Alan Hart
Jeudi 4 mars 2010
http://www.infomationclearinghouse.info/article24917.htm
Le débat en train de prendre de l’ampleur
autour de l’avenir d’Israël offre deux scénarios. Mais il en
existe un troisième qui, apparemment, ne saurait être débattu
publiquement. C’est donc précisément ce que nous allons faire…
Parmi les plus récents contributeurs à ce
que j’appellerai le débat à deux scénarios, nous ne trouvons
rien de moins qu’un Ehud Barak, ministre israélien de la
Défense. Lors d’un discours prononcé dans le cadre de la
conférence sur la sécurité nationale d’Herzliya, puis, à
nouveau, aux Etats-Unis, il a mis en garde contre le fait que
s’il ne parvenait pas à une paix avec les Palestiniens, Israël
deviendrait un pays d’apartheid.
Quand l’ex-président américain Carter a
utilisé ce mot commençant par un « A », initialement dans le
titre de son livre : La Palestine : la paix, et pas l’Apartheid,
il fut traîné dans la boue par l’Anti-Defamation League (ADLp,
un des chiens d’attaque institutionnalisés les plus vicieux en
Amérique. Celle-ci déclara : « Le recours à ce terme incendiaire
d’apartheid pour parler d’Israël et de sa politique est
inacceptable et honteux. L’apartheid, ce système raciste abhorré
en Afrique du Sud n’a rien à voir avec la politique israélienne.
Non seulement la politique israélienne n’est pas raciste, mais
la situation dans les territoires (occupés) ne résulte en rien
d’une quelconque intention israélienne d’opprimer ou de réprimer
les Palestiniens : cette situation est le résultat du rejet
d’Israël par les Palestiniens et du recours à la terreur et à la
violence à l’encontre de l’Etat juif ».
A la lumière d’une telle attaque (peu
importe le fait qu’elle était mêlée à un délire de propagande
sioniste), il doit être dit que Barak avait fait montre d’un
certain degré de courage politique en s’alignant apparemment sur
la position de Carter sur cette question.
A la conférence d’Herzliya, il y eu de
nombreuses communications faisant état de préoccupation au sujet
des critiques croissantes, dans le monde entier, à l’encontre
d’Israël. Barak a lui-même fait allusion au risque qu’Israël
perde sa légitimité dans le cas où un accord de paix avec les
Palestiniens ne se dégageait pas. Il a en effet déclaré : « Le
pendule de la légitimité est appelé à dériver de plus en plus
vers l’autre pôle ».
Son avertissement, le voici : « Aussi
longtemps qu’il n’y aura, à l’Ouest du Jourdain, que l’unique
entité politique appelée Israël, celle-ci sera appelée à être
soit non-juive, soit non-démocratique… Si ce bloc constitué de
millions de Palestiniens ne peuvent voter, nous aurons un Etat
d’apartheid ».
Ce que Barak voulait dire, avec une
concision dont il a le secret, est évident pour les détracteurs
d’Israël (dont votre serviteur) depuis des années. S’il continue
à occuper la Cisjordanie, Israël disposera du choix de donner
(ou non) le droit de vote à tous les Arabes placés sous son
contrôle.
Donner à tous le droit de vote n’est pas
une option, parce qu’avec le temps, les Palestiniens arabes
seront plus nombreux que les juifs d’Israël et leur vote
pourrait signifier la fin de l’existence de l’Etat sioniste.
Mais donner à tous les Arabes le droit de
vote n’est pas non plus une option. Pourquoi ? Pour bien
d’autres raisons que la simple affirmation qu’Israël deviendrait
un Etat d’apartheid. A un certain moment, un tel Etat serait
inacceptable pour le reste du monde, tant pour ses gouvernements
que pour leurs peuples, dont, probablement, la plupart des juifs
vivant dans le monde entier. Et viendrait le temps où un Israël
d’apartheid serait formellement déclaré paria par la communauté
internationale et soumis à des sanctions comme l’Afrique du sud
avait fini par l’être.
Un Israël d’apartheid aurait alors le choix
entre mettre un terme à son occupation et se retirer à
l’intérieur de ses frontières d’avant juin 1967, préférablement
avec une clause prévoyant la transformation de Jérusalem en
ville ouverte, indivisible et capitale de deux Etats, l’un étant
Israël et l’autre la Palestine, ou dire au monde entier d’aller
se faire foutre. (Au passage, il convient de noter que la
véritable division, dans l’Etat sioniste, au niveau des
dirigeants, a toujours opposé ceux (représentés par Moshe
Sharett) qui pensaient que ce que pensaient les Gentils avait
une importance à ceux, très nombreux et représentés par
Ben-Gourion, qui pensaient que ce que pensaient les Gentils
n’avait strictement aucune importance).
Un examen rationnel des options entre « paix ou apartheid »
aboutirait à la conclusion que dans le meilleur intérêt de
toutes les parties concernées, Israël devrait faire la paix sur
la base de son retrait de tous les territoires qu’il a conquis
lors de sa guerre de 1967, en échange d’une paix totale et
définitive non seulement avec les Palestiniens, mais avec
l’ensemble du monde arabe et, plus largement, avec l’ensemble du
monde musulman. Une telle paix, de fait, est possible (toutefois
la question de savoir pour combien de temps est une bonne
question). En effet, en dépit des assertions du contraire par le
sionisme, la vérité, c’est que le Hamas pourrait vivre avec un
Israël à l’intérieur de ses frontières pré-1967 et que, plus
important encore, le Hezbollah et l’Iran pourraient accepter
tout ce que les Palestiniens auraient accepté, et non seulement
ils pourraient l’accepter, mais ils l’accepteraient
effectivement.
Le problème, c’est que le sionisme est si
outrancièrement arrogant, si insupportablement confit dans son
prétendu bon droit, tellement congénitalement incapable de tout
débat rationnel. Ses dirigeants et ses partisans sont
aujourd’hui les victimes de leur propre propagande à un point
qui les rend insensibles à tout raisonnement rationnel.
Plus effrayant que tout : le fait que les
dirigeants du sionisme vivant en Israël savent bien qu’il existe
une troisième option. J’appelle cette option : l’Epuration
Ethnique Finale des Palestiniens.
Dans la troisième édition de mon ouvrage « Zionism:
The Real Enemy of the Jews » [Le sionisme : Le véritable
ennemi des juifs], à paraître bientôt, j’imagine que ce
processus pourrait commencer par le « transfert » des Arabes
israéliens, et puis qu’une fois cela accompli, un prétexte
serait créé afin de chasser les Palestiniens de la Cisjordanie
occupée vers la Jordanie ou n’importe où. Quel serait alors le
sort de ceux qui vivent dans la bande de Gaza ? Ceux qui ne
s’enfuiraient pas seraient condamnés à pourrir sur place.
Le scénario que j’ai évoqué dans le
paragraphe précédent est presque trop terrible pour que l’on
puisse y réfléchir, mais il risque de se produire si le
président Obama ou son successeur devait ne pas avoir le courage
ou la capacité (ou les deux) d’exiger d’Israël qu’il soit
sérieux en matière de paix, en des termes acceptables pour la
quasi-totalité des Palestiniens et pour la plupart des autres
Arabes et musulmans, dans le monde entier.
Alan Hart, écrivain, est un ancien
correspondant en chef pour le Moyen-Orient de la chaîne
Independent Television
News [1] et actuel présentateur de l’émission Panorama de la
BBC, spécialisé dans le Moyen-Orient. Il a écrit plusieurs
livres, dont Zionism: The
Real Enemy of the Jews. Voici l’adresse de son site :
http://www.alanhart.net/
Traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier