Ha'aretz
Je ne jurerai pas
fidélité à Israël
Akiva Eldar
Akiva Eldar - Photo Ha'aretz
Ha'aretz, 19 juillet 2010
Pourquoi le gouvernement demande-t-il que seules
les personnes sollicitant la nationalité israélienne déclarent
leur loyauté à l’état juif et démocratique ? Je veux le faire
aussi !
Le temps est venu pour nous tous, que nous
soyons juifs, musulmans, ultra orthodoxes ou laïques, de
promettre loyauté au seul état juif démocratique du monde. A une
condition : il faut que la cérémonie d’engagement ait lieu dans
la cour du Tombeau des Patriarches après une visite du centre
d’Hébron.
Chaque citoyen saura alors ce que le pays fait
en son nom dans la cité des Patriarches. Chaque mère juive saura
"où la seule démocratie du Moyen-Orient" envoie ses enfants.
Ceux qui aiment ce qu’ils verront signeront la déclaration. Ceux
qui ne trouveront pas à Hébron les preuves que les valeurs et
les principes de la démocratie sont respectés, refuseront.
Avant de commencer la visite guidée du centre de
Hébron, il faut se rafraîchir la mémoire : l’accord de Hébron
qui a été signé en 1997 entre le gouvernement de Netanyahu et
l’Autorité Palestinienne divise Hébron en deux parties. D’un
côté un espace arabe contrôlé par l’Autorité Palestinienne (H1)
et de l’autre un espace juif contrôlé par l’armée israélienne
(H2). Dans la partie arabe vivent 120 000 Palestiniens et dans
la partie juive, qui comprend la vieille ville et le centre
commercial de la ville, il y a 500 Juifs et 30 000 Arabes. Afin
de prévenir les conflits, Israël a imposé des règles
draconiennes de séparation physique entre les deux populations
et a réduit drastiquement la liberté de mouvement des
Palestiniens dans la plus grande partie du territoire H2.
Un couple de chiens haletants nous accueillent à
l’entrée de la rue Shuhada qui traverse le vieux quartier de
Hébron qui mène au Tombeau des Patriarches. Les portes des
magasins sont fermées et le marché est vide.
Quelqu’un a recouvert les graffitis racistes de
visages souriants sur fond rose.
Une étude de la zone autour de la colonie juive
menée par B’Tselem et l’Association pour les Droits Civils en
Israël à la fin de 2006, a révélé que 1829 magasins palestiniens
(plus de 75% de tout le commerce de la zone étudiée) ont été
fermés ces dernières années et plus de 1000 maisons (42%) ont
été abandonnées.
Yéhuda Shaul, fondateur de "Briser le silence"
dit que plus de 40% des résidents Palestiniens ont quitté la
zone.
Des soldats désoeuvrés jettent un coup d’oeil
nonchalant aux visiteurs et voyant qu’il s’agit "des leurs" ils
s’éloignent (peut-être pour aller au cours de danse). L’IDF
(l’armée israélienne NdT) a assuré à la Haute Cour de Justice il
y a deux, qu’il n’y avait plus de restrictions aux mouvements
des Palestiniens, mais les Palestiniens n’osent pas s’approcher
de cette zone.
Ils savent qu’à chaque coin de rue on leur
demandera leurs papiers et qu’on les fouillera. Eran Efarti qui
a servi au poste militaire de Abu Snuneh en 2007 dit que, entre
autres instructions, ils recevaient l’ordre de faire en sorte
que les habitants "se sentent persécutés".
Dans les données répertoriées par "Briser le
silence" il y a des témoignages de soldats qui décrivent les
moyens imaginés pour provoquer un tel sentiment. Par exemple
faire un recensement de la population en plein milieu de la nuit
(l’IDF appelle cela "cartographier") ou taper sur des marmites.
Un jeune homme maigre galope dans un champ sur
un cheval blanc, les franges (du sous-vêtement religieux que
portent les juifs NdT)) dépassant de sa chemise. Au pied de Beit
Hadassah, Shaul met sa kippa noire (la kippa est obligatoire
pour entrer dans un lieu de culte juif NdT) et nous indique
l’école de filles palestinienne.
Il dit qu’il a une vidéo dans son bureau qui
montre comment les enfants juifs du quartier ont l’habitude de
tuer l’ennui le Shabbat en jetant des pierres aux gamines de
l’école.
Dans une allée qui mène au marché et qui a été
fermée suite au massacre qui a eu lieu à la Tombe des
Patriarches au début de 1994* un groupe de jeunes juifs poussent
une charrette chargée de matériel de construction. Derrière les
portes barricadées des échoppes, sous le nez des soldats, ils
construisent une nouvelle petite colonie.
A l’entrée de la Tombe des Patriarches nous
avons été arrêtés par six Policiers des Frontières. Leur
commandant, qui nous a été rapidement dépêché, nous a expliqué
que nous ne pouvions pas entrer sur le site avec Yehuda Shaul
parce que ce dernier appartenait à un groupe "à caractère
politique". L’officier nous a confirmé que deux ou trois jours
plus tôt, Noam Arnon, le porte parole de la Communauté Juive de
Hébron, qui représentait pour l’occasion le Ministre des
Affaires Etrangères, avait accompagné un groupe de visiteurs au
Tombeau des Patriarches. Les colons de Hébron, comme chacun le
sait, forment un groupe qui n’a aucun "caractère politique".
Les actions de l’état dans la cité où les
Patriarches de la nation furent enterrés, à Shekh Jarrah dans la
vallée du Jourdain (où Israël expulse des Palestiniens NdT) et
dans la bande de Gaza, n’ont rien à voir avec le judaïsme ou la
démocratie. Aussi longtemps que l’état juif démocratique
montrera ce visage, je refuserai de m’engager à être loyal
envers lui.
*Baruch Godstein a tué plusieurs dizaines de
Palestiniens pendant une prière du Ramadan.
Texte Original
http://www.haaretz.com/print-editio...
Traduction D. Muselet
© LE GRAND SOIR - Diffusion non-commerciale autorisée et même
encouragée.
Merci de mentionner les sources.
Publié le 21 juillet 2010
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