Tribune
Vers une nouvelle perestroïka
Alexandre Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 4 avril
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
Beaucoup de commentaires négatifs et
sans doute inappropriés ont accompagné
l’élection présidentielle en Russie.
Bien que l’on ne parle plus beaucoup de
fraudes, ni d’une quelconque
illégitimité du futur locataire du
Kremlin, le main-stream médiatique a de
nouveau remis en avant la possibilité
d’un pouvoir russe qui serrerait la vis
ou encore d’une éviction totale de
Dimitri Medvedev qui quitterait la vie
politique, à cause du retour au pouvoir
de Vladimir Poutine.
La théorie de la rupture entre les deux
hommes avait, on s’en souvient,
constitué l’une des principales bases
d’analyse de nombre de commentateurs
étrangers en vue de la présidentielle.
L’idée développée par ces commentateurs
était la suivante: Les deux hommes sont
fondamentalement opposés, Dimitri
Medvedev représenterait une Russie
tournée vers la modernisation et l’ouest
(comprenez vers la démocratie, les
droits de l’homme et surtout la lutte
contre la corruption crée par le
capitalisme d’état sous contrôle des
organes de sécurité) pendant que
Vladimir Poutine représenterait une
Russie archaïque et autoritaire, fermée
et gangrenée par un vieux système
sclérosé sous contrôle des organes de
sécurité.
Pourtant les récents événements montrent
que la rupture entre les deux hommes est
à ce jour loin d’être une réalité. Sans
surprise, et conformément a ce qui avait
été prévu et annoncé, le nouveau
président russe a nommé Dimitri Medvedev
comme étant son futur premier ministre.
Cette théorie de la rupture s’était
aussi propagée en Russie avant
l’élection présidentielle, puisqu’un
certain nombre de personnalités du monde
politique russe avaient ouvertement pris
position pour la candidature de Dimitri
Medvedev, et donc indirectement contre
la candidature de Vladimir Poutine.
Dimitri Medvedev a donc fait preuve
d’une solidité sans faille, n’écoutant
pas les sirènes et restant indifférent
aux appels du pied d’une certaine
intelligentsia libérale qui aurait
souhaité l’utiliser comme tête de pont
dans une manœuvre contre le "système
Poutine", système qui selon cette
intelligentsia bloque les espoirs
démocratiques de la Russie
postcommuniste. Pourtant, même si les
Iphonchiki (fans d’Iphones) qui ont
défilé durant ces derniers mois ne le
reconnaissent pas, sept réformes
majeures ont été
proposées en décembre 2011 par le
président Medvedev, et qui curieusement
ont été passée sous silence par le
Main-Stream médiatique.
- Le retour aux élections directes pour
les gouverneurs régionaux.
- La modification du système signatures
nécessaires pour que les partis puissent
s’enregistrer au parlement.
- L’allègement de la procédure de
création des partis politiques (500
signatures désormais nécessaires contre
45.000 aujourd’hui).
- Le renforcement de la proportionnelle
aux élections législatives pour
améliorer la représentativité des petits
partis. (ceux qui obtiennent moins de 5%
et n’étaient jusqu’alors pas
représentés).
- L’abaissement du nombre de signatures
nécessaires pour qu’un candidat
s’enregistre à l’élection
présidentielle. (300.000 au lieu de
2.000.000 jusqu’à maintenant pour les
candidats de partis représentés à la
Douma, et 100.000 pour les candidats de
partis non représentés à la Douma).
- L’augmentation de la représentation
des partis d’opposition au sein des
commissions électorales, pour assurer un
vote et des décomptes justes.
- L’accentuation de la décentralisation
des organismes fédéraux, c'est-à-dire du
niveau fédéral vers les échelons
régionaux, municipaux et locaux.
Manifestement, cet agenda politique
avait été préparé bien avant l’élection
présidentielle, et il parait clair que
ce n’était pas dans un contexte
conflictuel entre les deux hommes. Au
contraire, ces réformes annoncées par
Dimitri Medvedev ont sans aucun doute eu
le soutien total de Vladimir Poutine.
Elles laissent penser que la Russie
pourrait entrer dans une nouvelle
période, que l’on pourrait qualifier de
"nouvelle perestroïka". Mais il est
probable qu’à la différence de la
"perestroïka naufrage" de Michael
Gorbatchev qui avait amené le pays à
l’anarchie, cette potentielle "nouvelle
perestroïka" sera sans doute une
perestroïka méticuleusement préparée et
développée, sous contrôle. Comme l’avait
annoncé le député Sergei Markov sur Ren-Tv
le 11 décembre dernier, "la
modernisation continuera sa route, pas
par pas". Cette modernisation mise en
avant par le président Medvedev dès son
arrivée au pouvoir en 2008 sera donc
sans doute visiblement l’un des éléments
essentiels du développement de la Russie
d’aujourd’hui, et de demain. Pour
l’analyste
Alexandre Rahr, "Vladimir Poutine
est visiblement prêt a donner carte
blanche a un futur gouvernement
Medvedev, pour poursuivre des reformes
radicales". Le message serait clair: "le
tandem existe toujours, et Dimitri
Medvedev est plausiblement un leader
politique de la génération russe
suivante".
On voit donc bien que les mesures
proposées par Dimitri Medvedev, dans le
but de réformer la vie des partis
politiques, ont le soutien entier de
Vladimir Poutine et que le tandem n’a
jamais été aussi soudé. Cette "nouvelle
perestroïka" coïncide du reste
parfaitement avec le ton qui a été donné
au futur mandat de Vladimir Poutine,
(2012-2018). Son porte parole a en effet
récemment
indiqué que: "Le nouveau Poutine (…)
sait parfaitement où il va et ce qu'il
devra faire", mais également que si "le
premier et le deuxième mandat
représentaient respectivement la
réanimation et la restauration de la
Russie, le troisième mandat de Vladimir
Poutine serait celui du développement
physique et spirituel du pays, de son
économie et de tous les autres
domaines".
Contrairement à certaines analyses donc,
cette libéralisation-soft et cette
ouverture politique annoncées sont un
autre chapitre de la reconstruction de
la Russie, qui vient après la
restauration de l’autorité de l’état et
le redressement de l’économie du pays.
Article publié sur
RIA Novosti
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