposé
par les Occidentaux, nouveaux
gendarmes du monde, et être des
alliés objectifs de la Russie. Les
interventions contre la Serbie et la
Syrie ont donc un objectif
géopolitique clair: il s’agit
d’annihiler la sphère d’influence de
la Russie en détruisant un à un ses
alliés les plus fiables, et les plus
vulnérables. Nul doute que les
prochaines étapes de ce remodelage
géostratégique planifié viseront
l’Iran, puis la Biélorussie, les
deux derniers alliés clefs de la
Russie. Et ensuite?
Quel que soit le
résultat de l’élection américaine,
qui pourrait voir l’arrivée à la
maison blanche d’un candidat ayant
déclaré que la Russie était l’ennemi
puis l’adversaire principal de
l’Amérique, une chose est certaine,
le conflit Syrien semble parti pour
s’intensifier et pour durer.
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