Opinion
Synthèse
démographique russe de l'année 2012
Alexandre
Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 6 février
2013
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Source:
RIA Novosti Alors que
les enfants et les
droits d’adoption sont au cœur de
l’actualité, la situation démographique
russe est curieusement comme passée de
mode dans le monde des médias.
Pourtant les derniers développements
démographiques russes sont extrêmement
intéressants. Les lecteurs qui suivent
mes chroniques sur RIA Novosti savent
que la démographie a été l’un des
principaux points de l'entreprise de
dénigrement de la Russie. Beaucoup
d’analystes ont en effet pris le train
de l’information en marche, train qui
affirmait à tort que la Russie ne se
relèverait sans doute pas du terrible
choc démographique qu’elle a connu au
lendemain de l’effondrement de l’URSS.
Un peu d’histoire s’impose donc.
De 1991 à 1999, en conséquence de
l’effondrement de l’économie russe,
l’état sanitaire de la population s’est
considérablement détérioré et
l’espérance de vie s’est écroulée ainsi
que la natalité. En 1989 la Russie a
connu 2.160.559 naissances et 1.583.743
décès et la population a augmenté de
576.816 habitants. 1991 a été la
dernière année qui a vu une hausse
naturelle de population (naissances -
décès) avec 1.794.626 naissances et
1.690.657 décès soit une hausse de
population de 103.969 habitants. A
partir de cette année 1991, la Russie
est entrée dans le cycle démographique
infernal de la
croix russe, c'est-à-dire une faible
natalité et une forte mortalité. Le
nombre de naissances est tombé à
1.214.689 en 1999 contre 2.144.316
décès, soit une perte nette de
population de 929.627 habitants. Le
nombre de naissances
remontera ensuite, n’atteignant de
nouveau le niveau de 1991 (plus de 1,7
millions de naissances) qu’à partir de
2011. Quand aux nombre de décès, il
restera très élevé et supérieur à deux
millions également jusqu'à cette année
2011, qui verra 1.925.036 décès.
Cette évolution se traduira par une
diminution de population continue, mais
à une vitesse qui se réduira fortement à
partir de 2005, la baisse naturelle de
population étant de respectivement
687.066 habitants en 2006, 470.300
habitants en 2007, 363.500 habitants en
2008, 246.500 habitants en 2009, 241.400
en 2010 et finalement 131.208 en 2011.
Les lecteurs voulant le détail des
naissances et décès année par année de
1991 à 2011 peuvent le trouver
ici.
La Russie a cette année 2012 connu
1.896.263 naissances, contre 1.793.828
l’année dernière, soit une hausse de
5,7% c'est-à-dire 102.435 naissances en
plus. La mortalité elle continue à
diminuer, puisque l’année a vu 1.898.836
décès, contre 1.925.036 décès l’année
passée, soit une baisse de 1,4%,
c'est-à-dire 26.200 décès en moins. Avec
1.896.263 naissances et 1.898.836 décès,
la Russie
frôle donc cette année l’équilibre
naissances - décès, avec un solde
négatif de 2.573 habitants. Les grands
froids historiques que le pays a connu
fin décembre ont cependant accru la
mortalité,
décembre 2012 ayant vu 2.698 décès
de plus que décembre 2011.
Il est intéressant également de regarder
ou se situe majoritairement cette hausse
du nombre de naissances: Il y a tout
d’abord
l’oblast Omsk, la ville de
Saint-Pétersbourg, les districts
énergétiques de
Khanty-Mansiisk,
Tioumen et
Iamalie, la
république des Maris, le
Tatarstan, le
territoire de Krasnodar ainsi que
les régions de
Kalouga et de
Lipetsk et enfin
la région de Moscou.
Il y a donc des raisons d’être plutôt
optimistes. Tout d’abord le nombre de
naissances est dans une dynamique
continue de croissance pendant que la
mortalité est elle au contraire en
décroissance. On imagine donc mal ces
tendances soudainement s’interrompre et
donc comment les prévisions
démographiques d’une Russie de 130
millions d’habitants en 2015 pourraient
arriver, scénario pourtant envisagé par
les sources d’analyses les plus
sérieuses (voir
ici,
la ou
ici) jusqu'à il y a quelques années.
La population russe devrait se situer
aux alentours de 143,6 millions
d’habitants en ce premier mois de
l'année 2013, soit la prévision
statistique démographique la plus
optimiste des scénarios démographiques
de l’état russe, qui aurait du être
atteinte seulement en...
Janvier 2015!
Pour beaucoup d’analystes ces résultats
sont déjà exceptionnels et supérieurs
aux prévisions des démographes
russophiles
les plus optimistes. Bien sûr le
pire est devant puisque depuis 2004 on
observe une baisse du nombre de femmes
en âge de procréer (15-49 ans) et que
depuis 2008 cette baisse concerne
également les 15-29 ans, soit la tranche
d’âge ou se concentrent actuellement 75%
des naissances (voir pour bien
comprendre ce
schéma). Cette baisse devrait se
prolonger jusqu’a 2025, année durant
laquelle les jeunes femmes russes de 25
ans seront vraisemblablement 35% moins
nombreuses qu’aujourd’hui. Pour faire
face à cette situation, il faudrait donc
que le nombre d’enfants par femmes
double littéralement, soit plus que les
trois enfants que le président russe a
dans son discours de fin d’année estimé
comme le
nombre d’enfants que devait avoir
chaque famille russe normale. Ou alors
il faudrait que les femmes fassent des
enfants plus tôt et/ou plus tard. Le
changement des mentalités fait que les
femmes russes ont des enfants de
plus en plus tard. De plus, le
nombre d’avortements est en forte
baisse, passant de 1,8 million en 2004 à
moins de 850.000 cette année. Enfin et
peut être surtout l’immigration (de
résidence) est
en baisse mais stabilisée à 250.000
/ 300.000 entrées annuelles.
Mais le facteur migratoire pourrait
jouer un rôle important dans le futur
puisque la chambre basse du parlement
devrait
élargir la liste des personnes
pouvant prétendre à la citoyenneté russe
via une procédure simplifiée. Le régime
s’appliquerait aux "porteurs de la
langue russe et de la culture russes,
les descendants directs des
ressortissants de l'Empire russe". Cette
loi fait suite à une initiative du chef
de l’Etat Vladimir Poutine qui en
juillet 2012 avait soulevé la question
de rapatriement des descendants de
citoyens de l'URSS et de l'Empire russe
en déclarant que "Les compatriotes
expatriés voudraient être utiles pour
leur patrie historique" et que "Les
ressortissants de l'Empire russe font
partie d'une même nation et
civilisation". Ainsi, via cette loi, les
habitants de Finlande et de Pologne,
ainsi que les
Tcherkesses qui ont quitté le
Caucase après la défaite dans la guerre
du Caucase, pourraient obtenir la
citoyenneté russe.
On imagine donc de plus en plus
difficilement comment dans l’avenir la
population russe devrait s’effondrer
comme cela a souvent été répété. Et si
2013 voyait une hausse naturelle de
population?
© 2013
RIA Novosti
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