Tribune
Medias mensonges?
L'affaire Litvinenko
Alexandre Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 23 mai
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Le 23 novembre 2006, un "ancien agent
des services secrets russes" décède à
Londres. Ce décès a agité le monde
médiatique pendant des années.
Alexandre Litvinenko, ex-lieutenant
colonel du FSB (le service de
contre-espionnage de Russie) était né le
4 décembre 1962. Il fut un temps chargé
de la lutte contre la mafia en Russie,
puis il a quitté la Russie après avoir
affirmé en 1998 lors d’une conférence de
presse qu’il aurait reçu l’ordre
d’assassiner le milliardaire russe Boris
Berezovksi. Boris Berezovsky n’est pas
un inconnu en Russie. Cet homme
d'affaires et politique russe est l'un
des oligarques les plus célèbres,
puisque via ses entrées dans le cercle
de l’ancien président russe Boris
Eltsine, BAB (Boris Abramovitch
Berezovsky) était devenu l’un des
premiers milliardaires de la Russie post
communiste. C’est lui qui avait
contribué politiquement au lancement de
la carrière politique de Vladimir
Poutine. Pourtant le nouveau président
russe ne tarde pas à faire enquêter sur
les affaires de Boris Berezovskyen
Russie, notamment sa participation à la
privatisation de la compagnie aérienne
russe Aeroflot. Poursuivi pour fraude et
évasion fiscale par le Parquet russe, il
s’exile à Londres en octobre 2001.
Presque au même moment (octobre 2001)
Alexandre Litvinenko s’envole lui aussi
pour la Grande Bretagne (via la Turquie)
ou il obtient également l’asile
politique, grâce à l’aide logistique
d’un homme d’affaire russe du nom d’Alex
Goldfrap, proche de Berezovsky.
Litvinenko se met à écrire notamment
pour le site séparatiste
ChechenPress mais soutient également
Boris Berezovsky dans ses offensives
médiatiques contre le nouveau régime
russe de Vladimir Poutine. En 2006,
Alexandre Litvinenko devient citoyen
Britannique. Son hospitalisation, puis
sa mort fin 2006, fera grand bruit. Non
seulement l’homme a été empoisonné au
Polonium 210 (une substance
radioactive), mais cet empoisonnement
survient après qu’il ait accusé le FSB
d’être a l’origine des attentats de 1999
pour justifier l’intervention en
Tchétchénie.
La mort de Litvinenko a entrainé une
campagne médiatique sans précédent
contre le régime de Vladimir Poutine.
Une image est restée :
cette photo d’Alexandre Litvinenko
sur son lit d’hôpital a fait le tour du
monde et elle a choqué les opinions
occidentales. L’offensive médiatique a
également mis en valeur le fait que cet
assassinat d’un ex-agent des services
secrets russes avait des relents de
guerre froide, ce qui démontrait
l’offensive de la dangereuse et nouvelle
Russie de
Vladimir Poutine. Tout aussi
rapidement, un accusé est désigné:
Alexandre Lougovoi. Celui-ci a
rapidement
réfuté les accusations qui le
visaient, mais pourtant, quand il a été
candidat à la députation en 2007 pour le
parti nationaliste LDPR, la presse
occidentale a
crié à la provocation. Enfin cette
affaire a aussi permis à nombre de
personnalités russes en exil de mettre
en valeur médiatiquement leur statut de
"réfugiés résistants" face au nouveau
pouvoir russe.
Voila pour la version officielle
médiatisée.
Mais curieusement, le mainstream
médiatique, surtout en Angleterre, a
manqué d’enthousiasme pour révéler et
analyser certains développements
(notamment récents) de cette affaire. Il
y a de nouveaux témoignages, de nouveaux
faits qui font douter de la version
officielle. Par exemple, le fait que
Litvinenko était depuis 1994 un proche
de Berezovski, pour lequel il
travaillait de façon officieuse, bien
que cela soit illégal et incompatible
avec ses fonctions officielles à cette
époque.
Ou encore sur les liens d’Alex
Goldfarb, spécialiste en physique
nucléaire, ancien employé de Georges
Soros, puis depuis 2001 directeur d’une
ONG, basée a New-York, financée par
Boris Berezovsi et qui s’est fortement
impliqué dans le soutien aux ONGs dans
les pays Baltes ou encore aux
révolutions de couleur, notamment en
Ukraine en 2004. Cette association a
en outre également financé l’obtention
de l’asile politique du leader
indépendantiste Tchétchène
Akhmed Zakayev.
Au-delà de la version médiatisée de
cette affaire, en Russie et en
Angleterre, les investigations
continuent, pour découvrir la vérité.
Récemment (24 avril 2012) le député
Alexandre Lougovoi a passé des tests au
détecteur de mensonges via une société
anglaise qui en a tiré comme conclusion
sa
non culpabilité dans l’affaire de
l’empoisonnement d’Alexandre Litvinenko
(voir ici). Celui-ci suspecte désormais
ouvertement l’ONG suscitée de permettre
moyennant finances l’obtention du
statut de refugié politique en
Angleterre. Curieusement l’annonce de
cette non culpabilité évidente
d’Alexandre Lougovoi a été totalement
exclue du Main-Stream britannique.
Récemment un nouveau témoin est
apparu dans l’histoire avec
d’intéressantes révélations. Nikita
Chekulin, l’ancien directeur dans les
années 2000 de l’institut de recherche
pour l’utilisation et la conversion des
matériaux explosifs
(Росконверсвзрывцентр). Mis à l’écart
car son institut fut suspecté de vente
illicite d’explosifs,
Nikita Chekulin fut
providentiellement contacté à cette
époque par Boris Berezovski qui lui
permit d’obtenir le statut de refugié
politique en Angleterre. En échange de
quoi il lui fut demandé de parler à une
conférence organisée à Londres devant
divers médias, conférence durant
laquelle fut notamment annoncé, via
l’aide du spécialiste russe en explosifs
Nikita Chekulin, que les attentats de
1999 avaient été organisés par le FSB.
Celui-ci accepta, pour affirmer plus
tard que le texte de sa déclaration
avait été rédigé par … Alex Goldfrap.
La veuve d’Alexandre Litvinenko a
fait une prestation très surprenante
dans le Talk-Show de Charlie Rose,
affirmant que son mari n’avait non
seulement
jamais été un espion russe mais
qu’il travaillait pour les services
secrets britanniques. Cela car Boris
Berezovski aurait à une époque
cessé de le financer et qu’Alexandre
Litvinenko se serait retrouvé sans
revenus, trahi par celui en qui il
croyait le plus. Pourquoi les medias
occidentaux n’ont jamais cessé
de définir Alexandre Litvinenko
comme un espion russe?
Le père d’Alexandre Litvinenko lui
aussi est revenu sur ses premières
déclarations. Apprenant que son fils
avait travaillé pour les services
secrets anglais, il affirme désormais
que
celui-ci était un traitre et que
s’il l’avait su, il n’aurait jamais
accusé Vladimir Poutine. Veillant
son fils le jour de sa mort, il affirme
également qu’aucune lettre posthume
n’était dans sa chambre d’hôpital et que
la fameuse lettre "J’accuse Poutine" de
son fils était un faux, probablement
écrit par Boris Berezovski ou Alex
Goldfrap.
Nikita Chekulin tout comme le
père d’Alexandre Litvinenko semblent
du reste sérieusement suspecter les
opposants russes en exil d’être liés a
la mort d’Alexandre Litvinenko.
Pourquoi? Peut être parce que celui-ci
avait organisé la visite d’un mystérieux
Kazakh qui aurait soit disant menacé la
vie de Berezovski en Angleterre, lui
permettant ainsi d’obtenir son statut de
refugié politique. Lorsque Boris
Berezovski cessa de le financer,
Alexandre Litvinenko s’apprêtait à
rentrer a Moscou, pouvant à tout moment
révéler tous ces secrets.
Enfin on à beaucoup parlé récemment
de
manipulations d’images et de
créations d’émotions.
Cette photo d’Alexandre Litvinenko
sur son lit de mort et sans cheveux
avait fait le tour du monde et marqué
pour longtemps les opinions
occidentales. Pourtant d’après le père
d’Alexandre Litvinenko, l’entourage de
son fils lui a volontairement rasé les
cheveux sur son lit de mort pour que la
photo soit plus choquante. Qui croire ?
Une chose est certaine, l’affaire
Litvinenko n’a sans doute pas fini de
livrer de nouvelles révélations…
Alexandre
Latsa est un journaliste
français qui vit en Russie et anime le
site DISSONANCE, destiné à donner un
"autre regard sur la Russie". Il
collabore également avec l'Institut de
Relations Internationales et Stratégique
(IRIS), l'institut Eurasia-Riviesta, et
participe à diverses autres
publications.
Article publié sur
RIA Novosti
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