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Opinion
Vers un redémarrage
russo-japonais ?
Alexandre Latsa
© Alexandre Latsa
Mercredi 23 mars 2011
"Un autre regard sur la Russie" par
Alexandre Latsa
Le 11 mars dernier, un violent séisme suivi d’un tsunami ont
frappé le Japon, faisant à ce jour plus de 20.000
victimes et disparus et près de 360.000 déplacés. La centrale
nucléaire de Fukushima, située à seulement 250 km de Tokyo, est
depuis victime d’une
série d’incidents techniques graves, faisant craindre une
contamination radioactive dans l'archipel nippon, mais également
un accident nucléaire pouvant avoir des conséquences régionales.
Ces évènements au Japon ont réveillé des souvenirs tragiques
pour les Russes mais aussi pour tous les habitants de l'ex Union
Soviétique.
Le 26 avril 1986, à la frontière entre l'Ukraine, la Russie
et la Biélorussie, près de la petite ville de Tchernobyl, un
accident à la centrale nucléaire Lénine déclencha la catastrophe
nucléaire la plus grave de l'histoire. Les conséquences de cet
accident se font encore sentir 25 ans après, puisque les experts
de l’OCDE affirment que les populations de Biélorussie,
d’Ukraine et de Russie en ressentent encore dans une certaine
mesure les conséquences sanitaires. D’ailleurs, lors des
terribles incendies de forêts qui ont frappé la Russie l’été
dernier, des craintes d’évaporation dans l’atmosphère de
particules radioactives déposées dans le sol russe (que ce soit
dans la région de Briansk ou de Mayak) ont ressurgies,
réveillant des souvenirs douloureux.
La question du nucléaire est donc de nouveau au premier plan
et de nombreux pays ont remis sur la table la question de savoir
s’il fallait ou non mettre un coup d’arrêt au développement des
centrales. Les 27 pays de l’Union Européenne par exemple tirent
31% de leur électricité et 15% de leur énergie primaire du
nucléaire. L’Allemagne est bien sur en tête de ce mouvement
anti-nucléaire, le pays ayant une tradition écologiste assez
prononcée. Mais les autres pays de l’UE comprennent également
des partis écologistes, traditionnellement opposés au nucléaire
et dont l’importance politique n’a cessé d’augmenter ces
dernières années. Cette question pourrait donc devenir un des
points essentiels des futures échéances électorales, notamment
au sein de pays fortement dépendants du nucléaire comme la
France par exemple. Pour autant ce sentiment anti-nucléaire ne
semble pas partagé partout, notamment en Asie, en Europe de
l’est au Moyen Orient. A tel point que le nombre de centrales
nucléaires dans le monde devrait doubler dans les 14 prochaines
années selon
l’association mondiale du nucléaire. Les pays gourmands en
nucléaire ne sont pas seulement les grands pays émergents comme
la Chine ou l’inde qui devraient théoriquement doubler le nombre
de leurs centrales d’ici 2030. La Turquie mais également la
Biélorussie ont récemment, et malgré l’accident au Japon,
réaffirmé leur souhait de construire leurs premières centrales
nucléaires, avec l’appui de la Russie, comme cela a été le cas
pour l’Iran et la centrale de Bouchehr. La Russie qui compte 32
réacteurs opérationnels sur son territoire à une grosse
expérience de
participation à la construction de centrales partout sur la
planète. C’est aussi l’un des pays les plus nucléaires de la
planète, derrière les Etats-Unis (104 réacteurs), la France (58
réacteurs) et le Japon (54 réacteurs). Ces réacteurs russes
assurent 18% de sa production électrique nationale mais la part
du nucléaire devrait attendre 35% d’ici 2030. Le président russe
a récemment réaffirmé son soutien au développement du nucléaire
lors d’une rencontre avec le premier ministre turc sur le projet
de collaboration pour la construction du premier réacteur turc
par la Russie. Selon le président russe: "l'énergie nucléaire
n'est pas dangereuse si les centrales sont construites au bon
endroit et convenablement surveillées".
Le terrible accident japonais survient en outre dans un
contexte très tendu entre la Russie et le Japon, puisque la
question des
îles Kouriles empoisonne la relation entre les deux pays
depuis plus d’un demi-siècle. Le Japon revendique quatre îles
rattachées après la guerre à l'Union soviétique, puis transmises
à la Russie en tant que successeur en droit de l'URSS. Au début
de cette année 2011 une visite du président Russe dans les îles
Kouriles avait déclenché un incident diplomatique et la colère
des Japonais. Le 7 février, des militants japonais
d'extrême-droite ont manifesté devant l’ambassade Russe à Tokyo,
traînant par terre un drapeau russe déchiré et couvert
d’inscriptions. La justice Japonaise refusera d'organiser une
enquête sur cet outrage au drapeau ni d’en poursuivre les
responsables. Malgré cela, la Russie a rapidement et très
généreusement réagi à la tragédie japonaise, et immédiatement
proposé l’envoi d’une aide très conséquente. Dès le 13 mars, un
Il-76 du ministère russe des Situations d'urgence a
emmené 50 sauveteurs, ainsi que trois véhicules spéciaux et
près de 17 tonnes de fret humanitaire. Le 15 mars, un second
groupe de 25 sauveteurs russes à rejoint la première équipe,
accompagné de quatre voitures de sauvetage, de matériel de
recherche et d'instruments hydrauliques, de modules, de groupes
électrogènes, de denrées, d'eau mais également de médicaments.
Les sauveteurs russes opèrent dans la région de
Sendai, la zone la plus touchée par le séisme. Enfin, le 19
mars, deux Il-76 transportant près de 40 tonnes de chargement
humanitaire se sont envolés de Khabarovsk et Blagovechtchensk,
en Extrême-Orient. A cette aide humaine et matérielle s’ajoute
une aide énergétique, puisque la Russie devrait livrer
rapidement du gaz naturel liquéfié, et augmenter ses livraisons
de charbon. La Russie, qui a en extrême orient des surcapacités
énergétiques, a aussi proposé au japon la fourniture rapide de
6.000 mégawatts d'électricité supplémentaire. La Russie vient
aussi d’annoncer qu’elle était prête à accueillir des victimes
du séisme mais aussi et à proposer des emplois aux
ressortissants du japon en Extrême-Orient russe. Enfin, elle a
proposé que des sociétés japonaises participent à
l'exploitation de gisements de gaz en Sibérie tout en espérant
considérablement augmenter en 2011 les livraisons
d’hydrocarbures au Japon.
La centrale de Fukushima ne devrait plus être utilisée semble
affirmer le gouvernement Japonais. Une solution à la Tchernobyl
est même envisagée, c'est-à-dire la constitution d’un sarcophage
pour envelopper la centrale et tenter d’en limiter les
émanations toxiques. Les graves accidents nucléaires ont
toujours permis d’apprendre et de développer des méthodes de
sécurité toujours supérieures. L’accident de Tchernobyl a par
exemple mis en évidence la nécessité des enceintes de
confinement, qui ont fait leur preuve lors d’un autre grave
accident nucléaire survenu en 1979 aux Etats-Unis, celui de
three miles island. De son malheur, le Japon va sans doute tirer
des leçons qui bénéficieront au monde entier. L’économie
japonaise ne devrait pas connaitre trop de difficultés à se
relever et surmonter cette tragique épreuve. Exsangue après le
second conflit mondial, l’empire du soleil levant est devenu en
30 ans la seconde puissance économique de la planète. Suite aux
évènements récents, on ne peut donc que souhaiter que s’opère un
réel reset des relations avec la Russie afin de purger toutes
les tensions inutiles, et rendre possible une réelle coopération
régionale, garante de l’émergence d’un monde multipolaire
stable.
Alexandre Latsa, 33 ans, est un blogueur
français qui vit en Russie. Diplômé en langue slave, il anime le
blog DISSONANCE, destiné à donner un "autre regard sur la
Russie".
Article publié sur RIA Novosti
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