Opinion
La Russie et
l'Europe à la croisée des chemins ?
Alexandre
Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 20 février
2013
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Source:
RIA Novosti
La visite du président de la république
française François Hollande à la fin de
ce mois de février 2013 à Moscou arrive
dans un contexte très spécial concernant
les relations France/Russie, tout autant
que les relations Russie/Europe et les
relations Russie/Occident en général.
Depuis la fin des années 90 et la
chute de l’empire Soviétique, et surtout
depuis le début des années 2000,
l’interaction entre la Russie et les
pays de l’union Européenne, ainsi
qu’avec l’Occident en général a été
croissante. La volonté de rapprochement
de la Russie vers l’Occident ayant été
l’une des grandes orientations de la
politique étrangère du Kremlin depuis
1991, soit depuis maintenant 22 ans,
c'est à dire l’âge de la jeune
fédération de Russie.
Sur ce plan, la politique russe est
restée inchangée et stable et la volonté
de rapprochement avec l’Ouest et surtout
l’Europe n’a pas été que théorique. Elle
a donné lieu à des actes très
importants, que l’on pense à l’adhésion
au conseil de l’Europe en 1996, à
l’adhésion au G8 en 1997, à la
proposition de la Russie de rejoindre la
famille occidentale dans la lutte contre
le terrorisme en 2001, à la création du
Conseil Russie/OTAN en 2002 ou encore
aux propositions russes de création
d’une architecture européenne de
sécurité en 2008.
Durant la période récente, la Russie
n’a cependant pas concentré toute sa
géopolitique extérieure vers l’occident
et a pris beaucoup d'initiatives en
direction de son étranger proche et de
la zone Asie/Eurasie.
La Russie a participé à la
constitution de la CEI (1991), une
entité intergouvernementale comprenant
15 républiques postsoviétiques, mais
aussi à la constitution de la Communauté
économique eurasiatique en 2000 et de
l’OTSC en 2002, regroupant Russie,
Biélorussie, Arménie, Kazakhstan,
Kirghizistan et Tadjikistan. Un projet
de fusion des deux dernières entités
étant envisagé, au sein de l’OSCE, pour
qu’elle remplace peut être à terme la
CEI. Enfin la Russie a contribué à la
création de l’Union Douanière
Eurasiatique, qui regroupe la Russie, la
Biélorussie et le Kazakhstan, confirmant
sa volonté
d’intégration régionale en Eurasie,
au sein de l’espace postsoviétique. De
plus, en 2001, soit un an après la
création du conseil Russie/Otan, la
Russie a aussi contribué à la création
de l’Organisation de Shanghai avec la
Chine, une organisation militaire
intergouvernementale, qui peut être vue
comme un pendant régional et asiatique
de l’Otan.
La volonté russe de recherche de
compromis militaires hors Occident et
hors Otan prend toute sa dimension au
fur et à mesure que les relations
Russie/Otan elles se détériorent, face à
l’incapacité qu’ont les américains de
sortir d’une logique post guerre froide
et de la politique de "containment" à
l’Est de la Russie. Une politique dont
les conséquences se matérialisent
aujourd’hui à travers la crise du
déploiement du
bouclier anti-missile en Europe de
l’est.
Paradoxalement, alors que la crise de
2008 a mis en évidence les
disfonctionnements du système
économique occidental, l’interaction
économique Europe-Russie s'est
renforcée, la relation Europe-Russie
ayant créé des interdépendances
croissantes. La Russie qui est sortie
rapidement de la crise économique de
2008 se retrouve en position de force
face à une Europe affaiblie, dont les
acteurs économiques voient maintenant la
Russie comme le marché le plus dynamique
ou exporter et investir. En face,
l’Europe est devenue le principal client
de l’énergie russe, cette
interdépendance étant matérialisée par
les projets South Stream et North
Stream. Mais alors que la Russie va
présider le G20 cette année, G20 dont le
sommet aura lieu en Russie, il semble
que la tentation russe, face au modèle
européen ne soit plus aussi importante
qu’avant.
Comme le soulignait récemment Fedor
Loukianov, en face de la croissante
interdépendance économique entre la
Russie et l’Europe, un problème de
modèle commun semble se dessiner, dont
les principales pierres d’achoppement
sont la morale globale et le problème
du modèle de société. Le malentendu
est profond, l’UE souhaite imposer à la
Russie une conception sociétale que
celle-ci rejette, arguant qu’elle est
souveraine et différente. Cette rupture
morale entre une Russie conservatrice
qui connaît un retour du fait religieux
et une Europe au contraire très
libérale-libertaire pourrait bien
entrainer un
malentendu croissant entre la Russie
et les pays européens.
C'est peut être à cause de cette
incompréhension croissante que la Russie
cherche à limiter sa dépendance de
fournisseur envers l’UE et projette de
réaliser en Asie-Pacifique 22% à 25% de
ses exportations pétrolières et 20% de
ses exportations de gaz d’ici à 2020,
pendant que l’Agence Internationale de
l’Energie estime que la Russie réalisera
30% des exportations vers l’Europe à ce
moment là. Un rééquilibrage stratégique
essentiel dont on peut imaginer qu’il
affaiblira la potentielle emprise de
l’UE sur une Russie, qui se liera sans
doute plus activement à l’Asie, ce
continent dans lequel se situe, il ne
faut pas l’oublier, 75% du territoire
russe.
© 2013
RIA Novosti
Le sommaire d'Alexandre Latsa
Les dernières mises à jour
|