Plan russe pour la
Syrie :
la fin du monde unipolaire ?
Alexandre Latsa
Photo: RIA
Novosti
Lundi 16 septembre 2013
La lettre de Vladimir Poutine adressée à
l’opinion américaine (la version
française est disponible
là) restera dans
l’histoire comme un coup de maître tant
sur le plan diplomatique que
géostratégique ou encore humanitaire.
Le président russe vient en effet de
faire échouer l’agenda géopolitique de
l’Occident américano-centré visant à
détruire la Syrie d’Assad.
Alors que l’assaut intérieur a
visiblement échoué à renverser le
pouvoir (ne permettant que la
destruction du pays depuis près de trois
ans), la coalition des puissances
hostiles au régime syrien (que l’on peut
qualifier d’axe
Washington/Londres/Paris/Ankara/Doha/Riyad)
se préparait à un assaut extérieur via
des bombardements. Officiellement, il
s’agissait de « punir »
Bachar al-Assad mais officieusement, de
procéder à des frappes afin d’affaiblir
les capacités militaires du pays et
d’accélérer la défaite du régime syrien.
Dans de nombreux pays occidentaux en
effet, les lobbies anti-Assad ont
visiblement pris en otage les élites
politiques, comme c’est par exemple le
cas en France d’après l’analyste
Elie martin. Si la
proposition russe a donc contribué à
sauver la paix et la stabilité dans la
région, elle l’a fait au prix de mettre
devant ses contradictions un Occident
qui s’est finalement piégé tout seul en
mettant volontairement en péril le droit
international et donc sa légitimité.
Pourquoi?
Parce qu’une victoire militaire de
l’Etat syrien, puis sans doute politique
aux prochaines élections de Bachar al-Assad,
signifierait une victoire au final de «
l’Iran » sur Washington et Riyad et une
perte de crédibilité de l’Occident
américano-centré en tant que puissance
dominante. Quant à une défaite militaire
de l’Etat syrien face aux rebelles, elle
verrait inévitablement le pays
s’enfoncer dans une anarchie sur le
modèle irakien et la prise de pouvoir de
fondamentalistes, ce qui représenterait
un danger tant pour la région que le
monde.
Pire, peut-être que des frappes
militaires occidentales pourraient
mettre
en péril la légitimité et
l’existence de l’Onu, ce contre quoi la
Russie s’oppose plus que tout. N’est-ce
pas un étonnant renversement de
l’histoire que ce soit la fille de
l’Union Soviétique qui soit contrainte
de défendre pacifiquement le droit
international face à des occidentaux
alliés aux pires dictatures islamistes ?
En quelques semaines, il est intéressant
de voir comment l’image de la Russie à
évolué. De dictature froide cautionnant
les massacres du Tyran syrien et
refusant d’aider le bienfaiteur Snowden,
la Russie apparaît désormais de nouveau
comme le pays aidant les faibles et les
pays agressés, son président
mediatiquement détesté devenant même un
potentiel candidat pour recevoir le prix
Nobel de la paix, comme Gorbatchev en
son temps (paradoxalement au moment ou
le monde unipolaire se mettait en place)
ou encore plus récemment le président
américain Obama.
La guerre en Syrie aura été un
révélateur supplémentaire que
l’Occident politique
n’existe pas ou plus, tant les
hésitations et l’absence d’unité
politique sont apparues évidentes. En
face, les deux autres axes participant
au conflit ont fait eux preuve d’une
détermination et d’une unité politique
sans faille, que ce soit l’axe chiite ou
l’axe des émergents, opposés à la guerre
et rassemblés autour du binôme
russo-chinois, les seconds soutenant
assez clairement les premiers.
Lorsqu’à la chute de l’Union Soviétique,
Francis Fukuyama préconisait la fin des
idées et la victoire définitive de
l’Occident, il s’était trompé et le rêve
unilatéral totalitaire n’aura
historiquement duré qu’une grosse
décennie. Même si la suprématie de
l’Occident, bien que déclinante, reste
provisoirement quasi-totale sur le plan
économique et militaire, la guerre en
Syrie devrait sans doute signifier que
l’Occident vient de perdre la guerre
morale et de subir une défaite politique
définitive.
Cela pourrait sans doute signifier que
l’humanité vient de rentrer dans une
nouvelle période de son histoire: le
début de la fin du monde unipolaire.
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