Opinion
20 ans déjà !
Alexandre Latsa
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Alexandre Latsa
Mercredi 24 août
2011
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
La Russie vient la semaine dernière
de célébrer un anniversaire peu banal.
En effet, le vendredi 19 août 2011 était
le 20ème anniversaire du putsch de
Moscou. Cet évènement anodin pour
beaucoup de Français, surtout pour les
jeunes, a pourtant eu une importance
capitale. Non seulement l’échec du
putsch a scellé le destin de l'URSS mais
il a aussi également accéléré
l’apparition de la nouvelle Russie.
L'URSS connaissait depuis 1985 et
l'élection du président Gorbatchev des
réformes assez radicales, qui devaient
transformer l'Union soviétique. Ces
réformes, plus connues sous le nom de
Perestroïka, ne suscitaient pas
l’adhésion d’une aile dure et
conservatrice au sein de la société et
notamment au sein du puissant parti
communiste. En outre, les agitations
nationalistes dans diverses républiques
soviétiques faisaient craindre à cette
même aile conservatrice des velléités
d'indépendance dans ces républiques, qui
auraient fatalement porté atteinte à
l'intégrité territoriale et politique de
l'Union Soviétique.
Le 19 août 1991, ils décidèrent donc de
démettre de force le président
Gorbatchev en organisant un putsch
militaire, notamment pour empêcher la
signature d’un traité qui annonçait à
leurs yeux la fin imminente de l’URSS.
Le putsch était coordonné notamment par
le responsable du KGB Vladimir
Krioutchkov, le ministre des Affaires
intérieures (MVD) Boris Pougo et le
ministre de la Défense Dimitri Iazov. Ce
fameux 19 août, des blindés envahissent
la capitale russe et Guennadi Ianaïev
est nommé président par intérim. Le soir
même, le président français François
Mitterrand
donne une interview dans
laquelle il reconnait un peu rapidement
et à mi-mots la réussite du coup d’état
et le nouveau pouvoir Soviétique. Mais
en Russie Boris Eltsine (alors président
du soviet suprême, l’équivalent du
parlement de l’URSS) devint, un peu
malgré lui, le symbole de la résistance
à ce Putsch.
Finalement la tentative de coup d’état
n’a duré que trois jours, les heurts
entre manifestants et militaires ont
fait trois morts, ce qui est finalement
très peu. Moscou a frôlé une
catastrophe. Aux yeux de la population,
Boris Eltsine est devenu l’homme fort et
providentiel du pays. Moins de six mois
plus tard, en décembre, les Ukrainiens
votent pour leur indépendance,
immédiatement reconnue par la Russie.
L’URSS est dissoute de facto, remplacée
par la CEI et Boris Eltsine devient le
25 décembre 1991 le premier président de
la jeune et démocratique fédération de
Russie, après la démission de Michael
Gorbatchev. Une page de l’histoire est
tournée.
La disparition de l’URSS survint en
décembre 1991 alors que pourtant le 17
mars de la même année, un
référendum avait été organisé pour
savoir si les peuples soviétiques
voulaient maintenir l’Union en tant
qu’entité. Le “oui“ s’était imposé à
76%, malgré le boycott des états baltes,
de la Moldavie, la Géorgie et l’Arménie.
Les scores d’adhésion les plus élevés
furent atteint en Azerbaïdjan, au
Kazakhstan, en Biélorussie et au
Kirghizstan. Sans surprise, la
Biélorussie et le Kazakhstan sont
aujourd’hui déjà membres
de l’union douanière avec la Russie,
alors que le Kirghizstan prépare
actuellement
son adhésion. Le cas de l’Ukraine
est intéressant puisque si 70% des
votants soutinrent le maintien de l’URSS
en mars 1991, ils furent 90% à voter
pour l’indépendance du pays le 1er
décembre 1991. Ce total basculement des
votes ne peut que faire penser au
basculement électoral que le pays a
connu en soutenant majoritairement un
président ouest-orienté en 2005, pour ne
lui attribuer que 5% des voix 5 ans plus
tard et réélire un président
est-orienté. Le pays semble encore
aujourd’hui toujours chercher sa voie et
sa place entre l’Europe de l’ouest et la
Russie et se montre du reste
très frileux face au projet d’union
douanière avec la Russie.
En Russie, les opinions restent
partagées, à propos de ce brusque
changement de régime et de système, qui
s’est produit il y a 20 ans. 58% des
Russes interrogés en avril dernier
affirment encore regretter la
disparition de l’URSS, mais ils étaient
75% en 2000. Enfin pour 40% des
Russes interrogés ces événements ont été
tragiques pour le peuple et le pays et
seulement 10% les interprètent comme une
victoire de la démocratie, bien loin de
l’interprétation qui est faite de ces
événements à l’ouest. Alors pourquoi ces
sentiments contrastés puisque la Russie
a surmonté les terribles conséquences
des deux dernières crises économiques
qu’elle a du affronter en 1998 et 2008,
que l’état est enfin reconstruit et que
les grandes inquiétudes des années 90
ont disparu?
Il est évident que les Russes, malgré le
redressement rapide du pays, ont une
forme de nostalgie de l’empire
soviétique et du statut de grande
puissance qui était celui de l’URSS.
Cette envie de retrouver une
Russie-puissance (un peu comme on parle
d’Europe puissance) existe dans le
peuple comme dans ses élites. Le
manifeste du parti dominant Russie-Unie
dans le préambule de son manifeste se
définit comme “Le parti du succès de la
Russie, le parti du redressement de tout
le pays contre des adversaires qui ne
lui ont laissé qu’une place humiliante
dans le monde contemporain“. Pour
beaucoup de Russes, toutes générations
confondues, les inégalités
inévitablement créées par le capitalisme
libéral de type occidental sont un fait
nouveau, qui n’existait pas sous l’URSS.
Malgré la hausse des revenus en cours,
une partie importante de la population
(16%) vit encore sous le seuil de
pauvreté et se sent laissée pour compte
dans ce récent développement économique
du pays.
Voilà sans doute le grand défi auquel
fait face le pouvoir politique russe
actuel: Faire en sorte que le
développement économique de la Russie
bénéficie à toute la population. Il
s’agit aussi d’empêcher
l’émergence de foyers de contestations
sociales trop importants, qui pourraient
avoir des répercussions sociales et
électorales. Le mieux être de toute la
population est une condition
indispensable pour prétendre au statut
de grande puissance, statut auquel la
Russie aspire en ce début de 21ème
siècle.
Article publié sur RIA Novosti
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