Ha'aretz
La discrimination
prospère à Jérusalem Est
Akiva Eldar
Akiva Eldar - Photo Ha'aretz
Ha'aretz, 3 mai 2010
Pendant que les écoliers de Jérusalem
Ouest fêtent "la journée de Jérusalem" des milliers d’enfants de
Jérusalem Est resteront à la maison ou s’entasseront dans des
écoles délabrées.
Si tout se passe comme
prévu la semaine prochaine, avec le début des "discussions de
proximité" (en Anglais : proximity
talks NdT), des milliers de Juifs
fêteront les 43 ans de "l’unification de Jérusalem". Les hommes
politiques ne manqueront certainement pas cette opportunité
festive d’exprimer leur profond amour pour "notre capitale
unifiée pour l’éternité". Au même instant, la police continuera
à interroger les leaders municipaux qui, tout en chantant les
louanges de Jérusalem, ont approuvé la construction du
monstrueux complexe d’Holyland. Il n’est pas besoin des juges de
Jérusalem pour comprendre qu’un crime grave a été commis contre
la ville, avec cet Holyland. Mais la corruption qui règne sur la
colline de Jérusalem Ouest n’est rien en comparaison du vol de
terre, de la violation d’identité, de l’accumulation de
mensonges et de la discrimination criminelle dont souffrent les
270 000 résidents arabes de Jérusalem Est. Bien que ces actions
méprisables soient perpétrées en plein jour et depuis des
années, personne ne s’y intéresse. Après tout il ne s’agit que
d’Arabes. Si ça n’avait pas été annoncé, "par une regrettable
erreur de timing", au moment de la visite du vice-président des
USA, qui se serait soucié de la construction de 1600 maisons à
Ramat Shlomo ? Quelqu’un a-t-il cherché à savoir pourquoi le
représentant de l’Administration de la terre d’Israël (ILA) et
le Comité de la Planification et de la Construction du District
ont commué cette zone inconstructible en zone constructible ?
Qui sait combien d’appartements le Ministère du Logement et de
la Construction a construit pour les jeunes couples de Jérusalem
Est qui pourtant, selon le Premier Ministre Benjamin Netanyahu,
n’est pas différent du Nord de Tel Aviv ? Pour mémoire, depuis
1967, Israël a exproprié 35 pour cent du secteur de Jérusalem
Est (environ 24 km carrés). De nouveaux quartiers juifs avec 50
000 logements ont été construits sur cette terre.
Des centaines de promoteurs immobiliers,
d’entrepreneurs (et de fonctionnaires ?) s’enrichissent grâce à
ces constructions. Combien de quartiers ont été construit dans
le même temps pour les résidents arabes israéliens ? Zéro. Quand
le gouvernement a-t-il permis la dernière construction de 600
logements dans un quartier arabe ? Il y a 30 ans. La plus grande
partie de la terre que les Palestiniens détiennent encore
(environ 45 km carrés) a été classée "zone verte". Comme les
responsables politiques se refusent à établir un plan d’ensemble
pour Jérusalem, aucun permis de construire ne peut être accordé
en dehors des quartiers palestiniens surpeuplés.
Et après ça, les gens de droite osent se
plaindre de ce que, alors que les Arabes construisent sans
permis, on essaie "d’expulser" des Juifs de Beit Yonatan, un
grand building construit sans permis de construire en plein
milieu d’un quartier arabe, tel une arête coincée dans la gorge.
Le Premier Ministre répète à l’envie "qu’un Palestinien de
Jérusalem Est peut construire où il veut dans la ville". On a du
mal à croire que Netanyahu, qui est né à Jérusalem, ne sache pas
que seuls les citoyens israéliens et ceux qui ont droit à la
nationalité israélienne au titre de la Loi du Retour peuvent
prétendre à des terres qui sont la propriété de l’ILA (93 pour
cent de la terre d’Israël).
Non seulement les Arabes de Jérusalem Est
n’ont pas le droit d’acheter un appartement à Talbiyeh (dont le
nom a été officiellement changé en Komemiyut) où ils sont née il
y a 63 ans, mais la loi ne leur permet pas non plus de se
construire un logement sur le secteur dont les Palestiniens ont
été expropriés après 1967 et qui représente le tiers de
Jérusalem est. Par contre, le lauréat du prix Nobel de la Paix,
Elie Wiesel, qui a demandé au Président des USA, Barak Obama, de
ne pas s’occuper de Jérusalem, peut s’acheter sans problème une
maison de vacances dans le nouveau quartier résidentiel en
construction de Sheikh Jarrah.
Pendant que les écoliers de Jérusalem Ouest
célèbrent " la journée de Jérusalem" des milliers d’enfants de
Jérusalem Est resteront à la maison ou s’entasseront dans des
classes délabrées. Le Ministre de l’Education et le Maire, qui
exalteront "l’unification de Jérusalem" sont ceux-là mêmes qui
refusent d’appliquer la recommandation de la Haute Cour de
Justice de construire 250 salles de classe sur les 1000 qui
manquent dans la partie Est de la ville.
Et ceux qui ignorent la Haute Cour n’auront
aucun problème à ignorer les accords conclus avec des étrangers.
Qui se souvient que, selon la phase un de la Feuille de Route,
le gouvernement israélien s’était engagé à rouvrir la Chambre de
Commerce Palestinienne ainsi que d’autres institutions fermées
de Jérusalem Est, avec la promesse qu’elles pourraient
fonctionner comme le prévoyaient des accords antérieurs ?
"Pour l’amour de Sion je ne resterai pas en
paix et pour l’amour de Jérusalem je ne prendrai aucun repos
avant qu’Elle ne triomphe dans tout son éclat et que son salut
n’éclaire comme une torche et que les nations ne contemplent ton
triomphe et tous les rois ta gloire" a écrit le Prophète Isaïe.
On a du mal à croire que les "discussions de proximité" vont
apporter la paix à Israël et aux Palestiniens. Mais si elles
permettent au moins de remplacer les déclarations de principe
insipides et vaines par un peu plus de la sagesse et de la
justice qui émanent de Jérusalem, ce sera déjà bien.
Texte Original
http://www.haaretz.com/print-editio...
Traduction D. Muselet
Publié le 21 mai 2010
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