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Ha'aretz
Quarante années
d'ambiguïté
Akiva Eldar
[l'ambiguïté des termes
choisis en Israël pour désigner les problèmes (territoires
"administrés", occupés", "libérés",
"Judée-Samarie", Gaza "désengagée" (liste
à laquelle on pourrait ajouter le "mur/barrière/clôture"
de "séparation/sécurité/annexion") reflète l'ambiguïté
inhérente à toute la politique israélienne concernant les
Palestiniens depuis 40 ans. Au-delà : le refus du choix stratégique,
ou, si l'on veut être cynique, un choix
stratégique sans le dire]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/807833.html
Ha'aretz, 1er janvier 2007
L¹année 2007 marquera 40 ans d¹occupation de la Cisjordanie, ou
40 ans depuis la libération de la Judée et de la Samarie. L¹an
prochain, nous célébrerons les 40 ans du Jour de Jérusalem,
date de l¹annexion unilatérale de Jérusalem Est, ou de la réunification
de la capitale.
Il n¹y a pas accord sur les termes, ni entre nous, ni avec nos
voisins ni avec la communauté internationale. Mais ce qui compte,
c¹est que nous disposions déjà de la liste des célébrations
anniversaires de l¹une des
créatures les plus ambiguës qu¹ait connues le monde depuis
quelques générations.
Il est possible de trouver un certain nombre d¹avantages à la
politique nucléaire israélienne de l¹ambiguïté. Et Henry
Kissinger a fait carrière avec son «ambiguïté constructive»
comme méthode destinée à faire avancer ses objectifs
diplomatiques. Mais il est difficile de trouver phénomène plus
destructeur que l¹approche ambiguë de l¹establishment israélien
concernant les territoires «occupés/libérés/administrés.»
Peu après la guerre des Six jours, Ygal Allon, alors ministre du
travail, était interrogé à la Knesset sur la possibilité de
remplacer sur les cartes officielles les lignes de l¹armistice
(ou «ligne Verte») par celles du cessez-le-feu [d¹après la
guerre de 67, donc, ndt]. Allon expliqua : «Bien que ces lignes
[de 67] ne constituent pas des frontières politiques reconnues et
agréées, du point de vue du droit international, et du point de
vue politique pragmatique, ces lignes du cessez-le-feu sont les
seules lignes de démarcation qui existent entre Israël et ses
voisins.» Autrement dit, le contrôle par Israël des territoires
n¹est ni reconnu ni agréé, mais voilà ce que nous avons, et ce
que nous finirons par gagner.
Cette ambiguïté juridico-officielle a été bien aidée depuis
novembre 1967 par la différence entre la version anglaise de la résolution
[242] du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui
appelait Israël à se retirer "de territoires (from
territories) occupés lors du récent conflit", et la version
française qui parlait de retrait "des territoires".
Mais que faire de la population palestinienne qui s'obstine à
rester sur sa terre et menace de "gâcher" l'équilibre
démographique? Israël a trouvé une réponse toute d'ambiguïté
créative : l'application de la loi et de l'administration israéliennes
sur des zones choisies : Jérusalem et le Golan.
Dans les slogans, Jérusalem est une ville réunifiée. Mais en
pratique, la clôture de séparation coupe de la ville des
milliers de Palestiniens qui habitant pourtant à l'intérieur des
limites municipales de Jérusalem. La politique discriminatoire de
certains ministères et de la municipalité illustre l'ambiguïté
qui existe entre l'"unification" de la ville et sa judaïsation.
Cette ambiguïté convient parfaitement aux Israéliens. Et qui se
soucie du fait qu'elle ne convient pas aux Palestiniens?
Idem concernant la bande de Gaza : Israël s'est désengagé de
son territoire, mais continue à le contrôler de l'extérieur.
Alors qu'il n'y a pas de gouvernement reconnu et souverain dans la
bande de Gaza, l'ambiguïté réside dans la question de savoir si
Israël est complètement déchargé de sa responsabilité vis-à-vis
du sort des habitants de cette région misérable.
En Cisjordanie, dans ses parties non annexées, l'officier
militaire est souverain, et, d'après la quatrième convention de
Genève, aucun citoyen israélien ne devrait y être installé. Le
terme ambigu de "territoires
administrés" a été inventé, le concept de "terre d'Etat"
a été exhumé de la législation ottomane, et à part cela, nous
disons que "tout est ouvert à la négociation". Tout,
sauf les "blocs de colonies", bien sûr, dont les
limites
(comment pourrait-il en être autrement?) sont à la fois ambigus
et inacceptables pour l'autre côté. Pour permettre l'expansion
des colonies, en dépit de nos promesses internationales, nous
inventons le prétexte de devoir répondre à leur
"croissance naturelle" dont le volume est tout aussi
ambigu.
Enfin, pour nous protéger des Palestiniens, pour qui l'occupation
n'est pas du tout ambiguë, nous inventons la politique ambiguë
des assassinats, des sièges et des tirs. Cette ambiguïté est en
train d'avaler tout ce qu'il y a
de bon dans l'armée, la politique et toutes les branches des
institutions. Certaines des décisions judiciaires concernant
l'occupation/libération de la Cisjordanie / Judée et Samarie
indiquent que la maladie de l'ambiguïté a aussi touché la Haute
cour de Justice.
Après une addiction aussi longue et aussi enthousiaste à la
drogue de l'ambiguïté, comment s'étonner si les dirigeants et
l'opinion sont plongés dans la perplexité devant des défis
comme la résolution de la Ligue arabe de mars 2002, fondée sur
un principe clair : la terre en échange de la paix? Il est
tellement plus confortable d'avoir une Feuille de route sans
lignes claires et des célébrations d'"unification" aux
slogans creux. Trad. : Gérard
pour La Paix Maintenant
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