Opinion
Ce sera donc
Vladimir
Alexandre Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 28
septembre
2011
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
La grande nouvelle de la semaine est
le dénouement de l’intrigue
présidentielle russe, intrigue enfin
résolue pendant le 12ème congrès du
parti Russie Unie, qui s’est tenu les 23
et 24 septembre à Moscou. Alors que le
pays se prépare à des élections
législatives en décembre prochain, et à
une élection présidentielle en mars
2012, le suspense était resté fort:
lequel des deux supposés prétendants au
trône, Dimitri Medvedev ou Vladimir
Poutine, allait on voir se présenter.
L’intrigue a provoqué beaucoup de
suppositions. Des commentateurs avaient
même décelé une certaine tension
entre les deux hommes. Dimitri Medvedev
nous disait-on était de toute façon
"plus libéral" et "plus moderne" et donc
bien mieux disposé à l’égard de l’ouest.
Influencé par un entourage plus souple,
celui-ci aurait pu/du imposer sa
candidature en prenant ainsi de cours
Vladimir Poutine, et contraindre ce
dernier soit à accepter cet affront,
soit à se présenter contre son poulain,
faisant ainsi exploser l'unité du
tandem.
Les tensions entre les deux hommes
s'étaient soit disant manifestées sur
des dossiers de politique extérieure,
notamment la Libye. Pour beaucoup, le
clan Medvedev serait à l'origine du
lâchage de Kadhafi, alors que les "Poutiniens"
regrettaient de ne pouvoir s'opposer à
l'ouest impérialiste. Tout cela s’est
pourtant avéré faux. L’énigme est
résolue, le tandem n’a pas explosé, et
il n’a même pour ainsi dire jamais paru
plus solide. En mai dernier, dans une
précédente tribune intitulée
"Vladimir ou Dimitri",
j'avais expliqué que le scénario de la
brouille entre les deux hommes était
improbable et que les tensions
concernaient sans doute plus
probablement leurs entourages
respectifs.
Il est en effet bien clair pour tout
analyste lucide que l'amitié et la
confiance politique entre les deux
hommes est forte et ancienne. Beaucoup
ont oublié qu'il y a 11 ans, en 2000,
c'était déjà Dimitri Medvedev qui
dirigeait le comité électoral de
Vladimir Poutine, pour sa toute première
élection présidentielle. Il est vrai que
l’analyse était difficile à cause de la
multiplication des rumeurs et des
hypothèses. Récemment encore, des
intellectuels libéraux proches de
Medvedev, comme par exemple Igor
Iourgens de l’institut
Insor ne faisaient pas mystère de
leurs opinions: Dimitri Medvedev avait
déjà pris la décision de se représenter,
et une ré-élection de Vladimir Poutine
était "ce qui pouvait arriver de pire
pour le pays". L’opposition libérale a
tenu
le même discours après ce retour
annoncé de Vladimir Poutine à la tête de
la Russie. Ce retour ne fait pas que des
heureux, même au sein de Russie Unie.
C’est le cas par exemple pour
Arkadi Dvorkovitch, adjoint du
président Medvedev, qui a affirmé qu’il
n’y avait "aucune raison de se réjouir"
du retour de Poutine. Il
assurait aussi récemment que Dimitri
Medvedev avait déjà décidé de briguer un
second mandat présidentiel, preuve que
l’information n’avait pas filtré
même dans les cercles les plus proches
du pouvoir, et preuve aussi que la
liberté de ton au sein de Russie Unie
est importante. A contrario, le ministre
des finances actuel, Alexei Koudrine,
réputé proche de Vladimir Poutine, à
affirmé qu’il refusait de travailler
dans un futur gouvernement Medvedev,
reprochant à ce dernier d’être trop
dépensier et de vouloir trop gonfler le
budget militaire (à 3% du PIB). Celui-ci
a donc été
démissionné par le président
Medvedev.
D’autres enfin pensaient à
l'émergence organisée en sous main d'un
troisième homme: Le milliardaire Michael
Prokhorov, que certains ont surnommé "le
golden boy". Celui ci se présentait en
effet comme un candidat à la fois
anti-corruption et libéral mais sans
excès. C’est un homme d'affaire
talentueux à l'origine par exemple du
projet industriel e-mobile. On a imaginé
qu’il était un projet du Kremlin (initié
par le cercle de Medvedev) destiné à
ancrer un
"bipartisme politique" en Russie, et
ainsi tempérer le quasi monopole de
Russie unie. Pourtant l'illusion n'a pas
duré, Michael Prokhorov a été
démis de ses fonctions de
dirigeant du parti Pravoe Delo qu'il
avait créé. Il n’a cependant pas exclu
de se présenter aux élections
présidentielles et par la même il enlève
toute possibilité à un éventuel courant
libéral, de pouvoir espérer des
résultats conséquents, tant cette
opposition libérale de droite est
divisée et politiquement
peu consistante.
Le retour de Vladimir Poutine comme
président avec vraisemblablement Dimitri
Medvedev comme premier ministre est un
scénario qui était
prévu de longue date d’après les
dires de ce dernier. Au final, cet
accord traduit la solidité du tandem, et
rassure la grande majorité des russes,
contrairement à ce que pense une
majorité d’analystes étrangers.
L’inversion des rôles, couplée à la
création du nouveau front populaire
devrait sans doute permettre à Russie
Unie de garder une courte majorité aux
législatives de décembre, la popularité
toujours très élevée de Vladimir Poutine
l’assurant sans doute de gagner la
présidentielle de 2012 sans encombre.
Celui-ci sera donc sans doute président
de la fédération de Russie de 2012 à
2018. En 2018, il aura théoriquement
régné 14 ans, soit autant que François
Mitterrand en France (1981 - 1995).
Alors que la situation économique
semble se dégrader en Europe et aux
Etats-Unis et que le monde devient plus
incertain que jamais, la possibilité
pour la Russie de garder un "homme fort"
aux commandes est sans doute un
privilège enviable pour beaucoup de pays
européens.
Cette tribune est la suite de la
tribune
"Vladimir ou Dimitri".
Article publié sur RIA Novosti
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