Nouvelles
d'Orient
Juifs et pas
israéliens
Alain Gresh
Alain
Gresh
Vendredi 4 septembre 2013
« Une défaite de l’israélièneté » (« A
defeat for Israeliness »), tel est
le titre de l’éditorial du quotidien
Haaretz du 4 octobre.
« Le refus de la Cour suprême
d’approuver la pétition de 21 citoyens
israéliens qui cherchent à être reconnus
comme membres de la nation “israélienne”
plutôt que juive, et de changer la façon
dont leur nationalité est consignée dans
le registre de la population, est une
indication supplémentaire que la lutte
civique sur la nature de l’Etat d’Israël
a échoué. Soixante-cinq ans après la
création de l’Etat, les autorités ne
reconnaissent toujours pas une
nationalité israélienne indépendante de
l’appartenance religieuse ou ethnique. »
(...)« dans leur décision, les
juges ont nié l’existence d’une
nationalité israélienne, affirmant que
les pétitionnaires n’ont pas réussi à
prouver qu’une nationalité israélienne
sans lien avec l’appartenance religieuse
ou ethnique avait été effectivement
créée. Le juge Hanan Melcer est allé
encore plus loin, affirmant que la
vision du monde qui fait la distinction
entre citoyenneté et nationalité est
ancré dans le statut constitutionnel
d’Israël en tant qu’Etat juif (...). »
Comme je le rappelais dans
De quoi la Palestine est-elle le nom ? :
« Israël est la seule démocratie
qui opère une distinction entre
citoyenneté et nationalité : tous les
titulaires de la citoyenneté (ezrahut)
ont, en principe, des droits égaux, mais
seuls certains, les Juifs, forment la
nationalité (le’um). En 1970, Shimon
Agranat, président de la Cour suprême, a
confirmé que l’on ne pouvait pas parler
de “nationalité israélienne”, parce
qu’il n’existait pas de nation
israélienne séparée de la nation juive
et qu’Israël n’était même pas l’Etat de
ses citoyens juifs, mais celui des juifs
du monde. »
Selon la loi du retour adoptée par le
Parlement le 5 juillet 1950, « tout
juif a le droit d’immigrer dans le
pays ».
Ce qui signifie, comme le rappellent
les Palestiniens, qu’un des leurs né à
Haïfa ou à Jérusalem et dont la famille
a été expulsée en 1948 n’a pas le droit
de rentrer chez lui, alors qu’un citoyen
américain ou russe, du simple fait qu’il
est de confession juive, peut
s’installer en Israël (je dirais même,
s’il est « blanc », puisque 20 % à 30 %
des Russes immigrés en Israël ne
seraient pas juifs).
David Ben Gourion, fondateur de
l’Etat, déclarait : « Ce n’est pas
l’Etat qui accorde aux juifs de
l’étranger le droit d’installation, mais
ce droit est en chaque juif dans la
mesure où il est juif. »
Comment s’étonner, dès lors, que les
Palestiniens citoyens d’Israël se
sentent de plus en plus aliénés dans cet
Etat ? En mars 2010, Scandar Copti,
codirecteur arabe du film israélien
Ajami, nominé pour un Oscar à
Hollywood, déclara qu’il ne représentait
pas Israël : « Je ne peux représenter
un pays qui ne me représente pas. »
Une opinion que partagent nombre de
citoyens arabes d’Israël : il existe
plus de trente lois accordant des droits
spécifiques et supérieurs aux juifs, y
compris dans les domaines de
l’immigration, de la naturalisation, du
travail ou encore de l’accès à la terre.
L’existence du Monde
diplomatique ne peut
pas uniquement dépendre du
travail de la petite équipe
qui le produit, aussi
enthousiaste soit-elle. Nous
savons que nous pouvons
compter sur vous.
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