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Tabassé et "marqué"
Italie : la sauvagerie continue
Alessandro Braga
1er octobre 2008 Traîné, arrêté, passé à tabac ;
puis dénudé et humilié une fois arrivée au siège de la police
municipale. Dépossédé aussi de ses droits, comme celui de passer
un coup de téléphone chez lui. Et même dénigré : une fois
relâché, sur l’enveloppe qui contenait le procès- verbal des
charges qui lui étaient adressées (une enveloppe officielle de
la Commune de Parme, avec l’emblème de la ville) pas de nom ni
de prénom mais la mention "Emmanuel, nègre", comme si la couleur
de sa peau n’était pas un fait naturel mais un honte. D’ailleurs
"nègre de merde " atteint désormais des sommets dans la hit
parade de l’injure les plus utilisée en Italie ; Il est suivie
de près par "sale juif" ; stable : le débonnaire "arabe
terroriste" ; En chute : l’ancien "cul terreux (même s’il reste
en tête au Nord). Et, dans un pays où il n’y a même pas un mois,
à Milan, un jeune de 9 ans (un italien mais de couleur) a été
massacré à coup de barres de fer parce que soupçonné d’avoir
volé un paquet de gâteaux, cela n’étonne pas (et peut -être ne
suscite même plus l’indignation) que ces expressions soient
utilisées par des officiers dans l’exercice de leurs fonctions.
Bonsu Emmanuel Foster, pendant qu’il raconte sa
mésaventure aux cameras du site Repubblica.it de Parme, il
n’arrive pas à garder son œil droit ouvert, encore gonflé par le
passage à tabac. Mince, à peine au-dessus du mètre soixante ,
Emmanuel est un jeune immigré du Ghana de vingt-deux ans
(précisons qu’il est régulier, au cas où cela intéresserait
quelqu’un et si le fait d’être régulier ou irrégulier peut
changer quelque chose à un épisode comme celui-ci).
Lundi après-midi, peu après 18 heures, il allait
à l’école (il fréquente un institut technique du soir). En
avance sur le début des cours, après avoir déposé son cartable
avec ses papiers à l’intérieur de la salle de classe, il décide
de se balader dans le parc ex Eridania en face de l’institut. Il
est 18h25. Emmanuel remarque derrière lui deux hommes qui
parlent avec leurs portable et un troisième qui s’approche. Tout
d’un coup, et sans s’identifier, dit le jeune homme, celui-ci
lui bloque ses mains, rejoint par les deux autres qui
l’encerclent. A ce moment Emmanuel se débat et commence à
vouloir s’enfuir, ils le rattrapent et le jettent à terre. "Ils
m’ont mis un pied sur la tête - dit-il- et il ont commencé à me
frapper. Puis ils m’ont menotté, l’un d’entre eux m’a donné un
coup de poing. Il dit qu’il l’on frappé avec des matraques "
peut-être des bouteilles d’eau"
Certainement ils lui ont fait mal. Le passage à
tabac continue dans la voiture de service qui le transporte au
siège des vigiles urbains. Les phrases racistes fusent :
"Nègre", "Calme toi nègre". Une fois arrivées au siège de via
del Taglio - Celui-là même où à la mi-août une prostituée
nigérienne avait été abandonnée pendant des heures évanouies
dans sa cellule- les agents continuent leur "show" très
personnel. Entre temps arrive la justification de
l’arrestation : arrêté parce qu’il s’enfuyait. Etant donne que
personne ne s’était identifié comme policier, ils emble tout à
fait légitime que le jeune homme ait eu peur et ait tenté de
s’enfuir. Conduit en cellule, ils l’obligent à se déshabiller.
Une fois totalement nu ils le font "défiler hors et dans la
cellule. "J’avais peur - dit il- ils voulaient m’obliger à
signer des documents mais je m’y suis opposé. J’ai demandé
d’appeler chez moi, ils m’ont dit que je ne pouvais pas si je ne
signais pas d’abord. Il lui montrent un morceau de "shit », ils
lui disent " nègre, nous l’avons trouvé dans ta poche", ils
affirment que l’autre détenu dans la cellule a avoué sa
complicité. Emmanuel insiste, il dit qu’il ne le connait même
pas, puis il cède et signe les papiers. Il est environs 22
heures quand les agents appellent les parents du jeune. Son père
Alex, ouvrier métallurgiste est en Italie depuis 1995, il arrive
vers 23 heures au commissariat avec son épouse. Des qu’il voit
son fils mal en point il demande des explications aux policiers.
"Il est tombé", répondent-ils. Le père furieux, demande à son
fils s’ils l’ont frappé. "Il m’a juste répondu oui", dit-il.
Puis ils le relâchent. A son père ils donnent enveloppe avec le
procès-verbal avec la mention, "Emmanuel négre". Le jeune homme
se rend aux urgences : on y constate un hématome et une blessure
à la main. Il boite. Hier matin, Emmanuel se présente à la
caserne des carabiniers pour porter plainte. L’office national
contre les discriminations a ouvert une enquête pour faire la
lumière sur les faits. La Commune en diligente une en interne.
La commandante des vigiles, Emma Monguidi, dément les
accusations, elle affirme que "deux agents ont également été
blessés", des phrases racistes, on ne veut même pas en entendre
parler. Le vaillant maire adjoint à la sécurité Constantino
Monteverdi, assure qu’il "ira jusqu’au bout". En attendant dans
le doute, il parle d’une arrestation "plutôt mouvementée et qui
a blessé deux agents" vraisemblablement " de la part du jeune
homme. Vraisemblablement.
Alessandro Braga
Il Manifesto 1 octobre 2008
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