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Ha'aretz
Sachez-le,
les enfants : ceci est la Ligne Verte
Akiva Eldar
Haaretz, 5 décembre
2006
www.haaretz.co.il/hasite/spages/796817.html
La Ministre de l’Enseignement a donné pour
instruction de réinscrire la Ligne Verte sur les cartes des
livres scolaires. Sera-t-elle aussi replacée maintenant sur la
carte météo ?
Dans
un article détaillé publié hier dans « Haaretz »,
le député Youval Steinitz, présentait les livres scolaires égyptiens
comme preuves à l’appui de son affirmation que les Egyptiens
n’étaient pas tournés vers la conciliation. « Dans
la majorité des cartes des livres scolaires », écrivait
le professeur Youval Steinitz, « ce
qui est indiqué à l’est de l’Egypte n’est pas ‘Israël’
mais ‘la Palestine’ ». Il est intéressant de voir
comment Youval Steinitz et ses amis de la droite réagiront à la
directive de la Ministre de l’Enseignement, Youli Tamir,
d’examiner tous les manuels scolaires dans lesquels apparaissent
des cartes d’Israël et de s’assurer que les nouvelles éditions
montreront aussi la Ligne Verte aux étudiants. Youli Tamir dit
qu’il n’est pas possible d’exiger des voisins arabes de
marquer les frontières du 4 juillet 1967, quand notre système
d’enseignement les efface des livres scolaires et de la
conscience des étudiants.
L’affirmation
que les ouvrages scolaires ont été mobilisés pour l’appareil
de propagande arabe apparaît aussi (en trois langues) dans le
chapitre qui y est consacré sous le titre « L’entreprise
de la haine » du site Internet du département de
l’information de l’armée israélienne, qui analyse les
manuels scolaires produits par l’Autorité Palestinienne. Les
auteurs pointent du doigt le fait que le nom d’Israël n’est
pas indiqué sur les cartes. Ils se plaignent de ce que sur les
cartes où est tracée la Ligne Verte, la seule qui comprenne Israël
et les « Territoires » (les guillemets sont dans le
texte) est d’une seule et même couleur. C’est là une des
« méthodes sophistiquées
pour tourner le problème », est-il écrit, et cela
« afin de se débarrasser
plus aisément de la critique, prévue, de ne pas prendre Israël
en considération ».
Et
comment fait-on, en Israël, avec la critique de ne pas tenir
compte de la Ligne Verte et du fait que les territoires situés à
l’est de celle-ci ne lui appartiennent pas ? On n’en
tient pas compte. Il y a deux ans, ont été publiés ici les
points essentiels de l’étude faite par le professeur Nourit
Peled-Elhanan, de l’école de pédagogie de l’Université Hébraïque,
sur six ouvrages scolaires publiés après les accords d’Oslo,
dont certains avaient eu droit à l’approbation officielle du
Ministère de l’Education – d’autres livres ayant été
adoptés par de nombreux enseignants, même en l’absence
d’approbation officielle. Parmi les résultats les plus
marquants de cette recherche, il y avait la non prise en compte
des villes arabes d’Israël et la présentation de sites et de
colonies de « Judée
et Samarie » (pas « Cisjordanie »)
comme faisant partie intégrante de l’Etat d’Israël.
L’étude
de Nourit Peled-Elhanan ainsi que les travaux d’autres
chercheurs, à commencer par le professeur Ruth Pirer de l’Université
Hébraïque, qui relevaient le même phénomène, ont déplu et
secoué la poussière dans les bibliothèques. Le professeur Yoram
Bar-Gal, chef du département de géographie et d’études de
l’environnement de l’Université de Haïfa, dit qu’en matière
de cartes, règne chez nous la règle universelle qui veut que
« ma carte est éducative, ta carte est de propagande ». Il note
que « les cartes bénéficient
d’un haut crédit. L’Etat d’Israël et le sionisme, comme
d’autres Etats et mouvements, exploitent cela à leur usage ».
Dans
un de ses articles, Yoram Bar-Gal a écrit que les politiciens qui
portent la responsabilité de décisions cruciales de guerre et de
paix, sont également responsables de l’imprégnation de la
carte mentale qui influe sur la motivation des adolescents
d’aujourd’hui à se proposer demain pour la défense des
frontières du territoire. Selon lui, la directive de la Ministre
de l’Enseignement de réinscrire la Ligne Verte sur les cartes
sera difficile à appliquer, parce que la majorité des livres
scolaires sont produits par des maisons d’édition privées qui
ne s’offriront pas volontiers à modifier les planches à leur
propre compte. L’examen du professeur Tamir se fera, par conséquent,
sur les tablettes du budget.
Yoram
Bar-Gal dit n’être pas sûr du tout que l’effacement de la
Ligne Verte des cartes l’ait dissimulée à la conscience du
grand public, ni savoir dans quelle mesure sa réinscription dans
les livres scolaires constituera un facteur décisif dans le
modelage de la carte mentale des étudiants. Selon lui, les livres
scolaires ne sont qu’une petite partie dans la marée
d’informations où ils sont exposés à la carte du Grand Israël,
par le biais de la télévision et de la presse écrite. « Le
quotidien ‘Haaretz’ a-t-il introduit la Ligne Verte dans la
carte météo qu’il publie chaque jour ? »,
interroge le chercheur de Haïfa.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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