Opinion
Poutine 3 - An 1:
Bilan et avenir
Alexandre
Latsa
©
Alexandre Latsa
Mercredi 3 avril
2013
Source:
RIA Novosti
Beaucoup de commentateurs et analystes
ont tenté de faire le bilan politique de
la première année du
troisième mandat de Vladimir
Poutine, c'est-à-dire sa neuvième année
en tant que président de la fédération
de Russie et sa treizième année au
sommet de la scène politique russe.
Le premier mandat Poutine avait
commencé dans le sang avec la tentative
de déstabilisation orchestrée de la
république Tchétchène qui avait conduit
à la seconde guerre de Tchétchénie. Ce
premier mandat sera également marqué par
la prise d’otages du théâtre de Moscou
en 2002 ainsi que par l’attentat du
métro de Moscou en février 2004. Le
second mandat commencera lui aussi
difficilement avec le double attentat
sur les avions de ligne d’août 2004,
l’abominable prise d’otages de l'école
de Beslan et l’attaque de 2005 à
Naltchik contre le bâtiment des forces
de l’ordre. 2010 et 2011 connaitront
également
leurs attentats, dans le métro puis
à l’aéroport de Domodedovo. Pourtant
dans le même temps,
l’intensification de la lutte contre
les structures terroristes dans le
Caucase a sans doute considérablement
amoindri la capacité de ces cellules à
frapper ailleurs en Russie et notamment
dans la capitale russe, visée en
priorité pour des raisons bien
évidemment politiques. Sur le plan du
terrorisme la situation s’est donc
améliorée en Russie et ce sur la
quasi-totalité du territoire.
La situation politique s’est elle
aussi stabilisée. L’opposition
parlementaire n’est pas plus qu’il y a
10 ou 12 ans en position de remporter
des échéances électorales majeures
puisque seul le parti communiste peut
prétendre faire de l’ombre à
Russie-Unie, ce parti (on doit sans
doute plus parler de plateforme)
centriste et conservateur. Mais le parti
communiste, tout comme le parti
nationaliste libéral-démocrate de
Vladimir Jirinovski, souffrent d’une
usure profonde due à l’ancienneté de
leurs leaders respectifs, qui concourent
politiquement depuis la fin de l’URSS.
Curieusement du reste, cette usure
politique semble frapper autant, voir
plus, l’opposition que le pouvoir et ce
contrairement aux
prévisions de nombre d’experts.
L’opposition minoritaire et non
parlementaire qui avait quand à elle
réuni quelques
dizaines de milliers de manifestants
durant l’automne 2011 s’est logiquement
essoufflée, minée par les scandales et
les dissensions internes, tout comme
sans doute et surtout par l’absence d’un
quelconque programme politique. Aucune
surprise à cela, il y a un an j’avais
tenté
d’expliquer que la jeune classe
moyenne supérieure (dite classe
créative) n’allait pas pouvoir se
résoudre bien longtemps à confier le
leadership des manifestations de
l'opposition à des tendances radicales
par exemple d’extrême gauche, prêtes à
l’action violente, voire à basculer dans
le terrorisme.
Illustration: Une de mes amies,
journaliste pour une télévision publique
me disait qu’elle était allée à Bolotnaia, puis lorsqu’elle a vu ce que
devenaient ces rassemblements, à savoir
occuper des quartiers pour jouer du
tam-tam et dormir dehors (à l’époque
révolue du slogan Occupy Moscow) elle
m’a dit n’y avoir plus jamais mis les
pieds. Ce mouvement, pâle copie d’un
projet américain lui aussi sur le
déclin, est rapidement mort. Mon amie a
fini par voter Prokhorov aux élections,
par défaut, ne sachant pas trop pour qui
mettre son bulletin dans l'urne.
UnUne enquête par sondages
vient de démontrer que les jeunes
russes, contrairement à une idée reçue,
ne font en réalité pas plus confiance à
l’opposition qu’au pouvoir. Si un grand
nombre de jeunes soutiennent les
autorités, ils ragent en même temps
contre les bureaucrates et le système
administratif, et ce comme la totalité
des russes. Si Vladimir Poutine reste
l’homme politique préféré des jeunes,
celui-ci est suivi par Vladimir
Jirinovski et par Michael Prokhorov, et
la grande majorité des jeunes interrogés
n’a pris part à aucune manifestation de
l’opposition. Pour Elena Omeltchenko,
chef du Centre de recherche de la
jeunesse de l’École des hautes études en
sciences économiques: "Les jeunes
gens ont de la bouillie dans la tête. Le
nationalisme coexiste avec le
libéralisme".
Ce mélange de deux tendances que l’on
pourrait juger hautement contradictoires
peut donner naissance a une nouvelle
tendance hybride, dont l’une des formes
a sans doute émergé discrètement en
conséquence de l’évolution que la scène
politique russe a connu ces 18 derniers
mois: l’idéologie
nationale-démocrate.
Plusieurs membres de la Chambre
civile russe (organe consultatif auprès
du Kremlin)
s'attendent du reste à l'émergence
de plusieurs partis nationalistes
capables de concurrencer les partis
parlementaires lors des prochaines
élections législatives. Cette
droitisation à venir de la société
civile a visiblement été anticipée par
le pouvoir russe, et ceci se traduit par
l’émergence de figures fortes et
nationalistes dans le cercle de
gouvernance, que l’on pense par exemple
à Dimitri Rogozine ou encore à Serguey
Glaziev, tous deux anciens du mouvement
politique Rodina (La Patrie).
On peut donc imaginer que de
Bolotnaia 2011, il ne restera pas
grand-chose dans le futur proche. Comme
l’écrivait Dimitri Olchansky il y a
de cela un peu plus d’un an: "Les
gens qui ont manifesté à lotnaia et
Sakharov sont victimes d’une illusion
d’optique. (…) Ils pensent représenter
le peuple russe dans son ensemble – mais
sur ce point, ils se trompent. (…) Plus
longtemps Poutine conservera le pouvoir,
plus on aura de chances de voir la
société russe évoluer de façon paisible
et harmonieuse. Les nationalistes
finiront de toute façon par prendre le
pouvoir, c’est inévitable. Mais plus
tard ce jour arrivera, plus ils seront
civilisés".
Pourrait-on imaginer dans l’avenir
une scène politique russe partagée entre
un bloc centriste (concentré autour de
Russie-Unie et/ou du Front populaire
Russe) et un bloc nationaliste? Et si la
réelle
opposition, après avoir été
communiste de 1991 à aujourd’hui,
devenait à l’avenir l’opposition
nationaliste?
© 2013
RIA Novosti
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