Tribune
Quelques rappels
sur les événements d'août 2008
Alexandre Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 15 août
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Le mois d’août marque un bien triste
anniversaire, celui de la guerre de 2008
qui a tragiquement opposé deux peuples
voisins et orthodoxes: la Russie et la
Géorgie. Cette guerre a éclaté pour
diverses raisons, historiques et
territoriales bien sur mais également à
cause de la superposition d’aspirations
géopolitiques contraires entre 3 entités
bien distinctes : la Russie, la Géorgie
et l’Ossétie du sud.
Le mainstream médiatique a longtemps
présenté le conflit d’aout 2008 comme
une manifestation de l’impérialisme
russe sur ces anciennes républiques et
même un envahissement de la Géorgie par
la Russie. Il est d’ailleurs intéressant
de relire certains articles, par exemple
ici,
la ou encore
ici. Malheureusement pour certains
journalistes, le rapport
Heidi commandé par la commission
européenne confirmera en septembre 2009
la responsabilité de Tbilissi dans le
déclenchement de ce conflit. Le comité
d’enquête de la fédération de Russie est
arrivé aux
mêmes conclusions en établissant que
"En violation de toutes les normes
internationales il y a eu de la part de
la Géorgie une agression préparée,
ouverte contre la population civile
d’Ossétie du Sud, contre le contingent
de la paix russe". La Russie pourrait
d’ailleurs saisir la Cour Pénale
Internationale et
poursuivre le pouvoir Géorgien.
Cette responsabilité historique
géorgienne est d’ailleurs également
reconnue par de nombreux hommes
politiques Georgiens, comme par exemple
l’ex premier ministre Tenguiz Sigoua.
Cette guerre est une bonne illustration
de l’incroyable imbroglio caucasien
postsoviétique, des difficiles rapports
de Moscou avec ses marches, mais aussi
de la pression géopolitique et
médiatique qui existe contre la Russie.
Lors de l’effondrement de
l’Union-soviétique en 1991, et dans un
souci de cohésion nationale post
indépendance, la Géorgie supprime le
statut d’autonomie de l’Ossétie, statut
acquis sous l’Urss. Dès 1991: un conflit
militaire oppose l’état Georgien avec
les indépendantistes ossètes souhaitant
notamment le rattachement à la
république d’Ossétie du nord,
frontalière mais située dans les
frontières de la fédération de Russie.
Le conflit dura jusqu’en juin 1992 et
aboutit à
l’accord de Sotchi qui maintient
l'essentiel du territoire Ossète sous
contrôle des indépendantistes. Une force
d'interposition sous mandat de l'ONU fut
créée, composée de troupes géorgiennes,
sud-ossètes et russes, ainsi qu’une
commission composée de Russes,
Nord-Ossètes, Sud-Ossètes et Géorgiens
sous la présidence de la CEI. La même
année, un coup d’état a lieu et Édouard
Chevardnadzé est nommé président du
Conseil d’État, avant d’être élu
président de la république en 1995 avec
74% des suffrages. Il conservera le
pouvoir jusqu’en 2003 ou un nouveau coup
d’état (une révolution de couleur)
aboutira à l‘arrivée au pouvoir cette
fois de Mikhaïl Saakachvili. Celui ci
remportera l’élection présidentielle de
2004 avec pas moins de 96% des voix.
Deux ans plus tard, en 2006, les
autorités sud-ossètes qui contrôlent la
région, votent leur indépendance, qui ne
sera reconnue que par la Russie.
Mais parallèlement, les relations
Russie/Occident se sont dégradées,
notamment via la Géorgie. Pour Moscou,
la révolution de couleur en Géorgie de
2004, pacifique mais parfaitement
orchestrée, s’inscrivait dans une
logique offensive occidentale, non
militaire, mais visant à déstabiliser
les marches russes. L’objectif de ces
révolutions de couleurs pour le Kremlin
est clairement d’organiser
l’installation de nouveaux dirigeants
politiques hostiles au Kremlin que ce
soit en Serbie en 2000, en Géorgie en
2003 ou en Ukraine en 2004. Le président
Bush qualifiera d’ailleurs lui-même la
révolution de couleur en Géorgie de
"séquence historico-politique
modèle pour d’autres pays qui
recherchent la liberté". Moscou a aussi
toujours affirmé que la mouvance
terroriste et islamo-séparatiste qui
opérait dans le Caucase a utilisé la
vallée du Pankissi (en territoire
Géorgien) comme base arrière, et ce avec
une complicité plus ou moins passive de
l’état Géorgien.
C’est dans ce contexte global difficile
et très tendu que les événements d’août
2008 ont eu lien. Après plusieurs
accrochages entre l’armée Géorgienne et
les milices indépendantistes Ossètes,
les troupes géorgiennes ont lancé le
6 août un assaut militaire sur
l’Ossétie. L’attaque fit
18 morts dans les forces russes de
maintien de la paix de la CEI. La
réponse de la Russie fut proportionnée
et dès le 08 août l’armée russe rentra
en Ossétie pour repousser l’offensive
Georgienne.
Récemment le mainstream médiatique
français a encore frappé puisque suite à
des déclarations mal interprétées ou
peut être simplement
mal traduites, on a pu
lire que: "Vladimir Poutine a assuré
à la télévision russe que la guerre de
Géorgie avait été préparée par un plan
d'attaque dès 2006". Ou
encore que Vladimir Poutine
"reconnaît avoir planifié la guerre en
Géorgie" et que "L’invasion de la
Géorgie avait été mise en point deux ans
avant le conflit". Malheureusement,
cette transcription n’est pas complète,
puisque le plan cité par le président
russe n’est pas un plan d’invasion ou de
déclenchement de conflit, mais un plan
je cite de "réaction
à une invasion militaire Géorgienne en
Ossétie": "У России был план
реагирования на вторжение Грузии в Южную
Осетию, признал сегодня Владимир Путин".
La Russie savait évidemment via ses
services de renseignement dès le
04 août, qu’une opération était
envisagée dans les jours qui suivaient.
A ce titre le 05 août, la Russie avait
du reste
mis en garde la Géorgie contre une
intervention militaire en Ossétie. Le
mois précédent, soit en Juillet 2008,
les troupes géorgiennes ont tenu un
exercice militaire dénommé "réponse
immédiate" impliquant près de 2.0000
hommes. Le même mois, les troupes russes
ont elle aussi mené des
manœuvres d’entrainement avec prés
de 8.000 hommes.
Beaucoup de commentateurs ont été
visiblement choqués que la Russie
reconnaisse avoir entrainé des milices
Ossètes dès 2006. Il faut se souvenir
qu’en 2006, les autorités sud-ossètes
qui contrôlent la région, votent leur
indépendance (qui ne sera reconnue que
par la Russie) et souhaitaient aussi
réintégrer la fédération de Russie et se
réunifier avec l’Ossétie du nord, elle
en territoire russe. Titulaire de
passeports russes, les ossètes se
sentent en outre fondamentalement comme
un peuple de la fédération de Russie. A
la même époque (en fait dès 2002) des
centaines de conseillers militaires
américains sont arrivés en Géorgie, pour
entrainer les troupes Georgiennes soi
disant à la lutte antiterroriste.
L’armée géorgienne, se préparant à une
hypothétique adhésion à l’Otan dont le
président Saakachvili avait fait une
priorité, avait notamment lancé un très
ambitieux
programme militaire, visant à
renforcer et développer l’armée. Elle a
notamment reçu (entre 2004 et 2008) des
entrainements via des
troupes militaires d’Amérique, de
Turquie, de France, d’Israël, de la
Pologne, d’Ukraine ou encore de
Hollande.
Comment dès lors être surpris que les
russes aient pu envisager divers
scénarios dont une attaque sur l’Ossétie
menée par une armée Géorgienne remise à
niveau, attaque décidée par un leader
politique qui a naïvement cru qu’il
pourrait entrainer l’Otan dans une
guerre contre la Russie?
Article publié sur
RIA Novosti
Le sommaire d'Alexandre Latsa
Les dernières mises à jour
|