Tribune
La relation
franco-russe,
de François Hollande à Gérard Depardieu
Alexandre
Latsa
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Alexandre Latsa
Mercredi 6 mars
2013
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Source:
RIA Novosti
Le président François Hollande est donc
venu à Moscou pour y consolider une
relation franco-russe qui bien
qu’ancienne, est toujours ambigüe. La
Russie et la France ont une histoire
commune forte et très souvent ces deux
pays se sont du reste retrouvés du même
coté de la barricade, dans l’histoire
moderne.
Pendant le siècle de l'unilatéralisme
anglo-saxon britannique, français et
russe ont militairement tenté de
résister à cette dominance britannique,
que ce soit en Amérique du nord pour les
français et en Asie centrale pour les
russes. L’épisode napoléonien n’a quand
a lui finalement laissé que peu de
blessures profondes dans l’histoire des
relations franco-russes, au contraire de
l’épisode hitlérien.
Durant le siècle dernier, France et
Russie étaient également du même coté,
pendant la deuxième guerre mondiale,
bien que la fin de la guerre ait laissé
France et Russie chacune d’un côté du
rideau de fer, dans une Europe meurtrie
sous domination Américaine à l’ouest, et
soviétique à l’est. A l'ouest, c’est la
France du Général De Gaulle qui a la
première brandi l’étendard
souverainiste, s’émancipant du joug
américain post guerre froide, pour
tenter dès 1966 de rebâtir un pont
continental vers une Union soviétique
qu'il n'a du reste jamais cessé de
nommer Russie. Mais ce printemps
français prendra fin avec le départ du
Général. Progressivement, la France
perdra sa superbe, sa politique
d'indépendance, et finalement une bonne
partie de sa souveraineté, acquise si
difficilement.
La France d’après De Gaulle modifiera
ainsi quelque peu sa destinée
historique. Comme le rappelait
Nikolaï Dolgopolov: "les dirigeants
français qui lui ont succédé n’étaient
pas d’honnêtes patriotes et n’avaient
sans doute pas la carrure de présidents,
mais plutôt de simples ministres". Une
assertion brutale mais avec la quelle il
est assez difficile d’être en désaccord.
En moins d’un demi siècle la France
n’est plus que l’ombre d’elle-même: le
pays est devenu une hyper-province sans
souveraineté, dirigée par les managers
de cette hyper structure qu'est
aujourd'hui l’Europe de Bruxelles,
enfoncée dans une crise politique et
économique dont on imagine mal comment
sortir.
Pendant ce temps, la Russie s’est
remise de la fin du Soviétisme et
connaît un rétablissement phénoménal. Ce
printemps russe s’accompagne d’ambitions
politiques fortes, et la Russie a repris
à son compte l’étendard souverainiste
pour devenir en quelque sorte le porteur
de flambeau des pays qui refusent
l’unilatéralisme anglo-saxon 2.0, cette
fois américain. Il est d’ailleurs
intéressant de rappeler que les grands
messages géopolitiques du Général de
gaulle se sont adressés à l'Amérique du
sud et à la Chine, deux parties du monde
qui sont aujourd'hui l'objet des
attentions prioritaires de la Russie.
La Russie, comme l’a très bien
rappelé Jean-Pierre Chevènement n’est
pas un pays émergeant mais un pays qui
ré-émerge. Les attentes russes envers la
France semblent cependant stables et la
Russie a patiemment et intelligemment
stabilisé ses relations bilatérales avec
les gros pays européens: Allemagne,
Italie et France en tête. Le besoin
français de Russie est lui croissant
aujourd’hui pour des raisons
principalement économiques. La relation
France-Russie devrait d’ailleurs dans
les prochaines années sans doute
principalement se cantonner à ce domaine
et à ce titre 80% des français trouvent
du reste
normal que la France signe des
contrats avec la Russie.
Sur le plan extérieur, le président
Français a fait avaliser par Hubert
Védrine l’intérêt et la nécessité pour
la France de rester dans l’Otan.
Celui-ci, se conformant aux logiques
américaines en Syrie, ne fait donc que
prolonger la politique étrangère
française décidée à a Washington, qui
avait vu son prédécesseur agir dans ce
sens en Libye. Alors que le changement
c’est soi disant maintenant, rien n’a en
fait changé depuis 2008 et la décision
de Nicolas Sarkozy de réintégrer le
commandement unifié de l’Otan. La Syrie
reste donc évidemment un point de
désaccord fondamental entre la
diplomatie Russe (qui pense aux
conséquences régionales d’un changement
anarchique de pouvoir) et la diplomatie
Française dont l’objectif est
visiblement uniquement la chute d’Assad.
Sur le plan bilatéral, la relation
franco-russe a connu récemment quelques
risques de grincements, que l’on pense à
l’hystérie qui pousse, en France,
certains membres minoritaires de la
majorité politique actuelle à vouloir
littéralement canoniser les Pussy-Riot,
ou bien à souhaiter l’établissement
d’une liste Magnitski européenne,
vulgaire copie d’un projet américain
sans doute totalement inutile.
Conséquence ou pas de ces nouvelles et
récentes incompréhensions pourtant
minimes, un gros dossier des relations
franco-russes semble a ce jour un peu
vaciller: les russes ne souhaiteraient
désormais acheter que deux
navires mistrals et non pas quatre,
c'est cependant une rumeur récente et
qui reste à confirmer.
Pourtant l'atmosphère de la rencontre
de François Hollande avec le président
russe a été finalement plutôt positive
et la diplomatie économique semble avoir
définitivement pris le dessus sur
l’idéologie, ce qui est finalement la
meilleure chose pour la relation
franco-russe.
A titre personnel, François Hollande
n’est pourtant pas épargné. Après son
déplacement en Inde, autre pays
émergent, la presse Indienne qui ne
manque pas d'humour avait relevé que "sa
cravate est souvent de travers et qu'une
manche de son costume est parfois plus
longue que l'autre" ou encore que "comme
son prédécesseur, il écorche les noms
Indiens". C’est la presse française qui
cette fois a été comme a son habitude la
plus critique sur la visite de François
Hollande en Russie, lui reprochant de ne
pas avoir défendu assez les droits de
l’homme et d’être même passé
pour faible. La presse russe se
contentant elle de rappeler que François
Hollande était le président français le
plus impopulaire depuis 1981, et le
dernier président socialiste, pendant
que les militants des droits de l’homme
russes
affirmaient eux que le président
français "n'a pas répondu à leur demande
d'une condamnation claire par l'Europe
des violations des droits de l'homme en
Russie".
Heureusement, et ce malgré
l’obsession de certains journalistes
français, l'image de la France reste
globalement très bonne en Russie et à ce
titre le phénomène Depardieu le prouve
chaque jour un peu plus. Celui-ci
projette d’ouvrir en Mordovie une
boulangerie et un restaurant, de faire
un film sur la Tchétchénie et aussi
d’animer une émission culturelle à la
télévision russe, projet qui a déjà reçu
l’aval du jeune et brillant ministre de
la culture : Vladimir Medinski. Avec ou
sans passeport français, Depardieu donne
finalement une bonne leçon de
patriotisme économique et culturel en
contribuant à l’essor de la culture
française dans des régions ou celle-ci
n’est pas très présente. Après avoir été
domicilié rue de la démocratie à
Saransk, vient également d’hériter d’un
appartement dans la capitale Tchétchène.
Il reste à savoir si l’appartement se
situe bien Prospekt Poutina (Avenue
Poutine) afin de pouvoir tirer la
conclusion qui s’impose et qui est que
les russes ont bien un sens de l’humour
à l’image de leur pays: démesuré.
© 2013
RIA Novosti
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