Tribune
Vers un monde
incertain ?
Alexandre Latsa
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Alexandre Latsa
Mercredi 4 janvier
2012
"Un autre
regard sur la Russie" par Alexandre
Latsa
L’année 2011 vient de finir, et pour
commencer cette tribune je souhaite une
bonne et heureuse année 2012 aux
lecteurs de RIA-Novosti. L’agence a
publié
les impressions personnelles des
commentateurs de RIA-Novosti et je
tenais à apporter ma modeste
contribution à ce sujet. Que penser de
l’année qui s’achève et de celle qui
commence? Les présidents des deux pays
qui me tiennent le plus à cœur, à savoir
la Russie et la France, ont eu des mots
finalement assez identiques lors de
leurs discours de fin d’année,
qualifiant 2011 d’année très difficile.
Le monde d’avant la crise nous parait
aujourd’hui bien lointain mais la
similitude de tonalité des discours
présidentiels de fin d’année ne doit pas
masquer le fait que les situations en
France et en Russie sont sensiblement
différentes.
Les conditions économiques se
dégradent en France, alors que 2011 aura
été l’année de sortie de crise pour la
Russie. Selon
un sondage publié par le portail de
recrutement Superjob.ru, 16% des Russes
attendent des changements positifs pour
l'année 2012, 8% estiment que 2012 sera
stable dans tous les domaines, 7%
attendent à une augmentation de salaire,
et 6% estiment qu'il ne se passera rien
de particulier l'année prochaine. Les
pessimistes, qui pensent que 2012 sera
marqué par une dégradation de conditions
de vie et une flambée des prix ne sont
que 9%. Globalement, le sondage montre
donc un optimisme prudent qui tranche
avec le fatalisme traditionnel des
russes, et qui s’explique sans doute par
la santé économique du pays,
relativement bonne, et par les
perspectives de 2012.
L’incertitude économique qui frappe
la zone euro se ressent sur le moral des
citoyens. Ce premier janvier 2012
marquait les 10 ans d’existence de
l’Euro, et comme le
rappelait l’excellent commentateur
Vlad Grinkevitch, "la zone euro ne
traverse certainement pas sa meilleure
période ". "La crise de la dette qui a
frappé la Grèce, le Portugal, l’Italie
et l’Espagne risque de dégénérer en une
catastrophe financière majeure et être à
l’origine d’une nouvelle récession ".
Ainsi ce sont
81% des Français qui pensent que
2012 sera une année difficile. Une
anxiété cependant bien compréhensible
alors que la France pourrait faire face
en 2012 à une perte de son triple A, et
sans doute s’avancer un peu plus vers
une situation de récession économique.
Les irlandais, les autrichiens et les
belges sont respectivement deuxièmes,
troisièmes et quatrièmes au classement
du pessimisme, après les français, selon
une enquête réalisée dans 51 pays. Les
citoyens les plus pessimistes se situent
donc clairement du côté des pays réputés
les plus riches et les plus développés.
Probablement parce qu'ils ont beaucoup
plus à perdre et que les perspectives
économiques globales sont
particulièrement mauvaises pour 2012
dans la plupart des pays riches de
l’OCDE.
Logiquement,
les dix pays où l'avenir est perçu
comme le plus sombre sont concentrés sur
le continent européen. Six d'entre eux
sont même membres de l'Union européenne.
Le Premier ministre grec, Lucas
Papademos, a appelé à poursuivre
"l'effort (...) pour que la crise ne
conduise pas à une faillite désordonnée
et catastrophique". Pour le président
français Nicolas Sarkozy, "le destin de
la France peut basculer" en 2012. La
chancelière allemande Angela Merkel a
averti que 2012 serait "plus difficile"
que l'année qui s'achève. Quand au
président italien Giorgio Napolitano, il
a demandé à ses compatriotes d'accepter
les sacrifices pour éviter
"l'effondrement des finances du pays".
Dans une moindre mesure, l'Amérique du
Nord - Etats-Unis et Canada - est
également dans ce groupe de pays qui
entrent dans l'avenir à reculons. En
revanche, quatre pays parmi les dix les
plus optimistes au monde se trouvent en
Afrique. En tête, le Nigeria, mais aussi
le Ghana, la Tunisie et le Soudan du
Sud. En Asie, le Vietnam et
l'Ouzbékistan abordent aussi 2012 avec
optimisme.
Mais il n’y a pas que l’économie:
2012 sera aussi une année charnière sur
le plan politique car elle sera une
année d’élection dans les 3 grands pays
que sont la France, les Etats-Unis et la
Russie. Sur le plan politique, tout
comme sur le plan économique, l’avenir
proche de la Russie semble clair:
croissance économique soutenue et
continuité du pouvoir politique russe
quasi assurées. C’est loin d’être le cas
pour la France et les Etats Unis. Barack
Obama et Nicolas Sarkozy portent sur
leurs épaules de dirigeants les très
lourdes responsabilités de la crise
économique et monétaire qui continue à
se développer. Effet pervers possible,
une victoire des républicains en
Amérique et des socialistes en France
pourrait sensiblement modifier les
rapports politiques entre grandes
puissances, et créer des impulsions
politiques dans de nouvelles directions,
avec des conséquences sans doute
imprévisibles à ce jour.
Pendant que je regarde en boucle les
images des festivités du nouvel an
reprises par Russia-Today, et ces foules
qui semblent insouciantes, je me demande
bien à quoi va ressembler le monde qui
se réorganise si rapidement, ce monde
dans lequel vivront nos enfants et nos
petits enfants.
Le printemps arabe tourne à l’hiver
et l’économie des pays occidentaux entre
dans un automne plus qu’inquiétant. Pour
certains analystes comme Olivier
Delamarche, l’effondrement du système
financier pourrait entrainer
une ou plusieurs guerres. Si ce
scénario catastrophe est écarté, les
grand changements en cours vont se
poursuivre : Les pays du groupe BRIC
(Brésil- Russie- Inde- Chine) ont
rebondi après la crise de 2008, ils se
préparent à leurs rôles de futurs géants
économiques, et le centre de gravité du
monde continue à se déplacer vers
l’Asie. La crise financière et
économique en cours devrait entrainer
l’affaiblissement relatif de l’Occident
et surtout rendre son modèle politique,
économique et moral de moins en moins
crédible. Ailleurs dans le monde,
d’autres puissances comme la Malaisie,
le Mexique, la Turquie ou l’Iran, se
préparent à devenir des puissances
régionales dont il faudra tenir compte.
Ce "nouveau monde" qui sera sûrement
multipolaire devrait donc voir
l’émergence de nouvelles puissances et
de nouveaux modèles politiques et
économiques. La question est de savoir
si cette transition pourra être
pacifique. L’avenir qui se dessine
semble bien incertain.
L’opinion de l’auteur ne coïncide
pas forcément avec la position de la
rédaction.
Article publié sur
RIA Novosti
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