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Carnets du diplo
Annapolis
(suite et sans doute fin ...)
Alain Gresh
30 novembre 2007
A écouter les journalistes sur les chaînes de radio le
mercredi 28 novembre, un fait émergeait : personne ne citait
précisément la
déclaration israélo-palestinienne adoptée lors de la réunion
d’Annapolis. Il était donc bien difficile de se faire une
opinion précise, au-delà des envolées émues sur la relance de
la paix. Même pour ceux qui, comme moi, pensaient qu’Annapolis
allait ressembler à « un
village Potemkine » de la paix, la lecture de ce texte
est pourtant un choc. Nous nous engageons, affirment Israéliens
et Palestiniens dans des négociations vigoureuses, continues
et deploierons tous les efforts possibles pour parvenir à un
accord avant la fin 2008. Dans ce but, il a été conclu qu’un
comité de pilotage mené conjointement par le responsable de la délégation
de chaque partie se réunira régulièrement Les deux parties
s’engagent aussi à faire appliquer la feuille de route :« Les
parties s’engagent également à remplir immédiatement leurs
devoirs respectifs édictés par la
"feuille de route" sur une solution permanente à
deux Etats résolvant le conflit israélo-palestinien telle
qu’elle a été mise en place le 30 avril 2003 par le Quartette,
et conviennent de former une structure américano-palestino-israélienne,
dirigée par les Etats-Unis, destinée à suivre l’application
de la Feuille de route. » Mais la feuille de route prévoyait
la création d’un Etat palestinien avant la fin 2005 ;
pourquoi ce qui a été décidé à l’époque n’a jamais été
appliqué ? Pourquoi le serait-il maintenant ?
Mais le plus inquiétant, dans la déclaration commune, c’est
l’absence de toute base juridique ou légale aux négociations ;
il n’y a aucune référence au droit international ni même à
la résolution 242 du Conseil de sécurité et à l’idée d’échange
de la paix contre les territoires. Les deux parties s’engagent
à « des négociations bilatérales en toute bonne foi ».
En toute bonne foi ? Mais que signifie ce terme ? Ehoud
Olmert pense, « en toute bonne foi », que Jérusalem,
y compris sa partie arabe conquise en 1967, est « territoire
israélien » ; il pense « en toute bonne
foi », que les grands blocs de colonies doivent être
annexés à Israël. Il pense aussi, « en toute bonne foi »,
que la sécurité des Israéliens est plus importante que celle
des Palestiniens.
Une nouvelle exigence est apparue, appuyée par le président
Bush dans son discours, la reconnaissance d’Israël comme « un
Etat juif ». Comme l’explique Jeff Halper, sur le site
Counterpunch, dans un texte intitulé « Israel’s
Strategy for Permanent Occupation » ((28 novembre 2007) :
« On demande aux Palestiniens de reconnaître
formellement l’Etat d’Israël. Ils l’ont déjà fait en 1988
quand ils ont accepté une solution fondée sur deux Etats, puis
au début du processus d’Oslo et ils ont réitéré cette
position durant les deux dernières décennies. Maintenant vient
une nouvelle demande : qu’avant toute négociation, ils
reconnaissent Israël comme Etat juif. Non seulement ceci
introduit un nouvel élément dont Israël sait que les
Palestiniens ne peuvent pas l’accepter, mais cette demande remet
en cause le statut d’égalité des citoyens palestiniens d’Israël,
soit 20% de la population israélienne. Ceci ouvre la voie au
transfert, au nettoyage ethnique. Tzipi Livni, la ministre israélienne
des affaires étrangères, a dit récemment dans une conférence
de presse que l’avenir des citoyens arabes d’Israël est dans
le futur Etat palestinien, pas en Israël même. »
Contrairement à certains lecteurs de ce blog qui voient dans
l’Autorité palestinienne des traitres, prêts à vendre la
Palestine (accusation qui avait été portée régulièrement
contre l’OLP et Yasser Arafat à partir des années 1980), je
pense que la direction actuelle palestinienne ne peut pas faire de
compromis sur le retrait israélien de tous les territoires occupés
en 1967 ni sur Jérusalem, ni sur le principe du droit au retour
des réfugiés. Ses exigences minimales seront les mêmes que
celles de la direction palestinienne en 2000-2004, du sommet de
Camp David à la réunion de Taba. Or ces exigences (un minimum)
sont inacceptables par la direction israélienne. Le plus probable
donc n’est pas une « capitulation » de la direction
palestinienne mais la poursuite de l’impasse qui dure depuis...
quarante ans.
Un des éléments nouveaux dans cette réunion est
l’implication plus directe des Etats-Unis sur le dossier,
implication que l’administration Bush avait évité depuis sept
ans. Mais il est à noter qu’ils ne s’impliqueront pas dans
les négociations sur la solution définitive : ils seront
dans « une structure américano-palestino-israélienne,
dirigée par les Etats-Unis, destinée à suivre l’application
de la Feuille de route ». (...) « Les
Etats-Unis surveilleront et jugeront de l’accomplissement de
l’engagement des deux parties sur la Feuille de route. »
Ceci revient d’ailleurs à mettre de côté les autres membres
du Quartet (Russie, Union européenne et Nations unies) qui sont
censés superviser la feuille de route.
Alors, une réunion pour rien ? Pas exactement si l’on
comprend les vraies raisons du sommet, que précise l’éditorial
du Monde du 29 novembre, « Dernière
chance ? » : « Sept ans après son
arrivée à la Maison Blanche, George Bush s’est finalement décidé
à s’emparer du dossier israélo-palestinien, dont il avait concédé
jusqu’à présent la gestion aux gouvernements israéliens
successifs. Il convient de saluer cet engagement américain, aussi
tardif soit-il, et qui doit manifestement beaucoup à la secrétaire
d’Etat Condoleezza Rice. Mais il faut également en rechercher
les raisons véritables à l’est de Jérusalem, en Iran plus précisément. »
C’est aussi ce qu’explique Steven Erlanger, sur le site du International
Herald Tribune, sous le titre « A
large shadow cast by an absent Iran » (27 novembre 2007) :
« La conférence de paix sur le Proche-Orient était
officiellement convoquée pour résoudre le conflit israélo-palestinien.
Mais il y avait, sous la surface, un but dont on ne parlait pas,
arrêter la montée de l’influence de l’Iran et du radicalisme
islamique. »
Une analyse que partage Shmuel Rosner sur le site du quotidien Haaretz,
« Analysis
/ Four quick points on Israel-Palestinian joint statement »
(27 novembre). Il explique que « le timing de la conférence
est important pour Israël particulièrement. (...) C’est
l’année où Bush doit prendre une décision importante
concernant Israël : s’il faut empêcher l’Iran pour tous
les moyens nécessaires d’acquérir l’arme nucléaire ».
De ce point de vue, peut-on parler de succès américain ?
Il est difficile de répondre. La large participation arabe est
incontestablement importante pour eux. Mais un pays comme l’Arabie
saoudite a traîné les pieds et son ministre des affaires étrangères
a refusé de se faire photographier avec son homologue israélien.
Et Ahmad Kasshogi, dans le quotidien saoudien Al-Watan du
28 novembre, dénonçait « l’idée fausse des Américains
qu’il y avait dans la région un camp modéré et un camp extrémiste,
et que le royaume saoudien et Israël, avec d’autres
appartenaient au camp modéré, alors que l’Iran, le Hamas, la
Syrie et le Hezbollah étaient dans le second camp. Le royaume,
l’Iran, la Syrie, le Hamas, avec l’Egypte, la Jordanie, et
d’autres pays arabes appartiennent au même camp liés entre eux
par l’histoire, la religion, la langue et l’appartenance à
l’Orient. Israël est quelque chose de tout à fait différent ».
Comment analyser la présence syrienne ? Pour l’instant,
j’ai du mal à la décrypter. Est-ce que l’invitation envoyée
à Damas et l’acceptation de Damas d’y participer marque un
infléchissement des relations syro-américaines ? Bush n’a
pourtant pas mentionné la Syrie dans son discours. Mais des
discussions sur le Golan devraient commencer rapidement à Moscou.
Enfin, au Liban, un compromis pas trop défavorable à Damas
semble se dégager avec la candidature du général Sleimane, le
chef de l’armée, à la présidence.
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