Opinion
Palestine :
Hollande en recul par rapport à Sarkozy
Alain Gresh
Alain
Gresh
Vendredi 2 novembre
2012 Qui l’eût cru ? Le président
Nicolas Sarkozy s’était longtemps
présenté en ami d’Israël, en ami de son
premier ministre Benyamin Netanyahou. Il
avait accéléré le rapprochement avec cet
Etat sur tous les plans, aussi bien
politique, militaire, policier,
qu’économique. Il ne faisait d’ailleurs
que suivre l’impulsion donnée par
Jacques Chirac à partir de 2004
(l’histoire du tournant pro-israélien de
la politique étrangère française reste à
écrire). C’est un ministre de son
gouvernement, Bernard Kouchner, qui
avait porté,
en décembre 2008, le « rehaussement
» des relations entre l’Union européenne
et Israël.
Pourtant, à la fin de son mandat,
Sarkozy avait pris conscience du fait
que Netanyahou ne voulait la paix à
aucun prix. En novembre 2011, en marge
du sommet du G20 à Cannes,
il confiait : « Je ne peux plus
le voir, c’est un menteur. » Quand
l’Autorité palestinienne avait demandé
la reconnaissance de l’Etat palestinien,
en septembre 2011, la France avait
certes refusé de l’appuyer au Conseil de
sécurité, mais Sarkozy avait demandé que
la Palestine puisse bénéficier d’un
statut d’observateur, au même titre que
le Vatican ou la Suisse (avant son
adhésion à part entière à l’ONU). Il
restait à voir comment allait se
comporter le nouveau président français.
Dans son programme pour la
présidentielle, Holande assurait : «
Je prendrai des initiatives pour
favoriser, par de nouvelles
négociations, la paix et la sécurité
entre Israël et la Palestine. Je
soutiendrai la reconnaissance
internationale de l’État palestinien.
» (Lire Dominique Vidal,
« François Hollande et le conflit
israélo-palestinien », AFPS, 7 avril
2012.)
Dans une déclaration datée du 15 juin
2011, intitulée
« Le Parti socialiste appelle la France
et l’Europe à reconnaître l’Etat
palestinien pour avancer vers la paix et
la réconciliation entre les peuples
israéliens et palestiniens », le PS
se prononçait donc pour la
reconnaissance sans conditions de l’Etat
palestinien, et ajoutait même :
« La communauté internationale
doit convoquer au plus tôt une
conférence de paix sur le Proche-Orient
afin de fixer les paramètres de l’accord
de paix israélo-palestinien et les
engagements de la communauté
internationale en matière de sécurité,
d’aide économique et de coopération avec
la région. »
Il n’était nullement question de
reprendre les négociations bilatérales
sans conditions...
Désormais au pouvoir, Hollande a
totalement changé de discours. Déjà,
lors de son intervention à l’Assemblée
générale des Nations unies en septembre
2012 («
Discours du Président de la République à
l’occasion de la 67ème Assemblée
générale des Nations unies »), la
question palestinienne avait été à peine
effleurée :
« Le statu quo que nous
connaissons n’est pas une réponse. C’est
une impasse. La France, là encore, j’en
prends l’engagement, contribuera de
toutes ses forces à restaurer les bases
d’une négociation devant déboucher sur
la coexistence de deux Etats, dont
chacun sait bien qu’elle est la seule
solution, pour qu’il puisse y avoir une
paix juste et durable dans cette région.
»
Et la visite de Netanyahou à Paris
confirme l’alignement de la politique
française, au-delà des habituelles
réserves sur la colonisation, dont le
caractère rituel serait risible s’il
n’était pas dramatique (lire l’excellent
éditorial du Monde [1er
novembre],
« Israël-Palestine : l’Europe se renie ».
Je laisse de côté la question de la
visite du premier ministre israélien à
Toulouse en hommage aux victimes juives
de Mohammed Merah, organisée par ceux-là
même qui dénoncent « l’importation » du
conflit israélo-palestinien en France et
la communautarisation de la vie
politique.)
Voici quelques extraits de la
conférence de presse des deux hommes qui
s’est tenue le 31 octobre («
Conférence de presse conjointe du
Président de la République et du Premier
ministre israélien ») :
Après avoir évoqué l’Iran, Hollande
aborde le problème israélo-palestinien :
« Le second sujet, c’est le
processus de paix. La France souhaite la
reprise — sans conditions — des
négociations entre Israéliens et
Palestiniens. Avec le même objectif,
celui que nous poursuivons depuis des
années, pour ne pas dire depuis des
décennies, c’est-à-dire deux Etats :
l’Etat d’Israël avec la sécurité qui
doit lui être garantie et l’Etat
palestinien qui doit pouvoir vivre. »
« Ces négociations sont espérées
et attendues. Je sais qu’il y a des
élections dans quelques semaines en
Israël, au mois de janvier. Il y a aussi
la tentation pour l’Autorité
palestinienne d’aller chercher, à
l’Assemblée générale des Nations Unies,
ce qu’elle n’obtient pas dans la
négociation. Seule la négociation pourra
déboucher sur une solution définitive à
la situation de la Palestine. Voilà
l’esprit qui a été le nôtre, le travail
que nous avons engagé. »
Deux remarques.
La demande de reprise des
négociations « sans conditions » » est
la copie exacte de la politique
israélienne : négocier alors même que la
colonisation s’intensifie ; négocier
sans aucun cadre est la garantie, comme
l’ont prouvé ces dix dernières années,
que les discussions n’aboutiront à rien.
C’est exactement ce que défend
Netanyahou —
faisons semblant de négocier...
Recul encore plus significatif :
l’idée que l’Autorité palestinienne ne
doit pas aller devant l’Assemblée
générale des Nations unies pour demander
la reconnaissance de l’Etat palestinien.
Recul par rapport à Sarkozy, recul par
rapport au programme du candidat, recul
par rapport au programme du Parti
socialiste, recul, surtout, par rapport
au droit international, dont personne ne
semble se soucier dès qu’il s’agit de la
Palestine.
Dans un envoi fait en juillet 2011,
j’avais noté que la France et Israël
avaient renoué
avec 1956, quand les gouvernements
socialistes des deux pays s’alliaient
pour attaquer l’Egypte et pour
développer le programme nucléaire
israélien. Est-ce cette alliance qui se
consolide aujourd’hui entre un
gouvernement de droite et le
gouvernement socialiste ?
Dans ce contexte, la session
qu’organise l’Université populaire de
Nouvelles d’Orient et de l’Iremmo prend
encore plus de relief :
Quel avenir pour la
Palestine ?
Université populaire, samedi 10
novembre, 5/7, rue Basse des
Carmes 75005 Paris — Métro : Maubert
Mutualité / Bus : 63, 86, 87 —
Inscription obligatoire.
Séance 1 (10 h 30-12 h 30) :
histoire et actualité de Gaza, avec
Jean-Pierre Filiu, professeur des
universités à Sciences Po (Paris),
auteur de Histoire de Gaza
(Fayard, 2012).
Séance 2 (14 h-16 h) : l’économie
de la Palestine : acheter la paix ?,
avec Julien Salingue, doctorant en
science politique à l’Université
Paris 8, auteur de A la recherche
de la Palestine : Au-delà du mirage
d’Oslo (Editions du Cygne,
2011).
Séance 3 (16 h-18 h) : la
Palestine, la CPI et le droit
international, avec Géraud de la
Pradelle, juriste international,
professeur émérite à l’université
Paris X-Nanterre.
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